Mancinia maintenait la cadence, rien ne devait arrêter sa marche. Elle savait que si elle ralentissait, elle perdrait un temps précieux. Et peut-être que ces minutes de perdues lui seraient fatales. Ce n'était pas tant sa vie qui était dans la balance, mais aussi l'envie de déloger les choses qui la rendaient dans cet état de fatigue nerveuse. Essayant de contenir la fureur qui assaillait sa maîtresse, Kamiya tentait de lui faire la conversation, ou tout du moins, quelque chose digne de son intérêt et de ses capacités de compréhension. Sans son compagnon aux plumes noires, elle aurait rendu les armes depuis les longues journées qui avaient précédés. L'Humaine était exaspérée par les deux énergumènes qui la suivait depuis son aventure dans la Forêt des Murmures. Ils n'avaient pas trop de mal à la suivre et s'amusaient même de sa mauvaise humeur, essayant sans cesse de lui donner des raisons de se laisser aller à la colère. Elle était leur moyen de divertissement, ils essayaient de voir jusqu'où ils pouvaient aller. Et Mancinia n'avait nullement l'intention de laisser des gamins avoir l'ascendant sur elle ! Car même si elle aimait les enfants, elle ne s'en trouvait que plus démunie face à leur logique, qui la dépassait totalement ; ces derniers ne pensaient qu'à s'amuser malgré les horreurs qui se passaient en ce bas monde.

L'Humaine était convaincue que des enfants normaux seraient terrorisés, ou veilleraient à ne pas déranger les adultes qui tentaient de trouver une solution, mais eux, non. S'amuser de tout, au mépris de leur vie, voilà leurs ambitions. S'ils avaient des parents, ce n'était guère étonnant que ces derniers les aient abandonnés. C'était sans doute cruel, mais ce n'était que la vérité. Ils étaient le centre de son attention actuel, mais Mancinia ne devait pas négliger les informations qu'elle entendait. Ce n'étaient que des rumeurs, certaines assez sordides ou totalement farfelues, mais l'agitation au sein des terres du Yin et du Yang ne laissait pas vraiment place au hasard. Il se disait que le nouveau Continent, nommé Taelora, est d'une merveille sans nom et, surtout, est épargné par les aléas des sols instables. Le Continent Mystérieux, lui, sert de refuge à ceux qui en ont le plus besoin. Et bientôt, Mancinia sentait que les habitants de son Continent en ressentiraient aussi l'exigence. C'en était vraiment devenu ardu d'avancer en ce bas monde, dès que l'on croyait avoir évité le pire, une nouvelle secousse ébranlait les terres, contraignant les marcheurs qu'ils étaient à rester loin des bâtisses ou d'éléments qui s'avéreraient dangereux en cas de chute. Désormais, une chose était certaine, les terres tremblaient toutes et ce mal ne faisait que s'étendre. Et ce n'était qu'une question de temps avant que les choses ne s'aggravent encore. A moins qu'ils n'avaient tous franchis l'acte de non-retour ?

Les Sirènes et Sorciers étaient en guerre ouverte depuis la révocation du mariage de leurs deux souverains. Les Démons s'agitaient à nouveau sur des Anges et menaçaient les Humains, ainsi que les Orines. Les Magiciens venaient de faire le tri au sein de leur Conseil, la Reine Edwina ayant découvert des traîtres Sorciers parmi les siens, l'animosité entre les deux peuples n'en était que plus grande ! Quant aux Alfars, eux, n'étaient pas très loin derrière, avec une armée et ces Statues monstrueuses qu'ils avaient affrontés dans la Forêt des Murmures et, sans le croire, étaient sous leur contrôle. Alors qu'ils auraient du s'unir, ils se retrouvaient à s'entredéchirer à nouveau. Personne n'apprenaient-ils rien ? Il était vrai que toutes les races n'avaient pas le même point de vue, mais à quoi bon se faire la guerre si les eaux envahissent les terres ? Gouverner de la flotte était-il intéressant pour quelqu'un d'autre que la Reine des Sirènes ? Car c'est bien elle que tout le monde rendait responsable de leurs malheurs, ce serait elle qui anéantirait les Continents dans sa colère sourde. Était-ce à cause de ce mariage raté qu'elle avait pété les plombs ? En même temps, quel idée saugrenue que d'épouser un Sorcier ! Et puis, si cela semblait facile de s'accuser les uns les autres, les Sirènes ne faisaient rien pour arranger la situation ; la Cité Engloutie demeure dans le silence. D'autres s'amusaient à trouver des noms ou des sujets insolites !

