La petite Lucia, embauchée il y a peu de temps par les propriétaires de l’île, débarqua au manoir affolée. Tombant sur Andréa, la demoiselle la prit pour une sorte de gouvernante. Gesticulant en parlant, se dandinant en tenant sa robe, la petite sirène expliqua la situation catastrophique des animaux amphibiens de la Côte dangereuse dont elle a la charge. En effet, les bêtes aquatiques étaient affamées et, malgré tous ses efforts, la gamine ne trouvait aucune solution à ce dilemme. De plus, la période de reproduction approchait à grand pas. Il fallait faire quelque chose rapidement.
- Le temps presse, Madame. Ils vont mourir si on ne fait rien ! Je sais plus quoi faire !
- Calmez-vous demoiselle. Je vais voir si Sakura peut vous recevoir en urgence.
- Vite ! Vite ! C’est un cas d’extrême urgence !
La magicienne fit un petit sourire et hocha amicalement de la tête avant de prendre le chemin menant au laboratoire secret. Frappant à la porte et attendant une réponse, elle trouvait cette situation fort curieuse. Engager une gamine pour un travail si dangereux, il devait y avoir une excellente raison.
- Entrez.
- Navrée de te déranger ma chérie.
- Que se passe t il ?
- Lucia est dans le hall d’entrée. Visiblement, il y a un problème sur la côte.
- De quel genre ?
- Les bestioles meurent de faim.
- Mmmh. C’est fâcheux en effet. Va lui dire que j’arrive.
- Bien. Mais dit moi… Pourquoi avoir choisi une enfant ?
Emivia se mit à rire un très court instant.
- Parce que c’est une enfant différente des autres. Elle a le profil parfait pour la tâche qui lui a été confiée. De plus, elle s’éclate…

La mère de la brunette repartit aussitôt, la réponse à sa question en poche, et retrouva la sirène toujours aussi agitée à l’entrée. Elle l’invita à avancer dans le couloir puis l’accompagna jusqu’au bureau de la sorcière. Emivia attrapa son pendentif de Neriel et prit l’apparence de Sakura. Redressant légèrement le torse, elle déambula dans les couloirs jusqu’à son bureau, arborant un sourire léger juste avant d’y pénétrer. Elle comptait garder le secret sur son identité aussi longtemps que nécessaire. Après tout, seul le Capitaine Edward connaissait son identité et cela était largement suffisant. Elle prit alors place sur sa chaise, invitant la blondinette à s’assoir. Celle-ci ne tenait pas en place et sautillait nerveusement, refusant poliment de prendre place.
- Madame. L’heure est grave… Il leurs faut de la viande fraiche…
- Mmmh. De quoi avez-vous besoin exactement ?
- D’hommes, de femmes, d’enfants… Peut importe ! Ils doivent manger…
Sakura fit un sourire malsain puis glissa le bout de sa langue sur ses lèvres.
- Avez-vous une idée Madame ?!
- Effectivement. Proposons une visite guidée à la populace extérieure… Une visite… Mortelle.
La sirène se mit à réfléchir avant de sourire à son tour, une lueur maléfique dans les yeux.
- Oh ! Excellente idée Madame ! Mais comment s’y prend-on pour les faire venir jusqu’ici ?
- Je vais m’occuper de cela. Retourne t’assurer que nos petits amis communs n’entrent pas plus sur les terres en attendant. Il serait fâcheux de devoir les tuer pour notre sécurité.
- Bien Madame. J’y vais de suite !

Lucia ressortit en sautillant de joie, heureuse d’avoir l’aide de la maitresse des lieux. C’était la première fois qu’elle pénétrait dans le manoir et aussi la toute première fois qu’un problème de cette ampleur survenait. Être soutenue par la patronne en personne avait quelque chose de vraiment très plaisant. Pendant ce temps, la demoiselle aux cheveux bleus réfléchissait à la manière dont elle allait procéder. Il fallait faire cela intelligemment et prudemment. Premièrement, ne viser que des personnes inutiles, faibles et sans intérêt. Deuxièmement, trouver une idée attractive afin de les pousser à venir de leur plein gré et pour finir, leur faire sous entendre qu’ils venaient à leur risque et péril.
- Visons donc dans un premier temps les pseudos aventuriers solitaires.
La sorcière fit un sourire en coin malfaisant et commença à créer des affiches à l’attrait attractif lorsqu’Alexis entra dans le bureau sans frapper.
- Mmmh ?
- Tu m’as fait demander ?
- Ah oui, en effet. Tu devais aller me chercher un truc mais finalement… J’ai besoin que tu apportes cela sur le continent dévasté, placardes-en un peu partout. Donne ceci à Eliandel. Elle doit aller au Port faire de même. Oh et. Demande à Ethan de venir ici, je te prie.
- Ok.
L’orine prit les documents et sortit de la pièce sans attendre. Tout se mettait en place doucement. Elle continuait à gribouiller de nouvelles pancartes à poser pour le continent naturel qu’Erigan devrait aller dispatcher ici et là. Elle en ferait encore plus si les compagnons de son homme s’avéraient en train de glander. Après tout il s’agissait là d’une urgence. La sécurité de l’île était en quelque sorte menacée.

