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Le Soleil dorait le ciel, tout en réchauffant Neah alors qu'il déambulait dans les rues de la Capitale. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas ressenti une telle quiétude ! Après plusieurs semaines à se croire en train d'étouffer, à ne pas se sentir correct et à se croire pris au piège entre les murs de la Citadelle Blanche, l'Ange se sentait libéré d'un fardeau encombrant. Son être avait été déchiré par les tourments de sa modeste existence et, bien qu'il eu tenté de le dissimuler, ses parents n'étaient pas aveugles. Ils avaient finis par le mettre devant les faits ; ils craignaient pour sa santé, pour son travail et, surtout, pour son statut. C'est que les Anges qui s'éloignaient trop de leurs vertus devenaient des Déchus et Neah était encore un enfant au regard de sa mère. Pourtant, c'est avec son père qu'il avait tenu une longue conversation. Son fils avait finit par lui avoué ce qui lui pesait sur le coeur ; il avait envie de visiter le monde, de découvrir d'autres cultures que dans les livres. Son père lui avait parlé doucement ; lui-même s'était posé des millions de questions sur le monde, surtout sur le pourquoi de sa mort et de la réincarnation. Pourquoi était-il mort en sauvant un homme de la noyade au lieu de survivre et de continuer sa vie sur les terres magiciennes ? Il avait rit en disant que ce n'était que pour rencontrer Suna, sa mère !

Un sourire se manifesta sur le visage aux traits fins de l'Ange. Il n'avait attendu que cela. Un mot, une affirmation ; la vie qu'il voulait mener lui appartenait, tant qu'il continuait à suivre le bon chemin tout en honorant son nom. Son optimisme sans borne était revenu aussi rapidement qu'il avait disparu, des semaines auparavant. Sa décision définitive n'avait pas tardé à tomber ; il avait prit la décision de se retirer des affaires familiales et ce, pour explorer le monde, de faire de nouvelles rencontres et d'acquérir des connaissances qui lui seront nécessaires dans sa vie future. Rien que de s'imaginer courir à travers monts et vaux... ! Ça le rendait plus que rêveur ! Ses parents, lui faisant promettre de revenir dès qu'il serait prêt, ne s'y étaient pas opposés. La manufacture familiale, tenue par ses parents tournerait bien, avec ou sans sa présence. Sa mère avait le sens des affaires, elle était la descendante d'une prestigieuse lignée de marbrier et tenait son savoir de ces ancêtres. Son père était un peu plus calme, penché sur sa table à dessin à créer des bâtiments plus incroyables les uns que les autres. Leur union à donner naissance à une entreprise de construction très prospère pour ses idées innovantes, quoi de plus normal ? L'Ange s'arrêta au milieu de la rue pavé, bien qu'assez déserte, elle lui donnait l'impression de se refermer sur lui. Il ferait mieux de trouver un endroit où il relâcherait la pression.

Il avait beau réfléchir un moment sur un lieu où il pourrait se rendre, Neah se rendit vite compte que cela n'avait aucune importance tant qu'il finissait par s'échouer quelque part. C'est alors que son oreille distingua des rires d'enfants qui se mêlaient aux chants des oiseaux, les clapotis de l'eau et le tintement de quelques clochettes agrémentaient les sons qu'ils percevaient de loin. Ils devaient provenir du Parc, alors, souriant, il prit la direction de ce petit coin de verdure en empruntant un chemin de terre. Il n'y avait aucune délimitation, les bordures étant naturelles - de l'entrée qu'il empruntait, des haies refermaient l'espace. Créer dans le but d'apporter la sérénité à ceux qui en aurait besoin pour se libérer des poids de la conscience, l'aménagement de ce Jardin cherchait à interpréter et idéaliser la nature en limitant les artifices. Neah appréciait la perspective, s'amusant des éléments illusoires qui le composait - comme ces arbres immenses au premier plan, mais des arbres plus petits à distance - et dont les vides sont comblés par des bassins d'eau, de mousse ou de sable. Rien ne révélait complètement la vue, faisant paraître le Parc encore plus vaste qu'il ne l'était et ce, avec l'aide de la végétation, des bâtiments et des éléments qui composaient ce décor - comme des lanternes de pierre et autres statues utilisées pour dissimuler ou dévoiler les différentes facettes du Jardin.

Cette composition reposait sur la reproduction naturelle en miniature de paysages entiers ! Saisis par un exécutant capable d'une prouesse de taille, car symbolisés ces scènes contraires dans un espace restreint étaient d'un complexe que Neah ne douterait point de l'habilité du maître d'ouvrage. La représentation d'endroits miniaturisés avait le don de l'intriguer encore plus ; à quoi ressemblaient ces lieux ? Étaient-ils aussi enchanteurs ? Étaient-ils remplis de secrets, dangereux ou hypocoristiques ? Il le saurait sans doute bientôt ! Ses pas le conduisirent vers l'endroit le plus à l'est, près d'un plan d'onde qui était dessiné d'une manière irrégulière et asymétrique, alimenté par un cours d'eau naturel. À l'endroit où un cours d'eau se jette dans un plan d'eau, on trouve une petite chute d'eau, marquée par une formation de roches sédimentaires. Cette technique rendait le ruisseau tortueux, à la manière des régions côtières. Il s'assit sur le rebord de ce dernier et commença à contempler ce qui l'entourait ; le Jardin était paré de mille couleurs, sous la douce chaleur du Soleil, bordés d'herbes sauvages et de fleurs. Les arbres feuillus et verdoyants, s'agitaient doucement sous la brise légère du vent. Certains oiseaux piaillaient, d'autres insectes butinaient. La rivière s'écoulait calmement et quelques rares poissons remontaient son courant, sautant de temps à autre hors de l'eau. Quelle nature paisible !

L'Ange ferma les yeux quelques instants, se laissant porter par le calme mélodieux qui amusait ses oreilles. Il trouvait cet état de plénitude empli de satisfaction, agréable, comme si son équilibre était revenu. Sans doute ce sentiment ne durerait qu'un temps, face aux problèmes du monde, l'inquiétude et le stress étaient le lot quotidien de chaque habitant de ces terres. Néanmoins, se débarrasser de tous sentiments parasites l'empêcherait d'avoir des réactions inappropriées, comme ce fût le cas dernièrement. Stocker en soi des sentiments inexprimés était également un danger, puisqu'ils ne feraient que grandir dans le temps. Se sentir bien, c'est sentir sa vitalité complète et d'user de cette dernière pour créer le bien autour de soi. Neah inspira l'air ambiant, savourant cette nourriture naturel du corps, se laissant envelopper dans la douceur et le calme. Et c'est alors qu'une sorte d'énergumène sans âme, totalement insensible à l'ambiance qui les entourait, brisa la sérénité du Parc pour une espèce de cri suraigu. Neah ouvrit les yeux, quel surprise ! D'où cela pouvait-il bien provenir ? A nouveau, le cri ce fit entendre. Si cela était bien un hurlement, d'ailleurs, tant cela était indéfinissable. L'Ange se redressa et prit le temps de s'interroger avant de s'élancer en courant vers la direction de ces cris inhumains qui ne cessaient de résonner à intervalles réguliers.

Franchissant les étendues d'eau avec l'aide d'une multitude de pont en pierre, Neah essayait tant bien que de trouver l'origine de cette situation. Peut-être était-ce une blague de mauvais goût, mais après tout, on ne savait jamais ce qui pouvait se passer à l'avance ! Il prit la direction du Jardin Minéral, où les sons semblaient plus forts, c'est dans ce lieu où l'eau était représentée par des pierres. Ce dernier était composé de sable, de rochers, de graviers et de mousses, sans la moindre autre plante. Ce Jardin mesurait trente mètres de long sur dix mètres de large, il contenait quinze roches grisâtres de différentes tailles, répartie en cinq groupes variant entre deux à cinq pierres, certaines entourées de mousse. Il se dit d'ailleurs que les roches sont disposées de façon à ce que les visiteurs ne voient jamais que quatorze pierre d'un seul regard, sur les quinze mises en place. L'Ange ne savait, mais ne prit pas vraiment le temps de s'y attarder. Entendant un craquement dans les branchages, il se retourna et vit une ombre se faufiler parmi eux, fronçant les sourcils, il se demandait qu'elle était cette diablerie. Quelqu'un l'observait-il ? Neah lançait des coups d'oeils de toute part. A gauche, personne. A droite, personne. Attendez une seconde. A gauche... ? Si, il y avait quelqu'un ! Ou, plutôt, quelque chose aspirait quelqu'un au travers du sol !

