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 Le suicide est la libération de l'âme

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Mer 18 Fév 2015, 21:13

De retour dans l'Opéra du chaos, je fixai la ruine qui s'étendait devant moi, mon lieu d'habitation depuis sans doute des décennies, peut-être des siècles. Je n'étais que brume, un sombre brouillard qui était sans doute tout juste bon à effrayer les enfants. Pourtant, je venais de vivre une expérience stupéfiante, une expérience que j'avais encore bien du mal à considérer comme vraie. Néanmoins, elle l'était. Je ne dus d'ailleurs pas attendre longtemps au sein de ma prison pour me rendre compte que des éléments changeaient en moi. Mon corps se transformait petit à petit, comme si l'apparence de fantôme que je possédais était vouée à disparaître. Je retrouvais ainsi mes formes, bien qu'encore incertaines. Les choses étaient étranges et les jours passaient lentement, très lentement. Quelque part, peut-être que je savais déjà que je pouvais sortir d'ici, de cette prison qui m'avait gardé en son sein tant d'années. Mais j'avais peur, peur de découvrir ce qui m'attendait dehors, peur de devoir guider de nouveau les individus à leur trépas, peur de prendre conscience que mon fils était mort depuis longtemps déjà. Il était certain que le monde avait changé, qu'il n'était pas celui que j'avais quitté jadis. Mon enfant avait dû épouser une femme, avoir des enfants à son tour. Comment pourrai-je retrouver ma famille dans ces conditions ? Comment pourrai-je refaire ma vie ? Le pourrai-je seulement ? Je ne me sentais plus capable d'aimer, les sentiments négatifs qui m'embourbaient dans les méandres de mon esprit m'en empêchant probablement. J'étais pleine de craintes, d'appréhensions diverses et variées. Pourtant, je devrais bien me décider à pousser cette lourde porte de chêne qui maintenait l'Opéra du Chaos à l'abri des visiteurs inopportuns. Je n'avais pas besoin de déplacer la porte. Je pouvais très bien la franchir sans cela.

Les heures passaient sans que mes yeux ne se focalisent sur autre chose que la porte, celle qui était le commencement d'un monde que je ne connaissais pas, ou plus. Je me remémorai sans cesse l'aventure que j'avais vécu peu de temps avant, parcourant les Terres du Yin et du Yang en compagnie de cet homme, cette Ombre, comme moi, que je ne connaissais auparavant pas. J'avais procédé au cycle de la vie, j'avais fait mourir des hommes pour que la vie puisse s'éveiller ailleurs. C'était beau et terrible à la fois. Je ne savais qu'en penser et, quelque part, je me doutais que dans un futur proche, si je sortais de cet édifice, de ce monument historique, alors je serai moi-aussi vouée à entrer dans la grande entreprise constituée de ceux qui faisaient partie de mon peuple. Devais-je ? Osais-je ?

Je pouvais voir le vent s'infiltrer par le bas de la porte, rongée à quelques endroits par des animaux ou des insectes. Malheureusement pour eux, le bois était solide et malgré leurs nombreuses tentatives, ils n'avaient réussi à détruire ce qui constituait un bout d'un bâtiment si cher à mes yeux. J'avais chanté à de nombreuses reprises au sein de cet endroit, ma voix résonnant parfaitement grâce aux prouesses architecturales des constructeurs. Si j'avais su de quoi Somnium était faite... de magie, d'une magie puissante qui n'était autre que le fruit d'une union entre une rêveuse et un prince. Bientôt, je le découvrirai. Encore quelques secondes, quelques minutes sans doute. Je devais sortir, je le devais vraiment, mais c'était comme si mon corps était figé, incapable d'avancer vers cette voie.

Je fermai les yeux. Je n'avais plus aucune notion de temps mais lorsque je les ouvris, mon corps était encore plus précis qu'avant. Mes paupières s'étaient dessinées, mes pupilles avaient refait surface. Je ne le voyais pas, bien sûr, mais je sentais en moi la tempête du changement, un vent violent qui allait emporter la vie que j'avais vécu ici au loin.