 

Emivia releva le regard et afficha un léger sourire en coin à l’entrée d’Ethan dans son bureau avant de reprendre ses activités. Sans quitter ensuite des yeux le travail qu’elle effectuait, elle écouta attentivement ses dires avant de lui répondre avec calme et une certaine douceur.
- Effectivement, nous avons un petit souci sur la côte… Et je me suis dit que tu voudrais certainement être prévenu et invité afin de le résoudre.
Elle cambra légèrement l’échine en soupirant doucement puis se redressa doucement en posant son regard sur le visage de l’orisha. Ce lien délicieux lui devenait dérangeant. Elle se sentait prisonnière et aspirait à bien plus puissant, quelque chose d’indescriptible et certainement incompréhensible pour l’homme qui partageait sa vie en ce jour. Le changement qu’elle prévoyait pour lui permettrait à la brunette de s’élever un peu plus. Elle pensait aussi que cela le rendrait plus fort. Cela lui servirait évident à son avantage dans un futur plus ou moins proche. Ses plans se déroulaient lentement et se mettaient en place doucement.

Dans un premier temps, Ryan prenait petit à petit le contrôle des pirates et serait bientôt un chef d’une valeur inexorable avec une armée à sa solde. Dans un second temps, elle s’entourait de personnes plus ou moins dignes de confiance qu’elle espérait utiles à ses projets, Erigan, Andréa… Sans compter sa sœur Katarina, le jeune sorcier Tens qui avait quelques services à lui rendre… Elle plaçait ses pièces sur l’échiquier avec tact, intelligence et malice. Personne ne pouvait encore se douter de son but ultime. Elle cachait tout, même à l’homme qu’elle chérissait plus que tout actuellement. Peut être pourrait-il ensuite comprendre… Peut-être déciderait-elle de le mettre ensuite au courant de ses manigances… Pour l’heure, elle gardait ses détails pour elle seule.

La demoiselle fit un beau sourire, déposa sa plume et vint joindre ses mains, appuyant ses coudes sur la table.
- Nous allons servir de guides… Les dilophaures ont besoin de nourritures…
Son sourire s’élargit un peu plus tandis que ses pupilles se mirent à briller légèrement.
- Cependant, je ne souhaite pas que l’on puisse nous reconnaitre. Je changerai donc d’apparence pour une meilleure option et je t’invite à faire de même…
Elle comptait lui apprendre petit à petit les rudiments de la cruauté afin qu’il puisse gouter et embrasser sa cause un peu plus. Emivia n’était toutefois pas encore parfaite. Elle apprenait tous les jours à contrôler sa rage. Elle devait se montrer extrêmement prudente. Personne ne devait être à même de la reconnaitre ici. Pas avant que ses plans ne soient réellement lancés. Elle jouait finement ses coups. La jeune femme se leva alors et vint déposer un baiser sulfureux sur les lèvres d’Ethan. Il fallait le motiver. Elle ne souhaitait pas qu’il se défile. Venant ensuite murmurer de petits mots coquins à son oreille, petit sourire en coin, elle se détacha ensuite de lui, lui promettant un instant de folie une fois la tâche accomplie avec succès.