Réagissant d'instinct, Neah accourut près d'elle. Seul son visage et une main tendue lui permettrait de se dégagée. Il lui saisit l'avant-bras sans ménagement, tentant de le coincé entre son bras, mais l'Ange aux cheveux de feu tressaillit en sentant la main de la demoiselle s'accrocher brutalement à son épaule, malgré sa main écrasée par l'éteinte plutôt forte de la jeune femme, compte tenu de son gabarit, il tentait vainement de la ramener sur la surface. Il tenu quelques instants, mais le sol était si instable qu'il se dérobait sous lui aussi, s'enlisant de plus en plus vite...Jusqu'à ce que les deux Anges soient aspirés dans les entrailles de la terre. Neah chuta de quelques mètres et fit un magnifique plat, avalant de la terre au passage. Se redressant douloureusement en crachant ce qu'il avait ingurgité par imprudence, il ne put s'empêcher de déclarer ;

— Et bien, quelle chute !

Neah se dit que son sens l'observation était, décidément, très extraordinaire. Faire pareille remarque lui vaudrait bien une remarque amusée sur son étourderie, non ? Machinalement, les mains de l'Ange s'étaient mises à épousseter sa tunique blanche, conçue avec des perles, dont des broderies d'or sur le col et les poignets donnait un effet de sublimité, tandis qu'il achevait son tour d'horizon. Le plafond était bien haut pour tenter de l'atteindre en escaladant les parois - elles étaient tellement lisses qu'il ne saurait même pas y mettre ses mains ! - Puis, il reporta son attention sur sa compagne de mésaventure. C'était une Ange, mais elle était bien plus grande que lui - qui n'était pas plus grand que lui, d'ailleurs ? - avec des cheveux longs bouclés d'un blond électrique et un regard d'acier, elle l'observait, surprise. Il vit alors son arme, une épée très large et sans doute assez lourde. Ce n'était guère étonnant qu'il avait eut du mal à la ramener vers lui en surface ! Pourquoi se baladait-elle avec une telle chose dans pareil endroit ? Neah s'approcha d'elle et lui tendit la main pour l'aider à se relever ;

— Vous allez bien, Mademoiselle ? lui demanda-t-il. Vous n'êtes pas blessée ?

Si elle n'avait pas été longue, une dégringolade de quelques mètres et une mauvaise réception suffirait à tuer blesser n'importe qui, voire à le tuer ! Ils avaient eut de la chance dans leur malheur, en somme.

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L'inconnue se saisit de sa main, tandis que Neah l'attirait vers lui pour l'aider à se redresser. Il avait constaté bien avant leur chute, mais la demoiselle semblait bien plus forte que lui, sans doute était-ce sa faible constitution qui l'avait empêché de l'extraire de la masse sablonneuse, tandis qu'elle les engloutissait ? Il devrait veiller à s'endurcir un peu plus avant de s'aventurer en extérieur. La ravissante inconnue le remercia, s'excusant de l'avoir entraîné dans cette histoire, tout en s'époussetant à son tour avant de récupérer son arme et de la mettre à sa taille. En l'observant, Neah mit sa main contre son bassin, s'assurant que la lanière de soutien était encore présente. Sa dague n'avait pas fait un saut en dehors de ses vêtements, ce qui était un bon point en cas de nécessité. L'Ange n'était guère habituer de se promener avec une arme au sein de sa ville natale, mais c'était une manière de s'habituer au poids de son arme, avant son départ. Une sorte d'entraînement psychologique. Il laissait son bras retomber sur la longueur de sa jambe tandis que la demoiselle se retournait dans sa direction, afin de s'enquérir sur son état. Il était vrai qu'ils avaient faits une chute de plusieurs mètres, mais à part quelques bleus qui allaient clairsemés son corps dans les instants à venir, il n'avait pas vraiment à ce plaindre.

— Considérons que tout va bien tant que nous sommes en vie.

Cette remarque était à la fois un soulagement et une réflexion grave sur leur situation. Qui savait si tout cela n'allait guère empirer dans les heures à venir ? Il avait vraiment une prépension à imaginer les pires drames de l'univers, parfois. Essayant de se changer les idées, il suivit le regard de la demoiselle, observant l'unique sortie qui s'offrait à eux. Il avait de la chance d'avoir une issue, à vrai dire. Elle lui demandait alors s'il connaissait cet endroit, espérant trouver la sortie rapidement. Neah, hélas, ne put que répondre par une négation.

— Non. C'est bien la première fois que les terres du Parc m'avalent !

Et sans doute était-ce bien l'unique fois où cela avait dû arriver. Il se demandait bien pourquoi une telle chose s'était produite. Il n'avait rien décelé d'anormal en arrivant dans le Parc, mais Neah s'étant précipité pour la sauver, il n'y avait pas vraiment attention. Sondant tout son être de son regard perçant, l'inconnue vint ensuite décrasser sa crinière de feu, comme nostalgique de quelque chose. Ce devait être une ancienne personne des autres continents, ou alors il s'agissait d'une Ange assez nostalgique de son amoureux, ou bien d'autre chose, mais le jeune homme ne souhaitait pas vraiment savoir. Cette dernière poursuivait sur sa lancé. Ah. Il était vrai que sa taille lui donnait l'air d'être un adolescent qui ne connaissait rien de la vie. Quoique même en étant, techniquement, un adulte, ses connaissances sur le monde étaient celles d'un enfant. Neah n'en prit pas ombrage, ce n'était pas la première fois qu'on le prenait pour quelqu'un d'autre, se contentant d'un petit sourire, tandis que la demoiselle se présentait à lui. Nithael. Recherchant dans sa mémoire, il ne connaissait personne de ce nom, de près ou de loin. Tant pis, il aurait essayé de trouver ! Après quelques instants, il prit conscience qu'elle attendait une réponse de sa part. Décidément, Neah devait aussi apprendre à remettre de l'ordre dans ses priorités !

— Je manque de politesse ! dit-il d'un air gêné. Je me nomme Neah et...Je ne sais pas si on peut dire que je suis si jeune que ça ! ...Je viens de fêter mes vingt-cinq ans.

L'Ange se devait de l'admettre ; il avait eut envie de le dire. C'était un quiproquo que beaucoup de personnes avaient en raison de sa taille, qui donnait l'impression qu'il avait dix ans de moins. Quant à savoir si ses parents s'inquiéteraient pour lui...Ce ne serait sans doute pas avant plusieurs heures ! Il n'était plus un enfant. En lui emboîtant le pas, il ne sut retenir sa phrase ;

— Je vais considérer ça comme une chance de partir à l'aventure avant de quitter la Citadelle Blanche.

Il était vrai que Neah était plutôt satisfait de se retrouver pris au piège dans cet endroit, même s'il aurait du craindre pour sa vie, il n'en était rien. Il était seulement plus inquiet quant à leur manière de sortir de cet endroit, ce qui, dans ce cas-là, mettraient leur vie en danger sur le long terme. Tandis que Nithael ouvrait la marche, l'Ange s'interrogeait sur ce souterrain, émettant quelques hypothèses. S'il avait été autrefois occupé, ce site avait été complètement délaissé au fil du temps. Combien d'années, de décennies ou de siècles ? Il ne saurait le dire. Seul l'air ambiant, stagnant et rempli d'odeurs désagréables, renseignait sur l'état des lieux. Cependant, l'air provenait bien de quelque part, même si ce n'était que d'une petite cavité. En tout cas, c'était un travail soigné. Creuser dans la pierre, ces cavernes naturelles devaient être reliées par un système de tunnels labyrinthiques dépourvu de logique. Ils n'en étaient pas sortit, c'était chose certaine ! Voyant les bras dénudés de Nithael, Neah se rendit compte que le froid humide de l'endroit pesait sur elle. Retirant le haut de sa tunique, l'Ange la mit sur les épaules de sa compagne d'infortune. Souriant lorsqu'elle l'observait, prête à protester. Il ne lui en laissait pas l'occasion, après tout, si elle avait froid, elle n'avait ni besoin de le cacher, ni lui de ne pas l'aider. Il avait une chemise assez chaude sous sa tunique, il tiendrait.

