L'horizon n'était plus qu'une frontière à cet endroit : les eaux s'étendaient sans fin, à perte de vue. Comme si les terres immergées s'étaient enfoncées sans un bruit au cours du trajet de retour, ce n'était pas possible bien entendu, mais l'océan avait ce petit quelque chose qui vous faisait sentir seul au monde. Vivre là-dessus, quand on n'avait vécu que sur la terre ferme durant des années, avait de quoi vous refiler la nausée, mais ce désagrément cédait rapidement sa place à l'envie enivrante de rester là et de se laisser porter : une incroyable sensation de liberté. Mancinia chérissait beaucoup la vue qu'elle avait depuis le bastingage, comme si elle était la souveraine de ce monde. Elle ne savait comment être parvenue à se faire accepter sur ce petit navire de pêche en direction de Bouton d'Or, mais elle était dessus pour une somme dérisoire et un peu d'aide en cuisine. Aucun des marins ne semblait avoir cure de sa nature d'Humaine, les hommes la laissaient tranquille et elle appréciait discuter avec les femmes. Sur ce navire où la promiscuité était inévitable, son secret n'aurait guère tenu longtemps. Elle soupçonnait aussi son petit coup d'éclat à Sceptelinôst d'en être la cause, lorsqu'elle eut aidée une habitante rebelle à couler une cargaison qui était, selon elle, en train de conduire la ville vers la faillite. En y repensant, elle n'avait pas demandé à la jeune femme qu'elle genre de cargaison était-ce. Peut-être ne valait-il mieux ne pas le savoir, finalement.

Mancinia écoutait distraitement les marins discuter, chanter et rire gras. Ce n'était vraiment pas le même mode de vie que le sien et, si leur existence semblait emprunt de liberté, il ne fallait pas oublier toutes les peines que cela causait : rudesse de la tâche, maladies, tempêtes souvent mortelles. Même les navires de pêche les plus modestes n'étaient à l'abri de rien ! Une légère brise volait dans ses cheveux, venant chatouiller son cou et lui offrant un frisson. La fraîcheur du matin avait laissé place à une certaine chaleur, surplombé par un soleil clair, mais qui commençait à disparaître au profit d'épais nuages. En levant son nez vers le ciel, Mancinia eut l'impression que la couleur de ce dernier prenait une teinte étrange, sa texture même était devenue une base fortement ondulante : les nuages semblaient se mouvoir de la même manière que la surface de l'océan, turbulent et désordonnés. Une scène extrêmement fascinante et très inhabituelle. On aurait dit de la magie, mais qui était assez puissant pour commander la Nature à ce point ? Mancinia se retourna vers Torah Mormone, qui était apparu derrière elle en traînant des cordages. Lui aussi s'arrêta un instant pour observer ce ciel insolite avec l'un de ses hommes, Palopo Choke. Ils se regardèrent tout les trois d'un regard surpris, sous-entendant que ce n'était pas normal.

— Vous voyez ça, Capitaine ? demanda Mancinia.
— L'temps est à l'orage sans doute, mais ça n'présage rien de bon.
— T'crois que les Sorciers ont trafiqués un truc ? questionna à son tour Palopo.

Le Capitaine haussa les épaules pour signifier qu'il n'en savait pas plus que lui. Il était vrai qu'en quittant Sceptelinôst, ils avaient croisés quelques navires Sorciers en partance vers un lieu où seuls les Aetheri avaient regard. Ils s'étaient surtout faits discrets pour éviter d'être attaqués, mais ils avaient été superbement ignorés, comme si les Sorciers avaient mit à faire que de s'occuper d'un menu fretin et c'était tant mieux ! Mancinia n'en avait jamais vu, mais elle aurait jurée voir des vaisseaux partir en guerre. Sans doute était-ce sa mauvaise imagination. Kamiya, qui volait autour du navire pour se dégourdir les ailes, vint se poser sur le bastingage, près de sa maîtresse. Défiant, Torah scrutait le ciel à la recherche d'une sorte de réponse ;

— C'te partie de l'océan est censée être calme, mais y m'semble que quelque chose d'lugubre s'prépare. Nous devrions nous rapprocher des côtes, au cas où nous aurions besoin d'accoster...Ou éviter d'autres mauvaises surprises !
— C'vrai qu'en dix ans de mer, jam'vu un ciel pareil !

