« Quelle idiote je fais ! », murmura Anariell pour elle-même. Ecartant une branche de son visage, elle réfléchissait et essayait de faire le point sur sa situation. Cela ferait bientôt un mois qu’elle avait tourné le dos à son père et quitter sa maison, sûre qu’elle serait parfaitement capable de s’en sortir. Mais cela ne se passait pas exactement comme prévu. Oh, bien sûr, elle ne mourrait pas de faim, cueillant des baies grâce à ses connaissances en botanique et, quand la chance lui souriait, chassant un petit gibier avec son arc. Mais pour ce qui était de l’aventure à laquelle elle s’était préparée, elle se rendait maintenant compte que ce n’était pas aussi excitant que ce qu’elle avait imaginé. Peut-être était-ce mieux ainsi, elle avait beau être agile et maîtriser l’art du tir à l’arc mieux que les rares alfars avec qui elle avait eue l’occasion de s’entrainer, elle n’était pas très forte et savait qu’elle excellait mieux dans l’art de la fuite que dans celle de se battre. Toute sa vie elle n’avait fait que ça, fuir.

Perdue dans ses pensées, Anariell ne fit pas attention au fait qu’elle sortait de la forêt et avançait maintenant sur une pente douce, complètement à découvert. Elle aurait pu continuer longtemps comme ça si Scar, son écureuil, ne l’avait pas sortie de ses pensée en lui mordillant l’oreille. D’ordinaire, il agissait comme lorsque que quelque chose le gênait, elle arrêta donc son ascension pour observer les  alentours. Personne à l’horizon, la montée se terminait dans une dizaine de mètres. Sa tenue était composée d’une tunique verte sombre et d’un pantalon léger en tissu noir ce qui lui permettait de se fondre assez bien dans le paysage, immobile, Anariell tendait l’oreille pour déterminé si un intrus se trouvait dans les parages mais aucun son ne lui permettait d’en repérer, elle se dit qu’elle ne craignait rien et se décida à aller jusqu’au promontoire devant elle, espérant une vue d’ensemble de la région qui lui aurait permis de se faire une idée de l’endroit où elle se trouvait pour l’instant. Arrivée, elle s’arrêta, le souffle coupé par la beauté des lieux.

Elle avait entendue parler de cet endroit de nombreuse fois, elle connaissait par cœur les récits d’Alfars qui y était allé et avait décrit sa magnificence. Le lac de la transparence se trouvait juste devant elle, aussi limpide et impressionnant qu’elle se l’était imaginé. En s’approchant, elle put apercevoir le fond, ce n’était donc pas qu’une légende. Plus loin, sur le lac, elle pouvait distinguer plusieurs îles et îlots. La quiétude des lieux et le décor surréaliste accentuait le dépaysement. Anariell leva la tête, balayant ses cheveux blonds qui lui retombaient sur les yeux, afin de pouvoir admirer les montagnes qui surplombaient le lac, imposantes mais rassurantes, elles semblaient créer une barrière séparant le lac du reste du monde. Un moyen de plus d’isoler cet endroit et de le rendre encore plus unique.

