La journée avait à peine commencé, que déjà j’étais parti en direction de l’endroit indiqué par Shalk. « Tu verras, c’est vraiment maaagnifique là-bas ! Tu pourras cueillir des fleurs exceptionnelles pour Léto ! Puis franchement, je pense qu’il y a un truc vraiment très louche là-dessous… des vapeurs qui s’échappent ou quelques choses comme ça… j’ai cru voir une grotte avec des étoiles au plafond et une dizaine de soleils par la suite… personnellement, j’ai rebroussé le chemin… » Par la même occasion, Shalk ne faisait que piailler sur le sujet, ce qui m’a irrémédiablement attiré. Ainsi, en face de moi se tenait un chemin qui valsait avec les coquelicots rouge vif, dont le temps devenait de plus en plus incertain. Cette colline, depuis combien de temps je la gravissais déjà ? L’air semblait beaucoup plus frais et pur, on aurait dit que les fleurs dansaient aux grès de la brise. Un paysage étrange, un horizon qui n’était pas fait pour un Alfar… où étaient les plantes grimpantes qui asphyxient les arbres ? Les arbustes dont les fruits sont du poison, ou encore les ronces épineuses qui lacèrent les visiteurs ? Non vraiment, l’endroit ne manquait pas de charme pour un Elfe, mais pour un Alfar…  

Cela faisait trop longtemps que je marchais, et chaque pas me semblait interminable. Ce ne fut que quand le soleil était de l’autre côté que je me retrouvais tout en haut, où se trouvaient de somptueuses statues qui semblaient m’épiais. J’avais la nette impression que leurs yeux me suivaient pendant que je continuai ma route. Quand j’arrivais devant une grande cavité, le soleil semblait se coucher, et je décidai d’y rentrer. Le plafond… Shalk n’avait pas menti, il était illuminé de mille étoiles éblouissantes. Je les suivis sans peine, et sur quoi je débouchai me laissa pantois. Devant moi se tenait un monde tout autre… une dizaine de soleils, une fontaine sans commencement ni fin… je me frottais les yeux, j’avais l’habitude des hallucinations, mais pas d’aussi invraisemblable à dire vrai. Soufflant, comme pour me dire que je n’étais pas fou, je continuai, marchant dans l’eau claire de la fontaine, manquant parfois de tomber. Je me retrouvais alors dans une pièce perdue dans le temps, où sept portes accessibles se présentaient à moi. L’une étant totalement ravagée.  