C'était très rassurant ! Mancinia espérait de tout coeur ne pas être prise en étau dans une tempête aussi imprévisible qu'hors-norme. Ce navire, aussi résistant soit-il, n'y survivrait sans doute pas. Kamiya, sautillant en sa direction, vint quérir une caresse en silence. En gratouillant le haut du crâne de son compagnon avec ses ongles, Mancinia observa l'eau, mais si elle lui avait paru apaisante au cours de son trajet, quelque chose venait indéniablement de changer depuis plusieurs minutes. Comme si tout s'effritait, se dégradait et prenait une teinte malsaine. Un nouveau frisson parcourut son corps, mais celui-ci n'avait rien à voir avec le froid : le navire vibra, sans doute sous un effet du vent, qui agita l'eau à leurs pieds. Le Capitaine laissa ses cordages à son acolyte, histoire qu'il termine son travail en s'aidant de sa magie.

— Bon, on va changer un peu not'itinéraire, Mancinia. On va accoster près d'la Plage de Sable Fin, c'est calme, proche du territoire Magicien et s'tu veux rentrer chez toi sans crainte...

Mancinia acquiesça avant qu'il n'aille aider ses hommes à tendre les voiles pour profiter des vents favorables, un pincement au coeur : même s'ils toléraient sa présence, elle était quand même une Humaine qui drainait une partie de leur magie. Pourtant, elle ne croyait pas son antimagie aussi forte que certaines autres. Cela devait dépendre des individus, de leurs vécus, du temps qu'ils ont passés en compagnie d'être magique ? Perdue dans une énième introspection, elle se rendit compte que Kamiya ne parlait pas. C'était assez inhabituel. Sans doute était-il fatigué de ces séjours en mer ? Ils avaient beau avancés, savoir les heures s'engrainer, la météo ne semblait pas changé, mais ils s'approchaient inexorablement des côtes. Voir la terre ferme la soulagea, même si elle ne savait pas nager pour la rejoindre et coulerait comme une pierre si quelque chose devait arriver maintenant. Mancinia distingua un petit village au loin, se dessinant de manière floue, avant de devenir plus net au fur et à mesure qu'ils approchaient. L'eau s'échouait sur la plage avec force, le ponton en bois semblait sur le point de céder tandis que le navire jeta l'encre, attendant qu'un appariteur vienne chercher caution pour le bâtiment et la place qu'ils louaient.

— Hey, vous ! héla une voix.
— Ouais ! répondit le Capitaine. Désolé d'débarquer à l'improviste, mais...
— Vous n'avez rien vu de particulier ?

Lorsqu'elle posa pied à terre, Mancinia sentit le regard lourd de chacune des personnes présentes se posés sur eux. Que ce soit les hommes, les femmes ou les enfants. Elle vit bien le doute au fond de leurs yeux et, même si elle tentait de se contrôler, la jeune femme tenta de laisser paraître quelque chose : un visage crispé ou un corps tendu. Cependant, ces gens ne lui semblaient ni hostile, ni violent. Seulement terrifiés. Le Capitaine fronça les sourcils, se demandant sans doute qu'elle était la cause de cette demande, il en demeura méfiant. C'était-il passé quelque chose qu'on essayait de leur mettre sur le dos ? Ne cherchant pas la bagarre avec un attroupement de villageois - car ils étaient nettement inférieurs en nombre - il haussa les épaules. Mancinia leva ses yeux au ciel, quel était cette manie d'hausser les épaules pour dire qu'on ignorait quoi ce soit ?

— Non. A part un temps bizarre, non. Pourquoi ?
— Beaucoup de navires sont sortis et certains ne sont pas revenus. Un gars qui vient de la ville voisine nous à dit que certains villages ont étés attaqués...