Le cœur un peu plus léger, Anariell regarda Scar s’approcher avec prudence de l’eau, sûrement lui-même impressionné, et commencer à se désaltérer. La vue de cette eau si claire rappela à l’alfar que cela faisait un mois qu’elle cheminait et autant de temps qu’elle n’avait pas pris de bain, il lui arrivait régulièrement de trouver un ruisseau assez grands pour se tremper les pieds mais jamais beaucoup plus. Observant les alentours avec plus de méfiance, Anariell s’assura qu’elle était bien seule. Cet endroit lui procurait une sérénité inhabituelle mais il n’était pas question pour elle de baisser la garde, elle n’oubliait pas qu’elle était seule et à la merci de la première personne mal intentionnée qu’elle rencontrerait. Après quelques hésitations, elle finit par se décider, trop tentée par cette eau si claire, persuadée qu’elle était seule et qu’une telle occasion ne se représenterait pas de sitôt. Elle déposa son arc au sol avant de détacher son carquois qu’elle portait à la ceinture, ensuite vint son épée, puis sa besace qu’elle posa près de l’eau avec ses armes de façon à pouvoir les récupérer rapidement. Après une dernière hésitation, elle se débarrassa également de ses vêtements, délaçant les liens de sa tunique qu’elle fit glisser au sol puis se débarrassant de son pantalon d’un geste souple, elle ne garda qu’une fine chemise blanche lui arrivant en haut des cuisses. Elle n’avait jamais eue à rougir de son corps, bien que petite de taille, elle était bien proportionnée, une poitrine un peu développée et des jambes plutôt fines dûes à ses nombreuses heures de marches. Elle trempa un pied dans l’eau, s’étonnant de sa température plutôt douce, avant d'y glisser le reste de son corps, plongeant rapidement sa tête sous l’eau. Peu à peu, elle se laissa aller, veillant à toujours rester près du bord. Anariell sentis ses membres se détendre, elle commença à se frotter énergiquement pour retirer le plus de crasse possible. Après se lavage approfondi, elle profita du calme environnant pour se laisser flotter, prenant soin de ne pas se laisser dériver trop loin , elle s’abandonna à l’eau, se sentant bien, relaxée et reposée.

Elle serait restée là des heures si un sentiment étrange ne l’avait pas saisi, celui d’être observé, comme si quelqu’un l’épiait. Elle fit un tour rapide de la rive avec ses yeux sans apercevoir personne. Le soleil avait baissé pendant son bain, se réfléchissant fortement sur l’eau et inondant l’endroit où elle se tenait de lumière, l’empêchant d’apercevoir correctement l’endroit où elle avait posé ses affaires. Sans sortir de l’eau, elle essaya de les rejoindre au plus vite tout en faisant le moins de bruit possible. Mais elle en avait désormais le cœur net, quelqu’un se trouvait là-bas et elle était à sa merci, sans armes ni vêtements pour se couvrir. Mais pourquoi Scar ne l’avait-il pas averti de cette présence ?

Anariell se serait mis des baffes pour avoir réussi à se trouver dans une telle situation. L’inconnu se tenait juste devant elle. Il avait encore en main ces affaires qu’il semblait avoir inspectées avec beaucoup de soins. Elle se savait impulsive, mais faire preuve d’une telle stupidité, il fallait le faire. Le moment n’était plus aux remontrances, elle dresserait la liste des reproches plus tard, le plus important était de déterminé les intentions du jeune homme devant elle. Celui-ci venait de prendre conscience de la présence d’Anariell, toujours dans l’eau, et ne semblait pas se gêner pour détailler son corps, bien trop visible dans cette eau transparente et avec sa chemise qui lui collait à la peau et ne cachait plus aucun détails de son corps. Comme il ne se gênait pas, elle fit de même et parcouru le jeune homme du regard, il était assez grand, ses cheveux brun, assez longs, lui retombaient dans les yeux lui donnant un air de faux rebelle prétentieux. Mais ce qui retint l’attention de l’alfar quand elle fut assez proche pour les voir, ce fut ces yeux, d’un bleu sombre et captivant qu’elle n’avait jamais vu.

Elle se tendit en le voyant esquisser un mouvement vers elle, mais ce ne fut que pour la saluer et redéposer ses vêtements au sol. Bien qu’un peu rassuré de ne pas le voir l’attaquer ni partir avec ses affaires, deux problèmes persistaient. Pouvait-elle lui faire confiance ? Il avait beau lui avoir laissé ses vêtements, il avait conservé son épée et son arc. Et ensuite, il avait pris soin de les déposer à quelques mètres de l’eau, ne lui laissant pas d’autres choix que de sortir du lac et finir de s’exposer à ses yeux pour pouvoir enfin s ‘habiller.

