Chacun dans ce bas monde vaquait à ses occupations. Certains avaient pour but de subvenir aux besoins de gens en particuliers, d'autres menaient leur propre vie sans jamais se soucier de leurs voisins. Et puis, il y avait ces êtres, en dehors des orines et des orishas, qui avaient décidé de se lier à quelqu'un, pour une raison qui leur était propre. Cependant, cela ne voulait pas dire qu'ils leur vouaient leur vie ni qu'ils étaient avec eux à chaque seconde de chaque journée. Il en était ainsi pour Leaic. Il était venu un jour à Raeden et resterait maintenant avec lui jusqu'à sa mort, mais de temps en temps, l'animal avait besoin de prendre du temps pour lui et de s'éloigner. Jamais longtemps, mais juste un peu lui suffisait. Et là, on se trouvait dans l'un de ses temps. Le moral de l'Immortel était au beau fixe depuis que par un enchaînement de circonstances, le père de l'Impératrice de la Nuit était devenu un Bélua. Ce dernier passait d'ailleurs beaucoup de temps avec son enfant présentement, pour surveiller sa santé mentale qui avait besoin d'aide pour une bonne remise sur le droit chemin.

Le canin avait donc prit un peu de recul et surtout un peu le large. Il savait que toute la petite famille était entre de bonnes mains et qu'il pouvait donc s'en aller sans risque. Depuis quelque temps, quelque chose le tiraillait. Il ne savait pas ce que cela était, mais quand il ne faisait pas attention à ses pas, ces derniers le menaient vers le Continent du Matin Calme. Aujourd'hui, il avait décidé de se laisser guider par cette force pour voir où il allait. En fait, il le savait déjà. Le monument religieux, mais il ne comprenait pas pourquoi il devait se rendre là-bas. Il n'avait jamais été fervent pratiquant des religions « humaines ». En tant qu'animal, il avait ses propres croyances et elles ne trouvaient pas forcément leurs place dans un tel lieu sacré. Et pourtant, plus il approchait, plus il savait qu'à l'intérieur se trouverait ce qui l'avait appelé depuis tant de temps. Quoi ? Il ne le savait pas. Si … quelqu'un ! Mais qui et pourquoi ? Cela restait un mystère même si ses méninges tournaient à toute allure pour essayer d'y comprendre quelque chose. Il avait rendez vous ici, dans ce lieu familier … alors qu'il n'y avait jamais mis les pieds. L'étrangeté et les mystères de ce monde le laisserait toujours pantois. Et même si, au fond de lui, une inquiétude sourdait, l'animal ne pouvait résister à cet appel silencieux qui chantait uniquement à ses oreilles, et encore bien plus à son âme.

Splendeur d'architecture et de magie, le monument religieux se tenait à présent devant Leaic, qu'il surplombait de toute sa hauteur sans pour autant l'applatir et le rendre moindre. C'était plus comme une présence bienfaitrice, une mère qui surveillait ses enfants, que comme un bourreau qui s'apprêtait à lever une nouvelle fois le fouet ! Quelques pas encore, pour franchir les portes du lieu et voilà que l'animal se trouvait maintenant à l'intérieur. Son instinct qui le poussait jusqu'à présent à venir ici continuait de battre en lui, comme s'il avait sa propre vie, son propre cœur. Puis lentement, un souffle, comme une voix, qui murmurait le nom du canin « Viens à moi Leaic ». Les oreilles du chien se redressèrent et avant qu'il ne puisse réagir, ses pattes avaient suivi le mouvement de la direction d'où venait cet appel. Silencieusement, seul le cliquetis de ses griffes résonnant sur le dallage du moment, il s'enfonça plus en avant dans le lieu. Un bien être commençait à couler en lui, irradiant chacun de ses pores. Mais en même temps, une crainte s'était réveillée. Ses deux émotions n'avaient aucune raisons d'être maintenant, et le compagnon de Raeden n'arrivait pas à se les expliquer. Son esprit bataillait pour essayer de comprendre la situation, mais comme s'il lui manquait des pièces du puzzle, il ne faisait que tourner en rond encore et encore, tandis que son corps continuait d'avancer dans les tréfonds du manoir religieux. S'il y avait eu quelques rares personnes à son entrée, à présent, il se trouvait seul dans l'une des nefs de l'édifice, entouré simplement de hauts murs, de colonnes en marbre et de vitraux qui renvoyaient des arcs en ciel de lumières sur le sol. Et cette voix, qui continuait de faire son office, d'appeller Leaic.

791 mots

Un regard à droite, entre les colonnes, mais c'était le vide et le silence, sauf cet appel pour lui seul. Quand Leaic reporta son regrd sur l'allée qu'il était en train d'emprunter, il l'a vit. Cette silhouette féminine qui se faisait de plus en plus claire et nette pour lui. Il la connaissait. Mais ce n'était pas possible. Elle ne pouvait pas être là. Elle était morte, voilà de cela bien longtemps. Comment cela se faisait-il qu'elle se trouvait ici, et pas quelque part en paix, réincarnée dans une autre forme ? Altaïa avai été pendant quelques années la jeune maîtresse humaine du chien, malheureusement, elle était gravement malade et elle avait fini par mourir. Elle avait été le premier amour de l'animal. Il l'avait rendu et aimé autant qu'il lui avait été possible. L'enfant était une des personnes les plus courageuses et les plus rieuses qu'il n'avait jamais rencontré jusque là. Même si elle était triste de savoir qu'elle allait mourir aussi jeune, elle ne s'était jamais laissée abattre et elle avait toujours pris la vie du bon côté. L'animal ne put s'empêcher de la contempler, heureux de la revoir. Mais quelque chose clochait. Et ce quelque chose, c'était Altaïa qui fonçait sur lui. Cela aurait put ne rien avoir de surprenant, en se disant qu'elle était elle aussi contente de le retrouver. Mais la rage sur le visage de la petite fille montrait bien que ses intentions étaient loin d'être bienfaitrices.

Le chien était totalement perdu . Pourquoi cette haine si apparente et si viscérale ? Il avait toujours été à ses côtés, il avait été là pour elle jusqu'à la fin, sans la quitter un seul instant.  Un cri d'incompréhension s'échappa de la gorge de Leaic.

Altaïa!!

Il n'obtenut aucune réponse, ou plutôt si, un hurlement de rage pendant qu'elle semblait se rapprocher encore plus rapidement de lui. Elle n'avait vraiment pas l'air de vouloir discuter avec lui. Il fit un bond de côté, évitant de justesse les mains qui étaient prêtes à se refermer autour de son cou. Il avait besoin de temps pour réfléchir, pour essayer de comprendre ce qui se passait et surtout, pourquoi, visiblement, elle voulait le tuer. Il n'avait donc pas d'autres choix que de fuir. Mais il ne pouvait pas quitter les lieux. Quelque chose au fond de lui l'en empêchait. Il avait besoin de savoir, besoin de comprendre. Comment l'être d'amour qu'il avait connu pouvait-elle être devenu cet personne de haine qui le pourchaissait à l'instant ? Il avait toujours pensé qu'après sa mort, elle deviendrait une ange. Comment cela en aurait-il pu être autrement vu toute la douceur, la gentillesse, la bonne humeur et la compassion dont elle avait fait preuve dans sa courte vie ? Alors que c'était-il passé ?

A chaque fois qu'il fuyait,le chien prenait de l'avance et s'arrêtait pour faire face à la jeune fille. Il tentait de discuter avec elle, de la faire parler, pour qu'elle lui donne des pistes de compréhension, au moins.

Altaïa ! S'il te plait, écoute moi ! Je t'en supplie, parle moi ! Que t'ait-il arrivé ? Explique moi ! Je veux t'aider!

Mais pour le moment, il n'avait rien eu de plus que des cris et des regards meurtriers. Peut être qu'il devait se montrer un peu plus compétent dans le choix de ses questions ou bien, trouver quelque chose qui interpele réellement l'enfant. Devait-il lui rappeler son passé, leur passé commun?

Arrête ! Ce n'est pas toi ! Tu n'aurais jamais fait de mal à personne, encore moins à quelqu'un que tu aimais ! Je passais tout mon temps avec toi ! Tu me brossais régulièrement le poils ! On allait courir sur la plage et on s'amusait à disperser les mouettes pour entendre leur cries outragés !

A chaque mot que prononçait l'animal, il avait l'impression de replonger dans son passé, de revivre chacun des évènements qu'il mentionnait. Ils avaient partagés tant de bons moments. Bien sur, à cette époque là, il n'avait pas encore la conscience d'un homme, mais à sa manière, il avait toujours été un chien intelligent. Il avait su voir quand elle avait besoin de calme, quand elle voulait de la tendresse ou au contraire, des moments de folies. Il avait vécu avec elle chaque instant de sa vie, les bons moments comme les mauvais. Et ces derniers n'avaient pas été souvent là. Il avait même veillé sur son lit de mort jusqu'à son dernier souffle. Il s'était même presque laissé mourir sur sa tombe de tristesse de l'avoir perdu.

Je serai mort pour toi, si cela avait pu te sauver!

819 mots

TU ES PARTIIIIIII !!!!! TU M'AS ABANDONNEE!!!!! TU M'AS OUBLIEEEEE !!!