Je passais celle qui se trouvait devant moi, sans plus de superstition que cela, ne jugeant pas sur un nombre pour en choisir une. La salle était assez austère, de grandes colonnes rondes et dessinées la faisaient tenir. Elle était vide, froide, et mes poils se hérissèrent aux pas qui semblaient s’orienter vers moi. Pourtant, je restais aveugle, je ne voyais pas l’homme ou la femme qui s’avançait, n’apparaissant qu’à la dernière minute. Il me de regard, et ma seule réponse fut… sans réactivité. Claquant des doigts, il disparut avec tout le décor, ne laissant qu’un endroit vide de tout, sombre et où mes pas résonnaient. L’angoisse me prit sans ménagement, le vide était pour moi quelques choses d’effrayant, j’avais juste l’impression d’être retourné dix ans en arrière… d’être dans ma tête. Un sifflement raisonnait, des pas et des cris. J’avais pourtant beau regarder autour de moi, je ne voyais rien. Une voix me parvint, et je ne pus l’appeler : « Léto ? » Ma respiration s’affolait toute seule, j’avais l’impression d’avoir quelqu’un derrière moi, mais quand me je retournai, il n’y avait rien, que du vide. L’endroit se changeait alors, une place, où j’étais accroché, ayant l’impossibilité de me défaire de mes liens. Devant moi, des gens avaient le visage défiguré par la haine, jetant tout ce qu’il pouvait en me traitant de monstre. À ma droite, des mères pleuraient leurs enfants, déchiquetés, à moitié dévorés. Mon cannibalisme était quelque chose que je considérais comme tabou, seul Léto et de rares personnes étaient au courant. Je balançai ma tête de droite à gauche : « C’est… une illusion… c’est impossible autrement… » Bien sûr que s’en était une, mais pourquoi cela faisait-il si mal alors ? Les objets, les fruits et légumes s’écrasèrent sur moi, humilié, les liens se détacha, et je tombai une nouvelle fois dans cette espace vide. J’étais loin d’être effondré, parce que la rage bouillait maintenant en moi à ne plus s’éteindre. Sans attendre, je me retrouvais chez moi, avec mes filles, Shalk, mais aussi mes deux amants : Léto et Kohei. Ils se semblaient tous terrifier, me regardant comme un monstre, une bête, irregardable. Mes yeux s’écarquillèrent… j’avais beau me dire que c’était faux, ma gorge se serrait… j’avais déjà imaginé cette scène, mais toujours leurs visages étaient restés indescriptibles. Ici, je n’avais pas la possibilité de fuir leur regard, leur crainte était ici, en face d’eux… Pourtant, ils dérivèrent leurs yeux vers quelques choses derrière moi, et le sifflement que j’entendis ne prévoyait rien de bon. « Non… » Murmurais-je, avant que le serpent derrière moi se jeta sur ses proies. Je restais pourtant là, inerte. Ses crocs en plantèrent en Prune qu’il avala tout rond. Mozaga, dont les membres gisaient maintenant par terre. Shalk qui venait d’être paralysé avant d’être engloutie… Léto… Kohei… Je tombais bêtement à genoux, les bras ballants. La vitesse avait été élevée, exprès pour ne pas que je réagisse. Pourtant, j’avais l’impression de tout avoir vu aux ralenties. Je fermais les yeux lorsque le serpent me fixa intensément… allait-il me dévorer aussi ? Prendre ma place, ne laissant qu’une bête sans maîtrise ? Je soufflais pour me calmer, il n’y avait pas d’autre solution n’est-ce pas ? Pas d’autre choix… La bête devait manger la bête, qu’elle se confonde ou pas. Me relevant lorsqu’il se jeta sur moi, je l’esquivai, plantant au passage ma lame sous son ventre. Un liquide bleuâtre sortie de sa chair : « Ne pense pas pouvoir me contrôler, si je suis le monstre, ce n’est pas pour autant que je n’ai aucune maîtrise… contrairement à toi » la lutte commença, sans relâche, et mes dents s’enfoncèrent ans sa chair aussi souvent que je le pus. Je sombrais peu à peu dans la rage, mais c’était aussi cela qui me faisait vivre, me battre avec fureur pour continuer encore demain. Le serpent toucha terre, que je continuai de le dévorer, il fallait que je le fasse, il fallait que je le mange jusqu’à ce qu’il disparaisse. L’esprit ne m’en laissait pas le temps. D’un claquement de doigt, tout redevint normal, et je me tenais devant un homme. Machinalement, je sortis mon arc, le menaçant. « Oh… » Dit-il las « Ne joue pas à ça avec moi. » D’un nouveau claquement de doigts, mes armes se transformèrent en insecte qui se baladait sur mon corps. Les enlevant frénétiquement, je pestai : « A quoi ça rime ?! » « Bienvenue aux temples… je vois que j’ai à faire à un inculte… au moins t’as rage est un atout de taille, dévorer sa propre représentation pour détruire ses craintes… » Il fit le tour de la salle : « Enchanté, William. Je ne sais pas comment vous avez fini là, mais vraisemblablement, vous n'en savez rien vous-même… n’est-ce pas ? » Je ne répondis pas, ne sachant que dire : « Je n’ai pas besoin que vous parliez… mon test fut concluant, vous êtes accepté par ce temple, vous mettrez votre colère, votre rage au service de celui-ci…  en prenant en compte le fait que vous soyez d’accord. » Alors qu’il me racontait son histoire, l’histoire de ce lieu et culte, je compris une chose... le défendre, me battre pour lui, me ferait me pousser plus loin, me rendre plus fort aussi… « J’accepte de défendre ce temple, d’y croire… » William hocha la tête, me présentant des armes : « choisis celle qui te lira à cet endroit… » Je me saisis alors d’une lame cachée, et il se mit à rire… un court rire qui en disait long.

Je partis en ne me retournant que de rare fois, croyant encore à un rêve, et assez fière d’avoir dévoré ma propre entité. Je ne savais ce que je pouvais apporter à ce temple, mais dans tous les cas, je sentais qu’il m’avait déjà rendu plus fort.

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