Un nouveau jour pointait à l'horizon alors que mon corps brumeux passait au travers de la porte de l'Opéra du Chaos. Dehors, ma silhouette redevint celle d'antan. Mes mains, je voyais mes mains, aussi douce qu'elles l'avaient été dans le passé, chaque détail, chaque parcelle de ma peau. Nue, je regardais l'espace qui m'entourait, profitant de ce moment de répit, ce moment de calme. Je savais que mes tourments reviendraient, mais, pour l'instant, j'étais trop subjuguée par ma découverte pour ne serait-ce que penser à autre chose.
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Jeu 20 Aoû 2015, 20:14

L'Opéra du Chaos avait été jusqu'ici ma seule maison, un sanctuaire qui avait eu le pouvoir de me protéger du monde extérieur et de sa réalité. Pourtant, et je ne le savais pas encore, j'étais actuellement sur un bout de terre qui n'avait rien en commun avec la réalité. Somnium, ce qui avait été autrefois l'île protectrice des Génies n'était plus aujourd'hui qu'un terrain abandonné, livré à lui-même et à la dictature des souvenirs du passé. La tyrannie de la dernière poussière des vœux oubliée me guettait, prenant l'allure de félins qui laissaient dans leurs sillons des traces illuminées. Où étais-je seulement tombée ? Personne n'entourait mon corps nouvellement retrouvé. Bien que nue, je ne m'étais guère sentie aussi habillée depuis longtemps. Le Destin avait enfin décidé de m'accorder l'un des souhaits que je me répétais sans cesse afin d'éviter que la folie ne me guette, que l'oublie ne m'assassine. La formulation avait sans doute quelque chose d'ironique mais, plus le temps passait, plus ma sensibilité à l'égard de ma mort se tarissait. Elle me semblait lointaine, trop pour lui accorder une quelconque importance. Elle était la cause de mon état et me hanterait toute ma vie, mais ce n'était pas tant le geste que la période qui en avait découlé. Cette déprime qui gagnait mon cœur, j'arrivais parfois à l'atténuer, sans jamais savoir comment cependant. Cela se présentait simplement, quelques secondes, quelques minutes parfois. Oh jamais bien longtemps, mais j'espérai à chaque fois qu'une seconde de plus me serait offerte comme un présent que ma patience aurait mérité. Pourtant, dans le flot de mes pensées, une question demeurait : et maintenant ? Que devais-je faire ? Où devais-je aller ? Avais-je gagné un peu d'espace ou bien étais-je à présent totalement libre de m'en aller, de me rendre où je le souhaitais ? Personne n'était présent pour répondre à mes interrogations. Le silence régnait, troublé par ces animaux étranges qui, j'en étais sûre, n'en étaient pas réellement. Mais, après tout, que connaissais-je de ce nouveau monde, ce monde qui n'était plus le mien depuis longtemps ?

« Ce monde est éteint et, pourtant, il vit encore quelque part. » s'éleva une voix à mon côté. Moi qui avais l'habitude de ma forme brumeuse, je restai un moment stoïque avant de penser enfin à tourner la tête. J'avais perdu bien des avantages, mais avais gagné celui d'être vue. « Vous semblez nostalgique. » dis-je en observant l'homme qui se tenait là. Peut-être avais-je perdue mes facultés à ressentir les émotions positives mais je connaissais les négatives trop bien à mon goût. La nostalgie, voici un sentiment puissant, mêlant tristesse et regret, tellement destructeur. « Hé oui. Si seulement celle-ci pouvait me quitter. Cependant, elle est toujours là... au fond d'un cœur que je n'ai pas vraiment. ». Je compris bien vite que ma présence apaisait l'homme, en quelque sorte. Mais ce n'était pas moi, Iseult, c'était simplement la compagnie que je représentais. Lui aussi, sans doute, était seul depuis bien longtemps. « Un cœur que vous ne possédez pas réellement... » répétai-je, intriguée. Cela dit, ma curiosité était vouée à s'éteindre dans l’œuf car, lui, ne semblait pas du tout saisir l'aubaine qui se profilait là. Il était rare que mon intérêt naisse. Aussi me dis-je que mon esprit était là sous le joug d'un maléfice quelconque. Quelques secondes plus tard, le sentiment était perdue dans les limbes. « Auparavant, Somnium était différente ! » s'exclama-t-il soudain. « Pleine de vies, pleine d'espoirs. Elle était si peuplée que les conversations s'entendaient de l'Océan même ! ». J'en doutais mais, après tout, que pouvais-je savoir de la position de l'île par rapport à cet Océan qui me paraissait si loin ? Depuis combien de temps n'avais-je pas admiré les vagues s'écraser sur les falaises ou caresser la plage ? Le spectacle m'émouvrait-il encore seulement ? « L'Opéra du Chaos... vous l'auriez vu jadis. Il n'était pas désert comme aujourd'hui ! Et le Mârid... ». Mon regard plongea sur le paysage. Rien ne laissait présager qu'un jour l'endroit avait été aussi radieux. Pourtant, l'Opéra du Chaos radieux,, oui, je m'en souvenais. Peut-être même de Somnium... Après tout, n'avais-je pas appris ici ? Étais-je un jour sortie de l'immense monument ? A vrai dire, je ne m'en souvenais plus. Tout ce dont je me rappelais c'était la haine farouche de mon époux envers ma personne, de l'amour qui brillait dans les yeux de mon fils, et des milliers de visages tournés vers moi lorsque j'entonnais la première note d'opéra...
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Ven 21 Aoû 2015, 01:21