C'était les premiers mots que prononçait Altaïa. Ou plutôt, elle les hurlait à la face du chien, expulsant ainsi toute sa peur, sa colère et sa douleur. Il n'était pas resté avec elle et pire que cela, il avait refait sa vie, ill avait trouvé d'autres personnes à aimer et il ne venait presque plus jamais la voir, il ne lui parlait plus. Pour elle, c'était une trahison. C'était comme si l'animal l'avait effacé de sa mémoire. C'était ses sentiments qui l'avaient fait revenir, ou en tout cas une partie d'elle, remplie de mauvaises émotions et de mauvaises pensées, effaçant tout ce qu'elle avait été de bonté et de bonheur avant.

Leaic en resta pantois, oubliant même de fuir. Comment pouvait-elle penser ça ? Il l'avait toujours aimé, toujours veillée. Il n'aurait jamais pu l'oublier … jamais … vraiment ? Peut être … qu'en y réfléchissant bien … en fait, elle n'était plus là, présente à chacune de ses pensées. Peu à peu, il est vrai qu'elle n'avait plus occupé la première place de son esprit. Il s'était refait une vie, avait retrouvé des gens avec qui il se sentait bien et qu'il voulait protéger. Il reconnaissait que cela faisait un moment qu'il n'était pas venu sur sa tombe pour se recueillir mais cela ne voulait pas pour autant dire qu'il l'avait remplacé ni même oubliée!

Tu … tu étais morte ! … Je ne t'ai pas oublié ! … J'ai juste repris ma vie!

Le chien s'était mit à bafouiller et à chercher ses mots sous le coup de l'émotion. Il n'arrvait pas à imaginer l'enfant rongée par tous ses sentiments noirs, jusqu'au point d'avoir emmener tout ceci dans sa nouvelle vie. Généralement, les gens ne se souvenaient pas de leur vie passée, lorsqu'ils étaient réincarnés. Y avait-il eu un soucis pour Altaïa quand le processus particulier des Ombres avait eu lieu ? Tant de questions se bousculaient dans la tête de l'animal tandis qu'il fixait du regard, impuissant, son interlocutrice. Puis un frisson le parcourut et s'ébrouant, il se reprit en main, faisant un pas en avant vers elle.

Aurais-tu voulu que je meure de tristesse et de désespoir sur ta tombe pour te rejoindre dans l'Au-delà ? Que je cesse de vivre comme cela avait été malheureusement pour toi ? Que je me morfonde ma vie entière dans ta disparition?!

L'Altaïa qu'il avait connu n'aurait jamais souhaité cela à quiconque, même aux personnes malintentionnées, mesquines ou autres. Elle n'avait toujours voulu que le bien autour d'elle. Si elle avait pu, elle aurait inondé le monde de bonheur. Cela avait toujours fait sourire le canin de l'entendre rêver de voir tout le monde heureux. C'était beau l'innoncence d'une enfant. Cette dernière s'était arrêtée elle aussi. Elle semblait ne plus trop quoi penser, comme si les paroles de celui à qui elle en voulait jusque là, lui avait mis le doute ou avait reveillé d'autres souvenirs, d'autres sentiments en elle.

Mais tu … tu étais mon chien …. tu étais mon ami ! Tu aurais dû …

Qu'est ce qu'il aurait dû faire ? Elle ne savait plus. Ou plutôt, elle se demandait si il n'avait pas raison, au fond. Lui en aurait-elle voulu, avant ? Ou aurait-elle plutôt espérer de toutes ses forces que son compagnon, son ami, passe à autre chose et arrête de souffrir pour un événement qui était inévitable et qu'ils avaient toujours su ?

Je … Je ne sais pas … Je ne sais plus!

Et soudain, elle s'écroula par terre, et éclata en sanglots, ses maigres épaules secouées. Elle cachait son visage dans ses petites mains, essayant de se faire silencieuse, ne voulait pas qu'on la voit ainsi. Leaic poussa un soupir et s'approcha doucement et silencieusement d'elle. Lentement, il vint glisser son museau entre les doigts d'Altaïa et tenta de sécher ses larmes du bout du museau ou d'un coup de langue. Il lui murmura :

Je n'ai jamais cessé d'être ton ami et de t'aimer. J'ai continué de vivre en ta mémoire, au début et aussi, pour moi.

Il ne le rajouta pas, pour une pas déclencher une nouvelle crise, mais il pensait qu'il n'avait au final, rien à se reprocher dans ce qu'il avait fait. Il aurait sûrement dû, en effet, se rendre plus souvent sur la tombe de l'enfant, mais ce n'était pas pour irrespect pour elle s'il ne l'avait pas fait.

809 mots

La situation s'était totalement inversée. La haine, la colère et le ressentiment semblaient s'être envolé, parti en fumée sous les rappels du passé, sous la force des sentiments dégagés et avoués en cet instant. La crise de larmes d'Altaïa se calmait peu à peu tandis qu'elle se remettait à réfléchir sainement et à reprendre ses esprits. Elle s'essuya les yeux d'un geste du revers de la main.

Je suis désolée Leaic. Je ne sais pas ce qui m'a prit. Je …

Ce n'est grave. Je ne t'en veux pas.

Le chien lui fit un léchouille baveuse sur le nez, ce qui eut le mérite de la faire rire, comme autrefois. Ses babines s'étirèrent comme pour un sourire. Il préférait bien mieux la voir ainsi que comme quelques minutes avant, quand il l'avait retrouvé. Il fallait qu'il la questionne, qu'il lui demande ce qui s'était passé. Rien ne garantissait qu'elle puisse lui répondre, mais il ne perdait rien demander. Après tout, le proverbe disait bien si justement « qui ne demande rien n'a rien ».

Comment cela se fait-il que tu te souviennes de moi ? Je veux dire … tu as une nouvelle vie. Tu ne devrais rien te rappeler.

L'animal en connaissait un rayon là dessus, vu qu'il avait suivi Raeden dans son évolution chez les Ombres et qu'il avait appris et écouté à chacune des étapes, comme si lui même devait être testé et jugé. C'était pour cela qu'il trouvait toute cette histoire un peu louche, un peu étrange. Mais en même temps, il y avait tant de bizarreries et d'exceptions dans ce monde qu'il ne pouvait pas tout savoir, ni connaître tout sur tout. Et de toute façon, ce n'était nullement son intention. Apprendre au fil des rencontres était bien suffisant à ses yeux. Il n'était pas plus curieux que ça, à quelques rares exceptions.

Je ne sais pas …. je me souviens de tout, de chaque instant de mon passé … enfin, de celui d'avant. Je crois que …. que ça m'a empêché d'avancer dans cette nouvelle vie, dans ce nouveau moi.

La jeune fille baissa la tête, un peu honteuse. Elle avait changé, cela était certain. Sa façon de parler, de se comporter. Ce n'était plus l'enfant qu'il avait connu, mais ce n'était pas non plus une totale étrangère. Il s'assit à côté d'elle et lui releva la tête en glissant son museau sous son menton.

Plus rien ne t'en empêche maintenant. Tu as le droit d'être de nouveau heureuse. Et tu n'as pas forcément besoin de moi. Tu as changé. J'ai changé. Le monde autour de nous a évolué. Mais ce n'est pas parce qu'on n'est plus ensemble, comme avant, qu'on s'oublie peu à peu. Je sais à présent qu'on peut porter en soi une part de quelqu'un et même bien plus, alors que cette personne n'est plus là depuis longtemps. Je ne souhaite qu'une chose pour toi : que tu vives ta vie aussi profondément et avec autant d'aamour que possible.

La puce hocha doucement la tête, en le regardant dans les yeux, avant de prendre la tête du chien entre ses mains et de déposer un baiser sur son museau. Son Leaic … non … Leaic tout court, avait raison. Elle ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir surmonté sa perte et d'avoir continué sa vie. Elle aussi devait passer à autre chose et prendre à pleins bras cette occasion qu'on lui offrait de découvrir et de vivre tout ce qu'elle n'avait pas eu le temps de faire avant. Elle aurait aimé partager chaque instant, avec l'animal, comme autrefois, mais elle comprenait à présent que cela n'était pas possible. Bien sur, ils pouvaient rester amis, elle voulait qu'ils le restent, mais leur chemin s'était séparé et ils avaient chacun prit une voie différente. La voie que le Destin et les Aetheri leur avaient certainement réservé depuis bien avant leur naissance. C'était ainsi, il fallait faire avec et continuer à aller de l'avant.

Je ne t'oublierai jamais Leaic. Je m'excuse pour ce que je t'ai fais subir tout à l'heure. Maintenant, je comprends et je sais que tu as fait ce qu'il fallait faire. J'espère que là où tu es, que les gens avec qui tu vis, prennent soin de toi et te méritent.

Lentement, mais souplement, l'enfant se redressa. Elle déposa un dernier baiser entre les deux oreilles du chien avant de tourner sur elle-même pour repartir et disparaître entre les colonnes. L'animal la regarda partir sans bouger, son poils le grattant là où elle l'avait embrassé en dernier. Il espérait qu'elle deviendrait quelqu'un de bien et de forte, comme elle le méritait. Ce n'est bien plus tard qu'il découvrit le cadeau qu'elle lui avait fait, elle ou bien le monument, ou même les dieux … celui d'être humain à son tour, tout du moins en apparence.

877 mots