Si, dans un premier temps, beaucoup de monde avait cru à une malédiction des Aetheri, désormais, on se concentrait sur une certaine Dévoreuse et un certain Architecte, les responsables de ces chambardements - tandis que d'autres croyaient en une seule entité, comme elle. Étant toute naturellement désignée pour commander les océans, la Reine des Sirènes, était pointée du doigt concernant la destruction des côtes, de la fureur des vagues qui engloutissaient les personnes et leurs biens, ainsi que ces monstres lancés contre eux sur les rivages. Mais impossible de savoir de quoi il en retourne réellement sans qu'elle ne se décide à répondre. Indomptable jusqu'au bout, cette femme. Et devait-elle aussi parler de ces Masques d'Or, des créatures sans âmes qui tuaient sans remords au nom de cet Architecte ? On ne savait même pas à quoi ils ressemblaient. Ils apparaissent sans prévenir, vêtu de leurs masques burlesques, décimant tout sur leur passage. Non, Mancinia devait s'estimer heureuse de n'avoir croisé la route que des monstres marins, au tout début de ces mésaventures grandissantes. Elle aurait mieux fait de s'en retourner à Utopia, mais elle n'y était point parvenue par le chemin qu'elle aurait souhaité, tous les peuples ayant décidés de se fracasser les uns aux autres. Il était vrai que l'Humaine n'avait pas choisit la voie de la facilité en faisant ce détour, mais ce n'en était que plus sûre.

La jeune femme avait mit une semaine à atteindre la Forêt des Murmures depuis la Plage de Sable Fin, mais la voici presque à l'autre bout du Continent Naturel, en marche vers l'Edelweiss Enneigée, après être passé par le Lac de la Transparence. Longée la montagne jusqu'au Désert, avant de remonter vers sa Capitale, ingénieuse idée, mais qui comportait une perte de temps considérable. Temps qu'elle n'avait pas vraiment. Devaient-ils vraiment faire ce détour contraignant ? Entre les Statues de la Forêt des Murmures et les attaques de quelques pillards - ou soldats, elle ne saurait le dire - Mancinia avait eut fort à faire. Et puis, s'ils étaient parvenus à sortir de cette maudite forêt, avant de s'enfuir sur plusieurs lieues et de trouver un fleuve qu'ils remontaient - tout en s'assurant de rester à distance raisonnable, qui sait si le tentacule d'un poulpe géant ne s'y trouvait pas ? - c'était surtout grâce à ces deux enfants étrangers qu'elle y était parvenue. Elle leur devait la vie, d'une certaine manière, sa conscience se devait de les supporter jusqu'à ce qu'elle trouve des personnes pour s'occuper d'eux. Son bras n'était pas complètement remis, même si elle pouvait désormais se battre. Sa jambe avait guérie, mais elle en garderait des séquelles physiques. Sa tête, elle, mettrait des mois à se remettre de ces deux-là...

Ce détour, c'était surtout qu'elle ne souhaitait pas les traîner dans le Désert, ni devoir se les coltiner à Utopia. Elle voulait les mettre en lieu sûr, quelque part. Peut-être qu'un village perdu au milieu des montagnes serait un endroit idéal. Pour peu qu'il tienne encore debout dans une semaine. La Montagne de l'Edelweiss Enneigée. Cela faisait plusieurs heures qu'il marchait en sa direction, son gigantisme n'en était que plus évident à ses racines. Des souvenirs remontèrent à la surface, la rendant nostalgique, tandis que son regard de perdit dans le ciel, cherchant son sommet invisible, cacher par des nuages. Il y avait un petit village Humain dans les environs à l'époque de son enfance, Darren, ses parents et les autres chasseurs venaient faire commerce, mais il était certainement abandonner depuis des lustres. Qui sait ? ...Ils n'étaient qu'au pied de cette longue chaîne, mais ils devaient prendre de la hauteur pour la nuit, histoire d'établir un campement plus ou moins en sécurité. Et qui dit hauteur, dit températures descendantes. Il fallait qu'elle fouille à la recherche de sa veste, modeste, mais qui lui porterait plus chaud qu'une simple chemise de lin. Tiendraient-ils le coup, eux ? Même en ne rencontrant pas de neige, une mauvaise préparation, c'est la mort assurée.

— Vous avez quelque chose de chaud à vous mettre ? demanda-t-elle, tout sourire, en s'adressant aux Jumeaux. C'est qu'il ne fait pas bon d'aller en montagne sans préparation. A moins que cela ne vous dérange pas de vous amusez de la mort ?

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Résumé I: