Le Rocher au Clair de Lune. L'un des maîtres lieux des Béluas. Peut être même le plus important car c'était ici qu'avaient lieux toutes les festivités ou presque, des homme-animaux. Raeden n'avait encore jamais eu l'occasion d'assister à l'une d'elle, vu qu'il ne faisait parti de cette race que depuis récemment. Cependant, il ne pouvait pas laisser cet état de fait ainsi ; il devait y remédier, comme à tant d'autres choses, et le plus tôt serait le mieux. Il y avait la curiosité de voir une telle réunion mais aussi la nécessité d'apprendre, d'assimiler et de comprendre ce qu'il était devenu, ce que cela impliquait et donc, le nouveau monde dans lequel il évoluait à présent. Sa destination d'aujourd'hui était donc ce fameux lieu de rassemblement des siens. Il avait appris qu'il devait y avoir ce jour, une manifestation au sommet de cet appendice géologique. Même s'il ne se sentait pas encore capable de prendre réellement part à l'ensemble, il estimait qu'il avait le droit et même le devoir, quand il pouvait, d'y aller, pour observer et découvrir.

La lune était déjà haute dans le ciel et sa lumière donnait une teinte bleue et majestueuse aux blocs rocheux. Un feu de camp avait été installé presque au point culminant de la formation géologique, avec juste assez d'espace autour pour que les gens puissent s'y réunir en cercle et se mouvoir sans se gener, sans se brûler et sans tomber. D'ailleurs, les Béluas étaient déjà tous ou presque, arrivés. Il y avait un premier cercle de ceux qui participaient à la cérémonie, et un peu plus loin, autour d'eux, une seconde ligne des fils et filles de la Lune qui n'avaient pas encore l'autorisation de se mêler au premier rang et qui se contentait donc simplement d'observer et d'apprendre. C'était parmi eux que se tiendrait cette nuit-là Raeden. Les participants étaient quant à eux, soit à moitié nus, des peintures sur le corps, juste des bandes de tissus couvrant les parties intimes, soit ils portaient des costumes faits de peau, de plumes et d'os. Lentement, ils commencèrent à se balancer d'avant en arrière. Des tambours, presque dissimulés dans l'ombre et que l'homme-ours n'avait pas remarqué jusque là, se mirent à battre le rythme, d'abord lent et régulier comme le pouls puissant d'un homme en train de dormir.

A chaque résonance dans l'air des peaux tendues, les ondes semblaient atteindre les danseurs et faire basculer un peu plus leur corps, comme le ressac incessant d'une la mer qui s'avance avant de se retirer. Un doux son, comme le ronronnement d'un félin, montait des gorges des cérémonieux pour venir se mêler au son des tambours. Les participants avaient fermé les yeux se laissant porter et transporter par l'atmosphère qui se dégageait en cet instant, environnant tout le monde. Même lorsque l'on ne faisait pas parti du centre interne, on pouvait sentir cette puissance qui prenait forme, comme une brise qui venait vous caresser, s'insuffler en vous pour vous murmurer quelque chose que vous n'arriviez pas encore à comprendre, à assimiler. En tout cas, c'était ainsi que l'Enfant de Phoebe le ressentait pour le moment. Une part de lui enviait ses hommes et ses femmes qui se trouvaient au milieu et qui se balançaient à présent d'un pied sur l'autre, leur voix montant crescendo dans l'air cristallin de la nuit.

C'était comme si le monde extérieur n'existait plus. Ou plutôt, qu'il s'était arrêté de respirer pour porter toute son attention sur le rituel qui avait lieu, comme si la musique qui se dégageait de tout ceci l'attirait et l'appelait. Certains animaux avaient même fait leur apparition à la lisière des rochers. C'était réellement quelque chose à part dans tout ce que Raeden avait pu avoir l'occasion d'observer jusque là. Il ressentait une paix et un calme intérieur qui le laissait un peu perplexe. Il se doutait que ça venait de ce qui était en train de se passer mais sa position ne lui donnait pas accès à tous ce qui touchait les protagonistes. Ces derniers s'étaient mis à danser autour du feu, leur corps se mouvant à une vitesse folle, dans des mouvements et une fluidité qui n'auraient pas du normalement possible à des êtres humains. Mais ce n'était pas des humains justement. C'était des Béluas, des fils et des filles de la Lune, de Phoebe, des hommes au sang animal qui coulait dans leur veine.

