Absorbé à la moindre remarque de son supérieur, Zane levait tout juste le visage pour au moins faire bonne figure à celle qui se chargeait d’imposer ses lois. En l’absence de monarque, les seigneurs se partageaient la tâche — ce qui était assez logique — pour mener les hommes au front. Il aurait bien aimé faire davantage que de simplement revenir avec des informations et quelques excuses. Quant à la question d’un présumé prisonnier, ce dernier se contenta de secouer négativement la tête. L’apparition des Orishas avait été tellement soudaine qu’il n’avait pas réussi à capturer l’un d’eux. Maintenir un ange en vie s’avérait aussi plus délicat qu’il ne le paraissait puisque les démons tuaient automatiquement leurs proies sans leur laisser la lueur d’un espoir. Dans la précipitation, il n’avait pas anticipé qu’une possible défaite ait pu se produire. Sans ces circonstances inconnues, les tribulations se seraient enchaînées d’une tout autre façon. Fronçant les sourcils à l’évocation des semeurs de troubles, Zane comprima fortement son poing. « La quantité était conséquente, mais comme je l'ai précisé, c’est davantage la qualité des soldats qui a réussi à m’inquiéter. Ils s’étaient coordonnés de telle sorte qu’ils ne pouvaient pas perdre. Vous connaissez ma tendance suicidaire, mais seulement quand elle n’implique personne d’autre que moi-même. » En d’autres termes, il aurait préféré se jeter seul dans la gueule-de-loup au lieu de sacrifier les autres. De toute évidence, ça ne les aurait avancés à rien dans les deux cas, et c’est pourquoi il avait pris la décision de battre en retraite. Azrëel le convia ensuite à aller voir Phëres ; l’un des seigneurs, pour respecter une autre requête. Zane acquiesça d’un mouvement de tête avant de faire volteface et de quitter la pièce sans plus de cérémonie. Il rejoignit rapidement les quartiers du seigneur, et sans s’attarder sur les formalités d’usages, il écouta ce qu’il avait à lui demander.

Hormis des compliments et une petite malice à l’adresse de sa technique de discrétion — qu’il n’avait jamais perfectionné malgré des compétences faites pour — le sujet de son entrevue concernait Utopia, et plus précisément la barrière d’anti-magie dont il devait définir les propriétés à l’aide de quelques camarades de classe. La mission ne semblait pas compliquée en soi, mais elle imposait surtout une préparation méticuleuse en plus d’une étude stratégique du domaine. Il savait combien cette compétence propre aux humains était d’un handicap. Elle pouvait assurément leur causer de gros problèmes s’il gérait mal la situation. Avec le demi-échec qu’il avait essuyé, ça ne risquait pas de se produire. « Vous aurez assez de prisonniers pour en faire des esclaves dans chacune de vos tâches si cela vous chante. J’ai toujours adoré les humains quand ils se trouvaient en petit comité chez nous. Je vous remercie de m’accorder cette confiance. Si vous le permettez à présent, je vais aller me reposer tout en méditant aux méthodes que je vais employer. » Un simple signe suffit à comprendre qu’il avait son accord et qu’il pouvait disposer. En repartant, il salua un nouvel arrivant qui était probablement appelé pour une autre mission. À l’extérieur de la salle, Zane interpella un démon à l’allure fantasque. À son attitude un peu angoissée, on pouvait facilement le caractériser comme étant un parjure. « Hey, toi ! Viens par ici. » L’approche timorée de ce dernier confirma son appartenance à la sous-catégorie des maléfiques. « Tentateur Azmog, que puis-je faire pour vous ? » « Va me chercher Seth et Yammy. J’ai besoin de leurs contributions pour entreprendre quelque chose. » « Bien, monsieur. » Le subalterne partit immédiatement dans la direction de leurs baraquements. Les deux démons étaient assez notoires pour que la grande majorité des habitants les connaissent. Phëres lui avait dit qu’il pouvait préparer ça comme il l’entendait, et même si des comparses l’attendaient déjà sur place, il avait besoin de ces deux éléments essentiels pour s’assurer d’avoir le meilleur plan envisageable. Il se chargerait du reste un peu plus tard, lorsqu’il aurait suffisamment récupéré de la guerre pour mettre en place les choses comme il l’entendait. Partant du principe qu’il allait devoir jouer sur la furtivité, il avait besoin de toute sa magie ainsi que de ses pouvoirs pour le mettre en œuvre. Pour ainsi conclure sa rude journée, il partit s’installer dans sa chambre en engageant un garde devant celle-ci, lui fournissant comme intime ordre qu’il ne devait laisser rentrer personne avant le levé du jour. Beaucoup d’événements marquants allaient se produire dans les jours à venir, c’est la raison pour laquelle le repos du guerrier était crucial pour la suite.