1 268 mots

Résumé:

Il y eut un blanc. Un silence qui leur laissait prendre conscience de cette information. Stupéfaite, Mancinia se demandait ce qu'il s'était-il passé en moins d'un mois pour que le Continent Naturel en vienne à se faire attaquer. Un millier de questions se bousculaient dans sa tête, autant que ses doutes qui se mélangeait à son anxiété. L'homme qui les avaient abordés et qui semblait diriger cette petite communauté, tenta de leur expliquer la situation qui, visiblement, échappait à tout contrôle.

— Des créatures marines envahissent les plages, attaques les villages et dévorent les habitants. Il se murmure aussi que le Kraken rôde...

Cette fois-ci, une peur sourde lui envahit le ventre. Le Kraken était une créature marine réputé pour saisir la coque d'un navire et le faire chavirer, le faisant ainsi couler avec ses marins qui périront noyés, parfois dévorés ! Si ces rumeurs étaient fondées, ils avaient eut une chance de tous les Démons pour revenir sains et saufs sur la terre ferme. Kamiya, qui était sur son épaule, se rapprocha de son visage, se frottant sur sa joue.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? lui demanda-t-elle.
— Je ne me sens pas bien.

Sa voix trahissait son mal-être. De souvenir, seul la chaleur du Désert l'avait incommodé au début de leur vie à Utopia. Surtout lorsqu'ils avaient fait la traversée du Désert la toute première fois. Mancinia entendit alors les cris de plusieurs animaux : des vaches, des moutons et des poulets qui devenaient fou, ou cherchaient à avertir d'un danger. Mancinia est réveillée de ses réflexions par une violente secousse. Le sol tremble, vibre, accompagné de grondements et de bruits sourds. Ça ne dura que quelques secondes : ce tremblement sous ses pieds lui fit perdre l'équilibre, des bruits de verre, des objets lourds qui heurtent le sol. Les bâtiments eurent du mal à encaisser : ces masses suspendues au-dessus du sol vibrant ne peuvent qu'être endommagés ou complètement ruinés. Un homme, sur le pas de sa porte, fut blessé lorsque celle-ci se rabattit sur sa main. L'eau se mouvait brutalement, inondant les abords du village, les aspergeant à moitié. Et puis, les tremblements diminuèrent pour cesser progressivement.

— C'était quoi ça ?! cria Torah.
— C'est comme ça depuis ce matin ! C'est pour ça que la mer est folle ! Les animaux sont fous, eux aussi !

Mancinia observa son compagnon, était-ce la raison de son comportement ? Il fallait dire que les animaux étaient fortement liés à la nature, la moindre perturbation avait un impact sur eux. A cet instant, Mancinia avait seulement envie de partir en courant. Elle était en proie à un dilemme entre les aider et s'enfuir, à la manière de son fidèle ami, lui-même perdu dans ses songes, mais elle avait ses propres principes et n'en démordrait pas : on n'abandonnait personne. Le Chef les observa avec un air apeuré, mais il se risqua à demander la chose qu'il souhaitait depuis le début ;

— Si ce qui se dit est vrai, nous avons absolument besoin de volontaires pour défendre notre village.
— C't'as dire que nous n'sommes que d'modestes marins...
— En échange de votre aide, on vous offrira l'emplacement, un endroit chaud où dormir et de la nourriture !
— Nous n'irons nulle part avec des rumeurs, mieux vaut constater par soi-même !

Étrangement, Mancinia crut reconnaître sa voix. Et oui, c'était sortit tout seul. Après tout, pourquoi des êtres magiques auraient-ils du mal à se défendre ? Il était vrai qu'elle flippait à l'idée de croiser une créature de la trempe du Kraken, mais elle ne possédait aucuns dons pour se défendre. Cible du regard de tous, la jeune femme continua sur sa lancée.

— On devrait évacuer le village, éloigner les gens de ces choses...
— Pour aller où ?
— N'importe où, mais pas ici. Ici, vous allez mourir.