797 mots

Assis sur son arrière train d'ours polaire, les yeux noirs rivés sur les danseurs, comme hypnotisé, Raeden observait et apprenait. Le rituel était tombé à une période où l'homme n'avait pas son mot à dire sur la forme qu'il devait revetir. Les Béluas autour de lui paraissaient l'avoir oublié, ce qui  n'était pas plus mal, obnubilés par la cérémonie. Apparemment, les histoires qu'il avait entendu parlant des béluas monstre haïs, rejetés et même parfois tués par les hommes-animaux n'étaient pas que des histoires. Bon … personne n'avait tenté quoique ce soit à son égard, mais il n'avait pas pu faire autrement que de remarquer l'animosité d'une bonne partie des siens à son égard. Pas que cela l'importait plus que ça, après tout, c'était leur problème, mais il n'avait pas non plus l'intention de se laisser marcher sur les pieds par eux, juste parce qu'ils se considéraient supérieurs ou plus légitime ou quoique ce soit d'autres.Mais pour le moment, les rites avaient chassés toutes autres pensées que celle concernant les festivités. Ici, en haut de ce rocher, on avait l'impression que le temps s'écoulait différemment que quelques heures plus tôt, comme si toutes les perceptions humanoïdes avaient été chamboulées dès les premiers coups sur les tambours.

Si l'Enfant de Phoebe n'avait pas été sous sa forme animale, il n'aurait peut être pas fait attention au bruit d'explosion qui se fit entendre … ou pas, vu le nombre de tête qui s'étaient tournées vers la forêt et aux gens qui s'étaient redressés d'un bon, comme le plantigrade. La cérémonie s'arrêta brutalement, la dernière note vibrant dans l'air tandis que les derniers résidus de la détonation se faisaient sentir. Avant même de s'en rendre réellement compte, Raeden s'était déjà élancé en direction de la provenance du bruit. Il sentit et entendit derrière lui que d'autres Béluas avaient eu la même réaction. Quoiqu'il s'était passé, c'était de leur devoir d'aller voir. Puis une telle explosion n'augurait vraiment rien de bon, quel qu’en soit l'origine. Rapidement, certains fils et filles de la Lune ayant revêtu leur forme animale, ils arrivèrent en vue d'une cabane dissimulée entre des arbres et des rochers. De facture simple, tout en bois, elle n'était pas très grande mais des restes de magie flottaient encore dans l'air. La porte pendait mollement sur ses gongs comme si quelque chose lui était violemment rentré dedans et l'avait tordu.

A l'intérieur, un homme sonné tentait de se redresser contre l'un des pans de la maison. De nombreuses plaies parcouraient d'ailleurs son corps. Le mobilier de la cabane était sans dessus dessous. Les meubles, tables et chaises étaient renversés sur le côté, des traces de sang repeignaient un peu toutes les façades et des marques de griffes défiguraient le plancher. Une étrange boite se trouvait au milieu de la pièce principale. Simplement posée sur le côté, le clapet ouvert, elle dénotait au milieu du désordre ambiant. Ca en paraissait même malsain et Raeden ne put s'empêcher e lui montrer les crocs, même s'il ne s'agissait que d'une simple caisse en bois. Puis son regard se porta vers l'homme qui s'était lamentablement laissé retombé au sol. Il n'arrêtait pas de marmonner, gesticulant à moitié dans tous les sens. L'ours s'approcha un peu de lui tandis qu'un bélua sous forme humaine s'était déjà accroupis à ses côtés pour blesser pour tenter de l'aider. Le nounours pas en peluche tendit ses oreilles en avant pour essayer de capter la litanie.

Le chat ! Le chat ! Rattraper le chat ! Le chat ! Le rattraper!

L'homme-ours n'y comprenait rien du tout. Pourquoi n'arrêtait-il pas de parler d'un chat alors qu'il venait vraisemblablement de se faire attaquer par quelque chose de bien plus gros. Et puis, qu'est ce qui avait bien pu déclencher le bruit de détonation qu'ils avaient tous entendu ? Raeden ne pouvait pas reprendre forme humaine, mais rien ne l'empêchait d'utiliser sa magie. Il fit donc apparaître à côté de lui un hologramme de sa forme humanoïde et commença à poser des questions avec.

Quel chat ? Que s'est-il passé ? Qui vous a attaqué?

Le plantigrade était même jusqu'à s'être encore un peu plus approché du blessé mais une réflexion d'un des béluas le fit s'arrêter. De toute façon, c'était bon, il avait réussi à attirer l'attention de l'homme. Celui-ci bafouilla encore quelques instants avant de s'éclaircir la voix et de répondre.

