Belle, ou comment se faire poursuivre par un homme qui voudrait dévorer sa proie. Cela devenait une mauvaise habitude. Il n’était pas le premier à lui courir après dans l’espoir de planter ses dents dans sa gorge. Certains en avaient après son joli minois, d’autres aspiraient à la vider de son sang et quelques-uns encore désiraient simplement la manger, lui ronger les os. C’en était trop. « Reviens, jolie Poupée. Reviens. » Dissimulée derrière une grosse roche de la plage, le dos plaquée sur la pierre froide, elle tâchait de reprendre son souffle. Cependant, l’homme n’était guère loin. Il rôdait, épiait, et le parfum de la Déchue était encore trop présent pour qu’il retrouve ses esprits. « Poupée … Viens mon petit coquillage rose, j’ai tellement de choses à te dire et à te montrer … » Belle s’interrogeait vaguement sur la puissance du filtre dont elle regrettait l’utilisation, bien qu’heureuse d’avoir permis à l’étrangère de s’en sortir. « Promenons-nous dans les bois … » La jeune femme frissonna. Comment une comptine aussi enfantine et innocente pouvait être aussi terrifiante ? Chantonnée par un cannibale en devenir à moitié fou, la réponse devenait évidente. « Tu ne dois pas être loin. Tu seras bien obligée de sortir de ta cachette, pour courir ou t’envoler. Dans tous les cas, je te rattraperai. » Il rit, avant de se calmer et de prendre une grande inspiration, respirant davantage du parfum qui lui faisait tourner la tête. Le plus silencieusement possible, la jeune femme glissa ses mains dans ses poches, à la recherche de quelque chose, n’importe quoi, un subterfuge qui l’aiderait à s’en sortir. Elle sortit sa main pour observer le contenu de sa paume. Trois bonbons d’un jaune acidulé. Elle fit d’abord la moue, avant de relever les yeux. Ils brillaient d’un éclat de malice. Elle avait une idée. Doucement, elle se releva. « Regarde-toi. » soupira-t-il en dévisageant l’Aile-Noire. « Tu es une enfant délicieuse. » Il s’approchait lentement. « Ta peau est superbement blanche. » souffla-t-il, un sourire carnassier aux lèvres. Belle ne bougeait pas, se contentait de le regarder sans rien dire. « J’aime tes grands yeux clairs et tes cheveux blonds. Tu es délicieuse. » Répéta-t-il en insistant peut-être un peu trop sur le dernier mot. « Je me demande si ta chair à le goût de rose. Tu sens la rose, ma jolie Poupée. » Il n’était plus très loin. Belle jeta les bonbons par terre avec une violence qu’on ne lui connait pas. Ce n’était pas que des friandises. Ils étaient fumigènes. Encerclé par un brouillard épais et dense, l’homme se mit à tousser. « Si je t’attrape … » pestait-il. Peu à peu, la fumée se dissipa. Belle n’était plus là. Elle était déjà partie et était loin.

« S’il vous plait. » murmura la jeune femme de sa jolie voix, se posant à côté de quelques soldats de la Garde d’Avalon. Les Déchus se tournèrent vers la nouvelle arrivée. « Il y a un homme sur la plage. Il fait partie des pilleurs. Il n’a plus tout son esprit et a essayé de me dévorer. » Ils arquèrent les sourcils, surpris. « Vous n’avez rien, Lady Von Ez’Naremiel ? » s’enquit l’un d’entre eux. Belle ne se faisait décidément pas à sa popularité. « Oui, merci. J’aimerai seulement que cet homme soit arrêté. Il a voulu me faire du mal après que je l’ai empêché de découper en morceau une autre femme. » - « C’est quoi ce type ? Un malade. Nous nous en occupons. Rentrez chez vous, Lady. Les parages ne sont pas sûrs. Les derniers conflits se règlent. » - « Bien. Soyez prudents. » Elle les regarda partir, pensive, avant de baisser les yeux sur ses bras. Les blessures, la moindre coupure, s’étaient envolées. Elle inspecta brièvement ses mains, perdue dans ses pensées. L’infection n’était pas un mal au final. Embarrassée, la Déchue se mit à scruter les environs. Elle ne savait plus quoi faire, où aller. Doucement, elle effleura du bout des doigts la morsure, les marques de crocs qui tachaient sa gorge. Pourquoi cette plaie-là ne se soignait pas ? C’était étrange. Très étrange. Elle ne se doutait pas qu’elle contrôlait l’infection, ce don de guérison et que, comme pour se souvenir, elle refusait intérieurement de soigner cette représentation de son échec.

740 mots - Merci pour cette partie ^^