De toutes les humiliations qu’elle avait déjà subies dans sa vie, celle-ci lui parut minime et l’inconnu ne semblait pas vouloir bouger. Elle se décida pour la seule solution raisonnable qui lui venait à l’esprit. Elle prit une inspiration, leva le haut de son corps hors de l’eau et fit quelques pas en direction de ses affaires, pendant ce temps, elle planta son regard dans les prunelles vert du garçon. Ce dernier ne manqua pas de la reluquer autant qu’il put mais un mouvement dans un buisson non loin de là, les fit sursauter. Alors qu’Anariell esquissait un sourire, se baissant pour récupérer sa tunique et la passer le plus rapidement possible sur son corps encore trempé, Scar se décida enfin à faire son apparition. Croisant le regard de sa maîtresse, il comprit qu’elle n’était pas contente de lui et décida de se faire pardonner en se lovant dans le pantalon qu’elle essayait tant bien que mal de faire glisser sur ses jambes. Excédée par le comportement de son écureuil et par le regard pesant de l’inconnu sur elle, l’alfar se redressa, bien décidée à en finir avec cet intrus qui lui tapait déjà sur les nerfs.

« C’est un hobby, de venir observer les jeunes filles qui prennent des bains dans ce lac ? Comme tu le vois, ce n’est pas avec mon écureuil que je vais te faire du mal, alors si tu pouvais me rendre mes armes on serait au moins à égalité. »

Elle avait avancé d’un pas en prononçant cette dernière phrase. Elle défiait maintenant l’inconnu du regard, ne sachant pas d’où lui venait ce courage soudain mais pleinement consciente que si ce dernier était mal intentionné, elle vivait à présent ces derniers instants. Plutôt triste, quand même, de finir ainsi, se dit-elle avec un sourire désabusé.

En attendant la réponse du jeune homme, elle donna un léger coup de pied à son écureuil afin de pouvoir finir d’enfiler son pantalon. Ce dernier, vexé, préféra s’intéresser à leur nouveau compagnon, tournant ostensiblement le dos à sa maîtresses et s’avançant d’un pas tranquille vers l’inconnu, les sens en alerte. Le temps semblait suspendu, Anariell s’était figée, le regard dirigé sur son petit compagnon qui s’avançait inexorablement vers l’inconnu, semblant ne pas prendre conscience du danger potentiel qu’il représentait.

Mais le petit animal n’eue pas le temps d’aller très loin, les trois protagonistes entendirent très distinctement des bruits de pas se dirigeants dans leur direction.

Anariell n’eue pas le temps de réagir que le jeune homme, dont elle ignorait toujours le nom, se précipita sur elle. Une seconde plus tard, une flèche passa entre leurs deux têtes, arrachant un frisson à la jeune alfar. S’il n’avait pas été là, elle serait peut-être morte. Mais elle n’eue pas le temps de réfléchir plus aux conséquences de son geste qu’elle fut écrasé par le poids d’un corps l’entraînant sous l’eau, elle se débattit une seconde, affolé par ce contact. Puis se reprit, consciente du danger, elle suivi rapidement le jeune homme qui nageait en direction de la berge proche, alourdi par le surplus d’arme qu’il transportait. Ils finirent par se hisser hors de l’eau et se lancèrent dans une course effrénée dans l’espoir d’échapper aux brigands qui les avaient attaqués. Et dire qu’un peu plus tôt dans la journée, elle s’était plainte du manque d’action. A bout de souffle, les deux fuyards s’étaient laissés tomber sur le sol, et son sauveur cherchait maintenant de quoi faire un feu pour les réchauffer. Anariell le regarda faire, muette et tremblante, à la fois à cause du froid et des évènements  qu’elle venait de vivre.

Il lui  rendit enfin, ses armes, les posant près d’elle et s’expliquant sur les raisons qui l’avaient amené à les garder aussi longtemps. S’il savait, pensa Anariell, il ne me les aurait jamais rendues. Elle marmonna un vague merci, se rapprocha du feu qui avait pris et essaya de se réchauffer, les vêtements dégoulinants encore sur le sol. Scar les rejoignit au pas de course, s’approchant comme une ombre de sa maîtresse, il frotta son museau deux fois sur sa joue. Anariell, qui comprit parfaitement ce que lui communiquait le petit animal, se tendit imperceptiblement, surveillant le jeune homme qui l’accompagnait du regard, il ne semblait pas avoir remarqué le manège auquel se livraient la jeune Alfar et son écureuil. Il caressa rapidement la fourrure de ce dernier, avant de le repousser, l’incitant à se cacher dans les fourrés qui entourait la minuscule clairière dans laquelle ils avaient trouvé refuge.