Le chat ! Il faut le rattaper. C'est lui qui a fait ça … Il est pas vivant …. il n'est pas mort non plus ! J'étais sur d'y arriver pourtant ! Il faut l'arrêter ! Le ramener ! Je peux arranger ça!

Raeden ne savait pas exactement ce que l'homme avait fait mais le peu qu'il en avait compris le fit grogner contre l'individu. Celui-ci avait apparemment joué avec la vie de l'animal, sans plus de remord que cela!

886 mots

Ca suffit. Ce n'est pas le moment de faire justice. Il faut retrouver ce chat avant qu'il ne soit trop tard et qu'une autre catastrophe se produise. On n'a pas de temps à perdre.

La femme qui venait de prendre la parole faisait partie des danseuses, comme l'attestait sa tenue et les peintures qui la recouvraient. Elle portait un cache-oeil en cuir du côté gauche, avec un symbole dessus, que le bélua ne connaissait pas. Ses cheveux bruns foncés, presque noirs, étaient retenus en arrière par un bandeau rouge. Un tatouage composé d'une ligne et de points soulignait son œil droit doré. Rien dans son attitude ne laissait deviner la nature de son totem et l'Immortel ne la connaissait pas assez pour faire une quelconque hypothèse. En tout cas, elle avait parlé d'une voix calme mais on y avait sentis quand même son l'autorité. En même temps, ce qu'elle disait n'était pas du tout dénué de sens, il fallait le reconnaître. Raeden émit un dernier grondement de fond de gorge à l'intention du sorcier, les oreilles en arrière, avant de faire quelques pas en arrière. Par le biais de son hologramme, il s'adressa aux autres.

Bon … Je pars à la recherche de l'animal. Je devrai pouvoir le pister avec mon odorat. Par contre, si cet animal est dangereux, il faut prévenir Dhitys, ou tout du moins surveiller les accès à la cité. Peut être quadriller toute la zone, en équipe, pour repérer sa trace plus facile.

L'Enfant de Phoebe n'était pas sur que ses paroles et son intervention soient vraiment pris du fait de la considération – ou plus de la non considération justement – qu'on avait envers lui. Mais en même temps, à bien y réfléchir, il s'en moquait. S'ils ne l'appréciaient pas, ils avaient qu'à faire avec. Après tout, lui, il n'avait rien contre eux. Ce n'était pas de sa faute s'il n'était pas un sang pure. Il n'avait rien demandé et s'accommodait très bien ainsi de la situation. Du moment qu'ils ne s'en prenait pas physiquement à lui, il pourrait continuer à ignorer leurs remarques et réflexions à son égard. Il soutint le regard de la femme pendant quelques secondes puis fit demi tour pour gagner la sortie, son hologramme disparaissant.

Attendez. Je viens avec vous.

L'ours se stoppa juste sur le pas extérieur de la porte pour laisser le temps à la femme d'échanger quelques mots avec les autres béluas à l'intérieur de la maison avant de sortir le rejoindre.

Allons-y. Suivons votre flair. Si les choses se corsent, je changerai de peau. Je m'appelle Latra.

C'était la première fois que Raeden entendait parler de la transformation en ces termes. Il trouvait cela juste, même s'il avait l'impression que l'ours qu'il était se trouvait être en même temps une autre entité. Il n'aurait su l'expliquer en tout cas. Quoiqu'il en soit, il ne prit pas la peine de refaire apparaître un hologramme de lui pour converser avec la bélua. S'arrêtant quelques secondes, il prit juste l'instant nécessaire pour tracer du bout des griffes, son nom sur le sol. Comme ça, si elle remarquait quelque chose, elle pourrait au moins le nommer au lieu de devoir l'appeler « Hep toi » ou quelque chose du genre. Puis effaçant la marque d'un coup de patte, il fit brusquement demi tour, pour retourner à l'intérieur de la cabane. Il venait de se dire que ses recherches seraient beaucoup plus facile s'il pouvait séparer l'odeur du chat du reste de celles qu'il capterait. Il enfouit donc sa truffe dans la boite toujours au sol, même si rien que le fait de l'approchait lui hérissait le poils. Il inspirait profondément une ou deux fois avant d'éternuer et de rejoindre Latra dehors.

Il ferma un instant à demi ses yeux, respirant l'air ambiant, avant de poser sa truffe au sol. Il dut faire quelques tours autour de la maison avant de repérer le départ de la bonne piste. Il y avait aussi celle du sang que le chat avait laissé, fluide carmin qui n'était pas le sien mais celui de son tortionnaire lorsqu'il l'avait attaqué. Souplement et en silence, l'animal s'élança, suivit de la borgne. Le trajet du félin avait été plus que chaotique, allant même des fois jusqu'à tourner en rond. De plus, il avait déjà apparemment fait des victimes, comme l'attestaient les quelques cadavres de petits animaux frais qu'ils croisèrent. Il fallait qu'ils se dépêchent de le retrouver. A ce moment là retentit le hululement paniqué d'une chouette. Les deux Béluas échangèrent un regard avant de se précipiter dans la direction de la provenance du bruit.

