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 Quoi ? Des cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers ? [Test IV - PV Vanille]

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Sam 14 Fév 2015, 21:31




Le soleil brillait déjà haut dans le ciel quand Abel, parti chasser, entendit enfin une proie. Le gibier s’était fait discret ce jour-ci, et le bélua avait été obligé de se faufiler de fourré en fourré pendant vingt bonnes minutes sans croiser le moindre animal, mais ses oreilles s’étaient soudain dressées lorsque leur était parvenu le son caractéristique du déplacement de ce qui pourrait bien être sa future prise. Elle était encore trop loin pour qu’il ne puisse savoir de quoi il s’agissait, mais le bélua le saurait bien assez tôt. Son totem donna une violente impulsion sur ses pattes arrière et Abel se sentit presque malgré lui s’élancer sur le côté, adoptant une trajectoire qui viendrait couper la course de la bête. Des informations qu’il ne semblait pas avoir demandé, mais qui s’avéraient des plus utiles, assaillaient son esprit. Le sens du vent qui couvrirait son odeur durant son approche, la position d’une rivière que sa proie ne devait pas atteindre sous peine de brouiller sa piste, les buissons qui le masqueraient à sa vue. Tous ces éléments semblaient trouver leur place dans l’esprit de la panthère à plaques, et peu à peu, Abel céda du terrain à son totem, qui était bien plus à même de mener une traque qu’il ne pouvait l’être. La présence de l’esprit félin pouvait parfois être une véritable plaie pour le bélua, lorsque leurs avis divergeaient, mais lorsque leurs volontés s’accordaient, il en résultait un sentiment des plus agréables, Abel sachant qu’il pouvait laisser se laisser guider, que son totem le mènerait là où il voulait aller.
En quelques bonds, la panthère à plaques avait atteint une bonne vitesse. Elle aurait pu aller plus vite, mais son allure actuelle était un compromis idéal entre l’endurance qu’elle voulait conserver au cas où sa proie viendrait à s’enfuir, et la rapidité à laquelle il allait fondre sur elle. Les bruits de pas de l’animal semblaient approcher, preuve que le totem le dirigeait dans la bonne direction. Abel se concentra un instant sur le son qu’il entendait. La proie semblait déjà en pleine course, ses sabots frappant le sol avec force. Etait-il possible qu’elle soit déjà au courant de l’approche du prédateur ? Abel était pourtant assez discret pour qu’elle ne le détecte qu’une fois qu’il serait sur elle… C’était assez étrange, mais ce qui traversait l’esprit d’Abel ne sembla pas détourner le totem de son objectif.

Une foulée, puis une autre, et la panthère à plaques vit du coin de l’œil une forme vague sauter à travers un buisson. Une butte camoufla son approche et permit au félin de prendre un aplomb important, dominant complètement la pauvre biche qui planta ses deux membres antérieurs dans le sol pour tenter de s’arrêter. Malheureusement pour elle, le corps de la panthère à plaques s’était déjà soulevé dans les airs, venant s’abattre sur elle pour la projeter au sol. Le choc fut assez chaotique, Abel ne sachant pas bien si la créature avait été immobilisée tandis que le félin roulait sur le sol, tentant de se réceptionner. La panthère aperçu alors sa cible au sol et s’apprêta à fondre sur elle, lorsqu’Abel engagea toutes ses forces pour reprendre le contrôle à l’esprit animal. La mâchoire du félin s’arrêta à quelques centimètres de la gorge du bélua biche qui venait de reprendre forme humaine, levant les deux bras comme pour se protéger. Abel sentit son esprit animal se débattre en lui, mais il parvint très facilement à le maîtriser, beaucoup trop pour que cela ne soit sa seule force mentale qui soit en jeu. Il ne tarda pas à comprendre que la biche l’aidait elle aussi à maîtriser l’animal qui était en lui, même si elle y serait parvenue bien trop tard si le bélua n’était pas intervenu. Comprenant que le danger était écarté, le bélua biche leva des yeux tremblants vers Abel, qui le fixa sans ciller.
« Détends toi fils de la Lune, on dirait que c’est ton jour de chance. Une vraie biche me servirait déjà de repas, mais puisque tu es des nôtres…
_ Mais… Vous ne comprenez pas ! cria le bélua, qui continuait à trembler même après avoir compris qu’Abel allait l’épargner. Mon… mon village, mes amis…
_ Qu’y a-t-il avec ton village ?
_ Nous sommes attaqués ! Des vampires, des démons, des réprouvés ! Une trentaine, ils ont tué tout le monde, ils ont mis le feu à nos maisons ! »
Des larmes coulaient à présent sur les joues du jeune homme dont l’état témoignait de la véracité de ses dires. Abel huma une odeur de brulé qu’il n’avait pas remarqué jusqu’alors. Le village ne devait pas être bien loin.
« Ils traquent les survivants dans les bois, on doit partir, vite ! »
Abel ne chercha pas à le contredire, s’il disait vrai, c’était une attaque contre le peuple bélua. Dess bandits pouvaient parfois s’en prendre à un village isolé, mais une trentaine d’individus commençaient à se rapprocher plus d’une troupe armée envoyée piller un territoire qu’à des criminels organisés. Il fallait prévenir la reine au plus vite pour qu’elle envoie la garde.
« Tu peux marcher ?
_ Oui, je crois, fit la biche en se relevant maladroitement avant de reprendre peu à peu sa forme animale.
_ Alors suis moi ! »
Abel s’élança vers le Nord, vers Dhitys.

Il leur fallu un certain temps pour rallier la capitale du peuple animal. Le fils de Phoebe aurait sans doute été plus vite seul, mais la biche aurait eu plus de mal à rejoindre la cité s’il l’avait laissée à son sort. Elle avait beau lui avoir dit pouvoir marcher, le choc avec la panthère à plaques n’avait pas été anodin, et l’animal avait commencé à boiter maladroitement sur une bonne partie du trajet. Arrivés à bonne distance de la cité bélua, Abel abandonna la biche pour foncer à travers les passages vers le palais de Minagys, renversant quelques passants sur sa route. Il n’était pas rare de voir des animaux déambuler librement dans la capitale du peuple de Phoebe, mais une panthère à plaques lancée à vive allure restait tout de même relativement rare. Grimpant quatre à quatre les marches qui menaient à Minagys, Abel s’engouffra dans le palais sous le nez des gardes qui contrôlaient son accès sans qu’ils ne puissent réagir et déambula dans un couloir vers la salle des audiences, où il espérait trouver Melinda. Arrivé en vue de ladite salle, il vit les deux gardes qui protégeaient l’entrée baisser leurs lances dans sa direction pour le faire stopper. Il aurait pu reprendre forme humaine et s’expliquer avec eux, leur raconter d’où il venait, ce qu’il avait vu et pourquoi il était indispensable qu’il obtienne une entrevue avec la reine immédiatement, mais il n’y avait pas une seconde à perdre si on voulait éviter que d’autres villages fassent les frais de leur lenteur. Au lieu de ralentir sa course, Abel accéléra en donnant une puissante impulsion sur ses pattes arrière. Il sentit un objet métallique glisser sur l’une de ses plaques, et ses épaules entrèrent en contact avec le corps des gardes avant de les précipiter contre la porte qui s’ouvrit avec fracas. La panthère enjamba le corps des gardes avant qu’il n’ait le temps de se relever et aperçu Melinda qui semblait parler à une étrange jeune femme.

Abel fit quelques pas sur le côté, méfiant car sachant très bien qu’il allait être attaqué par les gardes après son entrée mouvementée, et modula ses cordes vocales pour donner à sa voix une tonalité aussi humaine que possible.
« Ma reine, pardonnez cette intrusion mais je dois m’entretenir avec vous au plus vite ! »
L’un des gardes était venu se placer entre le bélua et Melinda, tandis que l’autre lui envoyait un coup de lance qui vint lui aussi déraper sur l’une de ses plaques.
« Ma reine, nous sommes attaqués ! Je reviens des forêts du Sud, une troupe armée ravage nos campagnes et nos villages, ils tuent tous ceux qui se dressent sur leur passage ! Je vous en conjure, il faut leur envoyer de l’aide au plus vite ! »
D’autres gardes firent irruption dans la salle, alertés par le fracas causé par la panthère, mais ils n’attaquèrent pas à nouveau, bien que leurs armes soient toujours pointées vers Abel, attendant un ordre de leur souveraine pour maîtriser l’animal. La panthère à plaques était partagée entre l’agressivité que ressentait son totem envers les gardes qui le menaçaient et le débordaient de plus en plus, le forçant à reculer, et la volonté d’Abel de calmer la situation. Les yeux félins du bélua se tournèrent à nouveau vers Melinda, tandis que la personne à qui elle parlait semblait avoir disparu. Se rendant compte qu’il venait peut-être de signer son arrêt de mort en faisant ainsi irruption en sa présence, Abel attendit la sentence, défiant du regard les gardes qui l’acculaient maintenant dans un coin de la salle, pointant sur lui une demi-douzaine d’épées et de lances.
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Sam 28 Fév 2015, 20:45

Quoi ? Des cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers ? [Test IV - PV Vanille] Mel10