Personne ne peut comprendre, comprendre ce sentiment qui s'empare de moi à chaque fois que je chante. Seule ou dans un chœur, la musique s'imprègne dans mon être et je la sens vibrer en moi comme un torrent s'écoulant à toute vitesse du versant d'une montagne rocheuse. Je me sens possédée et dépossédée à la fois. Il n'y a que comme ceci que je vis véritablement, quand je sens les frissons parcourir mon corps, quand je sens les notes violentes des instruments soutenus par ma voix. Quand je suis sur la scène, je me sens éternelle, immortelle. Il n'y a plus ni trac ni crainte, il n'y a plus que l'instant présent, cette lutte, cette maîtrise. Il n'y a plus rien de compliqué dans les accords, dans la tonalité une fois que le contrôle parfait est possédé. Ce n'est qu'un jeu, le jeu de la vie et de la mort, le jeu de l'amour et de la haine. Je pourrai chanter à jamais, jusqu'à ne plus avoir de voix. Dans mes habits de scène, la foule n'est à mes yeux qu'une excuse. Je n'ai pas besoin d'elle, je n'en ai jamais eu besoin, car quand je chante, je le fais pour moi, pour mon plaisir, pour l'art. Ils ne comprennent pas et ne comprendront jamais ce que cela procure, ce que cela fait. Lorsque je chante, c'est comme si des milliers de dragons enflammaient le ciel dans un même mouvement, c'est comme si tous les Génies des Terres du Yin et du Yang exhaussaient un unique vœu, ensembles, c'est comme si chaque Ange était déchu d'un même mouvement. Mon cœur en rythme avec les percussions, je me sens soudain capable de provoquer la fureur des océans, les tremblements de la terre. Lorsque les cuivres jouent, que je les rejoins, alors c'est le volcan ardent qui explose de toute sa puissance, c'est un général qui prépare ses soldats à livrer bataille, c'est le sacrifice d'une vie pour en sauver des milliers d'autres. Qui pourraient vivre une existence entière sans jamais écouter, écouter la musique et ses variations ? Parfois calme, parfois rapide, elle se joue de l'auditeur, s’immisçant ici et là, lui assénant un violent coup sans crier gare avant de faire pattes de velours. Parfois, la musique est joie, d'autres fois, elle est tristesse. Colère, dégoût, passion, amour, haine, il n'y a aucune limite si ce n'est le talent des compositeurs et celui des interprètes. C'est pour cela que je vis, pour donner de la justesse, pour relever le défi quasi-impossible de faire entendre au cœur de mon chant les volontés de l'être qui m'a fait l'honneur de m'accepter comme l'incarnation de son œuvre. Alors, qu'importe si la vie me quitte durant un spectacle, qu'importe si la musique m'emporte au delà même de cet opéra, possédant mon corps et mon âme, car je serai satisfaite. La finalité ne m'effraie pas, la mort non plus. Ce que je ressens, je suis certaine que peu ont eu le privilège d'y goûter un jour, cette impression de n'être qu'un instrument au service d'une cause bien plus grande et bien plus noble. Que les Ætheri me maudissent s'il est présomptueux de penser que, parfois, ils me hantent, me propulsent dans un autre univers où je ne suis plus maîtresse de moi-même, où les émotions sont plus fortes, libérées de toute raison. Il n'est alors plus question de penser mais simplement de lâcher prise, comme ce moment si spécial où le rêveur s'apprête à se lancer dans la formulation de son souhait en sachant pertinemment que sa demande aura des conséquences, comme ce moment si spécial où un Ange se jette du haut d'une montagne en sachant pertinemment que si ses ailes refusent de lui répondre, alors il en sera fini de lui à jamais. Toutes ces prises de risque, tous ces moments magiques et puissants, je les ressens lorsque je chante. Il n'y a guère meilleure source d'adrénaline, meilleur moyen de se libérer de l'emprise d'un corps, de se sentir emporté par le divin.

« Dans l'hypothèse où je pourrai exhausser l'un de vos souhaits, que choisiriez-vous ? » me demanda l'homme.

Fin
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