829 mots

L'ours et la jeune femme firent irruption à travers les broussailles et tombèrent sur une scène légèrement cauchemardesque. Acculé contre un rocher, une aile pendante à moitié arrachée, une chouette au plumage ensanglanté poussait des hululements terrifiés et tentait tant bien que mal de repousser le chat dépenaillé à coup de bec et de pattes griffues. Le félin, quant à lui, n'était réellement pas beau à voir. Certaines parties de son corps laissaient pensé qu'il avait été ébouillantées, desséchées et déchirées ou encore dépecé tandis que le reste de son anatomie, ou tout du moins, quelques endroits, paraissait tout à fait normal et en parfaite santé. Cela faisait mal de le regarder et de le voir dans cet état là. C'était bien pire que la façon dont avait évolué Chess, même si par certains aspects, ça y ressemblait. Heureusement, le félin gardien des Liddell était réellement toujours du côté du monde des vivants, lui. Alors que cette pauvre bête en face d'eux dégageait à la fois les effluves de la vie et de la mort. C'était même limite insoutenable pour le nez du bélua monstre.

Ce dernier poussa un rugissement pour attirer l'attention du mort-vivant à lui pendant que Latra se précipitait entre le félin et l'oiseau pour mettre celui-ci hors de porter de son adversaire. Il n'était pas temps par contre de s'occuper de ses blessures. Avant cela, il fallait arrêter greffier qui s'était jeté sur Raeden sans aucune hésitation, comme s'il n'avait pas remarqué que son adversaire était un ours polaire qui faisait au minimum deux cent fois son poids et avait une puissance d'attaque et une allonge bien supérieure. Cela prouvait bien que le minou n'avait clairement pas toute sa tête. Cela n'était pas grave en soit, il fallait juste que l'Enfant de Phoebe fasse attention à ne pas tuer l'animal avec l'un de ses coups. Ce n'était pas le but qu'ils recherchaient tous. Au contraire, ils voulaient aider la pauvre bête à s'en sortir et à retrouver son état normal. Mais pour cela, il fallait la maîtriser le temps de comprendre comment on pouvait la soigner et surtout d'agir. L'homme dans la maison avait dit qu'il pouvait inverser ce qu'il avait fait mais pour une raison ou une autre, l'Immortel avait plus que du mal à lui faire confiance.

En fait, pour l'instant, le plantigrade faisait plutôt des actes défensifs, des esquives et autres bonds de mise à distance, que des actions offensives. Il essayait de comprendre comment fonctionnait le félin, mais en réalité, ses attaques semblaient juste motivées par la peur, la colère, la haine. Il ne semblait y avoir aucune tactique dans sa façon de faire, de se mouvoir, de porter ses assauts. Simplement l'envie de donner la mort. Ce qui ne facilitait pas du tout la tâche de l'Immortel. Il essaya plus d'une fois d'attraper le chat entre ses pattes mais tout ce qu'il récolta, ce fut des coups de griffes et de crocs et quelques touffes de poils. La situation ne s’avérait réellement pas facile. Latra l'avait remarqué car elle tentait de son côté aussi, de tendre un piège à la pauvre bête, pendant que toute l'attention de cette dernière était dirigée vers le Bélua monstre. Avec des lianes ou du lierre qu'elle avait trouvé, elle était visiblement en train de confectionner un harnais …. en fait non … Raeden s'en rendit compte un peu plus tard, c'était un lasso qu'elle fabriquait le plus rapidement possible.

Plusieurs fois, la borgne envoya son lasso mais rata sa cible. Le mort-vivant avait fini par se rendre compte du manège et évitait le piège quand il le voyait arriver sur lui. Il se retourna même, prêt à attaquer la femme, mais l'Enfant de Phoebe se porta lui aussi en avant pour faire revenir l'attention de l'animal sur lui et le distraire le plus possible des tentatives de sa coéquipière. Cela lui fit récolter de nouvelles blessures, mais avec sa fourrure et sa peau épaisse, en réalité, c'était bénin, mais c'était quand même assez handicapant, grattant et surtout le sang rendant glissant les membres de l'ours. Le chat ne semblait pas éprouver la moindre trace de fatigue et continuait inlassablement de tenter de tuer son adversaire. Un mouvement de la part de Latra montra à Raeden que cette dernière était prête à retenter un lancé. Il bondit donc soudain en avant, puissamment, violemment, pour forcer l'animal à reculer et à être obnubilé uniquement par lui et à occulter tout le reste de ce qui les entourait.