Assise sur le rebord d'une fenêtre, la Lionne contemplait les paysages de Dhitys, noyés dans la verdure et les fleurs. La vue était imprenable depuis les hautes tours du Palais de Minagys. Songeuse, elle ne disait rien, se bornant à observer les alentours. Les lueurs du soleil frappaient sa peau basanée. Les longues boucles de sa chevelure noire étaient réunie en une tresse lâche, parée de perles et de plumes. Mélinda était la parfaite représentation de la souveraine du peuple des hommes-animaux. Elle avait une prestance imposante et une force de caractère inébranlable, elle était sauvage mais réfléchie, indomptable mais sage dans ces décisions. C'est pourquoi elle ne vacilla pas à l'annonce de la nouvelle. « Je suppose que l'issue est inévitable. » murmura-t-elle tout bas, pensive. Sa voix basse se teintait de l'accent de sa contrée de naissance, au sud du Rocher. Doucement, elle tourna sa tête vers son interlocutrice. Un fossé les séparait. La Bélua portait une robe de coton pourpre dont l'unique excentricité était d'être nouée par un attrape-rêve qui ornait sa poitrine. L'étrangère abordait à l'opposé un long kimono rehaussé de voiles dont les tissus riches trahissaient une certaine aisance. Ses cheveux, d'une drôle de teinte qui oscillait entre le gris et le violent, se paraient d'un élégant diadème à pendants. Elle respirait la noblesse, quoique d'une façon très différente de la Lionne. Chimère aux yeux de nacre, son visage de porcelaine semblait appartenir à un autre monde. Malgré sa beauté qu'on ne pouvait que reconnaître, elle dégageait quelque chose de froid et d'impassible. Elle ne sourcilla pas alors qu'elle répondit : « Non. C'est seulement ce que l'Histoire doit être. » - « Elle peut donc être changée. » - « A condition d'en payer le prix et les conséquences. Je crains que le changement ne soit trop lourd à supporter. » - « Souffrez-vous des manquements de l'Histoire ? » - « J'en meurs à chaque fois pour revenir différente. » - « Je vois. Vous êtes … Hum … » - « J'ai arrêté de compter. Je sais que votre Destin est pesant. Je sais aussi que vous prendrez la bonne décision. » - « Pourquoi être venue me voir ? » La jeune femme sourit. « Vous le méritez, tout simplement. Vous croyez en moi. » Mélinda sourit à son tour. Néanmoins, elle retrouva son sérieux pour lâcher : « Et lui ? » - « Prenez garde. Si un chemin lui ait destiné, il peut s'en écarter. » - « Tout comme on peut le pousser hors du sentier. » L'étrangère acquiesça lentement, l'air satisfaite que la Lionne comprenne aussi aisément la situation et les enjeux. « Quand est-ce que cela arrivera ? » - « Vous avez encore du temps. »  - « Quelle ironie d'entendre ces mots, prononcés par les lèvres de l'Intemporelle. » - « Plutôt une sorte de cruauté. Je dois m'en aller. » Mélinda cligna des yeux. « Pourquoi … »

La Reine n'acheva pas sa question. Une panthère avait jaillit dans le salon et en un battement de cils, la Prophétesse disparut. L'instant d'après, les soldats de la garde royale entourèrent l'impertinent qui avait osé braver les interdits et les bienséances, pour peu que ces dernières aient un sens dans le monde des Béluas. Doucement, la jeune femme esquissa un geste de la main. « Paix mes amis. Le jour où je frémirais devant une panthère n'est pas arrivé. » Méfiants, ils écartèrent lentement leur lances sans pour autant baisser leur garde. Ils n'iraient jamais à l'encontre des ordres de la Déesse-Totem. Elle était la Lionne et eux, autant de Félins à son service. Elle se releva et fit quelques pas, d'une démarche tranquille. « Attaqués, dites-vous. » Sa bouche frémissait. Le mouvement était infime mais il trahissait sa rage. Elle était la protectrice du peuple. Si elle avait un infini respect pour les règles de la nature, aussi horribles soient-elles, elle en avait beaucoup moins pour les massacres gratuits d'étrangers peu scrupuleux. De plus, Mélinda elle-même venait des côtés sud du Rocher et elle n'appréciait guère qu'on s'en prenne à sa patrie. « Dépêchons.» articula-t-elle de sa voix forte. Les gardes filèrent comme des fourmis.  « Allez allez. » cria-t-elle en voyant certains flâner dans les couloirs, accompagnant les mots de ses mains qui se frappaient. Peu à peu, elle perdait en patience. « Par Phoebe, réunissez les troupes ! » Les Béluas n'avaient connu que très peu de batailles. Ils n'étaient pas un peuple à guerre, se contentant de s'organiser en défense et en clan pour protéger leur frontière. Sous l'égide d'une Souveraine Lionne, beaucoup de félidés avaient rejoint Dhitys et l'entourage armée de sa majesté. Ils pouvaient se battre. Ils le devaient. « Faites venir les Ours, les Chiens, les Loups et les Éléphants. Que les Aigles et les Vautours soient partent en reconnaissance. »  Mélinda baissa les yeux sur Abel. « Avez-vous vu les troupes de vos yeux ou avez-vous un informateur ? Il faut guider nos propres soldats. »

Dhitys était en proie à la panique. La foule grouillait. Les rumeurs allaient de bon train. Mélinda, calme et majestueuse, sortit du Palais les mains dans le dos pour fendre la populace. Sans rien dire, elle grimpa sur son cheval. Elle ne laisserait pas son Totem exploser, pas tout de suite. Il fallait qu'elle demeure humaine et qu'elle se présente en tant que femme aux mercenaires. Du moins, dans un premier temps. Puis les Béluas prirent la route.
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Lun 02 Mar 2015, 21:22




Parcourant des yeux les lames pointées vers lui, Abel attendit ce qui lui sembla une éternité avant que la reine ne donne enfin l’ordre de le laisser sauf. Les moindres mouvements qu’il percevait déclenchaient des réactions instinctives qu’il avait grand mal à réprimer. Son totem se sentait piégé, entouré de personnages menaçants, et Abel était très étonné de parvenir à garder un semblant de contrôle sur l’animal en une telle situation. L’humanoïde, lui, se voulait plus réfléchi, évaluant ses chances, bien que cet exercice tendait à l’amener aux mêmes conclusions. Le bélua avait beau avoir la chance de posséder une forme animale capable de se défendre, face aux gardes personnels de Melinda il savait pertinemment qu’il n’avait pas l’ombre d’une chance. Ce n’était que la surprise qui lui avait permis de se frayer un chemin jusqu’à la Lionne, et sans doute un petit peu de chance au vue des éraflures que les lances avaient faites sur ses plaques. Mais heureusement, la reine semblait disposée à l’écouter malgré la brutalité de son intrusion. Sonnant comme une évidence, les paroles de Melinda arrachèrent un petit soupir de soulagement au bélua, bien que piquant son orgueil, mais il décida que ce n’était pas le moment de laisser des querelles de clans le détourner de son objectif. A présent que les soldats du palais lui laissaient un petit peu plus d’espace, il put faire quelques pas de direction de sa souveraine, sous l’œil attentif de ceux qui la protégeaient. Peinant à retenir son totem, dont la vue de toutes ces lances avaient éveillé tous les instincts, Abel bouscula sans ménagement l’un des gardes en prenant de l’aplomb, opposant ses plaques à ceux qui l’entouraient. Le bélua connaissait trop bien son esprit animal pour ne pas comprendre qu’il s’agissait pour lui d’une manière de restaurer sa fierté aux yeux de la reine. S’il voulait se montrer digne de sa considération, il devait montrer qu’il n’avait pas peur. La panthère avança l’une de ses pattes et baissa légèrement la tête dans une révérence respectueuse, avant de s’efforcer à moduler sa voix pour la rendre intelligible. Adoptant un ton dénué de toute émotion, le bélua expliqua à la souveraine la nature de la menace qui pesait sur les régions du Sud de manière plus posée. Melinda n’eut pas besoin de beaucoup de temps pour prendre sa décision, et Abel se retrouva bientôt à la suivre dans les couloirs du palais où elle envoya des soldats avertir les différents clans comme si elle avait fait cela toute sa vie. La panthère à plaques se contenta de lui emboîter le pas, regardant son peuple s’affairer sur son passage, et bientôt ils firent irruption dans la cour du palais sous le regard intrigué des béluas qui avaient été attirés par le fracas qu’Abel avait causé, avant de constater avec stupeur la sortie de la reine.

Marchant dans les pas de Melinda, Abel vit tous les regards se tourner vers eux alors que la reine faisait amener son cheval. L’enfant de Phoebe avait du mal à se sentir à sa place. Il n’avait toujours été qu’un humble réceptacle, qui avait toujours été tenu à bonne distance de ce qui comptait réellement pour son peuple. Il n’était ni un grand guerrier, ni particulièrement influent auprès de son clan. Sa naissance avait fait tomber sa famille en disgrâce aux yeux des sangs purs, et ses faits et gestes n’avaient jamais eu assez d’écho pour parvenir à des sphères aussi hautes de la société bélua. Mais aujourd’hui, alors que la journée avait commencé exactement comme toutes les autres, voilà qu’il se retrouvait à marcher juste derrière la reine, après l’avoir avertie d’un danger imminent et s’apprêtant à se mettre en chasse à ses côtés. Abel n’était pas du genre à se laisser impressionner, mais ce qu’il vivait était un honneur auquel bon nombre des siens ne pouvaient que rêver. Peut-être était-ce pour lui l’occasion de faire enfin ses preuves. Si les regards de la Lune et de la Lionne convergeaient sur lui, c’était le moment de s’en montrer digne. Voyant les béluas se rallier à la reine, il leva la tête vers elle pour répondre à ses questions.
« C’est une biche qui m’a avertie de l’attaque alors que je chassais. Elle est blessée et a eu beaucoup de mal à revenir jusqu’ici, elle ne pourra pas nous y conduire assez vite. Je n’ai pas vu leurs soldats de mes yeux, mais j’ai senti l’odeur de brûlé qui émanait du village qu’ils venaient de piller. Je connais bien ces forêts, j’y chasse souvent, je peux vous y amener. »
Abel accéléra le pas, dépassant facilement le cheval de Melinda alors qu’ils franchissaient le dédale de falaises qui menait à l’extérieur de la cité. Tâchant de rester à portée de voix de la reine, la panthère s’élança rapidement vers le Sud pour guider les siens. C’était la deuxième fois qu’il avait à parcourir cette distance aujourd’hui, et quelque chose lui disait qu’il n’était pas au bout de ses peines, mais la perspective de servir directement sa reine lui donnait un second souffle qui ne serait certainement pas de trop s’ils voulaient atteindre les assaillants avant que leurs atrocités ne s’étendent.
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Mer 08 Avr 2015, 16:17


Mélinda esquissa un petit geste de la main, incitant discrètement les troupes des hommes-animaux à s'arrêter et à observer un silence quasi-religieux. Ils approchaient du petit village. Le parfum de bois et de chair brûlé qui flottait dans les airs ne trompait pas. Avec une agilité déconcertante, la Lionne descendit de son cheval. D'apparence, elle paraissait calme malgré la sévérité de ses traits. Ces proches ne seraient pas leurrer par le masque : ils savaient qu'elle devait se faire violence pour atténuer la fureur de son Totem. Elle était née pour être chef, et un chef avait l'obligation de protéger les siens. Ce manquement lui pesait, ainsi elle était déterminée à faire payer l'affront aux malfrats. Dans un murmure, elle glissa à la cantonade : « Quatre avec moi. Les autres, attendez le signal.» Elle n'attendit pas de voir si ses ordres étaient respectés. Elle savait que certains se porteraient volontaires pour l'accompagner et le choix serait judicieux et dénué d'ambition personnel. Du moins, elle l'espérait car en l'instant, elle ne se préoccupait pas des prétentions de son peuple, simplement de son bien-être. Tapie dans les fougères  et les herbes grasses des petits bois du Rocher, la Déesse Totem avançait lentement, l'allure sauvage. Elle fronça le nez, incommodé par l'odeur calcinée qui ne laissait présager rien de bon pour le clan. Elle écarta doucement les feuillages pour jeter un coup d'œil au contre-bas. « Les … » Elle s'interrompit dans un soupir sec et saccadé, presque à court de mot. Elle glissa les doigts dans les boucles brunes de sa longue chevelure pour repousser quelques mèches qui lui tombaient sur les yeux. Il ne restait plus rien du petit bourg, si ce n'est un tas de cendres et de ruines. La plupart des Béluas menaient une existence simple, proches de la nature. C'était d'autant plus lamentable d'attaquer ces clans démunis. « Sorciers. » cracha-t-elle en discernant la silhouette ravagée des Mages Noirs. «Démons et Réprouvés. »  continua-t-elle tout bas. « Et tant d'autres. » Elle réfléchit brièvement. Son Armée devait attendre, l'oreille tendue. Lentement, elle baissa son regard froid sur les brigands. Ils étaient nombreux mais trop sûrs d'eux et de leur victoire. Ils ne s'attendaient pas à une réplique. Il fallait néanmoins faire preuve de prudence.

Mélinda scruta la scène. Ils chargeaient les charrettes par des caisses et de caisses, pillant les richesses, tandis que d'autres dévastaient les cultures de thé. Un peu plus loin, des derniers jetaient les corps au feu. Ils n'avaient laissé aucune chance aux Béluas. Peut-être que quelques uns avaient réussis à fuir avant le grand assaut.« Hey ! J'en ai rattrapé une ! » s'écria un type aussi grand que large. De ses grosses mains, il traînait une jeune femme qu'il avait agrippé par les cheveux.  Elle était si petite et fine, une petit brin de femme au teint pâle et aux cheveux claires. Une autre Biche, à n'en pas douter. « Une. » répéta un autre. « Et tu es fier ? Il en a des dizaines et des dizaines sur ce foutu Rocher et tu nous fais le paon en nous ramenant une biche à la patte cassée. Félicitations pour cet exploit, vraiment.» Le premier grinça des dents. « Faire le paon … Y a un jeu de  mot là ! Ah ah ! Si je vous jure ! Faire le paon, comme si c'était son Totem s'il était un ... » - « La ferme. » lâcha un Sorcier, agacé par les railleries stupides de ses compères. « Où sont les autres ? » - « Toujours à la chasse. Ils s'amusent bien, je suppose. » - « Qu'ils ne traînent pas trop. » - « Qu'ils fassent attention, surtout. Si Dhitys est mis au courant, on aura vite de leur nouvelle. Partons tant qu'on a l'avantage.» - « Patience mes amis, patience. Nous ne risquons rien, pour l'heure. » - « Bon, j'en fais quoi de celle-là ? » trépigna le grand Réprouvé en secouant la Biche. « Elle ne nous sera pas utile. Personne ne veut d'un animal comme le sien. » Mélinda ferma doucement les yeux. De mieux en mieux. Ils faisaient captifs certains membres de son peuple, dont ils jugeaient la forme animale digne d'esclavagisme ; et ils étaient prêt à mettre à mort une jeune femme innocente, blessée et effrayée. Il ne lui en fallait pas plus.  Le temps pressait à en croire leur discussion. Il fallait nettoyer la zone avant de filer dans les forets. La Reine grogna tout bas, signant le début des affrontements. Le grondement menaçant attira à peine l'attention des étrangers, trop occupés dans leurs besognes. Les Béluas ne ratèrent pas le signal et débarquèrent en trombes.

La Reine sortit des herbes folles en quelques enjambées, se laissant à découvert sur un pari réfléchi. Vive et rapide, elle  décocha une flèche. L'arc était son arme de prédilection, lorsqu'elle avait forme humaine.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              
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Sam 18 Avr 2015, 22:34




Immobile et silencieux, Abel attendait. Il s’était naturellement porté volontaire lorsque la reine avait demandé à quatre des leurs de la suivre, et s’était approché à ses côtés, ventre à terre, d’un fourré depuis lequel ils observaient la scène. Le fils de Phoebe risqua un regard. Il voulait voir de ses propres yeux ce qu’il s’était passé en contrebas. Il voulait voir qu’il avait bien guidé Melinda au bon endroit. Au fond de lui, Abel aurait préféré s’être trompé, avoir exagéré la description du massacre qui s’était produit ici, mais dès que la reine s’immobilisa, il sut que ce n’était pas le cas. L’odeur des brasiers ne trompait pas. Le thé, les habitations, et les corps de ceux qui avaient tenté de s’interposer entre les pillards et leurs biens se consumaient lentement. Una vague de colère monta dans le cœur d’Abel, et la panthère à plaques fit deux pas rapides avant de parvenir à contrôler son totem. L’animal était furieux, il avait envie de se jeter sur ceux qui avaient fait ça, d’en tuer autant que possible, de les tuer tous, même s’il devait s’élancer seul. Un grondement grave et sourd s’échappa de la gueule de la panthère, révélant son état d’esprit malgré toute la prudence et tous les efforts de l’esprit d’Abel, bien qu’il ne fût heureusement pas assez puissant pour alerter leurs ennemis. Les pattes de la panthère semblèrent appuyer contre le sol, s’enfonçant légèrement en créant de profondes empreintes dans la terre, comme si elle se retenait de bondir hors de sa cachette. Le fils de Phoebe savait que les guerriers béluas le suivraient certainement s’il décidait de charger, mais ce n’était pas le moment de perdre la face devant la reine. C’était sa décision, son ordre qui déclencherait tout. Qui était-il pour lancer les béluas à l’assaut de ces brigands ? Il n’était qu’un anonyme... Mais si quelqu’un d’autre que la déesse Totem avait mené les troupes, Abel ne se serait certainement pas encombré de son avis. La discipline ne faisait pas partie de ses traits de caractère, pas plus que la soumission. Il avait envie d’y aller, de leur faire payer. Son totem était de plus en plus difficile à contenir. Il devait y aller, il le fallait. Il fallait qu’ils payent tous. La panthère grogna. Son totem ne lui laissait plus le choix. Melinda sortit du fourré, et Abel perdit le contrôle de ses actes.

Le réprouvé racla bruyamment sa gorge et cracha par terre, arborant une expression de dédain. Il maintenait toujours fermement la bélua par les cheveux.
« Pff, avec vous les sorciers il y a jamais moyen de s’amuser. Regardez la, elle est pas hideuse, moi j’vois plein de choses qu’on pourrait faire avec elle… »
Le sorcier hocha négativement la tête avec mépris. Alors qu’il s’apprêtait à dépasser le réprouvé pour aller se rendre utile ailleurs, une forme ailée fendit l’air, arrivant du Nord à vive allure. Un battement d’ailes puissant vint ralentir la créature une seconde avant qu’elle ne touche terre, projetant de la poussière partout aux alentours. Le réprouvé et le sorcier s’apprêtaient à protester quand le démon qui venait de se poser les coupa sèchement.
« Ils sont là, les béluas, Dhitys. »
Le réprouvé se mit à regarder autour de lui, tandis que le sorcier dévisageait le démon, incrédule.
« Si tôt ? C’est impossible, tu as du… »
Une flèche siffla dans les airs, atteignant un sorcier situé non loin du groupe. Les yeux du démon semblèrent s’enflammer de colère lorsqu’il sortit une longue épée dentelée de son fourreau.
« Les béluas ! Défendez-vous ! »
Les ailes du démon battirent furieusement dans l’air. En amont de la colline où se trouvait la forêt, des animaux chargeaient à vive allure. Des loups, un lion, des hommes en armes. Une volée de flèches siffla aux oreilles des mercenaires, achevant d’ôter les doutes de ceux qui n’y croyaient pas encore et emportant plusieurs hommes pris par surprise. En toute hâte, une douzaine d’hommes robustes équipés de lances et de boucliers vinrent former une ligne de défense tandis que le démon reculait. La discipline militaire semblait prendre le relais, mais ils ne s’étaient pas préparés à une telle contre-attaque. Les hommes étaient dispersés, parfois bien loin de leurs sections respectives. Les animaux allaient bien trop vite, ils n’auraient pas le temps de se mettre en place. Leur charge était fulgurante, dans quelques secondes, ils seraient sur eux.

Les foulées de la panthère à plaques s’étaient allongées rapidement, lui donnant une inertie impressionnante, bien que les loups et certains autres félins n’aient été capables de le prendre de vitesse. A une dizaine de mètres devant lui, Abel aperçut le choc, d’une violence rare, déchirer la première ligne des mercenaires. Plusieurs béluas s’effondrèrent, et ce fut le chaos.
Une épée dérapa contre l’une des plaques de la panthère au moment où elle bondissait sur un réprouvé. Abel se retourna immédiatement pour voir un énorme chien happer avec fureur la taille de son agresseur. Au loin, un sorcier croisa le regard du fils de Phoebe au moment où un projectile noir apparaissait dans sa main. La panthère à plaques fit un pas vers lui en grognant, se préparant à l’impact du sortilège, mais alors qu’il s’apprêtait à le lancer un sanglier le percuta violemment. Un hennissement plaintif détourna l’attention d’Abel quand le corps sans vie d’un cheval tomba à ses pieds. Un démon poussa la créature du pied avec une force impressionnante, ressortant une épée dentée ensanglantée du corps du pauvre animal. La panthère à plaques se jeta sur la silhouette infernale alors qu’elle levait à nouveau son arme. Sachant qu’il ne pourrait pas esquiver le coup, Abel tenta le tout pour le tout et déploya ses griffes, projetant ses pattes vers l’avant.
D’un battement enragé de ses ailes décharnées, le démon projeta une vague de poussière vers le fils de Phoebe au moment où il arrivait sur lui. Aveuglé, le bélua sentit une morsure glaciale dans son dos, et sa patte gauche frappa dans le vide. Ses griffes droites, par contre, rencontrèrent une grande résistance qu’elles forçèrent non sans mal, déclenchant un hurlement qui confirma qu’il avait touché son adversaire.
Lorsqu’il parvint à ouvrir les yeux, Abel vit que l’aile gauche de la créature était partiellement arrachée, tandis que de son côté, du sang coulait le long de son pelage. Ignorant la douleur, Abel chercha un instant des yeux la reine Melinda, sans la trouver, puis se lança à nouveau en direction de son adversaire.
« Viens bélua, viens goûter à ma colère ! »
La voix puissante du démon envahit l'air, mais Abel ne l'écoutait plus. Son totem avait déjà cédé à la haine depuis longtemps.
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Mer 20 Mai 2015, 09:56