— Nous devrions être prudents. S'il existe des pièges installés à l'origine, ils ont sans doute été déclenchés depuis longtemps, mais il se peut que certains soient encore en activité.

Quelle remarque intelligente, comme si elle ne s'était pas faite la réflexion elle-même. A moins que le coup ne lui eut fait plus de mal qu'à lui, mais Neah en doutait. Des pièges, ce n'était pas impossible. Il fallait dire que c'était bien ce que racontait les légendes ou autres récits de chevalerie sur les anciens souterrains qui peuplaient les châteaux et autres citadelles des puissants. En observant cet endroit de plus près, il découvrirait sans doute à quoi ces galeries servaient autrefois. Ce n'était pas une partie de ses connaissances pour rien, n'était pas fils de marbrier et d'architecte qui veut. S'avançant de quelques pas dans ce long couloir, qui semblait sans fin, devançant Nithael, Neah se retournait en direction de la jeune femme dès qu'il se jugeait assez loin. Curieux et avide de faire sa connaissance. Après tout, ils avaient bien du temps devant eux !

— Je me demandais si vous étiez une soldate de notre armée. Vous avez une poigne relativement forte !

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Visiblement, Nithael avait du mal à prendre conscience de l'âge qu'il avait. Neah en était désarçonné, il n'avait pas l'habitude de voir une femme se comporter de la sorte. Il ne savait plus où se mettre durant une seconde, mais elle semblait vraiment embarrassée de s'être trompée à ce point. Elle était comme chacune de ces personnes qui lui faisaient la remarque, même si cette réflexion partait avant tout d'un sentiment ; le regard des autres sur sa taille le perturbait. D'accord, il était moins grand que la moyenne, mais de là à le prendre encore pour un adolescent. En tout cas, il n'avait pas le loisir de s'en retrouver offusqué, car après tout, il lui rappelait son jeune frère. Devait-il se sentir honoré d'une telle remarque ou essayer de se faire tout petit pour ne pas l'incommoder ? L'Ange ne pouvait pas deviner la situation familiale de sa compagne d'infortune car, après tout, elle pouvait très bien ne pas s'entendre avec ce dernier ! Il se promettait de s'y prendre d'une meilleure manière à l'avenir, il fallait aussi qu'il songe aux sentiments de ses interlocuteurs. Au moins, Nithael avait une famille qui l'attendait quelque part. Lui n'avait que ses parents, pas qu'ils se moquaient de sa présence, mais il n'avait ni frère ni soeur et il se sentait parfois assez seul. Allons, allons, l'heure n'était pas aux mauvaises pensées !

— Ne vous en faites pas. J'ai l'habitude qu'on me prenne pour un adolescent. J'ai conscience d'être petit pour mon âge, mais cela ne changera plus et il me faut vivre avec.

Que pouvait-il dire d'autre ? Il n'allait pas se mettre à l'agresser pour une parole malheureuse, pas dans leur situation actuelle. Et puis, Neah n'en avait pas envie. Tout ce qui transparaissait chez elle n'était que bienveillance, comment aurait-il pu avoir l'envie de lui en vouloir ? Il se contentait de lui sourire tandis que son interlocutrice lui fit part de ses remarques concernant son envie d'aventure, sur la préparation que cela nécessitait que ce soit en temps, en vivres ou en destinations. C'est vrai qu'il y avait songé lorsqu'il s'était amusé à rêver de sa fuite de la Citadelle Blanche, comment s'y prendrait-il ? Irait-il sans peur et sans argent se jeter dans les bras du monde ou se préparerait-il un minimum si l'occasion lui était donnée ? Des rêveries d'un gamin devenu adulte et dont les aspirations commençaient à prendre forme. Ou peut-être n'était-il pas encore assez mature pour se revendiquer être un Ange ? Ne souhaitant pas paraître pour un irresponsable, l'Ange prit la parole d'un air peu assuré, mais qui fit mouche.

— J'y avais bien réfléchis, songea-t-il. Mais comme cela s'est décidé hier soir, on ne va pas dire que ce genre de détails m'aient effleurés l'esprit !

Ah, tout ceci était clairement imprévu ! Et malgré tout, il aurait du temps pour s'y consacrer dès qu'ils seraient sortis de cet endroit. Poursuivant leur marche dans le silence, attendant sa réponse. Neah observait les alentours. Ce lieu pouvait être un temple, une ancienne mine, une prison ou encore un ancien quartier général de leur armée. C'est bien lorsque les gens souhaitent protéger quelque chose qu'ils se cachent sous terre, non ? Que ce soit un trésor, un artefact maléfique ou la dépouille d'un être illustre, tout ceci devait être entourés de pièges, de barrières et autres gardiens. Ou bien il avait lu bien trop de légendes sur ce monde et il se faisait des idées ? Quoiqu'il en soit, il y avait toujours une part de vérité dans ces sites anciens. Était-il si perturbant que le Parc possède son propre souterrain, dont l'emplacement avait, bien évidemment, été oublié de longue date ? Ces aménagements n'étaient pas rares, c'est surtout son usage qui restait indéterminé ; était-ce un refuge, un aménagement tactique ou menait-il vers un endroit sûr en cas d'invasion ennemie ? Nithael le sortit de sa causerie intérieure en lui disant qu'elle n'était qu'une humble voyageuse aidant les plus démunis, comme tout Ange se devait de faire.

— Oh, vous êtes encore assez libre de vos mouvements dans ce cas ! Et vous avez bien raison, même si faire partie de l'armée vous aiderait sûrement à réaliser des actions encore plus larges !

De très grandes actions pouvaient être accomplies quand on était dans un groupe aussi vaste et aussi bénéfique que l'était leur armée, un peu comme ce couloir. Neah commençait à trouver le temps à déambuler en ligne droite depuis une heure. Pourtant, même s'il s'avérait être d'une longueur démesurée, ce passage devait bien avoir une fin. Certaines légendes affirmaient que certains vastes souterrains permettaient de protéger des villages entiers durant plusieurs jours, avec leur récolte et une partie de leur bétail. Ce genre de dispositif architecturaux seraient assez rares, voire trop démesurés pour être construits. Il en savait quelque chose. Essayant de s'intéresser aussi à lui, Nithael finit par lui demander ce que lui, il voulait faire plus tard. Il s'arrêta avant de se retourner vers elle pour lui répondre ;

— Je ne sais pas encore, admit-il. J'aimerai découvrir ce monde qui m'est inconnu avant d'envisager de faire quelque chose pour le reste de ma vie. Si mon indécision demeure, il me restera toujours l'entreprise de mes parents, mais ce serait une solution de facilité.

Il leva ensuite son petit index devant son visage, ne désirant pas s'étendre sur la question.

— Si un souterrain existe sous le Parc, ce doit être un accès en cas d'évacuation. Une cachette. Ou bien, il conduit vers un ancien site enfoui depuis longtemps, qui sait ?

Un changement de conversation brutal, mais il n'avait pas envie de s'épancher sur sa personne. Et... Clic. Comment ça, clic ? Il entendit le bruit du mécanisme s'enclencher dès qu'il avait mis le pied sur cette pierre. Neah n'eut pas le réflexe de s'arrêter assez vite pour voir un pique surgir du plafond dans sa direction. Il aurait été tué sur le coup s'il faisait deux centimètres de plus, il pouvait en remercier sa petite taille.

— Vous me demandiez qui en mettrais ? dit-il, légèrement stressé. Sans doute quelqu'un qui ne veut pas qu'on découvre ses secrets !

Neah regardait le fond du couloir, où une espèce de garde squelettique venait de surgir, vêtu d'un équipement et d'une arme rouillée, il faisait un tintamarre à en réveiller les morts. L'Ange leva son bras pour indiquer le danger ;

— Nithael ! cria Neah. Faites attention !