Suite à sa dernière remarque, il y eut des chuchotements indignés, des chuchotements approbateurs et d'autres un peu moins compréhensibles. Après plusieurs de minutes de discussion, ils tombèrent d'accord sur une fuite vers l'intérieur des terres. Les habitants réunirent leurs affaires les plus précieuses, leurs animaux furent mit dans des cages noueuses ou serviraient à transporter de lourdes charges, tels des vivres et des armes. Il y aurait une troupe combattante à sa tête, en cas de mauvaises surprises, mais il en fallait que quelques troupes restent en arrière. Mancinia accepta la proposition qu'on lui fit - même si elle comptait repartir au plus vite vers Utopia, qu'elle mettrait sans doute des semaines à rejoindre - de rester une ou deux heures en arrière avant de suivre le groupe et d'observer la venue éventuel d'assaillants - qui ne viendraient peut-être même pas. C'était un bon compromis. Désignée avec Palopo, deux gars du village nommés Aidan et Reayan, ainsi que Meishan, l'une des femmes du navire avec qui elle s'entendait bien, ils partirent en exploration aux alentours tandis que l'autre groupe se mit en route.

— Tout est lié au merdier d'la dernière fois ! J'en suis sûr !

Palopo ruminait les événements avec ces fameuses créatures qui avaient surgies de nulle part pour les attaquer. Un peu comme maintenant. Rien ne pouvait faire exception et si tel était le cas, ils allaient tous en avant de graves ennuis ! Que se passait-il dans les profondeurs pour ébranler les roches ? Que se passait-il dans les Abysses pour que ces créatures se mettent à les attaqués ? Cet immense territoire paisible était devenu un terrain hostile, les paysages merveilleux s'étaient muées en vus effroyables et tout y contribuait ; le ciel noir translucide, la mer agité, les secousses et l'effet de panique des personnes. Car oui, les secousses frappaient au hasard, parfois un sursaut léger, parfois en les projetant au sol. En arrivant sur la plage, ils observèrent les alentours avec effarement face à cette nouvelle bizarrerie : le sol était devenu comme un liquide, comme si sa cohésion avait disparue. Mancinia fronça les sourcils, sans jamais avoir vu pareille chose et n'ayant que leur description en mémoire, elle jurerait que cela ressemblait à des petits volcans fait d'eau et de sable. Un homme du village, lança une grosse pierre dessus et cette dernière s'enfonça au bout de quelques secondes avant de s'immobiliser. Mieux valait ne pas s'aventurer à cet endroit et c'est avec attention qu'ils firent un détour pour s'approcher au mieux de l'océan.

En suivant un chemin fait de roches, faisant attention à ne pas chuter et se briser quelques choses, il établir un poste d'observation en hauteur sur cet amas rocheux. Comme si le décor était irréel pour la situation absurde qu'ils vivaient. Tout semblait si calme, si paisible, si malsain. Entre deux secousses, ils tentaient de résister au froid mordant qui avait frappé leur groupe. Mancinia avait rapidement mangé les vivres proposés et avait étanché sa soif au mieux, se sentant toute courbaturée, entre le voyage en mer et ses efforts terrestres. D'ici, ils pouvaient contempler la furie de la mer se jetant contre la plage. Mancinia se perdait dans la contemplation des flots agités et des jeux de lumières créé par les nuages depuis les hauteurs où ils avaient élus domiciles. C'est marrant, elle avait l'impression que le sol tremblait bien plus depuis qu'ils étaient sur la plage. Est-ce que les sols mous amplifiaient les effets de ces assauts ? L'air est lourd, une odeur de brûlé se faire sentir au loin, un cri. Mancinia tressaillit comme si on venait de lui verser un verre d'eau froide sur la nuque. Raide comme un piquet, elle resta sans bouger durant de longues secondes pour voir si ce bruit allait se reproduire. Aucun d'entre eux ne pouvait être sûr qu'il s'agissait d'un cri. Peut-être était-ce le vent, un oiseau ou un vagissement animal ou un...Un second hurlement retentit et ils sautèrent sur leurs pieds.