C'était facile ; peut-être même un peu trop. Les étrangers s'étaient disséminés dans les bois alentours et il ne restait qu'un ersatz de forces armées dans les ruines calcinées du village. Certains étaient coriaces et on ressentait dans les combats la puissance des guerriers. Ils n'étaient pas des amateurs mais entraînés, à se défendre, à attaquer, à tuer. Violents, brutaux et sanguinaires, ils se battaient avec hargne et donnaient du fil à retorde aux Hommes-Animaux, qui prouvaient néanmoins l'espace d'un instant qu'ils connaissaient davantage le sens des mots carnassier et féroces que ces brigands. Mélinda était l'alliance élégante et étonnante de la grâce et de la cruauté. Ces mouvements étaient aussi éthérés et délicats que leurs conséquences étaient sanglantes. En quelques gestes presque purs, elle balançait ses bras et ses jambes, filant à travers le Rocher pour rependre la vengeance d'une attaque injustifiée. Une lame longue et fine à la main, elle se mit à trancher des gorges quand les flèches vinrent à manquer. De temps à autre, elle retirait d'une dépouille inanimée le carreau qu'elle avait planté un peu plus tôt pour le tirer aussitôt. Puis, peu à peu, le calme revint. Mélinda contempla, impassible, le dernier cadavre qui s'effondrait. Elle s'en détourna rapidement. Après avoir gouté au sang, légèrement apaisée mais loin d'être comblée, elle pouvait poser une question qui l'intéressait réellement : « Des pertes dans nos troupes ? » Un léger sourire aux lèvres, elle se pencha près de la Biche pour lui tendre la main. « Majesté … » murmura-t-elle. « Est-ce que ça ira ? » demanda-t-elle en désignant sa jambe endolorie. Elle acquiesça, quoique faiblement. « Ils sont dans les forêts. » souffla-t-elle, fatiguée. « Qui ? » - « Les nôtres … et … eux. Ils les chassent. Je crois que ça les amuse beaucoup. »  La Biche ne fut pas trompée par l'apparent flegme de la Reine. Elle bouillait. « Repose-toi. Firwen ? »  Le Hibou était un grand guérisseur. Petit homme aussi fin que ses yeux étaient grands, il alla s'occuper de la Biche.  « Mes frères, mes sœurs …. » Mélinda avait le ton lourd, dur. Elle grogna tout bas. Sa colère n'avait pas encore explosé et elle n'avait pas laissé la Lionne prendre le dessus sur l'Humaine mais le Totem ne pourrait être contenu indéfiniment. La Reine ne le souhaitait pas. « Donnons à ces mécréants une bonne leçon de chasse. Trouvons nos semblables et aidons les. Trouvons leurs agresseurs et tuons les. » Elle tourna les talons. « Tâchez tout de même d'en garder deux ou trois, de déterminer qui est le chef de cette bande. Nous avons besoin de réponse.» Les Béluas étaient un peuple tranquille. Ils vivaient simplement, peu soucieux des grands conflits qui ne les concernaient pas. Pourquoi s'en était-on pris à eux ? Existait-il une véritable raison ou l'appât du gain et de la mort expliquait-il tout ? Ces interrogations tracassaient la Reine qui supportait mal l'assassinat gratuit de Béluas aussi tendres qu'inoffensifs.

« Partez en petits groupes. Soyez discrets. Que Phoebe veille sur vous tous. » La Lionne disparut sous les épais et sombres feuillages des grands arbres du Rocher après avoir laissé tomber son arc. Il ne lui servait plus à rien, sans flèche. Il n'y avait pas une seconde à perdre car la moindre d'entre elles pouvait signer l'arrêt de mort d'un membre du peuple de Dhitys. Partie à la hâte et sans se préoccuper d'être accompagnée,  Mélinda ralentit le pas, consciente que sa garde et ses fidèles ne la laisseraient pas traquer les malfaiteurs seule. Même humaine, elle courrait à une vitesse obscène, ses forces décuplées par la magie ardente qui l'habitait. Elle s'arrêta brutalement au détour d'un tronc couvert de mousse, couché au beau milieu d'un chemin. Immobile, elle respirait lentement, à l'affut du plus petit indice, son nez alerté par les parfums désagréables du sang et de la sueur. Ils ne devaient pas être loin, à rôder aussi furtivement que possible. Malheureusement pour eux, s'ils devaient s'illustrer dans la traitrise, les coup-bas et les attaques éclairs, la chasse était le terrain privilégié des Béluas. Mélinda ne comptait leur laisser aucune chance. Elle était une femme bonne et juste mais, parfois, ses émotions trop vives et impulsives prenaient le dessus. Elle en devenait impitoyable et sévère, moins prompt à la discussion et à la miséricorde qu'à la revanche et aux châtiments. « Sentez. » murmura-t-elle tout bas à ceux qui lui avaient emboîté le pas. « Attentivement. » La Lionne inspirait à plein poumon. Une odeur de mort lui chatouillait les narines, une odeur de poudre. Ils ne comptaient pas s'arrêter. « Nettoyez moi tout ça. » Ses doigts tremblaient. Le fauve voulait rugir ; mais il n'était pas encore l'heure de le libérer. Elle le réservait à un homme, à celui qui avait imaginé ce plan.

Cet homme là ne passerait pas la nuit.

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Dim 31 Mai 2015, 23:57




Tout était très confus, et dans le tumulte de la bataille, les alliées et les ennemis semblaient tournoyer autour du bélua dans une danse folle. Il lui était difficile de se concentrer sur le démon qui semblait l’avoir choisi comme adversaire lorsqu’il ignorait si la personne située derrière lui allait tenter de le protéger ou de le tuer. Le fils de Phoebe ne savait pas comment les autres faisaient pour s’y retrouver. C’était la première fois qu’il participait à un tel combat, et en à peine quelques dizaines de secondes, le champ de bataille semblait ne plus avoir aucun sens. Il n’y avait plus que des bêtes enragées et des hommes pleins de haine tuant d’autres bêtes enragées et d’autres hommes pleins de haine. Abel n’était pas très sûr d’être à sa place ici, les choses étaient allées beaucoup trop vite pour lui laisser la moindre maîtrise de la situation, et voilà qu’il se trouvait au beau milieu d’une bataille confuse. Mais heureusement, le bélua pouvait compter sur un allié de choix pour l’aider à se défendre dans le tumulte des combats.
Au moment où le démon plongea sur lui, Abel se sentit à peine dressé sur ses pattes arrières qu’il bondissait déjà à la rencontre de son ennemi, plantant ses griffes de chaque côtés du cou de la créature des enfers alors que son épée dentelée dérapait sur ses plaques. Le contact dura quelques secondes durant lesquelles  plusieurs coups de griffes furent envoyées de part et d’autre, lacérant la chair du démon comme celle du bélua qui se dégagea quand la main griffue de son ennemi frappa juste en dessous de son œil, lui laissant une balafre qui aurait pu faire bien plus de dégât si elle avait touché à peine plus haut. Abel recula de quelques pas, empêchant sa part animale de repartir à l’assaut, bien que le démon ne semblait pas décide à lui laisser la moindre seconde de répis, chargeant à nouveau d’un pas décidé. Mais alors qu’il cherchait à reprendre son souffle, une violente détonation retentit à côté de lui, envoyant Abel comme son adversaire au sol sous l’effet de la puissante onde de choc qui suivit l’explosion. Des gerbes de terre, de sang et de feu envahirent l’air avant de retomber lourdement. Le bélua ne savait pas quelle magie avait déclenché cela, mais déjà sa part animale cherchait à se relever, ses instincts étant une nouvelle fois bien en avance sur la volonté humanoïde d’Abel. Ses oreilles sifflaient et sa vue était brouillée, mais à peine une forme démoniaque était-elle apparue dans les tourbillons de poussières encore en suspens dans l’air que la panthère bondissait à nouveau vers elle.

Le démon fit un premier bond en arrière en battant des ailes, espérant s’éloigner du combat qui semblait tourner en faveur du peuple animal, mais sa blessure l’empêcha d’utiliser son membre blessé. La créature des enfers chuta lourdement sur le sol, avant de parvenir à s’envoler au deuxième essai, non sans éprouver une douleur lancinante. Abel regarda autour de lui, cherchant des yeux son ennemi avant de le voir s’enfuir vers la forêt. Après tout, c’était peut-être mieux ainsi. Si cela avait été un combat à mort, le bélua n’aurait pas pu prédire son issue. Sa blessure saignait, il sentait ses plaques baigner dans une sensation humide, et un filet rougeâtre s’écoulait le long de son flanc. La panthère avait la vue troublée, ne sachant pas bien si cela provenait de cette blessure ou du choc du sortilège qui avait manqué de le frapper de plein fouet. Abel porta tant bien que mal l’une de ses pattes au niveau de la blessure et se concentra quelques secondes pour faire apparaître des brins de lavande et de myrrhe qui vinrent s’enrouler autour de ses plaques. Un léger picotement lui indiqua qu’elles avaient commencé à faire leur œuvre. Cela ne valait sans doute pas les onguents que fabriquait Amarel, mais cela ferait l’affaire jusqu’à ce qu’il ait le temps de demander des soins adéquats.
Le bélua vit la reine ordonner de mener la chasse dans la forêt pour rattraper les fuyards. Sur ce terrain, le peuple animal était certain d’avoir l’avantage. Bien sots étaient ceux qui pensaient pouvoir se mouvoir plus vite en forêt qu’un de ses résidents. Abel tâche d’ignorer sa blessure pour s’élancer à la suite d’un groupe qui était parti vers le Nord. Il avait vu plusieurs hommes fuir dans cette direction lorsque le combat avait perdu en intensité. Le bélua ne savait pas où ils comptaient aller comme ça. S’ils pensaient pouvoir s’échapper après le mal qu’ils avaient fait, ils se trompaient. Ils seraient tous atteints par la chasse bien avant d'avoir vu les cimes de l'Edelweiss. Le fils de Phoebe s’imaginait déjà amener leur chef aux pieds de Melinda. S'il parvenait à lui rapporter une prise de choix, peut-être la sphère des gardiens lui serait-elle ouverte... Mais pour l'heure, l'ambition était bien secondaire. Ce qui comptait par dessus tout était de traduire les monstres qui avaient osés s'en prendre aux leurs devant la justice de Phoebe.
Le groupe de chasseurs pénétra dans le bois à vive allure, commençant à remonter la piste encore fraîche des mercenaires en déroute. L’odeur était forte. Abel reconnaissait l’odeur caractéristique d’un vampire parmi eux. En quelques foulées un peu plus appuyées, la panthère prit la tête du groupe, se lançant à la poursuite de la créature de la nuit. Si un de leurs gradés était dans cette forêt, il le trouverait.
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Mer 15 Juil 2015, 18:58


« Ces bêtes ont oublié ce qu’elles étaient réellement. Il est temps de leur rappeler. » - « La Lionne et ses troupes sont occupées. Les vaillants et les guerriers sont au combat. Ils sont loin. Dhitys est seule, désemparée et livrée à elle-même. » Ils discutaient tout bas. Perchés sur les hauts branchages des grands arbres, ils contemplaient la Cité d’un œil acide et moqueur. « La peur a cédé sa place à la routine. Ils se sont déjà désintéresser de la panique des mauvaises nouvelles. Ils vivent tranquillement, sans se douter un seul instant ce qui les attends. » - « Nos hommes sont-ils prêts ? » - « Ils n’attendent plus que tes ordres. » Il hocha lentement la tête. « Alors, il est … » Il s’interrompit, coupé dans ses instructions par la voix criarde d’une vieille femme qui hurlait. « Sous le vent de poudre et de feu, la ville se consumera. Nous brûlerons tous avec elle, tous ! Elle est perdue ! Dhitys est perdue. Fuyons pour notre salut. » L’ancêtre faisait de grands gestes des bras, les doigts tremblants. Son visage se discernait à peine sous l’épaisse cape grise qu’elle portait. Sans s’arrêter, elle parlait, porteuse de sombres paroles. « C’est qui, cette vieille chouette ? » - « Je crois qu’elle est la Chouette, justement. Une religieuse à demi folle, une sorte d’Oracle. » - « Je vois. Fais la taire. Elle m’agace. » - « Avec plaisir. » La Chouette riait. « Le mal va s’abattre sur nous et Dhitys. Le mal et les ténèbres. Je serai la première victime. N’oubliez pas mes mots, peuple animal. Ne les oubliez pas. » La foule commençait à s’agiter. L’Oracle était considéré comme une personne sage. Influente, elle était celle qui transcrivait les visions. Elle était une femme de religion, importante. Lorsqu’elle s’exprimait, on la croyait. « Courrez pour vivre. » Une flèche lui transperça la gorge. Les genoux chancelants, elle s’accroupit. Du bout des doigts, elle effleurait le carreau. Un mince filet de sang s’échappait de ses lèvres et coulait le long de son menton. Pourtant, elle souriait toujours. Quelqu’un cria. Ce fut le début du chaos. « Brynjolf ! » tonna un Chat, attrapant le bras d’un jeune homme. « Tu dois retrouver la Reine, lui transmettre les dires de la Chouette. » - « Je … Je ne suis pas sûr d’être à la hauteur de la tâche. » - « Tu dois le faire, Corbeau. C’est ton rôle. Pars, vole, trouve-la. » Les yeux rouges, il acquiesça. Prenant sa forme animale, il quitta le carnage de Dhitys. Des hommes arrivaient de partout. Les soldats restants peinaient à les contenir. Ils répandaient le feu et la poudre, comme l’avait prédit l’Oracle.

Brynjolf survolait le Rocher, ses bois et ses plaines. Il fendait les airs à une allure vertigineuse, poussé par l’urgence de la situation, le besoin de retrouver la Lionne. Messager de la Reine, il devait l’informer, la prévenir. La diversion avait été parfaite, soignée. L’attaque n’était ni spontanée ni impulsive : elle avait été réfléchie. Le Corbeau étouffa un cri. Une flèche s’était plantée dans l’une de ses ailes. Il chuta à travers les cieux et les forêts. « Meurs, sale … » - « Vous parlez trop. » Mélinda égorgea son assaillant. La bataille faisait rage. La Lionne, déterminée et en furie, s’éloignait peu à peu de ses hommes. Elle préférait avancer, les éliminer. Rapide et vive, elle semait les autres soldats sans même s’en apercevoir. C’est alors que le Corbeau tomba entre les pattes des guerriers qui tâchaient de suivre la Reine. Il se mit à croasser, battant des plumes à tout va. « Calme toi. » murmura une jeune femme en le prenant sur ses genoux pour le soigner. « Parle moins vite, nous avons du mal à te suivre. Respire un grand coup. Je dois retirer la flèche. Ça va piquer un peu. » Après les plaintes, le Corbeau put reprendre son souffle. Posé sur les jambes de la Tortue, il put expliquer sa mission, ce qu’il venait faire dans les parages, les ravages de Dhitys. Les personnes qui l’écoutaient devinrent pâles. « Non. Non, c’est impossible. Cela ne se peut. » - « Pourquoi le Corbeau mentirait ! Il faut … Il faut … Dhitys … La Reine … D'ailleurs où est-elle ? Où est Mélinda ? » Le terre frémit. Les feuillages secoués tremblèrent brièvement. Une drôle d’odeur flottait. Elle venait d’une épaisse fumée noire.
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Mar 25 Aoû 2015, 02:09




Le souffle court, Gimur tentait vainement d’écarter les branches et les ronces sur son passage, sans parvenir à empêcher les épines et le lierre de lacérer sa chair en de nombreux endroits. Après le chaos de la bataille, il avait cherché à se réfugier dans les bois, fuyant pour sa vie avec quelques-uns des autres mercenaires qui avaient été assez chanceux pour se trouver à l’écart lorsque les béluas avaient chargé. Ce bêtes étaient bien conformes au portrait qu’on les lui en avait dressé : rustres, violents. Il en venait presque à se réjouir de ce qui allait leur arriver. Lui-même n’en savait trop rien, s’étant engagé dans cette bataille uniquement pour toucher sa solde, mais il savait que, même s’ils semblaient avoir subis une défaite ici, ce n’était là qu’un rouage dans une bien plus grande machination.
Des mercenaires qui avaient fui dans la forêt, il ne restait plus que lui. Les autres avaient emprunté d’autres chemins, d’autres directions. Bon vent, lui avait choisi le Nord. Au lieu de s’enfuir vers les côtes, il allait trouver refuge dans le premier village qu’il croiserait. Dépourvu de son tabard et de ses armes, il se ferait aisément passer pour un aventurier de passage, un simple roublard à la recherche d’un contrat sans importance. Il était hors de question qu’il meure ici. Sa femme et sa fille comptaient sur lui. Si d’autres s’étaient engagés dans cette campagne pour le seul goût du sang, lui ne cherchait qu’à nourrir sa famille. Gimur referma la paume de sa main sur son armure de cuir, sentant en dessous des peaux tannées le pendentif accroché à son cou, celui qu’elle lui avait offert.
« Azna, Saly, je vous reviendrais. »

Abel était sur les traces d’un des leurs, certainement un humain à son odeur. Le bélua n’était pas assez impliqué dans les affaires de son clan pour savoir ce qui se tramait en haut lieu, mais cette coalition levée contre le peuple animal ne resterait pas impunie. Le fils de Phoebe se promit de chercher qui était à l’origine de toute cette haine et de lui faire payer la violence qu’il avait apportée aux siens. Les béluas étaient un peuple simple, vivant au plus près de la nature. Les huttes et cabanes de ces pauvres villageois ne recelaient ni d’or, ni d’étoffes ou de pierres précieuses. Ils n’avaient au mieux qu’un petit peu de thé pour toute marchandise de valeur, et ce territoire était situé au beau milieu de nulle part, coincé entre l’océan et la forêt dense dans laquelle même certains béluas n’osaient pas s’aventurer. Si ce n’était ni pour la terre ni pour les richesses, pourquoi étaient-ils donc attaqués aujourd’hui ?
Alors que toutes ces questions assaillaient son esprit, Abel remarqua à peine que l’odeur de sa proie envahissait à présent tout l’air autour de lui. En une seconde, le mercenaire était devant lui. S’il l’avait anticipé à peine plus tôt, Abel aurait adopté une démarche plus discrète, mais au lieu de cela il traversa un amas de branches qu’il fit voler en éclat et retomba lourdement sur ses pattes, projetant de la terre aux environs. Le mercenaire fit volte-face, et Abel pu sentir la peur qui émanait de lui. Il savait que ses derniers instants étaient arrivés. La panthère de Bois-Lune aurait pu tenter de l’interroger, de lui soutirer le nom des commanditaires de cette attaque. Mais Abel se rendit compte que l’esprit félin était totalement hors de contrôle depuis qu’il avait aperçu son adversaire. Le bélua vit la main du mercenaire se serrer sur un objet attaché autour de son cou, et la panthère sentit une impulsion puissante la projeter en avant. L’humain prononça un premier nom qu’Abel ne comprit pas. Le deuxième se perdit dans sa gorge et ne trouva jamais le chemin de ses lèvres.