Anariell regarda le jeune homme qui venait de se déshabiller, ne se gênant pas un instant pour le détailler, comme il lui avait si justement fait remarquer, elle ne faisait que lui rendre la pareil. Quel inconscient, pensa-t-elle, il était totalement à découvert, les brigands n’allaient pas tarder, attirés par le feu, et Anariell avait enfin ses armes à disposition.

Sans un bruit, elle glissa une flèche hors du carquois, attrapa son arc et l’arma. S’approchant doucement du brun, elle banda son arc, pointant la flèche vers sa poitrine, et lui dit calmement :

« N’essaye pas d’attraper une arme, ils ne devraient plus tarder maintenant. Je devais les attendre tranquillement, mais tu as été assez stupide pour te découvrir devant moi. On ne te tuera pas, tout ce qu’ils veulent c’est ton argent et tes armes, et moi, je ne veux que survivre, je suis désolé. »

Anarielll ne put s’empêcher de ressentir un pincement au cœur, cet inconnu avait l’air fondamentalement bon, mais le moment était mal choisi pour avoir des remords, les brigands qui l’avaient abordés avait été clair, comme elle n’avait rien à leur offrir, elle devait les aider pour garder la vie sauve. Elle savait parfaitement que si elle le laissait filer, ils n’hésiteront pas à abuser d’elle avant de la laisser morte ou comme tel et que personne, absolument personne, ne se soucierait d’elle.

Elle ne put s’empêcher, également, de se justifier, se sentant de plus en plus mal à l’intérieur, mais en réaffirmant sa prise sur son arc et redressant la corde tendue pour que sa flèche continu à pointer dans la bonne direction.

« Je ne voulais pas, mais ils m’ont attaqué juste avant que je n’arrive au lac, comme je n’avais rien à leur donner, je devais leur trouver une victime, la distraire pendant qu’ils l’attaqueraient. Je n’avais pas le choix, je ne voulais pas mourir et tu es arrivé, ce n’est pas toi en particulier qui était visé. Tu t’es juste retrouver au mauvais endroit au mauvais moment. »

En proie au doute, Anariell avait baissé la garde pendant une demi-seconde. Ce fut suffisant au jeune homme pour contrattaquer. Dans un rapide mouvement, il se déplaça hors de portée de l’alfar avant de tendre le bras pour venir briser la pointe de sa flèche. Emporté par son élan, il lui serra la gorge et l’entraîna vers l’arrière. Sans avoir réussi à esquisser le moindre mouvement, Anariell se retrouva étalée sur le dos, complètement à la merci du jeune homme qu’elle menaçait avec son arc à peine une minute plus tôt. Il la surplombait maintenant, assis à califourchon sur sa taille, exerçant une légère pression sur sa gorge avec la pointe la flèche. Il plongea ses grands yeux bleus dans les siens, détachant avec soin chaque mot qu’il prononçait.

Il lui dressa un tableau des plus explicites sur ce qui lui allait arriver si elle restait avec les brigands. Il ne lui serait pas si simple de les quitter. Anariell se doutait qu’ils ne souhaiteraient pas lui rendre sa liberté aussi facilement, mais le futur que lui décrivait son compagnon lui semblait encore pire que ce qu’elle avait envisagé, ou peut-être en était-elle consciente mais avait-elle choisis de l’ignorer. Quoi qu’il en soit, elle devait trouver une solution pour leur fausser compagnie au plus vite sinon, qui sait ce qui adviendra d’elle. Ils arrivaient, Anariell pouvait entendre leurs pas lourds et pressés. Elle s’arracha à ses pensées en entendant le garçon reprendre la parole, il parlait vite et bas, lui aussi savait que le temps pressait. Il lui proposait une alliance, la solution qu’il lui fallait pour se débarrasser pour de bon des brigands. Sans lui laisser le temps de répondre, le jeune homme inversa les rôles, les faisant basculer pour se retrouver sous l’alfar et glissant dans sa main la pointe de flèche qu’il avait cassé quelques instants plus tôt.

C’est dans cette position que les trois brigands les trouvèrent quand ils arrivèrent, hors d’haleine, dans la petite clairière. Ils ne manquèrent pas de féliciter leur nouvelle recrue, sur le ton de la plaisanterie, avant de s’intéresser d’avantage à sa prise. Elle les voyait tourner autour comme s’il s’agissait d’un vulgaire morceau de viande. Cela la révulsait et elle s’en voulu encore plus d’être complice. Mais le temps n’était plus aux regrets mais à l’action. Elle entreprit de ramasser ses armes et celles de son compagnon ainsi que les vêtements de ce dernier. Elle l’entendit vaguement faire une remarque, et lorsqu’elle se retourna, elle le trouva en bien fâcheuse posture, la tête sous le pied du chef de bande.
Peu de temps après cette brève altercation, la petite troupe ce mit en marche. Anariell se sentait de plus en plus malade et avait du mal à retenir les haut-le-cœur qui lui retournaient l’estomac à chaque pas qu’elle faisait qui la rapprochait de cette fameuse base. Chaque pas qu’elle faisait la rapprochait également du chef de bande, qui semblait toujours plus proche, au fond, peut-être était-ce son odeur répugnante qui soulevait le cœur de la jeune alfar. Elle essaya de mettre un peu de distance entre eux de manière discrète, mais, comme s’il avait lu dans son esprit, le brigand passa un bras autour de ses épaules et Anariell en fut sûre, si elle avait eue quelque chose dans l’estomac, elle l’aurait ressorti à cet instant précis.

« Belle prise, il est plutôt en forme et assez jeune, on va pouvoir en tirer un bon prix en le revendant comme esclave !, il éclata de rire avant de continuer, tu devrais rester parmi nous, comme je l’ai déjà dit, ta présence risque de nous manquer, et puis, on pourra te faire sentir comme chez toi. »

Il avait finis sa phrase en descendant dangereusement ça main le long du bras d’Anariell qui ne put réprimer un frisson de dégout qui n’échappa pas au brigand qui la tenait collée à lui. Il éclata de nouveau de rire avant de s’arrêter, entraînant l’arrêt du reste de la bande. Un de ses deux acolytes fouilla rapidement dans son sac avant d’en ressortir deux bouts de tissus dont il se servit pour bander les yeux de leur compagnon. Il se tourna ensuite vers la jeune fille, hésita une seconde en regardant son patron qui lui fit un signe positif de la tête. Il lui banda également les yeux. Désormais aveugle, Anariell sentit une main se placer en bas de son dos et la pousser doucement vers l’avant, elle se remit donc en marcha avec prudence.

Après ce qui lui sembla une éternité, elle sentit que le groupe s’engageait à présent sur une pente douce et l’alfar eue beau passer en revue toute la région en revue, elle n’avait pas la moindre idée de l’endroit où ils se trouvaient en ce moment. Elle n’avait d’ailleurs pas non plus la moindre idée de la façon dont elle allait pouvoir sortir de cette horrible situation. Après encore quelques temps et deux arrêts impromptus. Elle entendit le grincement d’une porte, un drôle de remue-ménage, et, enfin, le bandeau lui fut retiré. Elle cligna plusieurs fois des yeux, essayant de s’habituer à la lumière qui l’aveuglait. Petit à petit, elle finit par retrouver une vue normale et commença à détailler ce qui l’entourait. Il s’agissait d’un genre de pièce à vivre avec le strict nécessaire, décidément, ces brigands ne roulaient pas sur l’or. Des paillasses étaient étalées dans chaque recoin de la pièce et il aurait été difficile de ne pas marcher dessus si l’on souhaitait traverser. Devant une cheminée, qui semblait ne pas avoir servi depuis des siècles, malgré le froid saisissant qui régnait dans la maison, se trouvait un bac d’eau, dont Anariell s’étonna qu’elle ne se soit pas encore transformée en glace, qui devait très certainement servir à la toilette de tous.

Pendant qu’elle détaillait chaque partie de la pièce, les brigands s’étaient occupés de son compagnon, l’emmenant à l’extérieur. A travers une ouverture rudimentaire pratiquée dans l’un des murs, elle put le voir se faire enfermé dans une cage grossièrement faite. Elle le contempla un instant, perdues dans ses pensées, cherchant frénétiquement un plan pour les sortir de là. Après tout, il ne l’avait pas abandonné, là-bas dans la forêt, elle était à sa merci et il aurait tout simplement pu s’enfuir, la laissant seule face aux brigands. Mais non, il avait décidé de rester, et il fallait être absolument stupide pour avoir fait une telle chose, Anariell savait qu’elle ne partirait pas d’ici sans lui.