799 mots

Un faible sifflement se fit entendre dans l'air quand le lasso improvisé vint se refermer sur les pattes arrières du chat. Celui-ci feula, cracha et se débattit dans tous les sens comme un beau diable mais dès que la prise avait été faite, Latra avait tout de suite resserré le nœud pour que la bête ne s'enfuit pas. Elle devait quand même batailler dur pour ne pas tout lâcher sous la force de l'animal. Le félin avait beau pesé entre trois et cinq kilos, sa rage lui donnait bien plus de force qu'il n'aurait du en avoir en temps normal. Plusieurs fois, la corde de fortune se mit à lui glisser entre les mains de la Bélua mais au prix de sacrés efforts, elle réussit à chaque tentative à récupérer la distance qu'avait gagné l'animal. Malheureusement, soumises à toutes ses tensions, les tiges des plantes qui avaient été utilisée pour former le lasso se mirent à se déchirer de plus en plus vite, chaque fibre cédant entraînant la prochain à sa suite dans un rythme crescendo.

A l'instant où toutes les fibres lâchèrent et où le chat en profita pour se libérer, Raeden se propulsa en avant, sa patte venant s'abattre sur l'animal, simplement l'intérieur des coussinets, sans que les griffes de l'ours ne touchent un seul instant la chair de l'autre bête. Cette dernière s'écroula au sol comme une poupée de chiffon si soudainement et suivi d'une telle immobilité que l'Enfant de Phoebe craignit un instant d'avoir frappé trop fort et de l'avoir tué ! Puis il remarqua sa cage thoracique se soulever et s'abaisser lentement, entendit sa respiration et un soupire de soulagement s'échappa de son museau. Il s'en serait vraiment voulu s'il avait donné la mort au pauvre hère.

J'ai bien cru que vous l'aviez tué.

Latra dit ça d'une voix essoufflée, en regardant l'ours. Celui-ci lui rendit son regard où on pouvait lire que lui aussi avait pensé la même chose …. même s'il aurait préféré que l'on n'en fasse pas la remarque à voix haute. Après tout, il s'était déjà bien assez fait peur tout seul pour que quelqu'un en rajoute une couche par dessus. Mais bon, en même temps, il ne pouvait pas lui en vouloir non plus. En même temps, on ne pouvait être sur de rien, au vu du fait que l'animal était coincé entre la vie et la mort à cause de cet homme dans la cabane et de l'expérience qu'il lui avait fait subir. Il fallait à présent le ramener le plus vite possible là-bas avant qu'il ne soit définitivement trop tard pour faire machine arrière dans le processus qu'avait utilisé le Sorcier. Cependant, avant cela, il fallait que les deux Béluas prennent leur précaution. Ils ne pouvait pas se permettre de se retrouver avec un chat furieux en train de revenir à lui tandis qu'ils étaient en train de le rapatrier. Ils prirent donc de l'attacher soigneusement avec des lianes et autres plantes …. ou plutôt Latra le fit pendant que le bélua monstre s'occupait d'aller soigner les blessures de la chouette avec sa magie blanche. On ne pouvait pas dire que l'oiseau était content et rassuré de voir arriver à lui un tel prédateur et il ne demanda donc pas son reste pour s'envoler dès l'instant où il retrouva l'entier usage de son corps sain.

Raeden regarda s'envoler le rapace nocturne avant de revenir auprès de la bélua qui avait finit de ficeler le félin comme un saucisson. Il haussa un sourcil devant ce qu'elle avait fait. Le voyant faire, elle ne put s'empêcher de se justifier.

Oui, bon, c'est peut être exagéré, mais je préfère jouer la prudence. Vous avez vu la force qu'il avait. J'ai réellement pas envie qu'il revienne à lui quand je l'aurai dans les bras.

Ca, le plantigrade pouvait très bien le comprendre. Lui même avait été surpris de la puissance que le chat avait dégagé. Cela était certainement du à l'expérience que l'homme avait exercé sur lui. Comme disait le proverbe, il valait mieux prévenir que guérir. Il ne fit donc pas d'autres commentaires … « visuels » et la suivit sans broncher quand ils reprirent lentement mais surement le chemin du retour. Et heureusement finalement qu'ils avaient attachés le minou mort-vivant car celui-ci se réveilla à mi-chemin du trajet, fêlant et gesticulant dans tous les sens pour essayer de se libérer.