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Neah restait stupéfier devant pareil créature. Comment un squelette pouvait-il tenir debout sans aide d'un attirail plus qu'adéquat ? Il n'était pas stupide au point d'ignorer que cela était l'oeuvre de la magie, mais elle donnait souvent naissance à des morts-vivants et certainement pas des squelettes ! Ce type de combattant ne tenait pas face à des adversaires plus coriaces, se brisant comme un rien dès qu'un coup bien sentit visait un endroit sensible. Nithael avait bien plus d'expérience que lui dans les domaines militaires, sans doute n'aurait-elle pas besoin de lui pour repousser son adversaire, mais ce dernier n'était pas venu seul. Ce devait être les gardiens de ce lieu et s'il y avait des protecteurs, saupoudrés de pièges en tout genre, cela voulait bien dire que quelque chose à cacher n'était pas loin ! Lui et Nithael avait dû tomber dans un couloir qui servait autrefois de passage secret, c'était certain. L'être qui avait réussi cet exploit devait être redoutable, surtout si sa magie perdurait ainsi dans le temps, au point de maintenir ses créatures debout et d'activer les pièges comme celui qui avait failli l'embrocher. Pourtant, il y avait un défaut dans cette protection ; tout semblait fait pour dissuader les curieux, mais pas pour les empêcher d'atteindre ce qui se dissimulait ici. Était-ce voulu ? Il était trop lent, vraiment.

— Attendez !

A peine eu-t-il mit sa main contre sa hanche que Nithael s'était élancée à l'encontre des deux gardes squelettiques, sans aucune crainte de les combattre. Ce second ennemi fondit sur sa camarade pour en découdre. Ce dernier semblait encore moins coriace que son allié, boitant d'une manière tellement improbable que lui-même aurait hurlé de douleur rien que de voir son membre dans un tel état. Après avoir réussi l'exploit de tenir ses deux-là en respect, sa camarade se retrouvait désormais devant lui, le questionnant sur son maniement des armes. Neah vint se mettre à ses côtés, dégainant la seule arme qu'il possédait.

— Je maîtrise l'utilisation des lances de type fauchard, mais ce n'est pas une arme avec laquelle on se promène. Je n'ai que ma dague sur moi.

Les deux carcasses commencèrent à se redresser, visiblement bien esquinté des coups de Nithael. L'un d'entre eux avait la tête retourné et mit ses mains dessus, comme surpris d'en prendre conscience. Soudainement, un grand cri perfora ses oreilles ;

— Heeeeeeeeeey ! Ma tête n'est plus dans le bon sens ! Je vais périr !
— Idiot, c'est ridicule ! Replace-là au lieu de dire des bêtises !

S'arrêtant dans son élan, Neah s'immobilisa en restant interdit. Quoi ? Ces créatures venaient de parler ? Ce n'était pas possible ! Elles n'avaient pas de cordes vocales, mais à bien y réfléchir, elles n'avaient ni muscles ni chair sur les os non plus. Qu'était-ce vraiment ? Une ancienne magie ? Un sinistre craquement transperça le lieu tandis que le sac dos remettait sa tête en place, puis observa l'Ange dont le bras était tendu en leur direction. Pour peu, le jeune homme l'aurait vu cligner des yeux, mais ses orbites étaient vides.

— Vous...
— C'est vous qui venez déranger les honnêtes gens durant leur sommeil, hey !
— Bon. On a quand même reçu l'ordre d'attendre quelqu'un.
— Eh ?
— On protège cet endroit, hey, mais on ne se souvient plus trop.
— On doit attendre quelqu'un et la ramener.
— Hey, hey, vous êtes amusants.

Puis, il lança un regard désolé à Nithael pour sa mauvaise plaisanterie, avant de reprendre son sérieux.

— Ahem, bon. Vous êtes quoi ?
— Des hommes, hey.

Neah eu un instant de flottement.

— D'accord...Alors, vous êtes qui ?
— Hey, justement...
— ...On n'en sait rien.
— C'est le Chef, hey, qui nous appelle de temps en temps Truc et Machin.
— Et votre Chef, qui est-ce ?
— Notre Chef, c'est Grégoire. Il demeure dans les Salles des Hérauts où coule l'extraordinaire Rivière d'Or.
— Une Rivière d'Or ? De quoi parlez-vous ?
— Hey, tu ne sais pas ? Au plus profond d'ici, à l'ouest, nous vivons dans un vaste réseau de souterrains, hey. Tous ces trucs d'arbres et de ciel, c'n'est pas pour nous, hey. Vous voulez savoir où elle est, c'est ça, hey ?

Neah mit ses deux bras devant lui et fit un signe de négation de la tête, avant d'avoir réfléchis à ce qu'était une Rivière d'Or.

— Non, on veut seulement savoir où se trouve la sortie.
— Hey ! Y'en a pas !
— Tu n'en sais rien !

Décidément, ils n'étaient pas très futés. Un peu comme lui, en fait.

— Peut...Peut-être que votre Chef le sait ? ...On peut obtenir une audience auprès de lui ?
— Ah, en effet. Il attendait quelqu'un.
— Nous venons de loin pour le voir, vous savez ?
— Hey, on vous conduits !

Claudicant pour les conduire vers ce dénommé Grégoire, les deux squelettes leur tournèrent le dos pour s'avancer dans ce couloir qui continuait tout droit. Neah leur emboîta le pas après avoir lancer un regard engageant vers sa camarade. Ce n'est pas comme s'ils avaient le choix. Un silence - quoi qu'entrecoupé de bruits d'os - s'installa durant la bonne dizaine de minutes qui suivit. Neah réfléchissait à ce que pouvait bien être cette Rivière d'Or. Était-ce un lieu remplis de richesses ? Ceci expliquerait plusieurs choses, comme le secret de cet endroit mystérieux où concernant la présence de tous ces pièges. Nithael marchait devant lui. Il espérait ne pas l'avoir vexé ou forcer la main en discutant avec...Truc et Machin. Pourtant, ils ne pouvaient pas rester tous les deux dans une ambiance aussi malsaine.

— Vous disiez ne pas être née Ange ? dit Neah sur un ton désolé. C'est triste.

C'était triste pour plusieurs raisons, la première étant qu'elle soit morte une fois, puis d'avoir dû abandonner son ancienne existence au profit d'une autre. Néanmoins, cela voulait aussi dire que Nithael avait péri en ayant fait de nombreuses bonnes actions et cela ne le surprenait guère. Sans doute était-elle une grande guerrière ayant péri pour défendre la veuve et l'orphelin ? Celui lui sied assez bien. Puis, voulant rebondir pour en savoir plus sur elle, mais sans obligatoirement lui rappeler les souvenirs les plus désagréables, Neah eut un rire ;

— Vous avez beaucoup de frère et soeurs ? Je suis enfant unique, cela m'intrigue.

Et ça faisait un sujet de conversation intéressant. C'est alors qu'ils arrivèrent dans une salle, dont la forme était ovale et dont la prolifération de champignons en tout genre mériterait une observation plus poussées. On aurait dit une immense forêt, pleine de champignons phosphorescents qui éclairaient la caverne.

— Hey, attention. Les champignons, il ne faut pas les manger !

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Tandis que les deux anges discutaient, la guerrière sûre que les cadavres ne se relèveraient plus et avait quitté ce monde, fut surprise d’entendre l’inverse. Quand le premier squelette bougea, Nithael recula d’un pas puis en glissant son corps devant Neah. Était-ce la magie qui les faisait bouger à nouveau ? Le doute s’insinua dans l’esprit de la guerrière. Et si ces créatures ne pouvaient ‘’mourir’’ ou arrêter de fonctionner qu’en se rendant à la base de leur vie, l’homme ou la femme qui leur avait soufflé la vie magiquement. Nithael avait toujours détesté les morts-vivants, ils étaient toujours plus coriaces à tuer que n’importe quelle autre race. Mais ce qui perturba l’ange fut le cri et la parole qui s’éleva d’un des corps, rapidement suivit par son compatriote. Après cet évènement, la guerrière perdit son ‘’pied d’équilibre.’' et sa facette sévère pour laisser apparaitre la plus grande des surprises. Comment était-ce possible ? L’ange laissa échapper un grognement de mécontentement, elle détestait de plus en plus la magie de ce genre.

