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 Pluie et tonnerre (avec Esran)

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Dim 15 Mar 2015, 22:28

La pluie s'abattait cruellement sur les fenêtres de l'orphelinat. Le tonnerre, parfois, résonnait, faisant pousser quelques cris aux filles. La plupart avaient peur lorsque l'orage grondait et il était de notre devoir, à nous trois, les grandes, de s'occuper des plus petites, de les consoler. Assise sur l'un des lits que l'humidité ambiante rendait humide, je tenais dans mes bras celle que je considérai un peu comme ma sœur. Plus jeune, elle était, selon toutes vraisemblances, magicienne.

« Ne t'inquiètes pas, Ami. »

J'essayais de la rassurer comme je pouvais, la balançant doucement d'avant en arrière pour la bercer, l'apaiser. Ce n'était pas facile, surtout que l'une des trois grandes, Agathe, avait également peur de l'orage. Elle essayait de ne pas le montrer mais je voyais dans ses yeux qu'elle n'était pas rassurée. Pour moi, l'orage était un phénomène naturel, tout comme la pluie. Le seul problème avec cette dernière, c'est qu'elle arrivait à percer le toit de notre modeste orphelinat. Je soupirai. Madame Rodolf avait dû encore oublier de payer le père de Pierrot pour qu'il demande à son ami de faire les travaux nécessaires. Sceptelinôst était une ville de mauvaises fréquentations et, de ce fait, on ne pouvait pas demander à n'importe qui de venir ici. Même la gérante, qui n'était pas tendre avec nous, ne laisserait pas un artisan douteux travailler auprès de ses filles. Pour elle, s'il voulait profiter, il devait payer, à la maison des plaisirs, pas ici. Du coup, les enfants qui résidaient dans l'orphelinat avaient encore la paix. Mais pour combien de temps ?

« Ne t'inquiètes pas, ni l'orage ni Madame Rodolf ne rentreront ici aujourd'hui. Ils grondent tous les deux mais je ne les laisserai pas te faire de mal. ».

Dans un coin de la pièce, des goûtes de pluies tombaient mollement. Célestine avait placé un seau à plusieurs endroits mais nous n'en avions pas assez pour couvrir l'ensemble des fissures et trous que les murs et la toiture comportaient. Mon esprit commençait à se révolter contre ces mauvaises conditions de vie. Madame Rodolf le disait elle même : nous étions ses futurs gagne-pains, c'était pour cela que nous étions encore en vie, pour cela qu'elle nous avait recueilli lorsque plus personne ne voulait de nous. Et les jours de pluie, nous étions toutes contraintes à les passer regroupées par petits groupes dans des coins du dortoir, essayant de fuir les zones humides ou carrément mouillées. Jamais nous n'avions de soins autres que ceux destinés à nous maintenir en vie. Ni amour, ni affection, nous ne nous les donnions qu'entre nous, en essayant de reproduire ce que nos lointains souvenirs nous rappelaient des gestes de nos parents. Je ne me rappelais de rien pour ma part, mais je m'inspirai des contes que je lisais parfois aux filles.

Doucement, pour ne pas brusquer Ami, je me levai, cherchant le regard de Célestine et d'Agathe. J'avais pris ma décision.

« Je vais sortir pour essayer de trouver Pierrot. Peut-être que son père pourra au moins nous dépanner de quelques seaux ou de quelques planches pour boucher les trous. ».

« Si Madame Rodolf te voit, tu risques de te faire battre, Saphir. »

« Non, elle ne vient jamais les jours de pluie. Elle doit être à la maison des plaisirs en train d'accueillir les clients... »

Je mis sur mon dos une cape noire à capuche afin de dissimuler mes cheveux, mes oreilles et mes vêtements. Sous la pluie, personne ne ferait attention à moi, c'était sur et certain. Les gens ne sortaient pas les jours de pluie et ceux qui étaient dehors se hâtaient pour rentrer chez eux ou se mettre à l'abri. Je ne serai pas longue et j'étais sûre de pouvoir compter sur la discrétion de Pierrot et de son père.

« Je reviens vite avec de quoi boucher les trous. »

Je sortis dehors. La porte n'était jamais fermée, tout simplement parce que Madame Rodolf faisait assez peur à chacune d'entre nous pour être certaine que jamais aucune de nous ne sorte. Seulement, j'étais un peu plus zélée que les autres, du moins, je commençais à l'être. C'est donc le cœur battant que je me retrouvai à la rue, me dirigeant vers la maison de Pierrot et son père.
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Mar 17 Mar 2015, 01:47

Esran détestait la pluie, qu’il soit dessous ou non, ayant habité dans le désert pendant presque toute sa vie sa première expérience du phénomène avait été marquante dans le plus mauvais sens du terme. En plus de s’être retrouvé malade comme un chien il avait eu, après coup, le désagréable sentiment d’avoir été profondément ridicule. Depuis ce jour il détestait la pluie à peine moins que les anges et les humains. Ce qui, dans cette situation où il se retrouvait à marcher dans la tourmente, rendait son humeur des plus maussades. La seule chose qui le calmait était l’orage qui grondait et lançait régulièrement une démonstration de sa puissance. Le pouvoir qu’incarnait chacun de ces éclairs était quelque chose qu’il trouvait impressionnant voire admirable.
Mais ces éclairs étaient insuffisants pour le calmer. Quelques heures plus tôt, et conformément à leurs accords, Esran avait accordé à Kernek quelques heures de liberté pour qu’il profite des nombreux plaisirs proposés au bordel local. Sur l’instant il avait totalement oublié que c’était l’orisha qui avait la majeure partie de leur pécule et que ce qu’il avait sur lui était trop léger pour payer une chambre à l’auberge où ils s’étaient arrêtés. Cela s’était même avéré trop léger pour payer intégralement le repas qu’ils avaient tout deux dégusté avant son départ - dont le prix élevé était parfaitement justifié, soit-dit en passant.
Il avait eu besoin de toutes ses capacités de négociation, en incluant ses pouvoirs, pour ne pas être violemment chassé, mais juste mis à la porte en attendant « le retour de son tuteur ».
Et comme si le destin avait décidé de s’acharner sur lui, à peine quelques minutes après être sorti la pluie s’était mise à tomber drue. Il se trouvait dans une situation désagréable : il ne pouvait pas se rendre au bordel, sans argent et avec son allure il serait rapidement mis dehors, selon les termes de son contrat, il ne pouvait pas rappeler Kernek pour le moment et demander asile chez une âme bienveillante était exclu : trempé comme il l’était et par ce temps il serait certainement mal perçu. Il pouvait éventuellement essayer des maisons au hasard jusqu’à tomber sur une personne réceptive à ses mots ou à sa magie mais cela risquait de prendre des heures !

Pour le moment il se contentait donc de déambuler d’abri en abri à la recherche d’une idée pour améliorer sa situation agaçante et humide. Les tenanciers des deux dernières auberges où il avait tenté sa chance l’avaient remis dehors sans lui laisser le temps d’utiliser ses talents dès qu’il avait su que leur client potentiel était sans le sou. En temps normal il aurait intérieurement félicité ses hommes mais dans la situation présente cela le contrariait d’autant plus. Faire les poches n’était pas un talent qu’il maîtrisait bien et même s’il trouvait quelqu’un a dépouiller par ce temps, dès le lendemain les autorités feraient le rapprochement avec le jeune magicien fauché qui avait été vu faisant le tour des auberges.

En proie à une certaine lassitude Esran se laissa choir au sol, sur les pavés d’un parvis à peu près couvert. Ce qui se passa alors fut assez rapide et pour le moins douloureux. Une personne qu’Esran n’avait pas remarquée jusqu’alors se prit les pieds dans les jambes étendues de ce dernier, lui infligeant une certaine douleur et s’effondrant de tout son long sur les pierres froides.
Réprimant ses instincts primaires qui lui commandait d’achever sur le champ la personne responsable de cette agression Esran reprit tout de suite son rôle de gentil garçon et se précipita pour l’aider à se relever tout en se confondant en excuses.

- Je suis vraiment navré, commença-t-il en lui attrapant le bras avec délicatesse alors qu’elle se relevait.

Par ce simple contact il sut que sa nouvelle connaissance était une femme, et probablement une adolescente, mais c’est quand elle se redressa et le regarda qu’il vit qu’il avait affaire à une elfe et que celle-ci possédait un collier bien singulier si l‘on tenait compte du reste de sa tenue.

- Vous êtes blessée, constata Esran en désignant les paumes légèrement écorchées de la jeune femme. Je suis sincèrement désolé, que puis-je faire pour compenser ma faute ? Ne répondez pas que ce n’est rien, j’insiste pour réparer mon erreur.

Bien que l’incident ait amené un peu d’animation Esran détestait l’idée d’avoir blessé quelqu’un accidentellement, comme si le destin continuait de se moquer de lui. Il allait devoir renverser cette tendance et puis, peut-être que cela allait lui permettre de trouver un endroit où attendre que la pluie cesse.
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Lun 30 Mar 2015, 12:41

La pluie sur mon visage ne me disait rien qui vaille. Un jour, je l'avais aimé, un jour où celle-ci se mêlait au soleil. Madame Rodolf n'était alors pas à l'orphelinat et en regardant pas la fenêtre, j'avais vu cette chose merveilleuse. « Célestine ! Vite, viens voir ! ». Elle était sortie avec moi sur le pas de la porte, un espace de liberté auquel nous n'avions pas le droit normalement. Et lorsque nos yeux s'étaient posés sur l'arc-en-ciel, alors je pense que nous avions cru un instant qu'il y avait encore un espoir, que, peut-être, un jour, on sortirait de cet enfer. C'était comme un signe des divins, des lumières telles qu'elles regroupaient une majorité de celles se trouvant autour de nous tous les jours dans un arc sublime. Quand il s'était estompé, nous étions retournées à nos occupations, mais j'avais longtemps gardé cette chaleur au fond de mon cœur. Aujourd'hui encore, en y repensant, ces souvenirs du passé réussissaient à me consoler. J'avais essayé d'expliquer le concept d'arc-en-ciel à Ami mais la cécité de cette dernière me faisait douter de se compréhension. Ce n'était pas grave, un jour, je trouverai le moyen de lui donner ce qu'elle n'avait pas mais, pour le moment, boucher les trous de notre toit me paraissait le plus important, et le plus atteignable.

Loin de l'arc-en-ciel que j'avais eu le plaisir de voir jadis, la pluie qui s'abattait trempait mes vêtements à un point tel que cela m'effrayait. Nous n'avions pas beaucoup de rechanges et faire sécher mes habits avant que Madame Rodolf ne revienne me paraissait impossible. Il faudrait que je prenne sur moi, que je lui explique que je les avais laissé traîner sous la pluie comme une idiote. Et puis, il faudrait aussi que nous dissimulions ce que j'allais trouver pour que l'eau n'entre pas, sinon, elle poserait des questions. Si elle apprenait que j'étais sortie, j'aurai le droit à des paroles acerbes et des coups, c'était certain. Mais à choisir, je préférai me faire battre plutôt que de laisser les filles attraper la mort. Je devais me hâter de trouver Pierrot ou son père.

Je pris donc une impulsion avant de commencer à courir. Je n'étais pas très endurante, surtout à cause du fait que nous sortions rarement de l'orphelinat. Nous mangions peu alors pratiquer le sport nous était impossible. Des fois, je faisais faire quelques exercices aux filles ou des jeux, mais rien d'extraordinaire. Le problème était surtout que Madame Rodolf détestait nous entendre rire. Elle aimait les rires des prostituées, faisant mine d'apprécier les blagues des clients, les rires forcés, les rires féminins dans lesquels se reflétait le plaisir des hommes de la maison close. Pas ceux des enfants qui prenaient du bon temps. Dans ma hâte, je ne vis pas qu'un obstacle barrait mon chemin et plongeai de tout mon corps sur le sol, me rattrapant avec les mains comme je pus. A terre, je ne tardai pas à entendre la voix d'un homme. Cela tombait mal car s'il me reconnaissait, il pourrait dire à Madame Rodolf qu'il m'avait vu loin de l'orphelinat. Seulement, il s'excusa, m'aidant à me relever. Ce n'était pas du tout ainsi que les gens se comportaient à Sceptelinôst. Tout dépendait bien sûr mais ici, c'était la ville du vice, la ville où l'alcool et la drogue faisaient encore des ravages, regroupant la plupart des malfrats de ce monde. A vrai dire, je n'étais jamais sortie de cette ville, je ne savais pas comment était l'extérieur, mais je l'imaginais toujours magnifique.

Je voulais lui dire que ce n'était rien mais il me prit de court. Je finis par lui sourire, désolée. C'était de ma faute après tout si je ne regardais pas où je mettais les pieds. Néanmoins, je n'avais pas le cœur à refuser son aide. Cette chute tombait bien et puisque cet homme se montrait d'humeur charitable, je n'allais pas refuser quelque chose qui aiderait les filles. Il avait l'air gentil... doux plutôt. C'était le qualificatif qui me semblait le plus adéquat.

« Je suis tout autant désolée, croyez-moi. Cela dit, si vous tenez vraiment à m'aider... je suis à la recherche de quelqu'un qui saurait boucher des trous. »

Je fis une pause, sentant que je devais me montrer plus explicite.

« Je fais partie d'un orphelinat et le toit est tellement abîmé que la pluie passe au travers. J'avais l'espoir de trouver quelques planches ou quelqu'un qui puisse faire les réparations gratuitement et en toute discrétion... Vous n'êtes pas obligé, je comprendrais si vous n'acceptiez pas. ».

J'avais l'habitude que les individus soient dénués de toute bonté. La plupart n'aideraient personne sans une contrepartie. Seulement, je n'avais rien à offrir. Peut-être un bout de pain et un fruit, et encore.
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Jeu 02 Avr 2015, 01:45

Il s’agissait donc d’une pensionnaire d’un orphelinat, une bonne prise : un orphelinat était un lieu de solidarité, sa présence serait appréciée. Il y avait donc peu de chance que l’on se débarrasse de lui une fois la tâche accompli et cela pourrait s’avérer être un terrain de jeu amusant.

- Je vous prie de bien vouloir accepter mon aide, jeune demoiselle. Et soyez certaine que je ne vous demanderai rien de plus qu’un autre sourire.

Esran était bien conscient que son rôle de gentil garçon serait dur à tenir en vieillissant, c’est pourquoi il adorait jouer les damoiseaux charmeurs quand il en avait l’occasion. Et même si ce n’était pas fréquent, parfois cela lui permettait de passer du temps en agréable compagnie.

- Inutile d’attendre que la pluie cesse
, poursuivit le jeune homme, guidez moi jusqu’à votre logis et je verrais ce que je peux faire.

Esran n’avait plus fait de travaux réellement physique depuis que Kernek l’accompagnait mais, sans être une force de la nature ou un artisan, il devrait pouvoir arriver à quelque chose. Il était plutôt doué de ses mains quand il vivait encore chez son père, avec un peu de chance il retrouverait ses vieilles habitudes.
Il suivit donc sa jeune guide sous la pluie en réprimant un soupir et en se concentrant sur le futur toit troué qui lui fournirait tout de même une certaine protection face aux éléments.

Arrivés devant la façade de l’orphelinat Esran se figea un instant, ses facultés de perception lui disait que quelque chose n’allait pas avec cet endroit. Ce qui s’en dégageait était suffisamment fort pour qu’il le ressente sans même un contact, et ce qu’il ressentait était sombre.
Avec une pointe d’appréhension il franchit le seuil à la suite de la jeune fille et son pressentiment se concrétisa aussitôt. Il fut comme frappé par le désespoir, la tristesse et la misère qui se dégageaient de cet endroit. Il fut content que le manque de luminosité empêche de le distinguer clairement car il s’était senti blêmir lorsque ses pouvoirs avaient agis. Esran était écœuré par ce qu’il venait de découvrir il n’y avait rien pour lui ici : il n’y avait aucun mal dans cet endroit juste une absence totale de volonté d’améliorer les choses. Aucun espoir de la part des résidents et sans doute aucun intérêt de la part des responsables.
Ce bâtiment n’était pas un orphelinat, mais un local où parquer les enfants dont nul ne voulait. Pour un démon qui se voulait raffiné, une telle chose était plus que révoltante.
Il fit en sorte de se reprendre pendant que sa jeune guide expliquait sa présence aux autres pensionnaires et laissa son regard découvrir tout ce qui l’entourait. Il ne vit que des fillettes mais aucun garçon, la plupart semblaient fragiles, certaines étaient même handicapées ou mutilées.

Refusant de rester inactif il se mit à collecter ce qui pourrait lui permettre de colmater les trous de la toiture qui, à bien y regarder, étaient assez nombreux. Aimant le travail bien fait il fit de son mieux pour opérer le plus efficacement possible sans se soucier du temps que cela prenait ou de la difficulté de la tâche. Il fit également en sorte de ne pas déranger la moindre enfant, plus pour éviter les contacts que par gentillesse : ses dons semblaient particulièrement actifs en ces lieux, mieux valait ne pas trop tenter le sort.
Il travailla longuement sans prononcer le moindre mot, sans même faire attention à ce qui l’entourait. À chaque instant qui passait il avait de plus en plus de mal à contenir les émanations psychiques de l’orphelinat qui paraissaient vouloir envahir son esprit. Il avait beau se concentrer sur son ouvrage ainsi que sur ses barrières mentales, une petite part de son être ne pouvait accepter l’idée que son esprit soit aussi facilement contraint à la défensive. Cet endroit, aussi misérable soit-il, ne pouvait être seul responsable de ce qui lui arrivait, il devait y avoir autre chose, un catalyseur : un phénomène ou un objet quelconque qui rendait ces lieux particulièrement nocif vis-à-vis de ses pouvoirs.
Esran prit une pause et contempla son travail, c’était loin d’être parfait mais cela devrait tenir quelques jours pour la plupart des fuites, même s’il faudrait sans doute envisager quelques travaux un peu plus durables.
Il en était à ces réflexions lorsqu’il entendit très nettement la porte de l’orphelinat s’ouvrir à la volée


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Jeu 16 Avr 2015, 19:29

Mon regard changea du tout au tout lorsque l'individu accepta. Moi qui pensais que jamais personne ne ferait les réparations gratuitement, je devais avouer ma surprise. Je m'étais trompée. Peut-être à Sceptelinôst restait-il une once de bonté ? Cet homme était charmant et, quelque part, j'avais hâte de le présenter aux filles. Je ne le connaissais pas, et, pourtant, il me semblait gentil et attentionné. Là encore, je me trompais, mais je ne pouvais le savoir. Voilà ce qu'il se passait à vivre toute une vie enfermée dans un orphelinat : l'on n'avait aucune défense contre l'environnement extérieur et la cruauté du monde. Nous autres ne connaissions que celle de Madame Rodolf. Je lui avait donc souris, comme si cela était un paiement suffisant. J'étais naïve, sans doute un peu trop pour mon propre bien mais comment pouvais-je savoir que le monde était rempli de loups ?

Une fois à l'orphelinat, la présence de l'étranger apporta son lot de murmures. Les plus petites le regardaient d'un air timide, n'osant pas trop l'approcher. Nous ne recevions jamais de visites masculines. Nous étions toutes destinées à devenir des prostituées, à servir la maison des plaisirs, et notre virginité représentait un bon paquet d'argent pour la Démone qui « s'occupait » de nous. De ce fait, elle ne pouvait prendre le risque de laisser un homme entrer ici. Elle savait à quel point les pulsions masculines pouvaient vite prendre le dessus sur une quelconque raison. Et puis, nous étions toutes sans défense. Beaucoup d'entre nous rêvaient simplement de trouver un homme gentil et de l'épouser, de le servir jusqu'à la fin des temps. Nous n'étions que des moins que rien et obéir à quelqu'un en tant que son épouse était toujours un meilleur statut que de rester ici avant d'être louées quelques minutes ou heures à des inconnus. D'ailleurs, une adolescente d'une douzaine d'années ne tarda pas à me demander tout bas :

« Saphir... Tu crois qu'il est marié ? Tu sais... j'aimerai vraiment épouser un homme, un peu comme les princes de tes contes. Celui-la semble bien... et puis, il a l'air gentil... ».

Je n'avais pas répondu mais avait souri à Mathilde Je ne savais pas quoi lui répondre car je ne connaissais rien de cet homme. Et puis, si Madame Rodolf remarquait la disparition d'une d'entre nous, ce serait aux autres de payer. Après tout, une seule fille correspondait à une fortune colossale si l'on comptait tout l'argent que la Démone récoltait en une vie de prostitution. Pourtant, elle nous laissait moisir dans le froid et l'humidité. Je finis par passer ma main dans les cheveux de Mathilde, comme pour la rassurer. Nous ne devions pas abandonner nos rêves. Les miens n'étaient pas de me marier et de servir un homme. Je rêvais d'indépendance et d'aventures. Mais, pour le moment, mon seul soucis était de m'occuper des filles de l'orphelinat, de les rendre heureuses autant que je le pouvais.

J'allais remercier l'homme mais un bruit attira mon attention. C'était la porte... et la porte ne signifiait qu'une chose : Madame Rodolf venait. Mon cœur s'emballa. Ce n'était pas normal, elle ne venait jamais les jours de pluie. Peut-être avait-elle fait une exception à la règle, comme pour s'assurer qu'il nous resta toujours un doute quant à sa venue en cas de mauvais temps ? Ni une ni deux, je me précipitai vers l'homme, attrapant sa main pour l'enfermer avec moi dans un placard. A l'étroit, je lui chuchotai alors :

« S'il vous plaît, ne dîtes rien. La Démone qui nous héberge refuse la présence d'un quelconque étranger. Si elle vous voit, elle risque de vous tuer et de nous frapper. Elle ne remarquera peut-être pas mon absence... quelques filles sont couchés déjà, elle pourrait me croire avec elles... ».

La proximité était gênante mais la peur ne me faisait penser à rien d'autre que ce qu'il se passerait si la gérante découvrait celui qui nous avait aidé. J'entendais les talons de la Démone blonde battre le sol. Elle sentait l'alcool et le parfum. Le mauvais temps avait dû attirer beaucoup de clients au bordel. Sa voix s'éleva.

« Un client veut l'une d'entre vous. Mathilde... Tu seras parfaite. Il a des goûts très particuliers et aucune de mes filles bien formées ne lui convient. Non, ce qu'il veut, c'est de la chair fraîche. Suis-moi, sale gosse ! ».

Le ton de la femme était sans appel. Mon cœur s'accéléra encore. Elle ne faisait jamais ça en temps normal, prendre des filles trop jeunes. Ce client devait être puissant ou riche. Je ne pouvais pas laisser faire ça... Pauvre Mathilde, elle qui rêvait de mariage quelques minutes auparavant...
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Lun 20 Avr 2015, 00:33

Esran passa en quelques instant par tout un panel d’émotions diverses. D’abord une légère interrogation quant à la personne qui venait d’ouvrir la porte, puis une certaine surprise quand il fut happé par la demoiselle croisée plus tôt, vint ensuite une pointe de gêne lorsqu’il se retrouvèrent enfermés dans un placard relativement trop étroit pour que deux personnes, même de leur gabarit, y soient à l’aise. Néanmoins toutes ces émotions furent rapidement balayées lorsque la jeune fille expliqua la raison de son geste : « La Démone ».
Elle aurait pu utiliser de nombreux mots pour désigner celle qui venait d’arriver, mais le fait qu’elle ait choisi celui-là plutôt qu’un autre le mit dans une rage noire qu’il ne réussi à masquer que grâce à l’absence de lumière. Cette femme n’était pas démoniaque ! Les démons étaient des êtres d’une infinie grandeur, capables d’innombrables prouesses, cette femme ne faisaient qu’œuvrer pour son profit sans la moindre considération pour ce qu’était réellement le mal. Elle ne méritait pas un titre aussi glorieux que celui-là.
Lorsqu’il entendit la réplique de la gérante mal-nommée s’en fut trop pour son self-control : briser une enfant était un acte particulièrement subtil si on voulait que se soit bien fait, ce n’était pas un quelconque riche avec des goûts particuliers qui pouvait espérer y arriver.
Sans tenir compte de l’avertissement qui lui avait été donné ou du regard horrifié qu’il percevait sur lui il ouvrit le placard et sorti pour affronter cette soi-disant « démone ». Avant qu’elle ne l’aperçoive il usa de ses dons pour modifier ses traits afin de perdre son apparence trop juvénile pour la situation présente. S’il voulait réussir à vaincre cette femme il lui fallait paraître plus âgé qu‘il ne l‘était.

Dès qu’elle l’aperçut son visage se crispa en une grimace de rage, elle lâcha la fillette qu’elle tenait par le bras et cracha presque au visage du jeune homme.

- Qui êtes-vous !? Que faites-vous ici ?

- Mes maîtres m’appellent l’Emissaire, énonça Esran d’une voix calme et assurée, et pour répondre à votre seconde question, je suis là pour évaluer un possible investissement de leur part.

Esran vit très distinctement une étincelle s’allumer dans les yeux de la femme lorsqu’il prononça le mot « investissement », mais ce ne fut pas suffisant pour la faire se calmer.

- Donnez moi une bonne raison de ne pas vous faire battre à mort.

- Vous y perdriez beaucoup plus que la valeur de toutes ses gamines. Tellement, tellement plus.

- Expliquez-vous.

L’appât avait pris, utiliser l’argent était si facile mais également si efficace. Elle ne vivait que pour ses intérêts, il suffisait de lui en offrit des nouveaux pour capter son attention. Maintenant il fallait ferrer le poisson.

- Mes maîtres seront bientôt dans le secteur et ils ont besoin de chair fraiche, pour des usages sensiblement différents de ceux que vous réserviez à cette enfant. Ils seront donc prêt à vous acheter l’intégralité des pensionnaires de cet, endroit.

Esran n’avait pas pu s’empêcher de laisser transparaitre un brin de mépris dans ce dernier mot, tant l‘endroit le révulsait.
Tout en parlant Esran se rapprochait lentement de son interlocutrice qui paraissait toujours sur ses gardes même si son attitude avait changé, à présent elle craignait plus une mauvaise négociation que les actes imprévisibles d’un intrus .

- À quel prix ?

- Beaucoup plus que celui que vous envisagez de proposer. Mes maîtres me donnent des moyens illimités si je leur fourni ce qu’ils me demandent. En revanche ils me demandent d’assurer une certaine qualité, je vous demanderai donc de veiller à ce que cet endroit devienne un peu plus vivable.

À chaque mot qu’il prononçait Esran répandait un peu de sa magie dans l’esprit de celle qu’il était bien décidé à mettre à genoux. Il voulait la mettre en confiance, qu’elle croit chacun de ses mots, ce serait essentiel pour la suite.
Il focalisait son attention sur elle, ne regardant rien d’autre, même si la tentation de jeter un coup d’œil dans son dos était grande : il était vraiment curieux de voir l’expression qui s’affichait sur le visage de la jeune fille. Mais sans contact physique, s’il perdait le contact visuel il ne pourrait plus manipuler les émotions de cette femme. Ce serait trop stupide d’échouer pour un peu de curiosité.

- Je vais devoir continuer mon inspection des lieux et des pensionnaires, afin de pouvoir donner à mes maîtres un rapport des plus détaillés. Le nombre exacte bien sûr, et le niveau de santé de chacune d’entre elles afin que vous puissiez veiller à l’améliorer.

Dès qu’il fut suffisamment prêt il rapprocha son visage de celui de la femme et, tout en posant délicatement une main sur l’épaule, se mit à murmurer à son oreille.

- Il existe deux choses qui ont encore plus de valeur que tout l’or qui puisse exister : sa propre vie et la parole d’un démon. Alors je vous donne ma parole que si, lorsque mes maîtres arriveront il y a eu ici une régression par rapport à mes observations, toutes les horreurs que vous avez pu voir, commettre ou subir dans votre vie, ne seront qu’un doux rêve comparées au sort qui vous attendra. Et que rien ni personne dans cette ville ne pourra vous protéger du courroux des mes maîtres ou de mes talents.

Esran pu ressentir la terreur naitre en elle, il n’eut même pas besoin de l’aider à monter. La confiance qu’il avait installée plus tôt suffisait : inconsciemment elle acceptait chacun de ses mots comme une pure vérité sans songer à douter. Elle bredouilla quelques mots incompréhensibles puis reparti sous la pluie battante sans même refermer la porte derrière elle.
Ce fut Esran qui s’en chargea, tout en laissant son visage reprendre ses véritables traits. Puis il s’effondra, l’utilisation abusive de ses dons dans cette atmosphère si agressive avait été plus éprouvante que ce qu’il était capable de supporter et il se laissa tomber dans l’inconscience.
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Mer 08 Juil 2015, 17:42

Saphir manqua défaillir lorsqu'elle s'aperçut que l'étranger n'avait pas l'intention de rester avec elle dans le placard. Il allait se faire tuer par Madame Rodolf, c'était sûr. Une fois un homme était rentré ici, un homme qui avait cru pouvoir berner la Démone et se servir parmi les orphelines au lieu de payer une prostituée. La femme était arrivée et elle l'avait fixé de son regard mauvais, celui qui disait que rien à partir de maintenant irait pour le mieux. Elle avait créé une barre en fer et l'avait battu à mort, sans se soucier de leur présence. Saphir avait dû cacher les yeux des filles ce soir là, faire en sorte qu'elles ne voient pas alors qu'elle était elle-même la spectatrice de la scène. Le sang avait giclé et elles avaient dû nettoyer ensuite. Heureusement, le cadavre avait été emmené par la Démone qui l'avait accroché à la façade de l'orphelinat pour montrer au peuple que l'idée d'essayer de la tromper n'était pas des meilleures. Avec ce vécu traumatique, Saphir était certaine que l'étranger allait subir le même sort. Aussi, elle sortit du placard également, faisant déjà un plan dans son esprit pour préserver les filles de ce qui allait suivre. Peut-être pourrait-elle également aider l'inconnu ? Dire à Madame Rodolf que c'était elle qui était venue le chercher à cause de la pluie. La Démone s'acharnerait sur elle mais ce ne serait pas la première fois. Au moins la vie de l'homme serait sauve.

Pourtant, il sembla assez vite que celui qui les avait aidé avec la toiture savait y faire. Son apparence changea et son discours se fit assuré. La jeune Elfe fixa les deux protagonistes, observant avec une certaine attention tout ce qu'il se passait. Son corps était tendu, sur la défensive et elle avait peur. Tant qu'ils discutaient, les choses étaient sous contrôle. Il y avait comme une sorte de balance entre les deux, une balance qui pencherait pour l'un ou pour l'autre. Saphir avait l'impression de ne plus arriver à respirer, figée dans une attente interminable. En réalité, plus il parlait, plus l'inconnu lui donnait la chair de poule. Elle avait conscience qu'il faisait cela pour elle mais il paraissait si convaincant, si maléfique aussi. Il devait jouer la comédie, mais la perfection de cette dernière était à couper le souffle. La Démone partit et lui s'effondra. Un silence gêné naquit. Aucune fille ne bougea, ne sachant que faire. Saphir inspira puis, enfin, donna des instructions.

« Apportez une couverture pour mettre sous sa tête. Et de l'eau aussi ! ».

Elle l'aurait bien coucher dans un lit mais aucune des orphelines n'aurait été aussi costaud pour le porter. Elles étaient toutes jeunes, certaines même n'avaient que deux ou trois ans. Il resterait donc au sol même si elles pouvaient déjà améliorer son confort. L'eau le réveillerait sans doute, sauf s'il était dans un état plus grave que le simple évanouissement.

« Saphir ? J'ai entendu dire qu'il fallait surélever les jambes des gens qui s'évanouissaient... »

Une orpheline venait de parler avec une toute petite voix, les mains derrière le dos, balançant son corps de droite à gauche. Elle était l'une des plus timides mais elle voulait aider l'inconnu, alors elle s'était avancée.

« Oui, faisons donc ça ! Prenez chacune l'une de ses jambes et levez la en l'air. ».

Saphir plaça la couverture sous la tête de l'étranger avant de donner son signal. Il s'agissait de deux gamines de cinq ans qui tentèrent, doucement mais sûrement de lever les jambes de l'homme. Le sang se dirigerait plus vite pour rejoindre le cerveau et il se réveillerait plus rapidement ainsi.

« Vous avez qu'à chanter une chanson... Je pense qu'il l'entendra et que ça pourrait lui plaire... ».

Les filles connaissaient beaucoup de chansons grâce à un homme qui venait chanter non loin. Il se baladait dans les environs et s'arrêtait toujours pour clamer les chants qu'il entendait de par le monde. Les filles pensaient qu'il le faisait pour elle mais aucune preuve de cela n'existait. Peut-être qu'il pensait simplement ne pas être écouté, simplement tranquille.

« Le doute m'envahit, lorsqu'une divine gamine s'invite.
Couronné je suis, fou pourtant je ne le pensais pas ;
Alors la Prophétesse me parle : l'urgence est tacite.
Son omniscience me sert le temple comme appât.
Je me joins aux esprits, j'enjambe le dégueuli ;
Ils dressent les vingt fauteuils pourpres, je frémis. »

Les filles ne savaient pas ce qu'était que ce chant mais, en tout cas, elles le connaissaient par cœur. Saphir espérait que l'homme se réveillerait bientôt.

Copyrigth Léto pour le chant
Désolée du retard
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Sam 01 Aoû 2015, 16:48

Du fond de son inconscience, Esran percevait une douce litanie dont il ne pouvait saisir les mots. Étonnamment, malgré tous ses doutes et toutes ses interrogations sur sa situation, il se sentait en sûreté, apaisé. Il aurait pu rester dans cet état pendant des heures.
Cependant il ouvrit brusquement les yeux après un temps d’absence qu’il savait beaucoup plus court. Devant lui il vit une fillette sursauter et celles qui chantonnaient s’interrompre et commencer à l’observer avec attention.
Malgré l’inconfort du sol il se sentait relativement à l’aise et pendant un court instant il envisagea de rester allongé. Néanmoins il se redressa et fit face à l’inquiétude de la jeune fille à qui il avait dû causer une certaine frayeur un peu plus tôt. Cela se lisait dans ses yeux : elle s’inquiétait pour lui mais il y avait également une autre forme d’inquiétude, elle avait entendu les mots qu’il avait prononcés et elle en avait été troublée.

- Ne vous inquiétez pas pour moi : j’ai juste un peu trop tiré sur la corde, mais je suis suffisamment jeune pour m’en remettre.

Ces mots la rassurèrent et elle lui tendit un bol d’eau qu’il n’attendit pas pour engloutir avidement. Il se remettrait mais en attendant il était épuisé.

- Merci pour ça.

Ces mots parurent surprendre la jeune fille, dont il ignorait toujours le nom. Elle lui avait offert un abri pour l’orage et il n’avait même pas demandé son nom. Il lui fallait corriger cette erreur.

- Comment vous appelez-vous ?

- Saphir, répondit-elle simplement.

Alors qu’il l’interrogeait Esran avait discrètement utilisé une de ses courtes griffes pour s’entailler la main gauche et dessiner son sceau (sorte de combinaison entre un diamant et un pentagramme) dans sa paume. Il répéta ce nom, comme pour lui-même, et son dessin se mit à noircir créant un contraste saisissant avec sa peau pâle.

- Je ne peux rester. Mais si d’aventure vous avez besoin de mon aide, dessinez ce symbole et prononcez mon nom : Innocentiam. Je ferai en sort de venir au plus vite.

Tout en parlant le jeune démon lui avait montré sa paume, en espérant qu’elle n’avait pas prêté attention à ses mains auparavant, sinon ce changement risquait de l’intriguer.
Puis, sans attendre de réponse ou de réaction il se leva et aida à nouveau la jeune fille à se relever.

- J’ai été ravi de vous rencontrer et de voir votre sourire, conclut-il avec un baisemain avant de sortir.

Une fois dehors il constata qu’à défaut de s’être arrêté l’orage s’était calmé, et que la pluie était bien moins forte que tantôt. Une pluie légère et rafraichissante, juste ce qu’il aimait !
Après quelques minutes de marche Esran s’arrêta brusquement, quelque chose n’allait pas : depuis quand aimait-il la pluie ? D’ailleurs depuis quand lui arrivait-il d’être aussi mielleux sans avoir d’arrière-pensées ? Ou d’offrir une dette à une personne à qui il aurait pu en réclamer une ?
Il l’avait aidée et son jeu d’acteur allait sûrement améliorer son quotidien et celui des gamines, alors pourquoi lui avait-il révélé son nom et s’était-il mis une chaîne au pied ?!
Soudain il comprit, durant tout le temps qu’il avait passé à travailler dans cet orphelinat il avait pris soin de protéger son esprit de cette étrange force qu’il y avait sentie. Mais lorsqu’il s’était évanoui et que ces fillettes s’étaient portées à son chevet, ses barrières avaient cédé. En avait résulté une ignoble transformation de son psyché.

Esran poussa alors un long hurlement de rage et d’humiliation. Il avait été battu par quelqu’un qui ne s’était sans doute même pas aperçue qu’une partie était en cours.
Laissant son regard glisser tout autour de lui le jeune démon vit ce dont il avait besoin : un jeune magicien, passablement éméché titubant à deux pas d’une ruelle sordide. Porté par sa colère Esran se jeta sur lui, usant de sa force démoniaque il le projeta sur le sol de la ruelle et l’y maintint d’une main avec aisance tant l’alcool affaiblissait sa victime. De son autre main il sortit sa machette de son étui et l’abattit violemment sur le visage du malheureux.

C’est à peine s’il avait eu le temps de ressentir sa terreur de cet homme mais il frappa encore et encore. Après le quatrième coup il arracha un morceau de chair sanguinolent au cadavre puis l’enfourna dans sa bouche.
Il n’avait jamais aimé la chair crue mais le goût du sang chaud l’apaisait rapidement. Il cracha la viande qu’il mâchouillait puis se redressa, remit de sa frustration. Quelles qu’en soient les raisons il avait maintenant une dette envers cette « Saphir » qu’il devrait honorer le jour venu. Pour l’heure il ne voulait rien d’autre que de quitter cette ville au plus vite.
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Jeu 17 Sep 2015, 07:10

Je me mis à fixer la porte, une expression étrange sur le visage. Tout s'était passé si vite et l'étranger était à présent hors de notre maison. Un moment, je fus tentée de le retenir, de le rattraper, juste par peur qu'il n'aille pas aussi bien qu'il le prétendait. Et s'il s'effondrait de nouveau dans la rue ? Sceptelinôst était une cité hostile à la faiblesse. Le moindre écart pouvait coûter la vie à un individu. Le vice s'y était installé depuis si longtemps, bien avant ma naissance. Soucieuse, je me rappelai des derniers mots qu'il avait prononcé à mon égard. Je murmurai doucement :

« Innocentiam... »

Ainsi s'appelait-il comme cela. Je n'avais jamais entendu pareil nom auparavant, si élégant. Ici, nous n'avions que des prénoms que l'on avait choisi pour nous. Je m'appelais Saphir à cause de la pierre qui trônait fièrement sur ma gorge, mais, ma véritable identité m'avait été volée, emportée au loin par les parents qui m'avaient abandonné. Je ne savais rien d'eux et, plus que tout, j'ignorai s'ils m'avaient laissé à la rue parce qu'ils ne m'aimaient pas ou s'ils avaient été obligés de fuir quelque chose ou quelqu'un. J'évitais de me poser la question mais peut-être étaient-ils tout simplement morts. Ma vie n'était pas ce que l'on pouvait souhaiter avoir, personne ne voudrait être à ma place, à notre place, à nous les filles de l'orphelinat. Pourtant, parfois, nous avions des surprises, des sortes de don du ciel. Innocentiam en faisait partie. Oh je n'avais aucune idée de sa nature véritable mais peu m'importait. Je n'avais jamais jugé quelqu'un sur sa race mais je le faisais sur ses actions. Et, pour le moment, cet homme ne nous avait apporté que du bien. J'étais triste de le voir partir, un peu déçue. Mais que pouvais-je bien attendre de ce dernier ? Je n'étais rien pour lui. Peut-être avait-il eu simplement pitié de moi, des filles, et qu'il avait décidé de nous aider par pure charité. Souvent, le monde nous considérait comme des orphelines, collant des étiquettes sur notre visage. Nous n'étions pas des handicapés, nous n'étions pas des malades, non, nous étions des orphelines, comme si notre individualité ou notre personnalité n'avait pas sa place.

Je finis par soupirer, ne sachant que faire à présent. Je n'avais aucune idée de ce que ses mots produiraient sur Madame Rodolf, si elle se ferait plus aimable, mais, pour le moment, cela ne m'importait pas. Je pensais à lui, qui ne nous avait rien demandé en échange. Qu'allait-il faire à présent ? Si j'avais su le sort qu'il avait réservé à ce pauvre homme, peut-être aurai-je été tétanisée d'effroi, mais je n'en savais rien et n'en saurai probablement jamais rien.

« Allons nous coucher, l'orage semble s'être éloigné... ».

Et puis, à présent nous avions un toit convenable. Ce n'était pas sûr que les travaux tiennes longtemps mais c'était toujours mieux que rien. Et puis, là haut, il y avait comme la présence de cet homme. Je soupirai. Nous ne nous reverrons probablement jamais car, même si j'avais le moyen de le faire venir, je n'oserai sans doute pas l'appeler. Je ne voulais pas le déranger.

Une fois que j'eus finis de bercer les filles, de les border convenablement et de dire quelques mots à certaines que le noir effrayait, je finis par me glisser dans mon lit. Je le partageais normalement avec Ami mais elle avait décidé de dormir avec une autre orpheline cette nuit. Étendue sur le dos, je me mis à fixer le plafond, n'arrivant pas à dormir. Quand cela se produisait, je croisais mes bras sur mon ventre et attrapait ma taille, comme s'il s'agissait de ceux de quelqu'un d'autre qui m'enlaçaient. J'avais atteint un âge où il m'était difficile de vivre sans amour. Je fantasmais sur le prince charmant en quelque sorte, m'imaginant dans ses bras, l'imaginant m'enlever des griffes de Madame Rodolf. Bien entendu, je savais que jamais pareil événement ne se produirait mais je rêvais, car c'était la seule chose qu'il m'était encore possible de faire. Et si cet homme m'enlaçait ? Je susurrai son prénom, mon imagination l'inventant auprès de moi. Je souris.
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Pluie et tonnerre (avec Esran)

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