789 mots

Leur retour était plus qu'attendu. Les quelques personnes qui étaient restées avec le blessé n'avaient pas manqué d'entendre le boucan qu'avait fait le chat depuis son retour de l'inconscient. Raeden avait bien essayé de le calmer et de l'intimider en lui grognant dessus et en faisant claquer ses mâchoires non loin de sa tête, mais ça n'avait pas eu plus d'effet que si un moucheron s'était posé dans son poil. En même temps, il n'avait pas semblé un seul instant inquiet lors de son combat contre l'Ours donc ce n'était pas étonnant qu'il ne réagisse pas maintenant. Mais toute la situation et surtout l'état dans lequel se trouvait le félin jouait sur les nerfs du plantigrade et le rendait un peu plus bourru qu'il ne l'était déjà habituellement. Et cela s'en ressentait donc sur son comportement, d'autre plus que ses émotions étaient exacerbées sous sa forme animale. C'était pour cela qu'au final, il avait fini le trajet en queue pour ne plus déranger. Apparemment, Latra lui en était vraiment reconnaissante car elle avait déjà du mal à tenir le chat et s'était encore pire quand il voyait l'ours blanc.

L'Enfant de Phoebe, même en retrait, remarqua les regards et les grimaces que les autres personnes présentes ne purent retenir quand ils virent l'état du chat. Certains auraient peut être même jusqu'à tuer le sorcier sur le champs si celui-ci n'avait pas spécifié un peu plus tôt qu'il pouvait arranger normalement les choses. Tout le monde réussit donc à se contrôler et à ne pas étriper l'homme. Par contre, rien ne garantissait réellement la santé et la protection du maltraiteur animalier une fois que tout ceci serait terminé et qu'il aurait arrangé ce qu'il avait fait subir au chat. La justice humanoïde ne s'attardait que rarement sur ce qui concernait le monde animal et végétal et souvent, ses crimes là restaient impunis, malheureusement. Raeden se rendait compte a présent que même lorsqu'il était ange, son attention avait été beaucoup plus porté sur les peuples humanoïdes et les hommes que sur le reste des êtres vivants. Peut être que maintenant qu'il était Bélua, il était temps pour lui d'essayer de remédier à tout cela.

Les fils et filles de la Lune s'écartèrent légèrement pour laisser passer Latra avec le chat qui continuait à pousser des hurlements et des feulements en se débattant comme un beau diable. Telle la marée, la file se referma derrière elle et l'ours. A l'intérieur de la pièce, les meubles avaient été redressés et remis à leur place tandis que l'on avait installé l'instigateur de toute cette histoire sur un lit. Seule la boite dans laquelle le félin avait été enfermé gisait encore par terre, comme si personne n'avait osé y toucher. En même temps, on pouvait les comprendre quand on voyait ce qui en était sortit. Ce n'était peut être pas cette boite l'auteure des méfaits mais elle y avait joué quand même un rôle important. Il faudrait la brûler et s'en débarrasser après que tout soit revenu à la normale. Le Sorcier se redressa légèrement en grimaçant et en poussant un gémissement avant de se redresser brusquement en voyant le chat dans les bras de la borgne.

Vous l'avez retrouvé ! Vous l'avez rattrapé!

Raeden lui montra les crocs avec un grondement au fond de la gorge tandis que Latra se portait jusqu'au blessé.

Oui. Nous l'avons ramené pour que vous répariez le mal que vous lui avez fait subir ! Alors maintenant mettez vous au travail sans plus tarder!

On sentait dans la voix de la femme la colère qui bouillonnait en elle. Cette dernière avait eu tout le temps de monter et de grossir pendant le trajet du retour, avec sous ses yeux et entre ses mains la pauvre bête. L'ours n'avait fait qu'à peine le frôler et le sentir, mais il se rendait bien compte de l'horreur que son état devait provoquer en soi quand on touchait directement les souffrances et les dégâts qu'avait occasionné la magie sur le corps du minet. Le Sorcier dut sentir l'orage dans l'air car il se ratatina sur lui même en pointa la boite par terre.

Il faut le remettre dedans …. dans la boite …. refaire comme j'ai fais …. pour tenter d'inverser le processus.

Tenter ??! Vous avez dit que vous pouviez arranger tout!

Un grondement sourd a en faire vibrer les tympans s'échappa de la gorge de Raeden tandis qu'il se faisait de plus en plus menaçant.