L’ange aurait bien voulu tirer son épée, mais elle n’était pas en position de le faire, autant plus, que même son camarade angélique semblait s’intéresser à eux en commençant une discussion. Nithael se décala juste pour dire que Neah pouvait bien voir les squelettes et commencer une discussion. Les deux êtres d’os et de magie démontraient une intelligence digne de ce nom qui sembla presque rassurer l’ange. Au vu qu’ils étaient stupides et ne semblaient pas vouloir les attaquer, Nithael se détendit quelque peu, elle ne pouvait pas non plus rester sur ses gardes indéfiniment et Neah semblait prendre les choses en main, ce qui rassura la guerrière qui était visiblement dépassée par le tout. Le regard désolé de Neah fit simplement offrit un sourire en coin à Nithael, même si la blague était déplacée pour ce genre de situation, elle lui en remercia intérieurement de détendre quelque peu l’atmosphère. Mais les paroles de l’un des squelettes la fit tiquer quelque peu, la ramener ? De qui pouvaient-ils parler, certainement d’une femme. Il avait-il d’autre gens qui s’était retrouvé coincé comme eux ? Puis elle eut une illumination, parlaient-ils d’elle ? Un frisson d’inconfort traversa son corps.

La conversation qui suivit attira la curiosité sur Truc et Machin, nom qui était loin d’être glorieux. Leur chef, un dénommé Grégoire, le ‘’propriétaire’’ des lieux ? Il se pouvait fort bien, puis ils enchaînèrent avec les salles des Hérauts et puis une rivière d’or ? Elle ignorait si c’était une expression pour qualifier le lieu de merveilleux ou si c’était littéralement ceci. Ensuite vient un trouble amusant. Décidément, ce gamin serait un bon diplomate, tout le contraire de Nithael. Mais le tour de Neah fit presque éclater de rire la guerrière qui n’en revenait pas, c’était surement à leur avantage que Truc et Machin ne soit pas doué d’une grande intelligence. Quand ils se mirent tous en marche. Les squelettes en premier, Neah et Nithael juste un tout petit peu derrière lui, mais tout ceci ne les empêchait pas d’engager la conversation si le l’ange le voulait. Mais les premières minutes servirent surtout à se poser des questions. Plusieurs points taquinaient l’esprit de l’ange, les salles des Hérauts, cette rivière d’or, cet homme du nom de Grégoire et pour finir cette étrange magie, qui ranimait les morts et les gardaient en vie. Quel était, ces intentions primaires ? Mais la voix de Neah vient la sortir de ses pensées, l’a tirant des abysses de son être.

Nithael ne comprit pas immédiatement le sens de ses paroles. Elle ne voyait pas que sa situation était triste. Son geste avait été noble et depuis le début, elle savait pertinemment que si elle participait à cette guerre pour protéger son clan qu’elle y laisserait la vie, ils n’y avaient été que pour retenir l’ennemi assez longtemps. Mais à vrai dire, depuis son réveil en tant qu’ange, elle ne, c’était jamais posé la question ou même prit le temps de l’évaluer. Elle n’avait pas fait ceci pour elle-même, pas une fois, elle n’avait pensé tourner les talons pour s’enfuir, elle avait eu peur, il était vrai, dire le contraire aurait été un mensonge, mais elle savait qu’elle le faisait pour tous ceux qui allaient survivre. Qu’était une trentaine de vies contre une centaine ?

-Je ne trouve pas ceci triste, sacrifier une vie pour en sauver beaucoup d’autres n’est pas triste. Mais je crois comprendre un peu vos paroles ou plutôt ce que ou tu veux en venir. Déclare-t-elle avant de continuer. J’avais trois frères, aux dernières, il m’en reste un qui devrait avoir ton âge, je n’ai pas de sœur, j’étais la seule fille de ma famille et j’étais davantage un garçon manqué. Mon père était comme moi, un ange, mais il est… Mort, on dit qu’il s’est sacrifié pour moi… Et ma mère doit approché de la cinquantaine, je l’imagine avec sa tête blanche et son visage souriant. Mais avoir des frères ou même des sœurs est un sentiment agréable, parce que vous n’êtes pas seul et qu’il y a toujours quelqu’un pour vous taquiner, pour le meilleur ou pour le pire. Une chance pour moi que j’étais la plus vieille ! Laisse-t-elle échapper avec un petit rire. Vous devez avoir beaucoup d’amis ? Ça peut également remplacer la famille.

Sur ces mots, elle tourna la tête vers la forêt de champignon. De différentes grosseurs, le tout avait un certain charme. Une lumière qui se dégageait des champignons plus petits, était quelque peu bleutée ou même verdâtre à d’autre moment éclairait le chemin qui parcourait la forêt. De leur ‘’perchoir’’ qui était, un tout petit peu, plus élevé, ils pouvaient déjà voir l’autre côté de la forêt, mais il fallait quand même passer par ici. Suivant les deux squelettes ambulants, ils s’engagèrent sur le chemin de terre battu et tapé. Autour de certains champignons, une émanation naturelle s’en dégageait. Quand on prenait le temps de sentir, plutôt quand on passait à côté de l’un de ses champignons, une odeur de terre humide prononcée et de moisissures s’accrochait aux vêtements. L’ange allait demander ce qu’était tout ceci quand une petite créature ressemblant à un chika de la surface sauf à la différence de sa couleur albinos. La petite chose pénétra le nuage, comme attiré par l’odeur qui lui semblait alléchante et quelque seconde plus tard, elle gisait sur le dos, comme paralysé ou morte par la respiration du nuage. Puis lentement, le dit champignon sembla bouger, c’était lent, mais tout de même visible et vient recouvrit le petit corps. Nithael détourna les yeux et poussa à continuer sa route.

-Je vois… Laissa-t-elle échapper pour elle-même. Traversons rapidement, s’il vous plaît… Reprend-elle à l’intention des squelettes.

Le silence au creux de cette cavité rocailleuse pouvait être déstabilisant, mais Neah ne répondit rien aux squelettes. Il n'était pas dans ses habitudes de toucher à des choses qui pouvaient lui paraître suspectes, surtout dans un lieu qui lui était étranger. Qui sait ce qui pouvait se cacher derrière un champignon étincelant de mille feux ? D'ailleurs, l'Ange ne se souvenait pas d'avoir vu pareils spécimens lors de ses leçons quotidiennes, ni dans aucun livre qu'il avait pu lire. Ce devait être une flore méconnue ou qui ne poussait que sous la surface ? Il ferait de plus ample recherches en rentrant. Alors qu'ils poursuivaient leur route au travers de cette petite forêt, relativement enchanteresse pour le regard. Nithael répondit à sa question, démontrant à l'Ange qu'elle était aussi noble de corps et d'esprit qu'elle était. Ainsi, elle était morte pour sauver la vie d'autres personnes ? Étrangement, cela ne le surprenait guère. Les femmes étaient parfois bien plus féroces que leurs homologues masculins et sa camarade Ange était si habile de ses mains, qu'on ne pouvait douter de sa nature de guerrière. Elle n'était pas triste d'avoir fait ce sacrifice, du moins en apparence, puisque sa voix trahissait la tristesse de ne plus voir les siens. Il ne lui restait qu'un frère et sa mère, qui dépérissait au fil des ans. Neah eu un air désolé ;

— Je comprends que vous n'avez pas eu de chance dans votre précédente vie, mais que votre gentillesse à tout surmonter de vous-même vous a conduite à devenir une Ange à votre tour. Votre père serait fier de vous, comme chacun des membres de votre famille !

Un timide sourire éclaira son visage, essayant d'être encourageant. C'est amusant d'avoir cet impression de l'avoir connu toute sa vie, mais elle semblait tout autant si loin de lui. Puis, Nithael lui fit remarquer que des amis pouvaient remplacer une partie de la famille qui lui manquait. Des amis ? Il en avait, certes, mais étaient-ils réellement de véritables amis ? L'Ange ne pouvait en être sûr, vu la véhémence que certains avaient de le dissuader de s'engager dans son aventure à travers le Yin et le Yang. Et surtout, ce n'était pas avec eux qu'il vivait une aventure en ce moment, mais avec une parfaite inconnue, rencontrer par un heureux hasard et avec laquelle il se sentait proche. Après un instant d'hésitation, il choisit d'être honnête envers elle. Neah n'avait rien à lui cacher, après tout.

— J'ai beaucoup...De relations et de connaissances, mais ce sont des acquis uniquement possible par mon nom de famille. A la Citadelle Blanche, tout le monde s'apprécie ou essaie de le faire. Ce qui n'est pas pour me déplaire loin de là. Je me ferais peut-être des véritables amis en voyageant ?

Ce long chemin sinueux à travers cette caverne leur demanderait de longues minutes de traversées, ils pressèrent le pas à la demande de son amie qui ne semblait guère à son aise dans cet endroit. Pourquoi autant d'inquiétude ? Ils ne craignaient rien. A part des pièges cachés et les squelettes qui bougeaient. Non, tout allait bien, hein.

— On approche, hey !

Neah lui emboîta le pas ;

— Au fait, qu'est-ce donc la Rivière d'Or dont vous parliez plus tôt ?
— C'est un lieu où sont amassés toutes les richesses de ce monde, hey !

Oh, si ce n'était que ça. En tout cas, il se garda bien de se montrer trop discret à ce propos, bien que les squelettes ne semblent pas avares dans la conversation et en renseignements. Ce qu'il craignait surtout, c'était que sa curiosité ne finisse par les rendre suspicieux et à les retourner contre lui. Neah s'interrogeait aussi sur ce mystérieux Chef, Grégoire, relativement puissant.

— Je me demande, souffla-t-il à sa camarade. Qui est la personne qu'ils attendaient ? Nous nous sommes retrouvés ici par accident, non ?
— Hey, nous vlà !

Les deux squelettes s'arrêtèrent nets en sortant de la forêt de champignons, celui dans un meilleur état se saisit d'une chaînette que Neah n'avait pas vu et qui pendait contre un arbre, peinte dans couleur quasiment similaire. Ingénieux. Cela permettait de cacher des choses au regard des moins aguerris ! Une excellente manière de ne pas être déranger et de laisser des inconnus prisonniers ici durant un long moment. En l'abaissant, une porte dérobée dans la montagne s'ouvrit, elle aussi était camouflée à l'aide d'une peinture. Neah lança un regard à Nithael avant de s'engager le premier vers les deux êtres magiques qui poursuivaient leur route. Si l'Ange s'était vu un instant en train de rentrer dans une cavité humide et sombre une fois entrée, il fût désappointer. Une chaleur le saisit au visage, sans être sec pour autant. Dans les airs flottaient une odeur de viande cuite et de bouillon, tandis qu'un endroit spacieux l'accueillit, éclairé de bougies suspendues dans les airs ou mises sur des tables où étaient entassées des piles de parchemin. Les murs n'étaient constitués que de bibliothèques chargées d'ouvrages volumineux, la plupart étaient certainement plus anciens que lui. Qui plus est, ils n'étaient vraiment plus seuls.

D'autres squelettes se trouvaient en ce lieu. Certains étaient aux fourneaux, d'autres faisaient les poussières ou rangeaient les ouvrages. Neah vit même quelques-uns s'amuser aux cartes ou aux échecs en pariant des os. C'est en faisaient quelques mètres à l'intérieur qu'il vit un homme assis dans un grand fauteuil, leur tournant le dos. L'Ange se mit devant Nithael, comme pour la protéger - alors que c'était lui le plus faible, mais il s'en moquait. Pendant ce temps, les deux squelettes, qui faisaient un tintamarre avec leurs os craquants, s'avançait vers lui. Ravalant sa salive, le jeune homme fini par demander ;

— Êtes-vous Grégoire ?

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La forêt de champignons dégageait tout de même quelque chose d’enchanteur. C’était un décor qu’elle n’avait jamais vu, que ce soit de loin ou de proche. Les troncs semblaient solides et agréables aux touchées, l’odeur même de la forêt dégageait un petit d’envoûtant. Un mélange de végétaux sucrés, mélangé à la terre et à la mousse. Malgré l’agréable spectacle, la guerrière ne pouvait pleinement profiter du spectacle, trop inquiète du lieu dans lequel ils bougeaient, sans parler de la manière énigmatique donc parlait les squelettes ? Tout ce qu’elle désirait en ce moment même était faire sortir Neah, elle ne pouvait croire que l’endroit était pleinement sécuritaire, encore moins s’il y avait un lieu rempli d’or et de squelettes vivants pour le protéger. Elle espérait simplement qu’ils ne se faisaient pas avoir par eux. Les paroles de Neah lui réchauffèrent le cœur, elle ne parlait que très rarement de sa famille, encore moins de ses sentiments. Mais elle n’aurait jamais cru que ceci pourrait être agréable de partager un peu de sa douleur dans tout ceci.

-C’est ce que je me dis à chaque fois que je doute. Mais je ne regrette en rien mon choix pour avoir aidé ma famille, je regrette simplement de pas les avoir retrouvés…

Devant son timide sourire, Nithael en fit de même, offrant à son tour un petit sourire en coin. Étrangement, elle se sentait à l’aise avec ce jeune homme qu’elle venait tout juste de rencontrer. Était-ce dû au fait qu’il partageait la même race qu’elle ? Elle ne pensait pas à cette option, elle avait côtoyé bien des anges et elle ne s’était pas autant sentie à l’aise. C’était un sentiment réconfortant et agréable qu’elle n’avait pas senti depuis bien longtemps. Elle partageait ceci avec très peu de personnes et elle en fut quelque peu troublée, mais de manière non-désagréable. La révélation de Neah, Nithael sembla un peu surprise, mais ne sembla pas remettre en doute ses paroles.

-Les vrais amis sont rares, il est dommage que les gens jugent facilement sur un nom de famille de renommée ou sur la richesse de la famille. Mais n’était pas native de la Citadelle, je dois avouer que j’y passe le moins de temps possible. Ce sentiment ou tout le monde semble vouloir aider et être aimée de tous me semble hypocrite, comme s’ils portaient tous un masque pour cacher leur vraie intention… Je me doute que je me fasse des idées…

Ce fut ce moment que précisa les squelettes de leur arrivée. Les êtres morts-vivants les guidèrent assez ‘’habillement’’ au travers le seul et unique sentier qui les mena jusqu’à une paroi caverneuse. Attentive, Nithael avait écouté les paroles échangées entre l’ange et le monstre. Il n’y eut pas réellement de nouvelles révélations, une rivière de richesse ? Elle ne le croirait que quand elle ne le verrait de ses propres yeux. Mais pour le moment, elle resta surprise devant la porte cachée. Elle devait avouer que la chaîne et la porte étaient très bien camouflées dans les matériaux naturels de la caverne. C’était une manière très ingénieuse pour cacher une entrée secrète. Aux paroles de Neah, Nithael l’avait regardé une fraction de seconde avant de revenir sur la porte qui s’ouvrait.

-Effectivement, espérons qu’il ne désire rien de déplaisant. Lui murmura-t-elle à son tour.

Une fois les squelettes glissés à l’intérieur, se furent au tour de Neah à y pénétrer. Silencieuse, la guerrière, c’était retourner une dernière fois, glissant son regard acier une dernière fois sur l’étrange forêt. Elle ignorait si c’était une bonne idée de continuer à s’enfoncer dans un lieu inconnu, mais il fallait tout de même admettre qu’ils n’avaient pas tellement le choix. Tout comme à son compagnon, la surprise se peignit sur le visage d‘ordinaire neutre de la guerrière. L’intérieur était agréablement chauffé. L’air dégageait l’odeur de la nourriture qu’on préparait en ce moment même. Elle s’arrêta tout juste derrière Neah, observant avec une grande attention le décore loin d’être aussi lugubre qu’elle ne l’aurait cru. La pièce semblait vivante, et même civilisé. Même si les gens étaient des squelettes animés, ils étaient bien loin des rumeurs macabres à leur propos.