1 297 mots

Résumé:

C'est sans trop réfléchir qu'ils s'engouffrèrent sur la plage en direction du bruit. Son pas était rapide, plus que celui des autres, mais Mancinia ne savait pas vraiment où elle se rendait, tendant parfois l'oreille pour écouter. Elle se demandait ce qu'on pouvait bien faire de si horrible à une personne pour qu'elle hurle de la sorte, mais un pincement au ventre lui rappela, qu'au fond, elle ne voulait sans doute pas le savoir. Un mélange inextricable d'émotions s'affrontait au coeur de son être : Que faisait-elle là ? Pourquoi avait-elle prit par à cette expédition improvisée pour défendre les arrières des habitants ? Sa foutue conscience et son envie de vouloir aider tout le monde allait finir par la tuer ! La jeune femme arpentait la plage, à longues enjambées, scrutant chaque recoin sombre et obscur avec un zèle feint. Une main effleurant la hampe de sa lance : quiconque jaillirait de l'ombre subirait sans nul doute le courroux de sa peur. Car ces lieux étaient des plus silencieux, les nuages noir plongeant l'endroit dans les ténèbres, propice à une attaque venue des profondeurs. Néanmoins, elle admettait que cela rassurait d'avoir des hommes et des femmes capables de l'aider si une bataille devait se dérouler. Sa seule espérance était que, justement, ils ne doivent pas combattre, mais plus elle s'avançait, plus elle prenait conscience que ses espoirs étaient vains.

Quelqu'un était en train de se faire attaquer par quelque chose et il n'y avait qu'une seule chose à faire !  Les cris se rapprochèrent, se faisant plus nets : c'était là, au tournant, derrière un autre amas rocheux. Kamiya prit appuis sur son épaule pour s'envoler, partant en reconnaissance dans les airs et Mancinia se prépara mentalement à combattre, silencieuse et surgissant d'un bon pour surprendre l'adversaire : ce qu'elle vit la laissa dubitative. Rien. Il n'y avait rien ! Était-elle arrivée trop tard ? Est-ce que la personne imprudente avait été tuée ? Ou bien...Mancinia courut aux abords des vagues, méfiante, tenant sa lance à deux mains, prête à frapper, cherchant des signes, la moindre chose indiquant qu'un être vivant s'était fait tiré dans l'eau pour être noyé ou dévoré. Scrutant la surface de l'eau tout en restant à distance, elle ne voyait rien de bien transcendant et elle se recula pour rejoindre son groupe qui venait d'arriver, constatant les mêmes faits. Ils crurent à une blague, mais Mancinia sentait qu'ils ne devaient pas rebrousser chemin. Une peur étrange la prit aux tripes, une peur contradictoire mélangeant la terreur et l'adrénaline, son souffle s'était accéléré lorsqu'elle regarda autour d'elle et qu'elle vit des choses encore plus étranges : sur le sable,  il n'y avait pas de sang, pas de vêtements déchirés, pas de corps.

Aucune trace. Ni de lutte, ni de pas, ni même de la présence de quelqu'un ou de quelque chose. Son corbeau revint près d'elle, lui disant n'avoir rien vu de particulier. C'était à n'y rien comprendre ! Ils avaient entendus quelqu'un hurler comme un damné, quelque chose avait dû arriver ! Une panique sourde céda place à sa peur, la jeune femme avait continué de courir vers la source de tout ce merdier, suivant son instinct plutôt que sa tête.  Plus elle y réfléchissait, plus elle se disait que quelque chose n'allait pas, mais alors pas du tout dans cette histoire. En plus de tout cela, les cris affreux avaient cessés. Que de choses étranges en si peu de temps ! C'est alors que Meishan fronça les sourcils, derrière elle, en scrutant les vaguelettes qui se formaient, tirant la manche de Palopo pour lui indiquer l'emplacement de sa suspicion. Une surprise marqua leurs traits et Mancinia se retourna. C'est alors que des bosses apparurent à la surface de l'eau, l'Humaine fit un pas en arrière lorsqu'elle le vit se dégager de l'écume. C'était quelque chose de serpentiforme à la tête de dragon qui nageait en surface de l'eau. Cet horrible monstre marin qui bondissait et soufflait hors de l'eau se déplaçait rapidement, provoquant des vagues à l'aide de sa crénelure au milieu du dos. Son corps foncé et lisse n'inspiraient pas confiance, c'est alors que Meishan acquiesça en criant :

— C'est un Naitaka !

Mancinia ne prit même pas la peine de lui demander ce qu'était cette créature : elle n'en eut pas l'occasion. Sortant de l'eau, apparaissant devant eux en rampant, agile et rapide, redressant sa crinière pour les observer de haut, le regard mauvais. Ce monstre lacustre nommé Naitaka avait une allure féroce et taille démesurée - il faisait bien deux fois la taille de l'Humaine. Ce devait être un redoutable prédateur au vu de son cou flexible et la force de ses dents pointues ne faisait aucun doute : tranchante comme une épée. Mancinia sentit sa lance trembler, comme une extension d'elle-même. Une frousse indescriptible, mais elle ne parvenait pas à se calmer. Cette bestiole faisait partie des abominations marines qui ne devraient pas exister, de ces créatures qui ne doivent jamais quitter les abysses où elles ont élus domicile. Il était cinq, mais la force du nombre ne faisait pas tout, surtout que le Naitaka n'eut pas l'air apeuré, inspirant l'air avant de pousser un cri d'une force surprenante, de quoi assourdir le groupe et de les faire reculer d'un pas. Cela dura plusieurs secondes, comme un avertissement ou le lancement d'une partie de chasse dont ils n'étaient même pas certains de s'en sortir vainqueur. Ce hurlement résonnait encore dans les oreilles de Mancinia, vrillant ses tympans d'un écho fantôme comme une révélation : c'était un piège !

Un piège tendu par une créature marine de cette taille, c'était qu'en plus, elle devait être douée d'intelligence. Mancinia ravala sa salive, serrant sa lance contre elle ; allait-elle seulement s'en sortir vivante ? Comme une réponse à sa question, un filet s'abattit sur la tête de la créature, mais l'immondice visqueux parvint à se dégager sans peine. Comprenant qu'elle n'avait qu'une chance de survivre, la jeune femme la saisirait en combattant avec ses compagnons. Mancinia se prépara à attaquer : le corps droit, sa jambe gauche en avant et sa lance inclinée vers l'avant, le talon au creux de sa main droite et sa main gauche se tenant à l'avant, en soutien. Et c'est alors le combat s'amorça véritablement. Chargeant en se tenant droit, Mancinia se propulsa en avant à l'aide de sa jambe gauche, sa lance à la hauteur de ses épaules, les coudes en soutien lors de cette assaut, mais qui lui servirait aussi de défense, dans une moindre mesure. Ils se dispersèrent, mais ne surprirent pas le monstre lacustre. Le Naitaka se lança à leur assaut, Meishan sortit ses couteaux de lancer, Reayan s'approcha de Mancinia en soutien tandis qu'elle se chargeait de réceptionner la charge, corps arc-bouté vers l'avant, le pied gauche plié en avant, au contraire de son pied droit tendu en arrière, le talon de sa lance fiché dans le sol rocheux instable, ses mains soutiennent sa lance quand la gueule de la créature vint se ficher sur son tranchant.

Surprise, la créature se bagarra avec ses dents contre son bout de métal, les dents heurtèrent férocement sa lance, mais fut saisit de cette douleur et se força à reculer. Jugeant Mancinia et ce qui devait lui sembler être un étrange bidule. Cet assaut improviste avait porté ses fruits, la bête était prise à partit, entre deux couteaux volants se fichant sur son flanc, les bruits de Reayan pour attirer son attention et cette chose de métal qui refusait de céder, le Naitaka n'avait d'autre choix que de céder du terrain, signe avant coureur d'une retraite anticipé dans les abîmes. A l'instant même où Mancinia relâcha sa garde pour le laisser fuir, la créature fit étalage de toute sa fourberie de sa race ignoble : elle se retourna à une vitesse inouïe et sa queue heurta trois de ses compagnons qui furent propulsés plus loin, la laissant seule avec Reayan, mais ce dernier était beaucoup trop près...Et seul. Mancinia ne réfléchit pas plus que cela et se mit à courir sur des rochers rempli de mousse et instable, elle tomba sur le mauvais, se cassant la figure. Tombant sur sa mâchoire, elle sentit le coup lui monter jusqu'au cerveau, la faisant plonger dans un grand blanc, lui faisant perdre connaissance...