Je … ne sais pas ce qui a foiré ! Je peux rien garantir. J'vais essayer et faire tout mon possible.

820 mots

Remettre le chat dans la boite fut autant un calvaire que cela avait été de l'affronter et de l'attacher. Ils durent s'y mettre à plusieurs pour réussir à le rentrer entre les quatre planches sans qu'il ne se fasse mal et soit blessé plus qu'il ne l'était déjà. La tâche ne plût à personne et chacun garda un profond silence pendant toute la manœuvre. Raeden ne pouvait pas aider dans la forme actuelle qui était la sienne. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était tourner en rond en entendant les cris rageurs et désespérés du félin qu'ils tentaient tous de sauver du sort qu'on lui avait fait subir. Le Sorcier, quant à lui, se contentait d'observer toute la scène en se permettant de faire quelques remarques de temps en temps, ce qui rendait les choses encore plus compliquées et donnait envie de plus en plus à l'ours de le réduire en bouillie sur le champs. Ce n'était certes pas judicieux pour la suite des événements mais il devenait de plus en plus dur de contrôler son instinct et sa fureur.

Le clapet de la boite se referma enfin, emprisonnant une nouvelle fois le mort-vivant. Tous les regards se portèrent sur l'instant vers le Sorcier, le clouant sur place, l'intimant silencieusement d'agir maintenant et de réparer ce qu'il avait commis sous peine de lourdes représailles. Celui-ci sentit d'ailleurs la tension d'en l'air et déglutit péniblement.

A vous d'agir maintenant!

Il acquiesça d'un signe de tête, certainement pas assez sur de sa voix pour se permettre de parler. Il se leva péniblement et gagna la boite où l'animal continuait à se débattre et en fit le tour une ou deux fois.

Il faudrait que vous reculiez tous.

Chacun s'exécuta sans un bruit, sans quitter la scène des yeux, les muscles tendus, prêt à rentrer en actions si les choses tournaient mal. Ils ne savaient pas quelle magie, quelles incantations et autres avait utilisé le Sorcier, sinon, cela était certain qu'ils se seraient passés de lui dans cette situation et qu'ils auraient agi d'eux même. Malheureusement, ils devaient se fier à lui.Et ce n'était pas une mince affaire. Après avoir tapoté le couvercle du bout des phalanges, le Sorcier alla récupérer une fiole à moitié pleine, qui avait miraculeusement survécu au massacre de la pièce un peu plus tôt. Il fit remuer le liquide un instant à hauteur de ses yeux avant de l'ouvrir et d'en verser quelques gouttes sur la cage improvisée. A peine la substance avait-elle eu le temps de commencer à s'étaler sur le bois que l'homme avait entamé son travail proprement dit en psalmodiant à mi-voix, dans une langue inconnue à Raeden, à un rythme effréné. De la fumée sortit de nulle part s'éleva doucement, les cris du chat redoublant de force et de vitesse avant de brusquement s'interrompre.

Chacun retint son souffle, dans expectative de ce qui venait de se produire. Le Sorcier jeta un regard circulaire aux gens présents dans la pièce, avant de se pencher en avant et d'ouvrir d'un geste vif et rapide le haut de la caisse pendant qu'il faisait déjà un pas en arrière. Personne n'osait regarder à l'intérieur et tous échangeaient des coups d'oeil pour savoir qui se lancerait en premier. Avec son ouïe animale, Raeden entendait un faible bruit dans la caisse. Lentement, avec milles précautions, l'ours s'approcha pour regarder. Puis son grondement se fit entendre tandis qu'il foudroyait le Sorcier du regard, se dirigeant vers lui visiblement dans l'intention de lui faire très mal. Certainement qu'en voyant la réaction du bélua monstre, d'autres gens s'étaient penché sur le contenu de la boîte, car soudain, la voix de Latra résonna.

Attends !

Cet ordre était indéniablement à l'attention de l'Enfant de Phoebe contrairement à la suite de sa phrase.

Vous avez échoué ! Recommencez ! Vous nous avez dis pouvoir y arriver, alors faites le ! Maintenant!

Le Sorcier fronça les sourcils, ouvrant la bouche comme pour répliquer quelque chose, mais un nouveau grognement de la part de l'ours l'en dissuada vraisemblablement car il préféra finalement garder le silence et recommencer son tour. Qui échoua inlassablement, à chaque nouvelle tentative. Le chat restait toujours mort-vivant, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune goutte de potion dans la petite fiole.

Je n'y arrive pas …. et je n'ai plus les ingrédients nécessaires … c'est fini.