Elle l’invita oralement à le suivre et se dirigea vers la porte d’un pas lent mais assuré. Laissant l’accès au couloir ouvert, elle s’engagea dans le long couloir puis l’escalier, descendant les marches jusqu’au rez-de-chaussée. Avançant tranquillement jusqu’à la lourde porte d’entrée, elle salua rapidement Andréa et sortit. Le couple devait se rendre sur la côte afin d’étudier l’ampleur de la demande. Elle ne prit point le risque de s’approcher mais sortit le pendentif de Nierel de sa poche et le passa autour de son cou. L’apparence qu’elle prit ne fut point celle habituelle. Elle prit l’apparence d’une vieille femme, femme du nom de Suzon aux longs cheveux blancs et yeux verts très clair. Son regard se posa alors sur le visage de son cher et tendre. D’une voix chaleureuse, elle lui lança alors.
- A ton tour, beau brun. Ensuite, nous irons accueillir nos visiteurs sur la plage énigmatique…

 

Emivia acquiesça d'un signe de tête les propos sur Aveline ainsi que d'un sourire en coin légèrement maléfique. Se servir des gens qui les accompagnent était devenu une habitude chez le couple. Certains le savaient mais ne disaient mot, quand à d'autres, leurs ignorances étaient utiles à des fins plus secrètes. Quoi qu'il en soit, le véritable but de la demoiselle ne serait dévoilé qu'en temps nécessaire, lorsqu'elle l'aurait décidé. Elle changea donc d'apparence afin de parcourir leurs terres, véritable terrain d'entrainement servant à ses manigances. Aujourd'hui, elle devait s'occuper, avec son homme, des animaux aquatiques qui protégeaient la côte. Une tâche dont ils allaient s’acquitter avec brio, bien entendu.

La vieille femme fit un sourire carnassier lorsque son chéri se transforma en petit garçon. Murmurant afin qu'ils soient les seuls à entendre ses propos, elle prit un visage plus détendu.
- Appelle-moi Suzon, pour la journée.
Puis elle eut un léger rire. Sa voix était déformée par son apparence âgée. En temps voulu, elle userait de Pokerface pour un meilleur rendu. Bientôt, les visiteurs arriveraient. Ils devaient presser le pas afin d'atteindre la plage énigmatique.
- Ne soyons pas en retard pour la visite. Nos invités ne doivent pas s'impatienter.
La cadence fut ralentie à l'approche de leur destination. Emivia se mit à l'aise et intégra parfaitement la peau de son personnage en usant de ses pouvoirs. D'une démarche lente mais assurée, elle passa devant le grand cocotier et aperçut un groupe de gens de tout âge, hommes, femmes et même quelques enfants. Les bambins étaient toutefois rachitiques mais, cela suffirait à en nourrir pas mal. Par habitude et afin de ne point être démasquée en tant que sorcière, elle utilisa son don à masquer son appartenance raciale ainsi que son aura maléfique. Personne ne pourrait donc savoir, ni se douter de quoi qu’ils étaient en présence d’une sorcière.

Elle s’avança avec lenteur, petit sourire sur les lèvres puis se racla la gorge avant de se présenter.
- Bien le bonjour, Messieurs, Dames. Tout d’abord, je vous souhaite la Bienvenue sur l’île de Nériona. Je me présente, Suzon, votre guide en ce jour radieux.
Elle bougea doucement sa main et montra le jeune garçon non loin d’elle.
- Et voici mon petit fils…
Elle l’invita à se présenter d’un geste de la main avant de reprendre la parole.
- Vous foulez, en ce moment même, la magnifique plage énigmatique.
La vieille femme agita lentement les bras puis regarda en direction de l’eau. Un petit canot s’approchait doucement. Elle sourit.
- Visiblement, il y a quelques retardataires. Nous allons donc les attendre avant d’entamer la visite…
Les regards se tournèrent vers les deux hommes dans une chaloupe, ramant afin d’atteindre le bord de la plage. Les individus étaient armés de beaux sabres qu’Emivia reluqua de loin. « Il faudra se méfier d’eux… Ce ne sont pas de vulgaires habitants. » La sorcière les sonda un peu plus. « Mmmh, deux ondins… Étrange… Mais soit.».

Elle souhaita ensuite la bienvenue aux deux nouveaux arrivants puis se lança dans une explication du lieu, présentant les divers accès aux restes connus de l’île. Elle répondit ensuite aux éventuelles questions, laissant toutefois beaucoup de suspens sur les diverses créatures vivants en cet endroit. Elle n’ébruita pas non plus la présence de pirates. Le petit groupe se rassembla ensuite. Il était temps de passer aux choses sérieuses. La vieille femme les invita donc à la suivre, prenant la direction de la côte dangereuse. Elle passa les quelques plantes puis le grand cocotier avant de faire halte, laissant à ses hôtes tout le plaisir de découvrir le nouvel endroit. Lucia était là, seule, assise sur un gros rocher lissé par la mer, la tête vers le soleil, se faisant bronzer tranquillement. Autour d’elle, les animaux avaient disparus. La sirène avait du les envoyer se baigner en attendant le diner. Il ne fallait pas apeurer les futures proies.