Elle avait fini par s’installer sur une paillasse, dans un coin reculé de la seule pièce que semblait compter cette maison, si on pouvait l’appeler comme ça. Contrairement à ce qu’il lui avait promis, le chef des brigands ne lui avait pas reparlé de sa liberté, il avait commencé à se saouler avec ce qui semblait être son ami, tandis que le troisième, sans doute moins aimé, montait la garde devant le prisonnier.
Alors que les deux brigands restés à l’intérieur s’étaient écroulés sur la table, Anariell se leva discrètement, s’avançant à pas de loup vers l’endroit où était retenu le jeune homme. Elle dégaina son épée sans bruit, s’approcha le plus possible du garde sans se faire repérer, son rythme cardiaque s’accélérait, elle savait qu’elle n’avait aucune chance mais également qu’elle n’avait pas d’autre choix. Alors qu’elle s’apprêtait à frapper le brigand, ce dernier se retourna parant le coup avec son bras et cherchant à dégainer son épée. Anariell se déporta juste à temps pour éviter le coup et contrattaqua sans attendre, elle se savait très incompétente au corps à corps et était consciente du déséquilibre de force entre elle et le garde. Elle sentit une douleur cuisante lui traverser le bras gauche, dans un dernier effort, elle parvint à enfoncer son épée dans la jambe du garde qui s’écroula, elle écarta son épée d’un rapide coup de pied et entreprit de le fouiller pour trouver la clef qui lui permettrait de libérer le prisonnier. Pendant leur bataille, elle avait cru apercevoir une lumière dans la maison qui était plongée dans l’obscurité quand elle l’avait quittée. Ses mouvements étaient de moins en moins précis, elle sentait le sol tourner autour d’elle. Soudain, elle sentit la clef sous ses doigts, au même moment, elle entendit les deux brigands rester à l’intérieur s’activer. Elle rampa jusqu’à la cage pour tendre la clef au jeune homme avant s’écrouler, le vide et le silence remplaçant toutes ses sensations.

Anariell sentit quelque chose lui chatouiller le cou, elle ne tarda pas à se rendre compte qu’il s’agissait de Scar, elle sentait ses petites pattes appuyées sur sa joue et sa queue qui lui chatouillait doucement le cou. L’alfar grogna doucement, elle était bien là, allongée sur une source de chaleur. Elle tenta de bouger son bras gauche pour repousser son écureuil, afin qu’il la laisse dormir encore un peu plus longtemps, mais lorsqu’elle esquissa un mouvement, une douleur insoutenable lui traversa le bras, lui faisant reprendre un peu plus ses esprits. Il faisait toujours sombre autour d’elle, mais on pouvait sentir que le jour n’allait pas tarder à se lever. Des images défilaient dans sa tête, des brigands qui la menaçaient, un jeune homme la dévisageant, elle détaillant ce même jeune homme au coin d’un feu, une altercation entre eux deux… et encore ces brigands, ils enferment le jeune homme, et puis, elle, se battant contre un homme. Le brouillard commença à se dissiper. Anariell tenta de nouveau de prendre appuis sur son bras gauche mais elle s’écroula immédiatement. C’est à ce moment-là qu’elle prit conscience que le jeune homme de ses souvenirs se trouvait juste en-dessous d’elle. A vrai dire, c’était lui la source de chaleur sur laquelle elle était étalée. Elle essaya de bouger son bras droit. Celui-ci répondit sans problèmes et elle parvint enfin à se redresser légèrement, dans un dernier effort, elle roula sur le côté et se retrouva dans l’herbe, allongée sur le dos. Sa tête lui tournait toujours, mais beaucoup plus légèrement. Elle se redressa doucement, attentive aux sensations qu’elle ressentait dans son corps, rien ne semblait cassé et mis à part son bras gauche, elle n’avait pas de douleur. Scar, s’était désintéressé de sa maîtresse pour renifler le jeune homme qui l’accompagnait, profitant de son sommeil pour l’inspecter.

Anariell passa sa main sur son bras gauche, elle sentit du sang à moitié séché. Sa tête avait cessé de tourner mais la nausée avait plus de mal à passer et il lui manquait encore des éléments pour assembler tout les souvenirs qui passaient dans sa tête. En essayant de se débarrasser de ses armes, elle se rendit compte qu’elle portait un arc, un carquois et une épée qui ne lui appartenait pas. Se tournant une nouvelle fois, elle se rendit compte qu’il n’en possédait aucune et supposa qu’il s’agissait des siennes, tout comme elle supposa que les vêtements masculins accroché à sa ceinture lui appartenaient, d’autant plus qu’il était torse nu et commençait à grelotter.

Elle déposa délicatement sa chemise sur le haut de son corps, poussant doucement son écureuil au passage pour qu’il le laisse se reposer tranquillement. Elle déposa également ses armes à ses côtés, se demandant comment elles avaient pu se retrouver en sa possession. Elle hésita quelques secondes, avant de déboutonner sa chemise et de l’enlever, elle devait voir cette blessure au bras gauche et au moins tenter de la nettoyer, elle saisit donc sa gourde et arracha la manche gauche de sa chemise. Sa blessure n’était ni large ni profonde, elle s’en remettrait relativement vite. Mais alors que l’alfar se rhabillait et commençait à se demander ce qu’elle allait bien pouvoir faire du jeune homme toujours endormi, toute sa mémoire revint. En flash-back, elle se revit, se baignant dans le lac, la rencontre avec cet inconnu qui l’observait se baigner, l’attaque des brigands, la capture de son compagnon, avec sa participation et, enfin, le combat avec la sentinelle. Apparemment, il avait réussi à s’enfuir et avais décidé de ne pas l’abandonner aux mains des brigands. Elle aurait dû s’en réjouir, mais, au contraire, elle se mit à paniquer. Si ça mémoire ne lui jouait pas de tour, sa bagarre avec la sentinelle avait réveillé le reste de la troupe qui s’était sûrement mis à leur recherche, ils devaient partir au plus vite, qui sait combien de temps ils avaient déjà perdu, allongés par terre et inconscients. Ramassant précipitamment ses affaires, Anariell houspilla Scar pour qu’il aille faire un tour et vérifie que personne ne rôdait dans les environs. Une fois son écureuil disparu, elle se mit en devoir de réveiller l’inconnu qui ne semblait pas vouloir sortir de son sommeil.

Alors que l’alfar était sur le point d’abandonner, le jeune homme se mit à bouger et avant qu’elle n’ait pu esquisser le moindre geste, elle se retrouva plaquée au sol, dominée par l’inconnu sur lequel elle dormait quelques instants auparavant. Au passage, il lui arracha pratiquement sa chemise. Anariell sentit une douleur fulgurante lui traverser le bras gauche, l’inconnu ne sembla pas s’en rendre compte mais s’excusa quand même de l’avoir, une fois de plus, reluquée sans aucune gêne.

La jeune alfar préféra ne pas relever et pris, sans trop réfléchir, la main que lui tendait l’inconnu pour l’aider à se remettre sur ses pieds. Elle entreprit ensuite de ramasser les quelques affaires qui traînaient encore par terre, à ce moment-là, Scar réapparu, le petit animal semblait en état d’alerte mais avant qu’Anariell n’ait pu le questionner, Il grimpa promptement sur l’épaule du jeune homme qui les accompagnait et scruta l’horizon.

L’inconnu lui redonna son écureuil, elle lui sourit et se remit prestement en route sans se soucier de savoir si le jeune homme avait suivi le mouvement. Une épée inconnue alourdissant son équipement vint lui rappeler qu’elle portait toujours l’équipement de son compagnon…ainsi que sa chemise.