Tandis que la bataille semblait tourner de plus en plus en faveur des béluas, les derniers vestiges de ce qui avait été l’armée ennemie fuyant en ordre dispersé dans les bois, le peuple animal s’apprêtait à fêter une victoire décisive quand un frisson se répandit dans les rangs, un murmure chargé d’angoisse qui passait de soldat en soldat, comme un virus se répandant dans l’esprit des hommes. Un seul mot, un seul nom effaçait les sourires et faisait naître la crainte : Dhitys. Chacun se tourna bientôt vers le chemin de la cité bélua. Il fallut plusieurs instants avant que les premiers ne comprennent ce qui se tramait. Comment avaient-ils pu être aussi bêtes ?
Abel dévorait la carcasse sans vie du mercenaire lorsqu’il entendit l’appel. Un aigle venait de pousser un cri qui lui glaça le sang, et il piqua vers le Nord. Dhitys ? Que voulait-il dire par là ? Abel était épuisé par la course qui les avait menés ici, et par la bataille qu’ils y avaient livrée, mais il semblait bien qu’ils ne soient pas au bout de leurs peines. En entendant la détresse dans le cri de l’oiseau, le bélua se demanda comprit qu’elles venaient en fait tout juste de commencer. Rassemblant les dernières forces qu’il lui restait, Abel s’élança vers la cité, rejoignant bientôt plusieurs loups et un sanglier qu’il dépassa non sans mal. Où était donc la reine ? Abel l’avait perdue de vue depuis le début de la bataille. Etait-elle au courant de ce qu’il se passait ?
Alors qu’elle remontait vers la cité bélua, la panthère de Bois-Lune sentit une odeur sinistre envahir l’air. Le bélua repoussa toutes les pensées terrifiantes qui venaient de surgir dans son esprit et se concentra sur sa route, tâchant d’être aussi rapide que possible, mais plus il s’approchait, plus il en était convaincu : au Nord quelque chose brûlait.
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Ven 20 Nov 2015, 21:09


Dans un souffle, Melinda s’accroupit près de la dépouille du dernier mercenaire qu’elle venait de tuer. Massacrer aurait été un mot plus juste. La Déesse Totem était capable de faire preuve d’une brutalité inouïe et d’une sauvagerie sanglante lorsque la situation exigeant une réponse violente. Le cadavre avait été réduit en charpie, pour n’être plus que le vague souvenir d’une forme humaine, devenu lambeaux méconnaissables. La Lionne jeta un coup d’œil à son œuvre macabre, consciente de prendre des airs de boucher. Elle l’avait dépecé, non pas sous forme animale mais de ses mains. Les vêtements déchirés, couverte de sang, elle avait piètre allure pour une Reine. Seulement, les Béluas ne s’intéressaient pas vraiment aux questions superficielles de l’apparence. Ils avaient besoin de quelqu’un comme elle, quelqu’un de fort, puissant, et sans limite. Dans un grognement sourd, elle se releva, tout en glissant ses mains poisseuses dans ses longs cheveux en bataille. Elle se répétait intérieurement de contrôler sa rage. Elle ne tenait pas à devenir injuste et meurtrière. Ses résolutions se brisèrent dans le cri d’alerte et de désespoir de l’Aigle qui survolait la zone. « Dhitys. » murmura-t-elle avant de s’élancer à toute allure à travers les bois et les ronces. A mesure qu’un parfum de bois brûlé venait lui chatouiller le nez, elle accélérait, atteignant des vitesses insoupçonnables. Malgré sa paire de jambes, elle ne tarda pas à rattraper les membres de son peuple dont le Totem était réputé pour sa rapidité. Dhitys était en danger. Rien ne pouvait l’arrêter. L’épaisse fumée noire qui obscurcissait l’horizon ne fit qu’accroitre ses volontés, et elle courrait toujours plus vite. « Melinda ! » Elle fut âprement arrêtée par les bras musclés d’un de ses proches, à deux pas de la Cité. « Lâche-moi ! » - « Melinda … » reprit-il d’un ton plus doux. Elle le dévisagea quelques secondes. Il la connaissait bien. Il faisait en sorte de l’apaiser, avant qu’elle ne s’approche de sa ville adorée. Il reprit, la gorge serrée : « J’ai déjà donné quelques ordres. Il faut trouver un moyen d’arrêter l’incendie et tout faire pour qu’il ne se propage pas. Sinon le Rocher entier est perdu. » - « Lâche-moi, maintenant. » Il obtempéra. La Lionne alla voir l’ampleur des dégâts. « Par Phoebe … » Chancelante, elle finit genoux à terre. Dhitys entière brûlait, se consumait, sous la rage de flammes hautes de plusieurs mètres, l’odeur calcinée mélangée à des senteurs de poudre, d’huile et de potions. Le peuple criait, piégé. Eux aussi brûlaient. « Dhitys est perdue. » hoqueta-t-elle, interdite, la voix grimpant dangereusement dans les aigus. « Dhitys est perdue. » Elle répétait, incapable de faire quoique ce soit d’autres. « Dhitys est perdue. » Et La Lionne, désemparée, prisonnière d’un sentiment d’impuissance face à l’horreur d’une scène, d’un tableau qu’on ne maîtrisait pas, qu’on ne contrôlait pas. « Melinda ! Recule-toi ! Tu es trop près. La fumée … » Depuis plusieurs minutes, la jeune femme toussait, sans s’en préoccuper. Si la fumée était, d’ordinaire, nocive, celle-ci l’était encore plus. La magie n’était pas innocente à cet effet et l’on pouvait aisément deviner l’implication des Sorciers. « Melinda ! » Elle toussait encore plus. Elle se mit debout et fit quelques pas titubants pour s’éloigner de la brume assassine. Le jeune homme la rattrapa de justesse alors qu’elle s’effondrait, inconsciente.

« Protégez-vous ! » tonnait un homme, déchirant un morceau de ses vêtements pour l’enrouler près de son nez. « La fumée est mortelle ! » Pour ne rien arranger, comme si un incendie, une ville mourante et des habitants prisonniers de leur propre cité ne suffisaient pas. « Quels sont les ordres de la Reine ? » s’enquit-il. Il fut bouche-bée en la voyant arrivée dans les bras d’un autre Bélua, immobile. « Elle a été touchée par la fumée. Elle a besoin de soin mais ça ira. Elle s’en tirera. » Ce n’était pas en soi le plus inquiétant. Les Béluas formaient un peuple déséquilibré. Ils n’étaient ni harmonieux ni fraternels par nature et avaient besoin d’un chef pour les guider. Melinda ne pouvait pas remplir ce rôle, en l’instant et les troupes se désorganisèrent en un clin d’œil. Le Bélua allongea Melinda par terre, posant sa main sur son front. « Réveille-toi, on a vraiment besoin de toi. » Les Béluas n’écouteraient qu’elle. Du moins, ils n’accepteraient pas tous de se plier à la volonté d’un illégitime. Ce n’était pas pour autant qu’il ne fallait pas essayer.
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Lun 01 Fév 2016, 22:48




Abel aurait souhaité être plus rapide, mais malheureusement son totem n’était pas réputé pour être l’un des animaux les plus rapides de la forêt. Si les muscles de ses jambes étaient puissants, ses plaques le ralentissaient beaucoup, et bon nombre de félins pouvaient se vanter de le dépasser à la course. Ce fut ce qui arriva, et malgré tous ses efforts, Abel arriva trop tard devant Dhitys pour pouvoir faire quoi que ce soit. La cité était déjà en proie aux flammes, et les cris des béluas piégés à l’intérieur ne faisaient qu’annoncer le désastre à venir. Jamais ils n’auraient le temps de sauver tout le monde. Le fils de Phoebe fit quelques bonds pour parvenir au promontoire qu’occupait Mélinda et lui lança un regard alarmé. Malheureusement, elle semblait trop choquée pour pouvoir réagir, et l’un de ses conseilleurs parlait pour elle. La reine semblait touchée par un étrange mal, mais Abel ne pouvait rien pour elle. Par contre, il pouvait essayer d’entrer dans la cité.
La panthère à plaques dévala en toute hâte la pente qui menait à la capitale en flammes. Ses appuis étaient mal assurés, et la créature chuta lourdement au sol en arrivant en bas, mais elle se releva aussitôt pour s’élancer dans Dhitys. Le bélua contourna le nuage noir qui émanait des passages et tâcha de trouver un chemin moins direct, s’éloignant au maximum pour ne pas se trouver contre le vent. Sur son chemin, tout avait brûlé, il n’y avait plus rien à sauver. Abel poursuivi sa route jusqu’au palais de Minagys qui avait été déserté, et s’avança vers les habitations. La fumée était ici assez diffuse, mais Abel pouvait déjà sentir ce qui avait touché la reine. Si quelques bouffées de ce poison avaient suffi pour immobiliser la Lionne, le bélua savait pertinemment ce qui arriverait si lui-même en respirait.
En arrivant près des habitations, Abel se rendit compte de l’ampleur du carnage. L’incendie s’était visiblement propagé très rapidement, sans doute aidé par quelque sorcellerie, car la plupart des résidents de Dhitys avaient été piégés chez eux et ne pouvaient à présent plus sortir sans risquer de s’exposer aux gaz toxique qui émanaient de chaque brasier. S’ils restaient, les flammes finiraient par avoir raison d’eux, s’ils sortaient ils seraient asphyxiés. Abel prit plusieurs profondes inspirations, emplissant ses poumons du peu d’air sain qu’il pouvait encore trouver. Bientôt, chaque bouffée le rapprocherait de la mort, il devait donc veiller à ne pas s’exposer. Cependant, il ne pouvait rester là sans rien faire pendant que son peuple agonisait.

Devant lui, un groupe de gardes de la cité fuyait vers les passages, visiblement débordés par la situation. Abel leur barra la route, se demandant pourquoi ils n’aidaient pas la population.
« Gardes ! Il faut aider ces gens ! »
Le chef du groupe tenta de forcer le passage sans lui répondre, mais la panthère fit barrage avec son corps, obligeant les soldats à s’arrêter.
« Écarte-toi ! La cité est perdue, il faut s’enfuir ! »
« Les nôtres comptent sur vous, si vous n’intervenez pas ils vont tous mourir ! »
« Rien à foutre ! Pas question que… »
Avant que le garde n’ait pu finir sa phrase, Abel s’était dressé sur ses pattes arrière, prenant un aplomb impressionnant. Un hoquet de surprise resta coincé au fond de la gorge du soldat lorsque la lourde patte de la créature s’abattit sur lui, le projetant au sol sans ménagement. Durant plusieurs secondes, plus personne ne bougea. Les gardes restants ne savaient pas s’ils devaient s’enfuir, aider leur chef ou bien arrêter Abel. Ce dernier ne savait pas s’il venait de tuer le gradé dont le corps semblait inerte, ni ce que ce geste lui couterait quand les choses se seraient calmées et qu’il lui faudrait rendre des comptes. Mais son totem prit le pas sur sa raison, lui permettant de passer outre ces interrogations.
« Y a-t-il d’autres candidats à la désertion ? Non ? Alors vous allez faire demi-tour, entrer dans chaque maison et diriger ses habitants vers Minagys. De là ils pourront se diriger vers la forêt en évitant la fumée. Commencez par les habitations les plus proches du palais et progressez vers l’intérieur de Dhitys. Le premier garde qui s’enfuira avant que tout le monde soit à l’abri connaîtra le même sort que votre chef. C’est bien clair ? »
Abel n’avait jamais été très doué pour donner des ordres, mais la colère qui animait sa voix, l’urgence de la situation et l’exécution sommaire de leur supérieur semblait avoir eu raison des réticences des soldats qui se dirigèrent vers les habitations. Le fils de Phoebe fit de même, utilisant l’inertie de ses plaques pour enfoncer la porte d’une des maisons en flammes. A l’intérieur, il vit deux enfants dont l’un semblait évanoui et l’autre très faible. Il saisit le premier dans sa gueule, demanda au second de grimper sur son dos en s’accrochant à ses plaques et s’élança vers Minagys. De loin, il vit un autre groupe accompagné d’un des gardes qu’il avait croisé plus tôt. Ils ne pourraient certainement pas sauver tout le monde, mais il se devait d’essayer. Sur le chemin du palais, Abel enjamba le corps du soldat qui n’avait toujours pas remué. Il avait commis un crime. La vie de ceux qu’il allait sauver lui permettrait-elle de racheter ce meurtre gratuit ? Rien n’était moins sûr, mais il était bien trop tard pour revenir en arrière. Le bélua chassa cette pensée de son esprit, se concentrant sur sa tâche : sauver le plus de monde possible avant que Dhitys ne soit entièrement ravagée par les flammes.
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Mer 06 Avr 2016, 17:04


L’occasion était trop belle pour être manquée. Les Hommes-Animaux étaient désorganisées, terrifiés et incapables de trouver une solution à leur problème. Que ce soit pour s’échapper ou bien venir en aide à quelques prisonniers des flammes, ils s’étaient tous dispersés et même les proches de la Reine avaient dû s’écarter d’elle, estimant certainement qu’elle ne craignait rien, malgré son inconscience. Noyés dans un instant incompréhensible, ils peinaient à réfléchir normalement et ne comprenaient pas leur erreur. Ils n’auraient pas dû la laisser seule. Des silhouettes s’étaient détachées de la pénombre des bois et s’approchaient à pas de loup de la Déesse Totem, allongée parmi les herbes grasses, les joues caressées par les cendres de sa Cité. « Que faisons-nous d’elle ? Nous ferions mieux de régler son sort. » murmura l’un, désireux de jouer de sa lame. Un autre hocha la tête, les lèvres pincées. « Emmenons-là. Profitons de son état comateux. » - « Et si elle se réveillait ? » - « Elle a inhalé suffisamment de fumée pour nous permettre de la ramener au Château et de l’enfermer. Elle nous serra plus utile vivante. Nous allons museler ces chiens, grâce à elle. » - « Êtes-vous certain de cela ? Qu’elle ne se réveillera pas ? La Lionne est puissante. » Il eut un léger rire moqueur. « Elle n’a même pas eu besoin de plus de trois inspirations pour sombrer. Cette femme est plus faible qu’on le pense. Dépêchons, ses guerriers pourraient revenir. » Une petite partie du groupuscule faisait le guet tandis que les autres étaient penchés près de Melinda, prêts à s’emparer de la Souveraine pour mettre davantage à mal le peuple des Béluas.   Ils n’avaient pas vu frémir les doigts de la jeune femme, pendant qu’ils discutaient de son avenir. Ils ne la virent pas non plus rouvrir brutalement les yeux. Ils n’en eurent pas le temps. Elle avait bondi sur l’un d’entre eux, lui arrachant presque la gorge de ses dents. Le deuxième qu’elle agrippa eut le crâne fracassé sur la première pierre venue. En deux temps trois mouvements, elle massacra ses assaillants, sauvage, brutale, sanglante. Toujours humaine. Le regard aussi froid que sévère, elle dévisageait le dernier individu encore debout. Il avait eu le temps de s’éloigner et se tenait au beau milieu des décombres et de l’incendie. Il ne paraissait pas craindre la fumée. Seulement, Melinda non plus ne s’en inquiétait plus. Du revers de la main, elle essuya vaguement le sang qui recouvrait sa bouche et ses joues. « Toi. » articula-t-elle doucement sur un air de menace. Il était le responsable du carnage. Elle ne le laisserait pas s’enfuir. Elle s’élança à sa poursuite. A chaque foulée, ses vêtements craquaient. La seconde d’après, la femme avait cédé sa place à l’animal, dévoilant l’apparence de la Lionne. Elle n’avait rien qu’une bête commune. Sa carrure était deux fois plus imposante que celle d’un cheval. Le Sorcier n’avait pas attendu pour courir. Melinda était en chasse. Il lui faudrait redoubler d’ingéniosité pour s’en sortir indemne. Cependant, il était confiant. Il avait plus d’un tour dans son sac et sa magie était redoutable. Le combat était inévitable. L’issue ne dépendrait que d’eux.

« Tu penses encore pouvoir gagner alors que ton peuple se meure et que tes terres sont ravagées. Tu es sotte, Petite Lionne. » La conversation ne l’intéressait guère. Melinda n’avait pas dans l’idée de partager le moindre mot avec cet individu. Elle comptait le tuer, simplement. Lentement. D’un pas lourd, elle avançait parmi les décombres de sa Capitale, qui brûlait encore. Elle ne pouvait pas humer sa proie, faute à cette fumée opaque, mais pouvait encore le voir et l’entendre. Elle épiait le moindre mouvement, donnait parfois un coup de patte à un bâtiment pour donner une chance à ses occupants de déguerpir. Gueule retroussée, elle suivit la piste de plusieurs cadavres Ces Béluas-là n’avaient pas succombé à l’air ou au feu. La magie noire était ancrée sur leur peau. Le Sorcier. Il ne se privait pas d’ôter la vie à la moindre créature qu’il croisait. Elle retrouva rapidement sa piste. Il était près de la Panthère à Plaques, à deux doigts de lui infliger le coup de grâce, sans qu’il se doute de rien. Melinda rugit et lui sauta à la gorge. Il tomba à ses pieds. Il n’était pas mort, mais gravement blessé. La Lionne fronça le nez. Il fallait trouver un moyen d’éteindre l’incendie, sinon il allait s’étendre aux bois et le territoire entier allait s’embraser.  
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Mar 19 Avr 2016, 15:54




Les images cauchemardesques qui se bousculaient à ses yeux hanteraient ses nuits pendant encore bien des lunes, et le fils de Phoebe peinait à continuer sans s’effondrer devant la vision de la capitale en proie aux flammes. Son totem, terrifié par le feu qui ravageait chaque habitation qu’il croisait, lui envoyait des décharges d’adrénaline en flot constant. Son cœur battait à tout rompre et son esprit analysait chaque information à un rythme effrené, ne sachant pas bien s’il prenait les bonnes décisions tant tout ceci était chaotique. Tout semblait perdu, mais le bélua faisait de son mieux pour identifier ce qui l’était le moins, les rares ruines encore debout, ou du moins assez épargnées pour qu’il puisse espérer trouver signe de vie à l’intérieur. Même s’ils avaient évité le plus gros des fumées toxiques répandues par la magie noire des sorciers, l’air était comme empli de poussière et de braises, et son odeur viciée irritait les poumons de la panthère à plaques, l’obligeant à faire des pauses régulières pour tenter de reprendre son souffle dans cet environnement hostile. Alors que la cabane de laquelle il s’était approché s’était effondrée un instant avant qu’il y pénètre, emportant dans un pluie de planches et de feu les pauvres habitants coincés à l’intérieur, le fils de Phoebe entendit des cris provenir d’une autre maison. Abel était épuisé, et il commençait à se demander s’il parviendrait à sortir vivant de la cité en flammes, mais son jugement était obscurci par sa fierté blessée. Il n’était plus vraiment sûr que sa survie ait un sens au milieu d’une scène qui n’en avait aucun.
Accourant près de l’autre maison, Abel en appela à la Lune.
« Pourquoi nous infliges-tu cela ? »
Les mots du bélua n’étaient qu’un sifflement félin inintelligible, mais il n’avait pas le temps de s’arrêter pour se tourner vers sa déesse. Il se contenta de prier pour qu’un maximum de gens puissent survivre à l’incendie, mais quand il voyait sa violence et la vitesse à laquelle il avait gagné l’ensemble de la capitale, il ne pouvait qu’imaginer les conséquences dramatiques que cela allait avoir.

Chargeant à travers la porte d’entrée dont il ne restait que quelques planches calcinées, Abel fit irruption à l’intérieur de la maison. La structure était attaquée par les flammes, et les rares murs encore debout semblaient grandement fragilisés, de larges pans n’étant plus soutenus que par un empilement de cendres et de braises. Au milieu de la pièce, le corps d’un enfant gisait, inerte. Le bélua n’avait plus le temps de vérifier s’il y avait d’autres personnes à l’intérieur. Il attrapa l’enfant dans sa gueule et l’emmena à l’extérieur. Derrière lui, un crépitement retentit et l’incendie sembla redoubler d’intensité. Abel posa le petit bélua au sol, avant de pousser légèrement son visage avec sa truffe. L’enfant ne respirait plus. Si Amarel avait été là, elle aurait probablement su quoi faire, mais le fils de Phoebe ne pouvait qu’espérer qu’elle soit le plus loin possible de cet enfer. Délaissant le corps de l’enfant, Abel se mit à tituber vers le milieu du chemin. Il n’entendit pas le sorcier arriver derrière lui et ne remarqua sa présence que lorsqu’un crépitement sombre attira son attention. Le bélua n’eut même pas le temps de se relever qu’un puissant trait de magie noire heurta ses plaques, le projetant violemment au sol en irradiant tout son dos d’une douleur atroce. Abel cherchait à comprendre ce qui venait de lui arriver, pensant qu’un avait reçu un débris enflammé d’un brasier des environs, lorsqu’il entendit un rugissement et le bruit d’un combat. Le fils de Phoebe se releva péniblement pour apercevoir à travers son regard brouillé la silhouette d’une lionne imposante. Elle dépassait même en taille la panthère, qui n’était pas habituée à croiser d’animal plus grand qu’elle. Même dans l’image floue que ses yeux lui envoyaient, il reconnut immédiatement Mélinda. Tentant d’ignorer la douleur, le bélua se releva péniblement et s’approcha, l’une de ses pattes arrière trainant sur le sol sans parvenir à bouger. Abel réprima un grognement quand il aperçut le sorcier. C’était donc lui qui l’avait attaqué, et qui était sans doute en partie responsable de la destruction de la ville. Les plaques d’Abel glissèrent les unes contre les autres en produisant un cliquetis caractéristique, une parade que les siens produisaient quand ils s’apprêtaient à attaquer. Le bélua asséna un violent coup de patte au sorcier qui tentait maladroitement de se relever après l’assaut de la Lionne, ce qui n’arrangea pas son état.
« Ma reine, Minagys est en ruines et les passages sont ravagés par le feu, il faut vous mettre en sécurité au plus vite. Dhitys est perdue. Pour l’amour de la Lune, il faut vous protéger, vous êtes tout ce qu’il reste à notre peuple… »
Abel avait du mal à réaliser que ces mots sortaient de sa gueule, mais il devait admettre que seul un miracle pourrait désormais empêcher les flammes de finir leur œuvre. Le bélua leva les yeux vers le ciel, implorant silencieusement la lune, mais dans les volutes de fumées et les étincelles qui s’élevaient vers le ciel, il ne distingua que des nuages sombres et menaçants. Un brise se leva sur la cité, attisant un instant les flammes, et portant jusqu’aux oreilles du bélua un son qu’il n’aurait jamais cru être aussi heureux d’entendre un jour : le lent et grave grondement du ciel. Abel tourna son regard vers la Lionne. Etait-ce seulement possible ?
« Si la Lune le désire, ils reste peut-être une chance… »
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Ven 14 Oct 2016, 15:19