782 mots

Un silence de plomb tomba sur l'assemblée quand la sentence du Sorcier se fit entendre. Il avait échoué. Il n'avait pu réparer le mal qu'il avait fait. Comme lui même l'avait dit, c'était fini. Tout espoir pour le chat s'était volatilisé avec la dernière goutte de potion. La pauvre bête resterait dans cet état le restant de ses jours … Si l'on ne décidait pas avant d'abréger ses souffrances et de la renvoyer à Phoebe au plus tôt. Pour être fou de rage et de colère comme il l'était quand Raeden avait du se battre avec, cela montrait bien que son état le faisait souffrir, même si rien ne garantissait qu'il avait conscience de ce qu'on lui avait fait subir. L'ours poussa un rugissement en se précipitant vers le Sorcier mais celui-ci avait du voir le coup venir car il s'était déjà lentement mais inexorablement rapproché de la sortie et quand il entendit le plantigrade après lui, il oublia la prudence et s'élança à toute vitesse sur les derniers mètres qui le séparaient de l'extérieur. Le temps que l'homme-ours le rattrape, il avait disparut. Volatilisé. Aucune trace de lui nul part ni même une odeur. Il s'était très certainement téléporté quelque part, hors d'atteinte de toutes personnes présentes dans cette pièce qui auraient eu envie de l'étriper.

L'Enfant de Phoebe laissa résonner sa frustration et sa colère entre les pierres du Rocher au Clair de Lune, avant de lentement faire demi-tour et revenir dans la cabane. A l'intérieur, l'atmosphère était à la peine et à la résignation. Certains s'étaient même détournée de la caisse contenant le chat, inconscient, assommé par toute cette magie utilisée à son égard. La tête basse, traînant presque des pattes, l'Immortel s'approcha du félin. Délicatement, à bout de crocs, il l'attrapa par la peau de la nuque, comme le ferait une mère animale avec son petit, avant de l'emmener en silence à l'extérieur. C'était à peine s'il se rendait compte que derrière lui, une procession s'était faite, tous les béluas présents dans la maison l'ayant suivi tout aussi silencieusement. Chacun savait ce qu'il allait advenir de l'animal et en agissant ainsi, ils l'accompagnaient tous vers sa nouvelle demeure, comme pour lui rendre hommage et le soutenir dans ses derniers instants. Cela n'aiderait certainement en rien le greffier, mais c'était tout ce qu'ils pouvaient faire. Au yeux de Raeden, ils avaient tous échoués. N'étaient-ils pas, lui compris, les fils et filles de la Lune, les enfants et les envoyés privilégiés de Phoebe, chargés de veiller sur les autres créations de leur Mère à tous ?

Déposant avec la plus délicate attention le chat sur le sol, l'ours jeta un coup d'oeil aux autres qui s''étaient réunis autour de lui, un peu retrait. Certains avaient pris forme animale, comme par exemple Latra, femme-coyote, qu'il reconnut à son œil borgne et à son odeur. On pouvait lire dans son regard toute la tristesse et la douleur de l'acte qu'il allait devoir faire d'ici quelques secondes. Rien n'obligeait à que ce soit lui qu'il le fasse. Après tout, il était un nouvel arrivé, un bélua monstre, presque un parfait inconnu. Et pourtant, personne n'avait rien dit, n'avait récriminé contre le fait qu'il avait pris l'initiative, qu'il s'était fait directeur sur les événements. Ses pupilles revinrent se poser sur le corps entre la vie et la mort qui se trouvait entre ses pattes. Il ne pouvait se résoudre à faire l'irréparable et pourtant, il savait que cela devait être fait. Il fallait pourtant que tout soit tester, jusqu'aux dernières ressources, jusqu'aux dernières limites.Ainsi, au lieu de venir tordre le cou du félin avec ses crocs, il posa gentiment sa truffe contre la sienne.

Fermant complètement les yeux, exécutant une prière silencieuse dans son esprit, sans pensées distinctes ni même adressée à un Aether en particulier, Raeden fit appel à sa magie. Lentement, comme une couverture que l'on ramène sur soi, la magie blanche recouvrit le corps du maton, douce caresse sur ses sens et sa peau. Le Plantigrade n'avait pas réellement réfléchit à ce qu'il allait faire ni même à ce qu'il était en train d'exécuter. Tout ce qu'il savait, c'était que quelque chose l'avait poussé à agir et qu'il avait suivi son instinct. Ce fut le miaulement rauque d'un chat qui lui fit rouvrir les yeux. Sous son regard, se tenait un félin tout ce qu'il y avait de plus vivant et de plus sain. Cela avait marché. Le chat était sauf!

815 mots