Anariell l’entendit lui demander son prénom, mais, alors qu’elle s’apprêtait à se retourner pour lui répondre, il se jeta une nouvelle fois sur elle, posant une main sur sa bouche et l’entraînant avec elle dans un buisson non loin de là. En cherchant du regard son écureuil, qui avait dégringolé de son épaule lors de sa brusque chute, l’alfar aperçut les brigands qui semblaient les chercher avec attention. Cependant, elle constata que celui qu’elle avait blessé lors de leur confrontation n’était pas à leur poursuite, il n’y avait donc plus que deux brigands à leur trousse. Ce qui, sans pour autant la rassurer, lui redonna quand même un peu d’espoir.

Elle entendit le jeune homme lui chuchoter son prénom à l’oreille. Elle sourit et lui répondit sur le même ton :

« Moi c'est Anariell, et mon écureuil s’appelle Scar. On devrait essayer de filer discrètement lorsqu’ils se seront éloignés, je ne sais pas pour toi mais je ne me sens pas en état de les affronter. »

Elle se remit à surveiller leurs traqueurs quand elle se souvint d’un détail. Sans les quitté des yeux, elle tira sur le bras de son compagnon et lui chuchota : « Tu devrais peut être récupérer tes armes, juste au cas où… »

Elle fit ensuite glisser doucement l’épée à terre, puis détacha le carquois en trop et fit passer l’arc au-dessus de sa tête et déposa le tout à côté de l’épée.

Les brigands ayant disparus de son champ de vision, Anariell se retourna pour voir Shawn finir d’accrocher ses armes à son côté. Il semblait heureux de retrouver enfin son arsenal et la jeune alfar ne put que comprendre cette satisfaction. Mais dans un coin de sa tête, elle ne pouvait s’empêcher de penser que cette situation ne lui était que trop familière, la veille, c’est elle qui récupérait ses affaires, pour, ensuite, trahir son compagnon à la première occasion. Elle doutait que cela se reproduise, mais n’arrivait pas à quitter cette idée qu’il pourrait très bien retourner ses armes contre elle. Alors qu’elle se commençait à se demander combien de temps il allait encore devoir patienter dans ces buissons avant de pouvoir continuer leur chemin, un des brigands surgit. Avant qu’Anariell n’ai pu analyser la situation, Shawn avait dégainé son épée et l’avait plongée dans la gorge de leur agresseur.

L’alfra le regarda, rendu muette par la rapidité et la violence de l’attaque, tandis qu’il ressortait son épée et essuyait le sang qui y été resté collé. Il en profita d’ailleurs pour lui faire une remarque à ce propos, induisant qu’elle avait fréquenté ces brigands un certain temps, ce à quoi Anariell ne préféra pas répondre. Shawn eue alors un geste que la jeune alfar redoutait depuis le début. Il sorti tranquillement une flèche de son carquois et, d’un geste rapide, la plaça contre la gorge de la blonde, plaçant son autre derrière son cou, s’assurant qu’elle ne puisse pas se dérober. Il la regarda droit dans les yeux et lui fit comprendre qu’elle n’avait pas intérêt à essayer de le trahir à nouveau.

Préférant ne pas répondre au jeune homme, la blonde se remit debout rapidement et dégaina prestement son épée, se tenant prête au cas où le troisième complice aurait l’idée de venir voir ce que faisait son compagnon.

Elle entendit alors la question de Shawn et n’eue pas besoin de le regarder pour savoir qu’il souriait en posant la question, un sourire moqueur et arrogant, un sourire comme Anariell les détestait. Elle se surprit à lui répondre :

« Je suis avec eux depuis moins longtemps que tu ne le crois. Ils prévoyaient de continuer à m’utiliser comme appât. Il me fallait quelqu’un pour m’aider à me sortir de là et il m’a semblé que tu serais à la hauteur, cela s’est avéré exact. Maintenant je te propose de retrouver notre chemin vers la ville et d’en rester là. »

En prononçant ces mots, Anariell était prudemment sortis des buissons et avait fait un rapide tour d’horizon pour s’assurer que la voie était libre. Gardant son épée fermement dans sa main droite, elle se retourna pour voir où en était son compagnon. Mais à peine se fut-elle retournée qu’elle entendit des bruits de pas dans son dos. Elle n’eue que le temps de rouler sur le côté pour éviter le coup d’épée qui lui était destiné. Elle se releva ensuite pour voir comment s’en sortait Shawn contre leur nouvel assaillant.