1 385 mots

Résumé:

Mancinia revint à elle alors que le vent charriait des relents méphitiques et d'épouvantables cris horrifiés, elle avait trébuché sur l'un des cailloux humide et c'était bien abîmé le crâne, en plus de son épaule. Son corps était douloureux, mais ce n'était rien en comparaison du tourment que lui procurait son mollet. Elle tourna le regard, le regard embrumé, pour voir si elle s'était cassé un os. Elle aurait préférée la brisure des os à la morsure de ce monstre qui tentait de la dévorer vivante. Choquée de voir comment il était arrivé si près d'elle, par derrière, elle n'eut aucune réaction. Un mélange de haine, de colère et de terreur l'habitait en cet instant. Ces sentiments entremêlés s'appelaient mutuellement et augmentait son adrénaline, la rendant presque folle. Et cette douleur ! La jeune femme se mordit brusquement la lèvre inférieure jusqu'au sang, réprimant un cri déchirant durant deux secondes avant qu'il ne sorte de sa bouche. Kamiya vola en sa direction, piqua au plus vite pour assaillir la créature, forçant cette dernière à lâcher sa proie ; elle. Essayant de s'en prendre à ses yeux avec ses serres, le Naitaka manqua de peu de le tuer avec sa mâchoire, mais c'était sans compter sur les habilités de vol de son corbeau. Mancinia tapa son poing plusieurs fois sur le sable pour essayer de reprendre le dessus sur la douleur.

Puis, Mancinia se saisit de sa lance tombée à côté d'elle et la retourna d'un geste avant de diriger son tranchant vers ce qui lui semblait être la joue de la créature, enfonçant de toute ses forces sa lance dans son corps mou. Car mou, il l'était assurément. Elle ne savait même pas si le tranchant de sa lance saurait percé un épiderme aussi étrange, mais cela eut pour effet de l'éloigner d'elle. Quand elle eut recouvré quelques forces, Mancinia se releva en s'appuyant sur son arme, qui s'enfonça dans la vase avant de s'arrêter, alors qu'elle vacillait, tel un nourrisson. Son regard fusillait le jeune homme qui demeurait agenouillé dans le sable froid en implorant les Aetheri plutôt que d'aider ses deux compagnons. Cela ne dura qu'un court instant, avant que son intention ne se reporte sur la créature, la jugeant et analysant la posture qu'elle adoptait pour y déceler la moindre faille dans laquelle elle pourrait se plonger. Meishan vient se placer à ses côtés, en soutien, avec ses dagues. Le Naitaka semblait se tordre, comme énervé, il lança un nouveau cri qui fit vaciller Mancinia, tombant à genoux sur les cailloux tant elle était mal en point. Sa camarade vint l'aider à se redresser, tandis que le Naitaka fila droit sur elles. Étrangement, il la prit encore pour cible. C'était étrange, que faisait-il ? Pourquoi ne s'attaquait-il qu'à elle ?

Mancinia comprit quand il s'en prit à nouveau à sa lance. Cet ennemi qui semblait doué d'intelligence était vexé qu'un bout de bois surmonter de métal le mette à mal, la jeune femme tenta de résister au assaut de sa mâchoire, la hampe de son arme semblait sur le point de se rompre. Puis, il ouvrit sa gueule béante et...Plongea sur son tranchant. Et là, c'est comme si il avait comprit. La créature l'observe avec un air de défi tandis que sa lame s'enfonce dans sa gorge - Mancinia aidant son arme du mieux qu'elle pût - faisant éclater quelques artères de sang bleu qui lui explosèrent sur le corps. C'était chaud, visqueux et puant, mais qu'importe : elle l'avait eut. Mancinia ne savait pas trop comment prendre cette nouvelle forme d'attaque-suicide, mais tant qu'ils étaient en vie...Ça allait. Essoufflée, constatant que sa lance aurait besoin d'être réparée, la jeune femme observa Meishan, dans le même état, la remerciant du regard. Kamiya vint se poser sur son épaule, heureux, coassant de bonheur sans ne savoir que dire de concret pour célébrer son sauvetage et la bêtise du monstre lacustre.