La Lionne écouta à peine les conseils, pourtant avisés, de la Panthère qui l’implorait à la prudence. De ses grands yeux jaunes, elle contemplait la silhouette décharnée du Mage Noir, qui s’évertuait encore à se mettre debout dans l’expression d’un mépris affiché avec insolence. Lentement, elle se mit à tourner autour de lui, d’une démarche aussi majestueuse qu’oppressante. Ses grondements résonnaient comme une mélodie douce et basse, un véritable glas qui sonnait pour le Sorcier. Ils se firent face un instant, une seconde d’éternité suspendue dans le temps. Il eut l’audace de sourire. Il n’était pas sot et savait très bien ce qui l’attendait. Néanmoins, d’une certaine façon, il avait gagné et elle en était consciente. Le poil hérissé par ce rictus, elle s’agita sur ses pattes avant de lui sauter à la gorge et de le dévorer. Le bain de sang ne dura pas plus de deux ou trois secondes. Dans un souffle contrarié, Melinda fit volte-face d’un pas lent et traînant. Sa Cité brûlait et se consumait. Elle ne pouvait qu’imaginer les pertes que son peuple subissait et la peine qu’ils auraient à compter et enterrer leurs morts. Si le feu continuait à s’étendre, il ne resterait bientôt plus rien du territoire des Hommes-Animaux. La gueule dégoulinante de sang, elle leva la tête vers les cieux. Une goutte de pluie tomba délicatement sur son front. Puis l’averse débuta, des trombes d’eau qui frappaient le Rocher avec une violence inouïe, à faire déborder les fleuves de leur lit et inonder la région. Plongée dans un mutisme prolongé, la jeune femme s’allongea sur la terre calcinée de sa Capitale et attendit. Elle comprenait la réaction du Sorcier. Cette victoire n’en était pas vraiment une. Les Béluas avaient tout perdu. Ils n’allaient pas s’en remettre facilement. Ils n’avaient plus rien. Ils n’étaient plus rien. Malgré le réconfort de l’intempérie, ils avaient perdu. De temps à autre, quelqu’un venait lui annoncer la mort d’une figure importante du Palais. Melinda ne réagissait pas, se bornant à accuser le coup. « Majesté. » insistait un Hibou, les jambes tremblantes. Il avait besoin des ordres de la Reine. La Lionne ferma les yeux avant de murmurer d’une voix grondante et irréelle : « Commencez à organiser la recherche de ceux qui sont blessés et de ceux qui sont tombés dans la bataille. Les premiers soins doivent être prodigués ici-même, nous ne pouvons nous permettre de voyager pour l’heure. » Elle fit une pause. « Inspectez bien tous les bâtiments. Personne, vivant ou non, ne doit être laissé à l’arrière. » Elle se releva lourdement et posa son regard sur Abel. « Pars. Va trouver un lieu décent où enterrer les nôtres. » Le cimetière devait être à la hauteur de l’évènement. A défaut d’avoir un toit sur leur tête, ils auraient un lieu pour se recueillir, prier, et songer à leurs proches. Elle ne voulait pas s'en charger. Elle n'en avait plus la force.

Songeuse, la Lionne se mit à errer le long des anciennes allées, dont on devinait tout juste le tracé. Les autres Béluas s’activaient et livraient leurs dernières forces à la recherche des survivants et des dépouilles. Ses pattes frappaient la terre boueuse et remuaient l’eau, qui s’élevait à présent sur près d’un centimètre. Il avait fallu au moins cela pour stopper l’incendie. Quelqu’un courrait à travers les ruines, très certainement pour annoncer une énième mauvaise nouvelle à la Déesse Totem. Il fut arrêté dans sa course par un homme du Totem du Tigre, un ami de Melinda. « Elle a besoin de temps et de repos. Les rapports peuvent attendre. » L’âme toujours en peine, l’intéressée rejoignit le tas de bois brûlé et de débris qu’était autrefois le Palais. Tant de choses si importantes avaient été entreposées ici. Restait-il seulement quelque chose à sauver ? Elle ne le pensait pas. Cependant, elle s’enfonça dans les décombres et se faufila dans les tréfonds du château chancelant, à la recherche d’une porte ou d’une trappe. Peut-être que les sous-sols avaient été épargnés par le feu. Auquel cas, il fallait faire vite car si les flammes n’avaient pas eu raison d’eux, les flots ne tarderaient pas à régler leurs sorts. Encombrée par sa forme colossale, elle reprit une apparence humaine et se glissa dans une brèche. Nue, elle fouilla les archives et engouffra tout ce qu’elle trouvait dans un gros sac de toile. Il fallait qu’elle préserve tout ce qu’elle pouvait. Ce ne serait qu’une bien piètre consolation. C’était au moins ça. Quelques illustres parchemins, deux ou trois artefacts primordiaux, des reliques inestimables … Elle s’était fait la promesse de les mettre à l’honneur, pour le jour où ils auraient à nouveau un chez eux.
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Lun 24 Oct 2016, 21:42




La panthère de Bois-Lune, meurtrie et effondrée, ne ressentit aucun plaisir lorsque la Lionne acheva le sorcier. Il regarda fixement la vie quitter le regard de leur ennemi. En temps normal, il aurait été heureux d’assister à une telle scène, et cette vengeance aurait pu quelque peu apaiser sa peine, mais cette fois il n’en fut rien. Il n’y avait rien de plus qu’un vide profond, auréolé d’une lointaine mélancolie dans le cœur d’Abel. C’était comme s’il s’empêchait de ressentir quoi que ce soit, de peur que ses sentiments n’aient raison de l’équilibre qu’il cherchait à préserver dans son esprit. Trop de mal avait été fait, trop de souffrances avaient été infligées, et même la mort d’un millier de sorciers ne pourrait rendre aux béluas ce qu’ils avaient perdu en une journée. Plus rien ne pourrait rattraper un tel désastre. Plus rien ne serait plus comme avant.
Lorsque la Lune, prise de pitié, fit tomber la pluie sur les ruines désolées qui furent autrefois son foyer, Abel laissa l’eau ruisseler sur ses plaques sans bouger. Même son totem, qui d’ordinaire l’aurait poussé à chercher un abri au plus vite, ne semblait plus avoir à cœur de se dérober. Le bélua regarda les survivants les plus éminents de son peuple aller et venir, rapportant à la reine ce qui avait été perdu, et ce qui avait pu être sauvé. C’était un ballet incessant, dans lequel Abel n’était qu’un guère plus qu’un figurant, que personne ne semblait voir. Les gardiens de Phoebe passaient devant lui sans même un regard, se donnant tout juste la peine de l’éviter lorsqu’ils remontaient le chemin qui menait à la reine. Abel se sentit blessé, sans bien savoir pourquoi, sans bien savoir ce qu’il aurait pu faire pour éviter tout cela. Peut-être que s’il n’avait pas attiré l’armée bélua à travers la forêt, laissant Dhitys sans défense, son foyer serait-il encore debout ? Etait-ce sa faute ? Pourquoi la Lune lui avait-elle envoyé une si rude épreuve ? Levant ses yeux vers le ciel, il se rappela les rêves qu’il faisait où il arpentait ces terres aux côtés des dieux totems de son peuple, où il suivait les même sentiers, parcourait les mêmes forêts et combattait les même ennemis. Il se souvenait de sa fierté quand il avait cru être l’un d’eux, au service de la destinée de son peuple. Mais aujourd’hui la réalité avait un amer goût de cendres et de sang. Il aurait aimé ne jamais vivre pour voir les siens dans une telle détresse.
Un hibou le tira de ses pensées, et il entendit Melinda commencer à donner ses ordres. Elle ne tarda pas à se tourner vers lui, à sa grande surprise tant il pensait qu’elle avait déjà oublié sa présence, et lui confia la lourde tâche de trouver un endroit digne d’abriter les corps des défunts. Abel baissa la tête en signe de soumission.
« Comme il vous plaira, ma reine. »
Sa voix ne parvint pas à trouver la conviction qu’il aurait voulu qu’elle inspire. Mais comment se réjouir d’une tâche confiée lorsqu’elle revenait à enterrer des centaines d’innocents, fauchés sans raison par la folie d’un peuple. A force de parcourir les vastes forêts du Rocher au Clair de Lune, Abel connaissait bien des endroits, recoins isolés ou collines fleuries qui auraient pu convenir, mais aucun d’entre eux n’avait la force évocatrice nécessaire.

Le bélua se retira sans un mot, descendant à travers les ruines fumantes de Dhitys. Après les volutes de fumée irritante dans lesquels il avait baigné, l’air frais et humide lui paraissait presque agréable. Ça et là, des gens étaient revenus vers la cité, tentant de chercher ce qu’il restait de leurs habitations, appelant le nom de leurs proches dans des plaintes déchirantes. Lorsqu’il se retrouva sur le sentier où le sorcier l’avait attaqué, il vit le corps sans vie qu’il avait extrait de sa demeure en flammes. A ses côtés, une petite fille était assise en tailleur, trempée par la pluie. Abel s’approcha. Lorsqu’elle vit arriver la panthère à plaques, elle lui lança un sourire triste.
« Qui est-ce ? »
« C’était mon frère. »
« Où sont tes parents ? »
La petite fille leva l’une de ses mains et montra la Lune. A l’eau qui ruisselait sur le visage de la panthère se mêlèrent des larmes. La jeune bélua vint se réfugier sous le cou du félin pour se protéger de la pluie, et se colla à lui en tremblant.
« Comment tu t’appelles ? »
« Nei. »
Abel ferma les yeux. Phoebe venait de lui confier une nouvelle tâche.
« Tout va s’arranger Nei, je te le promets. »
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Quoi ? Des cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers ? [Test IV - PV Vanille]

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