« Cher Jun,

J'ai pu retrouver la trace d'Haziel. Il est assez facile à suivre. Depuis quelques temps, il semble aller mieux. Je ne sais pas si ce sont les rencontres qu'il a fait qui lui ont permis de prendre conscience de certaines choses vis à vis de son état, mais son appétit est revenu. Cependant, il y a certaines choses que je ne comprend pas. Il est assez... distrait. Il bouge également beaucoup, passant d'un village à un autre sans jamais s'arrêter véritablement. Il ne parle à personne, ou juste pour demander son chemin. C'est très inhabituel chez lui. Normalement il est plutôt lent. Je ne sais pas si c'est une bonne chose. Heureusement, grâce au hasard, nous n'avons pas été touchés par les événements qui se sont déroulés il y a peu. Haziel était sur le Continent Mystérieux tout au long de la catastrophe et même si nous avons eu quelques difficultés, elles n'avaient rien de majeures. J'espère que vous allez bien même si je ne doute pas un seul instant du fait que vous vous en soyez sorti indemne. J'ai eu vent de la nouvelle concernant votre départ du trône des Chamans. Je me demande ce que vous allez faire à présent. Simple curiosité, je n'ai pas vocation à devenir votre confidente. Quoi qu'il en soit, Haziel continue son chemin. Je ne sais pas où ce dernier le mène mais dès que j'en saurai plus, je vous recontacterai.

Hella. ».

Hella était une Ondine qui avait promis à Jun un service : celui de suivre son clone afin de lui rapporter, jour après jour, ce qu'était sa vie. Elle ne devait pas le quitter, même si, parfois, elle manquait à ses obligations. Les temps avaient été difficiles, ne serait-ce que pour sa race vis à vis du conflit qui avait opposé les Ondins et les Sorciers. Le fait que la Dame des Abysses laisse l'Empereur Noir en plan le jour même de leur mariage avait fait couler de l'encre et s'agiter des langues. Et puis, lorsque la nouvelle de la culpabilité de Vanille avait pointé, le monde s'en était retrouvé abasourdi. Pour une fois, les Sirènes volaient la vedette aux Sorciers, comme une ultime offense à Lord. La jeune femme, malgré les drames que connaissaient le monde, la présence des étranges statues de pierres et des Masques d'Or, avait continué de suivre Haziel. Au début, il s'agissait que d'une mission comme une autre, d'un service très bien payé, mais plus le temps passait, plus le Chaman était pour elle une source de distraction. Ainsi, elle aimait le filer. Il ne s'en rendait pas compte, trop occupé à broyer du noir sans arrêt, mais c'était là une véritable aubaine pour elle.

Comme elle l'avait écrit dans sa lettre, depuis quelques jours déjà, Haziel avait changé de comportement. Un matin, il s'était levé et avait mangé avec appétit. Puis, il avait fait son baluchon – pas très grand – et était parti. Il s'était mis à marcher, marcher et encore marcher, faisant des escales à la tombée de la nuit pour dormir et pour manger. Cela n'était pas habituel pour un suicidaire. Mais peut-être était-ce le signe que ces temps troublés étaient terminés ? Peut-être était-ce le signe qui indiquait que l'homme avait décidé de se reprendre en main et de vivre enfin sa vie pleinement ? Elle ne voulait pas s'avancer. Elle l'observait de loin, c'était tout. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il se tramait dans son esprit. Si cela se trouvait, il avait pensé à une façon infaillible de se suicider et il y courait. Cela n'avait pas grand sens puisqu'il se nourrissait de nouveau correctement mais la jeune femme faisait des hypothèses avec les seuls éléments qu'elle possédait. Il n'avait pas tissé des liens forts, du moins, si tel était le cas, elle l'ignorait totalement. Quoi qu'il en soit, tant qu'elle n'aurait pas la certitude qu'Haziel avait décidé de vivre, elle ne préviendrait pas Jun. Du temps passerait, oui, mais elle préférait être sûre plutôt que de faire des conclusions hâtives. Pour le moment, la question qui se posait était plutôt celle de savoir où le Chaman allait, si tant est qu'il se rendait bien quelque part. Comme elle aurait aimé posséder une magie assez puissante pour lire dans l'esprit du jeune homme ! Cela lui aurait facilité la tâche à bien des égards. Dans l'état actuel des choses, elle n'avait plus qu'à attendre...

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