Mais ce qui sembla fasciner la guerrière fut les parchemins et les anciens ouvrages. Même dans la large bibliothèque de son père, elle n’avait jamais vu telle livre. Des connaissances perdues ? Tous ces livres lui faisaient penser au grimoire qu’elle et Mirari avaient récupérer dans les marais. Mais la guerrière fut ramenée à la réalité devant le geste protecteur de Neah. Son attention fut portée sur l’homme qui se trouvait non loin deux confortablement assis dans une chaise. Dans un geste qui se voulait réconfortant, elle vient poser la main sur l’épaule de Neah. Elle ne fit aucun autre mouvement lui laissant le loisir de rester devant et d’agir comme bon lui semblait. Elle ignorait si c’était la bonne marche à suivre, mais s’il désirait partir à l’aventure, il devait bien commencer quelque part. Par contre, ceci ne l’empêchait pas d’être alerte en cas de problème pour réagit aux actions qui pouvaient suivre.

Il y eut un cours silence suite à la réponse de Neah. Mais pourtant la silhouette finit par se soulever et dévoiler sa présence aux invités. Le vieil homme offrit un large sourire aux jeunes gens. Il observa Neah un instant avant de poser les yeux sur Nithael. Son sourire sembla s’élargir un peu plus puis il s’exprima.

-Et bien, et bien, je suis heureux de voir que vous vous êtes rendu sans trop de problèmes. Par contre, je ne m’attendais pas à ce que vous soyez deux, mais je n’y vois aucun inconvenant. Tibias, Osselet, il faudra faire plus de nourriture pour notre invité surprise.

Nithael sembla reconnaitre l’homme, c’était le même qui l’avait invité au jardin, mais il lui sembla différent en même temps. Plus jeune et vigoureux, sans parler de son habillement bien différent que durant la première rencontre. Il désigna une chaise qui se trouvait à une petite table où il y avait seulement deux chaises. Il invita les deux anges à s’approcher, s’exprimant au passage.

-Fémur, apporte une autre chaise et rajoute un couvert de plus. Approcher, ne soyeux pas timide. Je ne vais pas vous manger, je veux simplement un peu de compagnies.

Neah était là. Attendant une réponse qu'il craignait de ne pas obtenir si ce vieil homme se révélait être hostile à leur présence. Le fait d'attendre la venue de quelqu'un ne voulait pas dire que ce n'était pas pour la mettre cuire à la broche avant de leur faire rejoindre cet attroupement squelettique à son service ! Bien que lui-même ne trouvait pas ces squelettes relativement dangereux avec la présence de Nithael derrière lui, alors qu'elle venait de posé sa main rassurante sur son épaule. Si ces squelettes obéissaient à quelqu'un, alors ces derniers pourraient sans doute se montrer plus hargneux si leur Maître leur en donnait l'ordre. L'Ange essayait d'être courageux, mais il avait tant de mal à cacher sa nervosité. Il était amplement servi pour une première aventure ! Il aurait dû être confiant, tant il régnait dans cet endroit un climat de calme et de concentration, on aurait aisément pu confondre ce lieu avec la résidence d'un ermite studieux. Un silence pour faire ses recherches en paix, avec des amis trépassés créé magiquement pour lui tenir compagnie. Les murs sont tapissés d'étagères supportant un nombre impressionnant de livres et, maintenant qu'ils pouvaient les voir de plus près, Neah vit que ces derniers portaient sur des thèmes différents et sont de divers types : des documents, des romans, voire d'anciennes encyclopédies.

Beaucoup d'ouvrages utiles ou distrayants pour un homme dont ils ignoraient tout. Une table longue est disposée au centre de la pièce. Autour se trouvent des fauteuils bleus rois confortables et sous une fausse fenêtre ornée de rideaux, il y a une sorte de petit bureau. Grégoire était désormais bien visible, c'était un homme d'un âge avancé possédant une longue barbe blanche et des lunettes en demi-lune où se dissimulait un regard vert qui semblaient les analyser. Il dit à deux de ses serviteurs savamment nommé de faire le nécessaire pour la présence d'un nouvel invité tandis que Neah fit s'asseoir Nithael avant de prendre, en remerciant Fémur, la chaise qui lui était destiné tout en ayant un froncement de sourcils. Ses doutes étaient désormais justifiés. Ce Grégoire en avait bien après Nithael pour d'obscures raisons...

— Que voulez-vous dire ? interrogea l'Ange.
— Voyez-vous, mon garçon, cette jeune demoiselle me semblait tout à fait intéressante pour m'entretenir avec elle autour d'un bon repas chaud. Et vous, comment en êtes-vous arrivez à trouver cet endroit ?
— J'ai essayé de lui venir en aide pendant qu'elle se faisait aspirer, mais comme vous pouvez le voir, ce n'était pas une brillante réussite... !
— Et c'est tant mieux ! affirme-t-il d'un hochement de tête. Les Aetheri vous ont mis sur mon chemin, louez soit Édel ! Quant à vous, ma chère, navré de cette petite frayeur. J'aime beaucoup faire cette mauvaise blague aux inconnus, cela m'occupe un peu. Hé hé hé. C'est bien entendu pour éviter que de mauvaises personnes n'accèdent à cet endroit, tout comme les pièges. Vous n'en avez sûrement pas vu, ils sont sans doute désactivés...
— Je vous assure qu'ils marchent très bien ! commenta Neah.

Grégoire paru surpris d'une telle affirmation, laissant ses doigts caresser sa longue barbe blanche. C'est que Neah se souvenait aisément que sa petite taille lui avait été bénéfique pour éviter un pieu ayant jailli du plafond ! Sans doute n'avait-il pas songé à ce que les pièges mécaniques soient aussi redoutables. Il n'aurait pas aimé avoir à faire à des pièges magiques conçus de sa main, en sachant que c'était à cause de cette dernière que Nithael s'était retrouvée dans cette mauvaise posture.

— Vous vous êtes battus avec nos invités ?
— Nous avions besoin d'un peu d'entraînement, hey.
— J'en suis navré de l'attitude de mes serviteurs, certains furent d'anciens soldats. Ils ont parfois besoin de se dégourdir les os !

Neah regarda Nithael avant de reporter son attention sur leur hôte.

— Êtes-vous un Ange ?
— En effet. Un Ange un peu à l'envers des autres, sans doute. J'ai mené une telle existence qu'il me faut désormais du repos pour m'adonner à l'étude. Cela ne veut pas dire que je ne me soucie guère des miens ou des problèmes du monde d'en-haut. Je sors de temps en temps prendre des nouvelles ou acheter ce qu'il me faut.

Il observa longuement Nithael, songeur en ayant une main sur son menton.

— Et de temps en temps...Je tombe sur des perles.
— ...Et vous en faites quoi ?
— Je fais ce que tout bon Ange fait.

Il eut un sourire entendeur.

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Neah se sentait mal à l'aise devant le vieil homme, sans doute assez âgé pour avoir vu défilé quelques siècles. Oh, ce n'était pas qu'il percevait la moindre hostilité émanant de lui, bien au contraire. Il était même d'une certaine politesse après les avoir attirer dans cet étrange piège. Une chose qu'il admettait de lui-même. Ce n'était pas un vieux sénile et encore moins une personne dangereuse, sinon, aucun des deux n'auraient été aussi bien traité. Mais pourquoi avoir fait une telle chose plutôt que de demander à Nithael de l'accompagner ? L'Ange ne connaissait sa camarade que depuis un temps très court, mais ce n'était pas le genre à envoyer balader un ancien. Un éclat dans son regard trahissait les connaissances qui l'habitaient. Que devait-il dire ? Que devait-il faire ? Il ne savait pas et le fil de ses pensées semblait décousu. C'est en entendant le cliquetis caractéristiques des os qui s'approchait d'eux que ses idées se remirent, en partie, en place.

— Nous avons parlé de la Rivière d'Or, hey !
— Oh ! s'exclama-t-il, ravi. Vous êtes venus voir alors ?
— Heu...Ce n'est pas ça...

Grégoire resta muet de stupéfaction devant cette négation. Neah fût embarrassé dans l'instant, craignant de l'avoir insulté malgré lui.

— A moins que vous ne le souhaitiez ! s'empressa de dire le garçon.
— Oh, vous êtes vraiment des enfants ! rit-il. La Rivière d'Or est la plus forte de toutes les richesses du monde. A quoi croyez-vous qu'elle ressemble ? Je ne me suis pas enfermé ici avec des pierres précieuses et des montagnes d'or qui me servent de trône !
— Vous auriez été Déchu d'Avarice, si tel était le cas.
— En vérité, mon Avarice des connaissances est vaste et il m'arrive souvent de craindre la déchéance. Néanmoins, loin de moi l'idée de m'enfermer loin de tout. J'aime mon peuple et il m'arrive de sortir de cette caverne assez souvent pour explorer les recoins de la Citadelle Blanche pour dénicher quelques êtres avec qui la partager. Des gens méritants et des curieux en tout genre.

Neah rougit d'embarras devant cette dernière remarque. C'est vrai que sa curiosité l'avait poussé à venir aider Nithael - à qui il osa un regard - au moment où elle se faisait aspirer dans le sol par un sort plus que douteux. Avait-il bien fait ? Grégoire semblait lire dans son esprit.

— La curiosité n'est pas un défaut. C'est pour cette raison que de nombreux aventurier quitte les murs de leur demeure pour découvrir le monde. J'ai eu quelques pupilles, vous savez ? Certains sont rester quelques mois, d'autres quelques semaines, avant de s'en retourner chez eux ou de vouloir faire leurs propres expériences au travers de ce vaste monde ! Ils m'écrivent de temps en temps pour avoir de mes nouvelles !
— Vous aimez les connaissances pour les protéger et les partager avec ceux que vous jugez dignes de les recevoir. C'est une sorte de mission, c'est ça ?
— C'est exact. Voyez, la véritable richesse est ici !

Grégoire brassa l'espace à côté de lui de son bras avec un sourire, désignant la large bibliothèque à leur côté. Ces innombrables ouvrages, ces vastes étagères et ce rangement laissant à désirer. Neah comprit dès lors que ce n'était pas une rivière où coulaient des pierres précieuses ou même de l'or en fusion. La richesse de cet homme, c'était toutes ses connaissances.

— Choisissez-en un et il est à vous ! C'est que la connaissance doit se partager pour ne pas se perdre... ! En échange, une simple conversation autour d'un bon repas me seront suffisants !

Il marqua une pause en les regardant, se faisant une réflexion toute simple à laquelle aucun des deux n'avait songé.

— Et connaître vos noms me plairait tout autant !
— Je...Je suis Neah. Et voici Nithael ! Nous nous sommes rencontrés quand vous l'avez appeler.
— Dans ce cas, Nithael, Neah, soyez les bienvenus dans mon antre ! dit l'homme dans un rire.

Grégoire se redressa sur son siège et l'Ange cru qu'il allait s'effondrer, mais l'endurance de son interlocuteur semblait demeurer malgré son âge. Respirant pour se reprendre, Neah se releva de son siège à son tour et observa les étagères. Touchant de ses doigts les magnifiques ouvrages, entretenus et non recouvert de poussière comme on aurait pu s'y attendre. Il y en avait d'innombrables, chacun touchant divers domaines comme l'aérologie, l'herboristerie, les sciences ou l'Histoire du monde.

— Il y en a beaucoup, c'en devient difficile de faire son choix, soupira Neah.
— Le reste, tu as ta vie pour le découvrir.

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Neah lui accorda un sourire, se demandant intérieurement ce que pouvait bien signifier cette phrase du haut de ces vingt-cinq ans. Il ne connaissait rien au monde qui l'entourait, n'ayant jamais eu le loisir de sortir de la Citadelle Blanche malgré toutes les suppliques. Certes, le départ qu'il se promettait aurait lieu dans quelques semaines quoi qu'il advienne, mais c'était tellement vaste. Aurait-il assez de son éternité pour y parvenir ? En baissant son regard perdu dans ses pensées, Neah revint à lui lorsqu'il vit l'un des ouvrages déposé sur la table et dont l'appellation était faite d'or. Intrigué par son épaisseur et sa composition, il prit ce dernier avec mille précautions et lu de plus près son titre. Intraduisible. Grégoire éclata de rire devant sa mine déconfite.

— C'est de l'Alikir, précisa-t-il. La langue des Humains. Son titre signifie Le Livre des Rois, c'est un énorme ouvrage, n'est-ce pas ? Son auteur l'a écrit durant une période de troubles politiques, lorsqu'on remettait en cause la légitimité de la construction d'Utopia, mais la Reine Violette mit en avant une importante activité intellectuelle au sein de la ville. Ceci est la compilation des légendes humaines, une vie de travail pour son rédacteur ! Avec la conquête de ce territoire, la langue commune disparu des documents officiels au profit de l'Alikir. Ceci permet également à nos amis de se protéger des trahisons extérieures. En utilisant sa version complexe dans un texte aussi considérable que ce livre, l'auteur signe véritablement l'acte de naissance de cette langue, même si elle était encore parfois utilisée par certains érudits.

Grégoire vint près de lui et ouvrit l'immense texte, tout écrit en Alikir, le langage des Humains dont il ne connaissait rien et dont il demeurait vraiment curieux quant à la calligraphie si aérée.

— Au tout début, l'auteur explique, entre autres, pourquoi et comment il a écrit ce texte. S'ensuit une partie assez brève qui comprend l'unification et la sortie hors du néant des Humains, d'abord des plus instruits qui enseignent les arts, comme la maîtrise du feu, le travail des métaux, la construction de maisons solides, la médecine, l'irrigation et bien entendu, la Justice, où règne Drejtësi. C'est elle qui prend la défense des Humains devant les autres Aetheri, dit-on.
— Oui, on n'a jamais réellement prouvé que les Humains fussent défendus par un Aether en particulier. C'est comme nous-mêmes, avec la légende du Grand Héros.

Le vieil Ange acquiesça les dires de son compatriote.

— Drejtësi incarne la Justice qui a longtemps fui les Humains, représenter par les Souverains ayant aidé Violette quant à sa réunification. Certains autres y sont diabolisés, mais à raison, ici incarné par Ludwig, dont la tyrannie envers les Hommes dure des décennies durant. Même encore à notre époque. S'ensuit bien entendu l'histoire légendaire de la Reine Violette. Une autre partie, plus historique, est composée de récits de batailles et d'anecdotes ponctués souvent par une morale et de discussions philosophiques. Quant à la fin, c'est un peu utopiste, mais les Humains y voient une lueur d'espoir.
— Comment ça ? questionna Neah, surprit d'une tel réflexion.
— Il parle de l'arrivée d'Iskandar. Un conquérant présenté comme un sage, qui a notamment dépassé le bout du monde. A la fois médecin, érudit et défenseur de son peuple par la terre et l'eau.
— Un être exceptionnel..., souffla-t-il en se mettant à rêver de rencontrer quelqu'un de similaire.
— Maître, le repas est servi.

Neah papillonna des yeux devant cette voix féminine. Ce n'était pas évident de reconnaître le sexe d'un squelette autrement que par sa voix. Grégoire referma l'ouvrage et le lui confia d'un sourire, avant de lui prendre le bras et de le conduire à table où un festin fabuleux les attendaient tous les trois.

— Dites-moi, Neah. Vous avez un esprit courageux pour aider une femme en détresse. Avez-vous une fonction particulière chez les nôtres ?
— Moi ? Non. Je suis seulement le fils unique d'une lignée de marbriers. Je n'ai rien de particulier.
— Détrompez-vous. Vous avez toutes les qualités pour prendre quelqu'un sous votre protection. Avec un peu de pratique, d'entraînement et d'aide mutuel, un Humain et vous feriez un beau duo.
— Les Anges Gardiens, se mit à rêver Neah. Ils sont tellement reconnus, mais au-delà de cette reconnaissance, c'est avant tout leur devoir et leur abnégation qui est admirable. Je ne pourrais jamais...
— Tu as ta vie pour trouver un Humain, si tel est ton souhait. Peut-être même te lira-t-il entièrement l'histoire du Livre des Rois ! Il en va de même pour vous Nithael. Vous feriez tout deux d'excellents Gardiens, sachez-le. Sur ces bonnes paroles, mangeons !

Un tel compliment ne le laissait pas de marbre, il rougit et en prenant conscience de sa faim dévorante, se mit à manger avec appétit. Cette journée était exceptionnelle !

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