— Heureusement, même une Humaine comme moi peut compter sur une Réprouvée telle que toi !

Elles relâchèrent la pression en riant, puis, moins encline à rire avec Reayan, Mancinia l'observa furieuse qu'il l'est abandonné, mais c'est alors qu'elle vit l'homme disparaître en hurlant, saisit à la jambe par une créature au corps allongé et cylindrique, pourvu d'une paire de nageoire latérales et semblait même posséder un bec corné. On aurait dit un calamar géant. Ce céphalopode vivant en pleine mer devait mesurer dans les dix mètres et avait saisit Reayan avec l'aide de ses ventouses. Leur compagnon hurlait de douleur, comme si ces dernières lui brûlaient la peau, puis il cessa de hurler et même de remuer. Comme mort, mais elle le vit respirer aussi sûrement qu'elle dénombra dix tentacules, dont deux plus grandes que les autres. C'était une bête formidablement armée qui venait d'harponner Reayan. Palopo et Aidan se précipitèrent pour l'aider, Meishan resta aux côtés de la jeune femme blessée et fatiguée après la destruction du Naitaka. Un Calamar Géant émergea en partie de l'eau, sans quitter son habitat naturel, mais prêt au combat. Si on les disait Enfants du Kraken, Mancinia n'eut aucune envie de voir leur paternel. Éberluée, elle regardait le Calamar s'appliquer sur sa proie, la recouvrir et la nouer de ses longues bandes, comme pour faire cesser la respiration du couard qui l'avait abandonné à son sort.

Mancinia lâcha l'épaule et l'appui que lui fournissait Meishan pour se soutenir à l'aide de sa lance, titubante et trébuchante, pour aller aider ses compagnons. Pourtant, elle ne le pouvait pas : elle était trop faible. Blessée comme elle était, la jeune femme ne serait qu'un poids. Elle vit Palopo combattre avec des cordages, des filets, tentant d'emprisonner ses tentacules, de les faire s'emmêler, tandis qu'Aidan, avec son épée, tentait de les trancher, mais le corps mou de la créature faisait obstacle. Puis, le Calamar lança une attaque qu'Aidan se prit en plein ventre, se faisant harponner à son tour, mais Palopo s'était accroché de tout son poids sur lui, faisant lâcher la créature après que Meishan lui ait envoyés plusieurs dagues. Ils ne pouvaient que voir le Calamar faire alors demi-tour, se renfoncer dans l'eau avec le corps de Reayan, sûrement pour s'en repaître. Ses compagnons, atterrés de se savoir encore en vie, exprimèrent toutes leurs émotions par de grandes exclamations de bonheur. Ils lui portèrent assistance pour l'aider à se relever et cherchèrent de quoi penser sa blessure au mollet, mais Aidan devint blême, la ventouse avait déchiré son vêtement et l'avait certainement empoisonné. Il leur fallait un médecin. Et vite.

— Leur stratégie de rester sur la côte en attendant qu'ils viennent était nulle à chier !
— On s'est fait avoir comme des bleus !
— ...On est en vie, bon sang, on est en vie !
— Fichons-l'camp de c't'endroit maudit !

Son corps est meurtri ; des bleus, des traces sanglantes, un pan de sa peau déchirée et des vêtements salis, en lambeaux, mais elle était en vie. En vie, bordel. Ils avaient malheureusement perdus un compagnon, mais ils avaient de la chance qu'un des monstres s'empale de lui-même sur une arme et que l'autre fasse demi-tour après avoir essuyé de la résistance. Sinon, ils seraient tous morts. Kamiya coassa et Mancinia se retourna alors une dernière fois vers la plage, devenue un lieu de douleur et de crainte. Au loin, elle vit une créature irréelle s'extirper de l'eau une fraction de seconde avant de replonger. Un monstre d'une taille gigantesque, dont un tentacule retomba mollement dans l'eau, comme pour féliciter ce fils qui revenait à la maison avec le dîner.

1 257 mots

Résumé: