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 La scierie infernale [Quête PV Cemilia]

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Ven 09 Jan 2015, 15:48




La journée avait été longue, mais elle était de celles que l’on était heureux d’avoir vécues. La marché avait permis aux peuples de se rapprocher, de se retrouver après une période dominée par des tensions inutiles. Le chaos avait manqué de plonger ces terres dans la guerre et la désolation, mais le pire semblait avoir été évité lorsque l’on voyait comment les artisans et les commerçants du monde entier s’étaient unis pour proposer le meilleur de leur art en ce jour précis. Abel n’était pas encore tout à fait sûr de pouvoir faire à nouveau confiance aux autres peuples, à ceux qui avaient attaqué Dhitys et sa population en se basant sur la théorie invraisemblable que les béluas pouvaient être responsable des maux qui les avaient tous atteints. Le fils de Phoebe était du genre méfiant, et même si les choses semblaient s’être calmées, il ne pouvait pas s’empêcher de penser que la haine qui avait manqué de tous les emporter devait être encore là, tapie dans l’ombre, prête à se faufiler à nouveau vers le cœur des hommes pour mettre leur monde à feu et à sang.
C’était déjà le soir, crépuscule d’une journée passée trop vite, et alors que les marchands s’en étaient retournés vers leurs contrées, Abel avait décidé de raccompagner Cemilia à l’orée des bois. Il n’avait jamais eu l’occasion de côtoyer un orisha, mais celle-ci avait rapidement su gagner son respect, ce qui n’était pas peu dire. Le bélua n’était pas facilement impressionnable, mais ce qu’elle avait fait pour Dhitys et pour les siens était à ses yeux une preuve de grandeur d’âme qui était tout à son honneur. Bien peu se seraient dressés pour défendre un peuple qui n’étaient pas le leur, et encore moins auraient sacrifié tant pour défendre les intérêts des gens de Phoebe. Quand on avait l’habitude d’être considéré comme un animal partout où l’on passait, rencontrer quelqu’un qui nous élevait au rang de ses semblables était une chose précieuse.

Le bélua marchait à quelques mètres devant l’orisha, ouvrant la voie vers le Nord et les cimes ultimes de l’Edelweiss qu’on voyait parfois percer au-dessus de la canopée quand la forêt devenait moins dense. Les pas d’Abel étaient lents, prenant le temps de chercher le passage le plus sûr au travers des buissons et des ronces. Lui avait l’habitude d’évoluer dans ces bois, aussi ne prêtait-il plus attention aux épines et aux branches qui lui barraient la route, se contentant de les contourner naturellement. Mais il savait que tout guerrière qu’elle était, Cemilia n’était peut-être pas aussi à l’aise avec la flore, d’autant plus que les bois qui bordaient le rocher au clair de lune avaient été, pour la plupart, préservés de l’action de l’homme depuis des temps immémoriaux. Il en résultait une végétation dense et parfois traitresse qui n’avait pas fini de laisser de méchantes cicatrices aux voyageurs les plus imprudents.
Abel marqua un temps d’arrêt, observant les alentours. La forêt était étrangement silencieuse. Il ne s’en était pas vraiment rendu compte jusqu’alors, mais à présent qu’il y pensait, le décor semblait un peu vide, comme s’il manquait quelque chose à l’harmonie naturelle de ces lieux. Ni oiseau, ni renard, ni cerf solitaire. Il était rare de se promener ici sans croiser le regard d’un animal sauvage, observant d’un air méfiant ceux qui traversaient son territoire. La mine du bélua se renfrogna et il passa machinalement la main dans ses cheveux, semblant réfléchir quelques instants.
« L’Edelweiss n’est plus très loin. Je dois juste vérifier quelque chose, ne t’inquiète pas. »
Le fils de la lune préférait prévenir l’orisha de ce qui allait se produire, car ceux qui n’y étaient pas initiés pouvaient vite prendre peur lorsqu’un bélua revêtait, même partiellement, son autre apparence. Abel abaissa les barrières mentales qu’il imposait à son totem, le laissant s’insinuer lentement dans son esprit tout en tâchant de garder le contrôle. Ses yeux bruns prirent une teinte orangée et ses pupilles s’allongèrent tandis que les instincts de la panthère à plaques envahissaient ses pensées. Quelque chose n’allait pas. Méfiance, fuite. Abel eut besoin de temps pour parvenir à contrôler les élans de son totem qui semblait vouloir le pousser à quitter cet endroit au plus vite.

Modelant ses cordes vocales, Abel fit quelques pas en avant et poussa un grognement sourd qui envahi l’air l’espace d’un instant pour venir se taire dans une plainte lancinante. Autour d’eux, pas d’autre bruit que celui du vent caressant les feuilles des arbres. Aucune réponse. Le bélua commençait à craindre le pire.
« Il se passe quelque chose d’étrange. Il n’y a plus aucun animal ici. Ce n’est pas normal. »
Les oreilles de l’enfant de Phoebe s’allongèrent et se recouvrirent d’un pelage noir. L’instant d’après, Abel porta ses mains à celles-ci en grimaçant de douleur. Un son strident et malsain provenait du Nord.
« Suis-moi ! »
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Sam 10 Jan 2015, 14:52

Cemilia marchait dans le sillage d’Abel, en silence. Elle observait le dos large de l’homme qui se mouvait avec puissance et souplesse, songeuse. La présence du Bélua à ses côtés agitait des pensées qui ne lui étaient encore jamais venues à l’esprit auparavant, et elle explorait ces nouveaux pans d’ouverture sur le monde avec une prudence étonnée.
L’idée que l’âme d’un Homme puisse être intimement liée à celle d’un animal avait quelque chose de quelque peu déroutant. La jeune femme ne s’était auparavant jamais vraiment posé la question, mais à présent que le silence s’était niché entre son compagnon de route et elle, ces questionnements avaient tout le loisir de foisonner dans sa tête. Quel effet cela faisait-il d’être le produit d’une alchimie entre humanité et animalité ? La bête en soi se manifestait-elle à chaque instant, ou apparaissait-elle par vagues ? Quelle part de l’être prédominait, entre l’humain et l’animal ?
Abel, qui marchait toujours d’un pas régulier à quelques mètres devant elle, avait manifestement établi une frontière entre ses deux moitiés, et le côté humain semblait largement prédominant. Néanmoins, Cemilia se souvenait de la couleur ambrée de ses yeux au moment de leur rencontre : ces yeux n’avaient rien d’humain, ils étaient le regard d’un animal. Et, alors qu’elle l’observait évoluer devant elle, la jeune femme décelait autant d’indices qui dénotaient un côté animal chez l’homme : la façon féline de se déplacer, le regard attentif qu’Abel portait sur son environnement.
Toutes ces menues découvertes ne faisaient qu’attiser la curiosité de Cemilia. Elle n’éprouvait pas la moindre crainte, ou le moindre dégoût, à l’idée que l’âme d’Abel abrite une part bestiale. Au contraire, cette différence que portaient tous les membres de sa race suscitait un intérêt tout particulier chez l’Orisha. Elle ne jugeait pas les produits de la nature ; elle se contentait d’observer, d’admirer, d’apprendre.
Le respect qu’elle éprouvait pour la faune et la flore était immense, et ne cessait de croître au fil du temps qu’elle passait entre ses bras. La perspective de faire un peu partie de tout cet environnement, en partageant les instincts d’un animal, lui paraissait tout à fait enviable. Elle-même, malgré le faible taux de magie qu’elle semblait avoir, possédait la capacité de se métamorphoser en loup ; souvent, la manœuvre échouait, et elle était incapable de maintenir cette apparence plus de cinq minutes, mais les expériences qu’elle vivait dans la peau de cet animal noble la laissaient toujours dans un état d’émerveillement total. Évidemment, elle se doutait que les sensations qu’éprouvaient les Béluas sous forme animale devaient être autrement plus puissantes, mais son faible pouvoir lui permettait de s’imaginer, à moindre échelle, ce que cela pouvait faire de voir, de sentir, de vivre, tel que ces êtres de sang-mêlé.
Les deux compagnons atteignirent les frondaisons de la forêt dense qui bordait le Rocher au Clair de Lune. En levant les yeux vers la haute cime des arbres, Cemilia sentit les souvenirs affluer à la surface de son esprit. Elle battit vigoureusement des paupières, refoulant les images des arbres déracinés, des êtres monstrueux. Inspirant profondément, elle tâcha de ne rien laisser paraître de l’émotion qui montait en elle, et elle s’engagea sous le couvert des arbres à la suite d’Abel.
Ce ne fut qu’à ce moment que Cemilia put découvrir l’étendue des richesses qu’abritait l’homme.
La jeune femme vivait depuis longtemps dans la nature sauvage, et avait l’habitude de se déplacer dans les sous-bois ; de plus, elle était dotée d’une agilité naturelle qui lui avait toujours facilité la vie lorsqu’il s’agissait de se frayer un chemin à travers un taillis particulièrement dense. Ici aussi, elle n’avait aucun mal à avancer dans le bois.
Mais Abel était bien au-dessus de cela.
L’homme évoluait dans la forêt comme un oiseau fendait les airs. Il se coulait dans la nature avec une telle facilité qu’il semblait presque que c’était la forêt qui s’écartait sur son passage. À ses côtés, Cemilia devait paraître pataude et d’une gaucherie insultante.
L’Orisha sourit. Les dons que la vie faisait à chacun étaient extraordinaires.
Mais soudain, Abel stoppa net, entraînant l’arrêt de Cemilia un instant plus tard. L’homme semblait aux aguets, à l’écoute de quelque chose. L’imitant, la jeune femme tendit l’oreille et tenta de percevoir ce qui perturbait son compagnon.
Mais elle eut beau écouter de toutes ses forces, elle n’entendit rien.
Rien.
Le silence.
Où était passé le fourmillement vivant qui animait habituellement la forêt ?
Abel ne tarda pas à confirmer les doutes de Cemilia, qui se mit à éprouver un vague sentiment d’angoisse. Dans l’ignorance de ce qui avait pu être à l’origine d’un tel phénomène, elle ne savait comment réagir.
Alors qu’elle s’apprêtait à faire une remarque, elle vit soudain qu’Abel n’était plus tout à fait le même : sous ses yeux ébahis, les oreilles de l’homme se changèrent tout à coup en orifices couverts d’un pelage dru qui rappelaient fort ceux d’un félin.
Ne laissant pas Cemilia se remettre de sa surprise, Abel lança soudain un appel d’alerte, visiblement ne proie à une douleur aiguë.
-Ça va ? s’inquiéta la jeune femme.
Abel s’élança vers le Nord, et elle lui emboîta le pas. Filant entre les arbres, elle tâcha de suivre le rythme imposé par le Bélua, qui semblait tiraillé par un sentiment d’urgence. En regardant autour d’elle, Cemilia remarqua avec une inquiétude montante que la parcelle de forêt qu’ils franchissaient était bien loin de ressembler à ce qu’elle aurait dû : des arbres étaient totalement nus de leurs feuilles, alors que l’on était en automne ; d’autres étaient couchés à terre, parfois même coupés en rondelles dans un parterre de copeau de bois et de sciure pâle. Et, plus ils avançaient, plus le phénomène semblait s’accentuer.
-Ôte-moi d’un doute, lança-t-elle à l’intention d’Abel. Y a-t-il des bûcherons dans ces bois ?
L’appréhension de Cemilia monta d’un cran. Même si couper du bois était réellement d’usage en ces lieux, elle n’était pas sûre qu’il soit autorisé d’abattre tous les arbres, aussi loin que le regard pouvait se porter.

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Dim 11 Jan 2015, 05:14




Relever les barrières, garder le contrôle. Abel avait du mal à suivre le fil de ses pensées. Des sentiments parasites venaient perturber son esprit, tels des élans instinctifs de plus en plus difficiles à réprimer. Des signaux contradictoires semblaient l’assaillir de toutes parts. Fuir, survivre. L’instinct de préservation avait été le premier à se manifester, le plus fort, comme souvent. En toute situation, son totem cherchait à protéger sa vie, et lorsqu’il était face à un potentiel danger, son premier objectif était toujours de se mettre à l’abri. Mais tant qu’il était maître de ses actes, le bélua ne voulait pas céder à la panique. Ce que les hommes appelaient courage s’apparentait chez lui à une véritable lutte intérieure pour parvenir à faire entendre raison à l’animal, et ce n’était pas chose aisée. Abel ne savait même pas ce qui les attendait. Il n’avait entendu qu’un bruit étrange, et ressentait quelque chose d’anormal sans toutefois parvenir à l’expliquer. Mais son totem semblait avoir décelé quelque chose de plus, quelque chose de dangereux, comme si un sixième sens lui hurlait que ce à quoi ils avaient affaire était en réalité plus grave que ce qu’ils voyaient pour l’instant. Abel avait du mal à tenir l’animal en respect. Les élans de la panthère à plaques qui s’était dressée en lui l’empêchaient de reconquérir les parties de son esprit qu’il lui avait cédée. Avec le temps et l’habitude, il pouvait parfois bloquer l’animal, mais le repousser était une toute autre chose. Ses yeux et ses oreilles arboraient les traits de la bête, et son visage s’était partiellement couvert d’un pelage noir qui semblait gagner du terrain à mesure que la lutte penchait du côté de ses instincts primaires. A mesure qu’ils approchaient de la source de ces bruits, Abel les entendait de plus en plus fort et la sensation de malaise qu’ils lui inspiraient s’intensifiait d’autant plus que les remarques de l’orisha semblaient fondées. Sur leur route, la forêt semblait se clairsemer, selon un schéma qui était beaucoup trop régulier pour être l’œuvre de la nature. Quelqu’un avait abattu ces arbres.

Le bélua avait du mal à distinguer ce qui se dressait devant lui. Ses pupilles allongées lui envoyaient des informations qu’il n’avait pas l’habitude de percevoir, et il lui fallait toujours un petit peu de temps pour accepter les changements que cela induisait sur son champ de vision. Les couleurs étaient devenues ternes, pauvres, et les arbres immobiles tendaient à s’occulter de sa vue comme s’ils n’avaient pas été là. Les mouvements, en revanche, qu’ils résultent de l’action du vent ou d’un être vivant, semblaient surgir devant lui comme s’ils s’étaient trouvés juste sous son nez, bien que certains aient lieu à une distance où un humain ne les aurait même pas remarqués. Droit devant, il y avait quelqu’un. Une simple silhouette recroquevillée près d’un arbre, qui venait de lever la tête en entendant arriver Cemilia et Abel. Quelque chose d’autre venait d’émerger de son esprit animal. Un sentiment capable d’éclipser son instinct de préservation. Le bélua marqua un temps d’arrêt, se cachant derrière un arbre pour ne pas que la créature ne puisse les voir. Son totem commençait à régir son caractère, et s’attardait sur des détails qui n’auraient même pas traversé l’esprit de l’enfant de Phoebe en temps normal. Avant de se rabattre derrière l’arbre, Abel avait aperçu des fourrés entre eux et la créature, qui pourraient couvrir son approche. Ils étaient contre le vent, qui dissimulerait leur odeur. Celle qui atteignait son nez, ou plutôt le museau allongé qui était venu le remplacer lorsque la transformation avait atteint cette partie de son visage, lui offrait des informations précieuses. Tâchant de modeler ses cordes vocales pour donner une tonalité aussi humaine que possible à sa voix, bien qu’à ce stade il savait qu’elle ressemblerait plus à des grognements, le bélua se tourna vers Cemilia.
« Le peuple de Phoebe prend à la forêt ce dont il a besoin. Nous abattons à l’occasion un arbre ou deux, mais jamais les miens n’en détruiraient autant en si peu de temps. Il y a une odeur de soufre, de brûlé. Ils ne se contentent pas de couper les arbres, ils les consument… Je sens… les relents nauséabonds de bêtes infernales. Des démons… »

Chasser, tuer. Ses réticences s’étaient tues pour laisser place à l’instinct de prédation. Abel ne savait pas s’il aurait pu à cet instant résister à son totem et l’empêcher de se rendre maître de son corps, mais à vrai dire il n’essaya même pas, il n’en avait pas envie. Abandonnant ses défenses mentales, le bélua laissa la sauvagerie couler en lui et se répandre dans son corps à mesure qu’il changeait. Ses bras et ses jambes se transformèrent, son corps s’affaissa, et ses pattes avant vinrent marteler le sol lorsqu’il tomba en avant. L’enfant de Phoebe n’eut besoin que des quelques secondes avant de prendre pleinement sa forme de panthère à plaques. L’animal lança un regard vers l’orisha et ses griffes arrachèrent le sol sous ses pieds, propulsant son corps vers l’avant dans un bond ample et puissant. Une foulée, puis deux, puis trois… le bélua atteint rapidement les fourrés qu’il avait aperçus. Le démon qui s’affairait près de l’arbre se redressa, cherchant des yeux d’où venait le bruit qu’il avait entendu. Une ombre glissa furtivement vers lui, un feulement retentit et son regard croisa celui de la panthère au moment où, bien trop tard, il comprit qu’il était attaqué. Démuni, il ne put rien faire contre la masse projetée vers lui. Une plaque grise, dure comme de la pierre, vint fracasser ses côtes en l’envoyant au sol, et le démon n’eut même pas le temps de pousser un cri qu’une mâchoire acérée se refermait sur sa gorge, achevant sa vie après les quelques soubresauts d'une lutte inutile.
Du sang maculait son pelage noir, autour de sa gueule, au moment où le bélua leva la tête pour chercher l’orisha du regard. Au loin, un campement avait été installé au centre duquel trônait une machine étrange faite d’un enchevêtrement de métal, de chair et de sang qui dégageait une énergie impie.
« Qu… quelle est cette horreur ? »


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Mer 14 Jan 2015, 22:15

Contrairement à ce qu’avait tout d’abord cru Cemilia, il ne suffit pas de longtemps aux deux compagnons pour croiser une âme vivante en ces lieux de désolation. Abel, toujours en tête, stoppa soudainement sa course, et se dissimula derrière l’un des quelques arbres qui tenaient encore debout. Cemilia ne mit qu’une fraction de seconde de plus que le Bélua pour identifier la silhouette humanoïde qui s’agitait à une vingtaine de mètres d’eux. Elle sciait le tronc d’un arbre avec détermination, semblant indifférente au torrent de sève qui saignait le long de l’écorce.
Tordue, difforme malgré ses atouts humains, la créature exsudait une aura de malheur et de chaos que la jeune femme n’avait jamais ressentie chez quiconque d’autre. Quel être, en ce monde, pouvait-il se montrer si imprégné par le mal, au point qu’elle-même sentait un grand malaise l’envahir en simple présence de l’inconnu ?
La réponse surgit dans son esprit, claire et terrifiante.
Un Démon.
Cemilia n’avait jamais eu à faire avec les maîtres des Enfers, et s’en était jusque-là très bien portée. L’apparition soudaine et imprévue d’un Démon dans les bois du Rocher au Clair de Lune avait de quoi perturber grandement l’Orisha.
Néanmoins, elle se ressaisit bien vite. Elle fit aussitôt le lien entre l’état déplorable de cette parcelle de forêt et le Démon qui appliquait toujours un mouvement de va-et-vient implacable à sa scie, poussant l’arbre de plus en plus près de son point de rupture. Quel était son but ? Que faisait-il de tous ces arbres coupés ? Et il n’était assurément pas seul, au vu des quantités impressionnantes de bois coupé.
La rage s’éveilla avec brutalité dans l’être de Cemilia. La nature était le cocon, le giron de la vie. La nature était grande et belle. La nature ne devait pas être assassinée ainsi. Une violente envie de dégainer ses armes et d’abattre l’ignoble créature sur-le-champ traversa la jeune femme comme une flèche brûlante, et elle ne retint l’envie qui lui démangeait les doigts qu’à grand-peine.
Mais soudain, elle fut alertée par un signal tout à fait autre que le Démon et ses activités alarmantes. Sur sa gauche, Abel semblait en proie aux agitations de son esprit animal. Son corps subissait des transformations impressionnantes. Cemilia ne put s’empêcher de reculer d’un pas face à la métamorphose d’Abel.
L’homme se changeait peu à peu en une créature imposante, couverte de l’épaisse fourrure noire que l’Orisha avait déjà eu l’occasion d’apercevoir sur ses oreilles plus tôt ; sans parler de sa silhouette, qui passait de verticale à horizontale, d’humaine à animale. Et la bête en laquelle se changeait le Bélua était visiblement imposante.
Et, avant que Cemilia ait eu le temps d’assimiler cette transformation impressionnante, Abel se précipita hors de leur cachette, et se jeta sur le Démon, sans la moindre hésitation dans ses mouvements puissants de félin. La silhouette du Démon se raidit un instant sous les crocs étincelants de la bête, avant de s’affaisser comme une poupée désarticulée.
La mort du Démon fut comme une décharge électrique pour Cemilia. Elle se redressa, surgit à son tour de derrière l’arbre, déjà en train de courir. Sans s’arrêter, elle dégaina ses épées jumelles, qui firent chanter leur acier d’une note joyeuse. Déjà, ses lames avaient hâte de s’abreuver de sang, de se parer de son éclat écarlate et froid.
Sans un regard pour le corps effondré de la victime d’Abel, Cemilia se mit à courir derrière le félin. À présent qu’il avait fini sa transformation, la jeune femme distinguait à présent de quel animal il s’agissait. Une panthère à plaques, ou le félin le plus gros et le plus puissant des Terres. Les lèvres de l’Orisha s’étirèrent sous un mince sourire. Il lui semblait qu’elle avait bien choisi son compagnon de route.
Soudain, de nulle part, surgit une immense bâtisse. Hérissé de métal et émanant d’une horrible fragrance de chair carbonisée et de sang mêlés, le bâtiment paraissait totalement déplacé dans cette forêt. Mais peu importait de son environnement, car l’ensemble de la bâtisse apparut à Cemilia comme une bête géante, prête à engloutir tout sur son passage de ses dents de fer et de flammes. Un bruit insupportable s’en échappait, une note aiguë et agressive, si douloureuse à l’ouïe que l’Orisha se demanda un instant comment elle avait fait pour ne pas la remarquer avant même d’arriver sur place.
Mais il n’était plus temps de se poser des questions. Abel et elle venaient visiblement de mettre le pied en territoire ennemi. Des Démons, alertés par le fracas de leur irruption aux abords de la bâtisse, sortaient du ventre de cette dernière et accouraient dans leur direction, belliqueux.
Tous ses sens exacerbés, Cemilia allongea sa foulée, leva une épée au-dessus de sa tête. Un Démon fonçait dans sa direction. Au moment de la croiser, sa tête se décrocha de son corps, et il s’effondra à l’endroit où Cemilia s’était tenue un instant plus tôt.
La jeune femme retrouvait l’état de tuerie impitoyable dans lequel elle plongeait par moments, notamment lors de la bataille de Dhitys. Elle virevoltait entre ses adversaires, ses épées devenues extensions de ses bras, si prompte à tuer que ses mouvements en devenaient flous. Elle se taillait son chemin entre les Démons, parsemant sa route de corps ensanglantés. Il n’existait plus rien autour d’elle, ni la forêt exsangue, ni Abel la panthère à plaques, seule la mort et ceux qui y étaient destinés.
Le portail du bâtiment se dessina devant elle. Il ne lui restait plus que quelques mètres à franchir avant d’atteindre le giron de tous les malheurs de la nature. Son être entier se tourna vers cet objectif, et son corps devint la pointe de la flèche, prête à atteindre la cible en plein cœur.
À cet instant surgit un Démon de nulle part, portant une lourde hache à bout de bras. Sa peau était recouverte de ce qui ressemblait à des écailles, et l’ensemble de son épiderme était d’un rouge écorché, un rouge aux couleurs de l’Enfer. L’être poussa un cri terrifiant, prêt à fendre la misérable étrangère qui s’agitait devant lui.
Mais le sang de Cemilia rugit à ses oreilles, l’adrénaline bouillonna dans ses veines, la poussant à réagir. Elle effectua un bond sur le côté, se redressa d’une roulade maîtrisée. La hache du Démon se ficha dans l’humus. Il tourna son regard incandescent vers l’Orisha, et ne rencontra qu’une froide indifférence.
Mis hors de lui par cet échec, le Démon dégagea sa hache et se lança une nouvelle fois sur Cemilia. Cette dernière se glissa sous l’attaque, insaisissable comme un serpent ; dans le même mouvement, elle lâcha ses épées, enfila ses gants-griffes armes du temple ; et elle perça le flanc épais de son adversaire.
Le Démon poussa un cri de rage et de douleur mêlées. Mais Cemilia n’en avait pas fini. Déchaussant ses mains de ses gants-griffes, elle se baissa, retrouva ses épées, effectua une improbable rotation du bassin et plongea ses lames dans le cœur du Démon.
Ce dernier vacilla un instant, comme pris au dépourvu par la rapidité avec laquelle la mort avait fondu sur lui. Son regard injecté s’abaissa vers Cemilia, et sa bouche s’ouvrit dans un rictus tordu. Puis il s’affaissa, vaincu.
Cemilia se releva, épées à la main. Elle essuya lentement le sang qui avait coulé en abondance sur son visage et ses vêtements, avant de se tourner vers les portes du bâtiment.
Ces dernières étaient forgées dans de l’acier. Rien que pourraient entamer ses épées.
Il lui faudrait une force bien supérieure à la sienne pour pénétrer dans la fourmilière des Démons.
-Abel ! appela-t-elle à travers le chaos de la bataille.

1 272 mots.

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Mar 27 Jan 2015, 01:32




La panthère à plaques était dans un état particulier, où ses instincts trouvaient les comportements à adopter avant même que son esprit n’ait à se demander quoi faire. Abel était incapable de dire pourquoi, mais cette sensation était des plus agréables. Il n’avait qu’à se laisser porter par l’animal, se contentant de lui laisser le contrôle, le laissant maître de ses faits et gestes. Tout n’était qu’actions et réactions, le monde paraissait tellement plus simple. Pas de morale, pas de regret, pas de réflexion complexe sur le sens de tout ce qui se produisait devant ses yeux félins. Seulement un bond, puis un autre, et une légère opposition qui se répercutait dans ses pattes lorsque ses griffes taillaient la chair. Ces démons étaient faibles. Leur peau rouge était à nue, sans protection, et leur chair n’imposait que peu de résistance face à la sauvagerie du bélua. Du coin de l’œil, il vit que l’orisha se débrouillait très bien de son côté, éliminant un après l’autre tous les ennemis qui se dressaient sur sa route. Une fois la surprise passée, les démons tentaient de défendre leur campement, mais ils étaient de moins en moins rassurés à l’idée d’affronter une guerrière farouche et une bête sauvage. Abel pouvait sentir la peur qui émanait de ses adversaires. Il voyait dans leurs yeux la panique qui s’installait peu à peu. En quelques dizaines de secondes, leur nombre avait été divisé par deux, et malgré les efforts qu’ils faisaient pour abattre les deux intrus, aucun d’eux ne semblait réellement assez fort pour se dresser face à eux.
Délaissant la proie précédente, Abel s’immobilisa une seconde, observant le champ de bataille. Un démon isolé attira son attention, et le corps du félin s’affaissa, avant de se projeter vers l’avant en poussant un feulement menaçant. Voyant l’animal fondre sur lui, la créature des enfers tenta de s’enfuir, mais elle fut bien sotte de croire qu’elle pourrait distancer une panthère à plaques. Le corps d’Abel avait beau être massif et encore alourdi par son armure naturelle, ses pattes avaient la puissance nécessaire pour lui faire atteindre une allure impressionnante. Lancé à une telle vitesse, la violence de l’impact ne laissait souvent derrière lui qu’un adversaire sonné et désemparé, s’il n’était pas assommé sur le coup. Celui-ci n’y coupa pas, et Abel n’eut aucun mal à l’achever au sol, déchirant aisément les quelques lanières de cuir qui lui servaient d’armure.

Laissant son totem donner libre cours à sa sauvagerie, Abel le regarda malmener la dépouille de son adversaire, la prenant dans sa gueule pour l’envoyer un peu plus loin, au près d’un groupe de démons encore debout. Alors que Cemilia semblait reporter son attention sur cette machine étrange à laquelle le bélua préférait ne pas penser pour l’instant, Abel se jeta au cœur du groupe de démons, posant ses deux pattes sur les épaules de l’un d’entre eux pour l’attirer au sol, le dominant de tout son poids. Alors qu’il sentait les os de la créature se briser sous ses pattes, l’enfant de Phoebe vit que tous les autres démons avaient pris la fuite vers l’Edelweiss, à l’exception de l’un d’entre eux, qui semblait hésiter à intervenir pour aider la créature que tenait Abel, mais lorsque son regard croisa celui de la panthère, ce qui lui restait de courage sembla s’échapper lui aussi. Se penchant pour exercer une pression plus forte sur les épaules du démon au sol, il s’adressa à celui qui venait de tourner les talons pour s’enfuir.
« Oui, cours. Cours pour sauver ta misérable vie. Va dire à ton maître que tu as échoué, cette forêt appartient aux béluas et nous ne laisserons personne lui faire du mal ! »
La panthère entendit le son de la voix de Cemilia. Il crut d’abord qu’elle avait besoin d’aide, mais à la vue des cadavres qu’elle avait laissé dans son sillage, il semblait qu’elle n’ait eu aucune difficulté à se défaire de de ses adversaires. Abel délaissa le démon qui agonisait à ses pieds, les bras et les côtes brisés par son poids, et se dirigea vers l’orisha.

La panthère s’approcha lentement. Abel était méfiant. Cette chose qui se dressait devant eux lui inspirait le dégoût. Ses parois semblaient faites de chair et de sang, mais elle incorporait des parties de métal comme l’épaisse porte qui protégeait ce qui ressemblait à un accès à l’intérieur d’où provenaient les bruits stridents qui les avaient alertés. Le bélua ne voulait même pas savoir quelle magie noire avait dressé une telle immondice au milieu du territoire du peuple animal, mais cette monstruosité organique devait mourir. Arrivé près des parois, Abel grogna et lacéra violemment la membrane avant de se reculer vivement. Le grondement qui provenait de la gueule de l’animal s’amplifia au moment où il vit la chair saigner là où il l’avait déchirée. Une vague de désespoir frappa l’animal lorsqu’il vit que la membrane se régénérait peu à peu.
« Est-ce que c’est… vivant ? Il faut… tuer cette chose immonde… Elle souille notre terre… »
Abel fit signe à Cemilia de se reculer, prit quelques mètres pour s’élancer et vint projeter son corps contre le métal qui protégeait l’accès, le pliant légèrement. La chair sembla se contracter autour de la porte pour la renforcer, mais cela ne découragea pas l’animal qui s’élança une nouvelle fois. Il lui fallut deux charges de plus pour enfin envoyer la porte à l’intérieur, déchirant la paroi tout autour d’elle qui se mit à saigner abondamment. Tentant d’ignorer le sang de l’édifice qui maculait son pelage, Abel pénétra à l’intérieur et fut accueilli par une odeur putride qui manqua de le faire tourner de l’œil. Le noir spectacle qui se déroulait sous ses yeux souilla à jamais son esprit. Des lames de scies semblaient actionnées par ce qui ressemblait à des muscles, découpant les troncs qui manquaient à la forêt, alors que plus loin des buches semblaient consumées par un rituel étrange transférant leur énergie à des pierres qui brillaient d’une lueur malsaine. Ayant du mal à croire la noirceur de ce qu’il voyait, Abel mit plusieurs secondes avant de remarquer que des battements successifs provenaient d’une salle située au centre de l’édifice. C’était comme le son d’un tambour, sourd et grave, qui semblait se répercuter partout autour d’eux à intervalle régulier. Les muscles actionnaient les scies au rythme de ces battements, de même que le sang coulait dans les artères des parois de chair.
Abel se tourna vers Cemilia, osant à peine imaginer de quoi il pouvait s’agir, espérant se tromper, mais au fond de lui, le bélua savait pertinemment que ces battements provenant du centre du bâtiment n’étaient autres que ceux de son cœur.
« Tuons cette abomination et sortons vite d'ici. »


Beurk:
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Mer 04 Fév 2015, 21:48

L’appel de Cemilia fendit l’air souillé des bruits de chaos que provoquait la bataille, et aussitôt, Abel surgit de la pagaille et rejoignit la jeune femme en quelques bonds. Cette dernière désigna la porte blindée de la scierie à son compagnon, mais celui-ci avait déjà compris. Prenant son élan, il fonça sur la porte, qui ployait sous la puissance de l’impact. La masse de la panthère à plaques était impressionnante, sans parler de sa robustesse évidente ; aucune frondaison ne pouvait lui résister.
Cemilia, fascinée par la force surhumaine d’Abel, mit un temps avant de réaliser qu’elle inspirait, depuis son arrivée à proximité du bâtiment, une terrible odeur nauséabonde. Détachant son regard d’Abel à l’œuvre, l’Orisha leva les yeux vers les murs de la scierie, et poussa une exclamation dégoûtée.
La bâtisse entière semblait couverte de lambeaux de chair putréfiée, dont certains pendaient dans le vide comme de longues lianes menaçantes. Une substance sombre s’en écoulait par endroits, s’échouant sur le sol dans un égouttement régulier.
L’horreur prit Cemilia d’un coup, lorsqu’elle fit le lien entre l’odeur âcre et l’apparence infernale de la scierie.
On aurait dit un corps entier en décomposition.
À cet instant, il y eut un grand bruit de métal tordu, et la porte d’entrée se défonça sous les coups portés à répétition par Abel. Celui-ci s’engouffra immédiatement dans l’antre des Démons, faisant mine d’ignorer la cascade de la même substance sombre coulant des murs qui s’abattit sur l’ouverture forcée de la porte. Cemilia, l’estomac retourné par cette vision d’horreur, serra les dents avant de s’engager à son tour dans la scierie.
Aussitôt, la jeune femme fut prise d’un haut-le-cœur. L’intérieur de la bâtisse était plongée dans une obscurité poisseuse, où la chaleur était à la limite du supportable. D’innombrables machines s’alignaient de part et d’autres de la vaste salle, et s’actionnaient seules dans un fracas étourdissant. La même odeur nauséabonde, poisseuse, exsudait du lieu entier, et les scies géantes qui coupaient inlassablement du bois étaient couvertes de ce qui ressemblait de très près à de la chair, à l’image de ce qui couvrait l’extérieur du bâtiment. Le nœud qui s’était formé dans l’estomac de Cemilia sembla se resserrer encore.
Ce fut à cet instant que l’Orisha repéra, au loin dans l’obscurité, la présence d’une immense masse informe, à moitié dissimulée par le foisonnement de lames qui s’agitaient devant elle. La masse se soulevait et s’abaissait à un rythme régulier, gonflant et dégonflant par pulsions.
-Un cœur… murmura Cemilia dans un souffle.
Et soudain, les pièces du puzzle qui se refusaient à s’assembler depuis le début se mirent en place dans son esprit.
Le bâtiment créé par les Démons était une scierie, mais pas seulement. C’était une scierie vivante. Dotée de chair, de muscles, de sang – la substance sombre qui suintait des murs extérieurs était donc cela – et même d’un cœur gigantesque, qui décomptait ses battements comme les coups d’un gong dont chacun semblait annoncer la fin toujours plus proche de la forêt agonisante.
Cemilai sentit un brouillard épais se former dans son esprit. L’abomination de ce qu’elle avait sous les yeux la pétrifiait d’horreur et de rage mêlées, alors qu’une claustrophobie sporadique refaisait soudain surface dans ce lieu clos, sombre et empli d’une moiteur à la limite du supportable. Un instant, la jeune femme se fit submerger par la panique. Mais un grognement d’Abel, posté à sa gauche dans une attitude de tension absolue dénotant de son malaise tout aussi grand face à la chose qu’ils avaient sous les yeux, la ramena à la réalité et elle lutta contre sa peur.
-Tu as raison, approuva-t-elle à la décision du Bélua. La forêt doit être débarrassée de cette… chose au plus vite.
La jeune femme dégaina une nouvelle fois ses épées jumelles, et le chant familier de leur acier lui donna un regain de courage. D’un bond précis, elle se lança sur l’une des scies articulées, et enfonça ses armes dans ce qui semblait être un muscle de la scierie. Ce dernier se rétracta, paraissant sentir la douleur, et du sang se mit à couler de la plaie ouverte par Cemilia. Mais aussitôt après, quelques secondes seulement après l’attaque de l’Orisha, les bords de la blessure se mirent à se boursoufler, avant de se rejoindre. La plaie disparut, et ce fut comme si elle n’avait jamais existé.
Cemilia eut un mouvement de recul. L’être infernal semblait inattaquable.
Prise d’un soudain mouvement de désespoir, la jeune femme se lança une nouvelle fois sur le muscle de la scie, et se mit à la taillader avec toute sa force. Elle fit pleuvoir les coups, faisant gicler le sang épais de la bête. Mais à chaque fois qu’elle créait une nouvelle plaie, une autre se refermait, inlassablement, implacablement. La scierie semblait immortelle.
Cemilia, après plusieurs minutes de guerre inutile, finit par baisser les armes, en sueur et le visage déformé par un masque d’impuissance.
-C’est peine perdue, précisa-t-elle vainement à l’intention d’Abel.
Elle resta quelques instants immobile, désœuvrée face à cette création démoniaque qui se montrait au-dessus de ses forces. Mais soudain, une lueur s’alluma dans son regard, et elle tourna vivement la tête vers le fond de la machinerie. Le cœur, plus immense encore vu de près, y battait le rythme de son élégie de la forêt, imperturbable face à l’impuissance des intrus dans son antre.
Mais ce cœur était-il aussi imprenable que son allure sinistre laissait le supposer ?
Cemilia se redressa, et lança à l’intention d’Abel :
-Visons le cœur ! C’est lui qui fait marcher la scierie, c’est donc lui qui doit tout arrêter s’il ne bat plus !
L’Orisha raffermit sa prise sur ses armes. Enveloppé dans son manteau d’obscurité, le cœur de la scierie égrenait les coups de gong en attendant son heure.

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Ven 13 Fév 2015, 22:29




La panthère à plaques tâchait de prendre de grandes respirations, tentant d’ignorer l’air vicié qui pénétrait ses poumons à chaque inspiration. Abel avait beau essayer de ne pas y penser, il parvenait très difficilement à s’habituer à la puanteur ambiante, qui avait quelque chose de malsain, comme tout ce bâtiment d’ailleurs. La pénombre qui régnait et le bruit strident des scies qui découpaient le bois au rythme des battements du cœur donnaient envie à Abel de partir d’ici au plus vite pour ne jamais y revenir. Du coin de l’œil, il aperçut l’orisha qui semblait aussi troublée que lui, mais malgré cela, ce n’était que sa présence qui le forçait à tenir bon. Il n’avait pas envie de prendre la fuite devant celle qui avait su rester et se battre pour le peuple animal. Cette fois-ci encore, tandis qu’elle était simplement venue jusqu’ici pour rentrer chez elle, elle se dressait une nouvelle fois face aux démons à ses côtés alors qu’elle aurait pu se contenter de partir et laisser cette affaire aux béluas. Son engagement l’inspirait, et même si Abel estimait ne rien avoir à prouver, il voulait lui montrer que les béluas étaient capables du même courage et du même engagement dont elle avait su faire preuve. Il voulait montrer à la guerrière que son peuple était digne du sacrifice qu’elle avait consenti à faire en les protégeant.
Réfléchissant une seconde, Abel parvint à la même conclusion que l’orisha. Cet antre démoniaque avait de la chair, du sang, un cœur… Il y avait fort à parier qu’en détruisant ce dernier, l’ensemble du bâtiment finirait par dépérir. Cette conclusion accentua le sentiment de dégout qu’éprouvait le bélua, mais au moins elle lui avait ouvert les yeux sur leur objectif et sur la possibilité de venir à bout de cette chose. Tout n’était pas perdu, et si ce cœur ressemblait à ce qu’Abel pouvait imaginer, quelques coups de griffes auraient tôt fait de sectionner ses artères et de le rendre inopérant. Restait à savoir si le bâtiment, dont les mécanismes de défense s’étaient jusque-là révélés assez sophistiqués, allait facilement les laisser parvenir à son seul point faible…
« Tu as sans doute raison. Dépêchons nous, je n’ai pas envie de traîner ici plus longtemps qu’il ne faudra. »

Le regard soudain plus résolu, Abel s’avança rapidement vers l’endroit d’où provenaient les battements, désireux d’en finir vite avec cette engeance démoniaque. Alors qu’il approchait, il vit une lanière étrange se détacher de l’un des murs, et le corps de l’animal s’affaissa en observant ce qui ressemblait à une fibre musculaire se mouvoir lentement, se redressant comme si elle était contrôlée par une forme de magie noire.
« Qu’est-ce que c’est encore que cette chose… »
Abel restait prudent, sur ses gardes, et fit un pas en avant. Plusieurs lanières apparurent alors soudain au tour de lui, et la première se contracté violemment pour venir fouetter le corps du bélua qui baissa instinctivement la tête, s’apprêtant à encaisser le coup qui était bien trop rapide pour qu’il n’ait le temps de l’esquiver. Bien que de taille réduite, la fibre était entièrement composée de muscles puissants, et la violence du coup fit chanceler l’animal. S’élançant pour tenter de rallier le cœur au plus vite, Abel fut stoppé par plusieurs fibres qui vinrent s’enrouler autour de ses pattes. Envoyant violemment ses membres antérieurs  dans les airs, toutes griffes dehors, ceux-ci furent attrapés au vol par de nouveaux liens qui se referment autour de lui. Un rugissement de colère s’échappa de la gueule de l’animal, mais une lanière vint se serrer autour de sa gorge alors qu’il tentait de se débattre. Abel gronda et ferma les yeux une seconde, pour faire apparaître à ses côtés une autre panthère à plaques en tous points similaires à sa forme féline. L’invocation ne tarda pas à comprendre ce qui se passait autour d’elle et sortit ses griffes alors que sa patte fendait l’air au-dessus d’Abel. Plusieurs lanières furent sectionnées par le coup et tombèrent au sol pour se tortiller quelques instants avant de s’immobiliser. Malheureusement, d’autres vinrent se saisir de l’invocation comme elles l’avaient faites avec Abel, et bientôt elle se retrouva prise au piège comme celui qui l’avait invoquée. Le bélua se débattait furieusement, secouant son corps entier, mais une fois ses pattes liées entre elles, il se trouvait bien impuissant. Non contents d’immobiliser l’animal, les lanières continuent de se contracter, resserrant leur étreinte autour des membres et de la gorge du bélua, le mettant dans une posture de plus en plus fâcheuse. Tentant de coincer les lanières entre son corps et le sol pour les tendre au maximum, Abel chercha Cemilia du regard, espérant qu’elle pourrait le libérer de ce piège infernal.
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Sam 21 Fév 2015, 14:19

Réagissant aux propos de Cemilia, Abel, toujours sous sa forme de panthère à plaques, se jeta en direction du cœur de la scierie, qui battait une cadence funeste comme un chef d’orchestre macabre. Les membres de Cemilia se raidirent instinctivement, accompagnant du regard le bond d’Abel, prête à couvrir ses arrières dès que le besoin se ferait ressentir.
À cet instant surgirent de nulle part des lianes longues et épaisses, qui se mirent à s’agiter d’un air menaçant autour du cœur de la scierie. Les lianes avaient la même apparence de chair que le reste de la scierie – d’un rose sombre veiné de bleu.
Abel, qui n’était qu’à quelques mètres des apparitions, stoppa son élan et sembla hésiter quelques instants. Les lanières de chair étaient ostensiblement présentes pour entraver la progression de la bête, comme un obstacle qui se déclencherait dès que quelqu’un tenterait de s’approcher de trop du cœur.
Et soudain, les lianes fondirent sur Abel et se saisirent de son corps massif. Cemilia, toujours campée à quelques mètres de là, poussa un cri. Sous ses yeux écarquillés par l’horreur et le dégoût, le Bélua se débattit entre ses liens, employant tous les moyens à sa disposition, en vain.
Cemilia demeurait immobile, malgré ses épées brandies à bout de bras. Une lutte intérieure faisait rage en elle, comme en écho à la bataille qui se déroulait dans la scierie. La vision des lianes enchaînant Abel dans leur poigne implacable appelait en elle ses réflexes les plus primaires, qui puisaient dans sa nature d’Orisha pour paralyser son corps et son esprit. L’enfant d’Antarès en elle reconnaissait les liens qui enserraient le Bélua, et répandait des signaux d’alerte dans tout son corps. Elle ne devait pas s’approcher de cette chose, il ne fallait surtout pas qu’elle se retrouve à son tour emprisonnée, immobilisée, vulnérable.
Alors que sa conscience l’exhortait au combat et lui intimait de se lancer à la rescousse de son compagnon, son instinct la clouait sur place, faisant miroiter l’image de siècles entiers d’esclavage à la surface de sa mémoire. Les Orishas étaient des êtres Libres. Ils ne devaient pas prendre le risque de se faire enchaîner, comme s’étaient fait enchaîner leurs lointains ancêtres.
Cemilia en était là de sa réflexion, lorsque l’une des lanières de chair qui s’agitait encore dans l’air sans proie à maintenir, se dirigea sur elle à toute vitesse. L’urgence de la situation sembla ranimer les réflexes de la jeune femme, qui roula sur elle-même pour éviter l’attaque fatale.
Avec l’action revint la lucidité de l’Orisha. Sans hésiter plus longtemps, elle se jeta sur l’une des lanières qui maintenait toujours Abel dans sa poigne de fer. Elle plongea pour éviter la riposte d’une autre liane de chair, bondit pour en esquiver une autre, s’arc-bouta au dernier moment sur le passage d’une troisième. Elle était plus légère et rapide que la massive panthère à plaques, aussi elle parvint à atteindre cette dernière sans que les lanières ne soient parvenues à l’entraver.
Avec toute la violence dont elle était capable, Cemilia abattit ses deux épées sur le tronc de l’une des lianes qui maintenaient immobile Abel. Il y en avait trois à détruire pour libérer le Bélua, calcula la jeune femme en accentuant sa pression sur la chair morte.
La lanière attaquée sembla se cabrer sous le coup, et le sang sombre de la scierie jaillit une nouvelle fois. Dès qu’elle sentit qu’elle avait pénétré l’épaisse peau qui couvrait la chose, Cemilia effectua une rotation de ses poignets et leva ses épées. L’acier scinda en deux la lanière, qui frémit sous la douleur et relâcha brusquement Abel.
Aussitôt, Cemilia se précipita sur les deux lanières restantes. Elle manqua de se faire écraser par l’une d’entre elles qui s’affaissait sur le sol, et elle ne dut son salut qu’à un bond acrobatique.
Les deux lianes qui retenaient encore Abel cédèrent de la même manière que la première, et soudain, le Bélua fut libre de ses mouvements. Cemilia, couverte du sang de la scierie, lança à l’intention de son compagnon :
-Je te laisse achever ces choses ! Je m’occupe du cœur !
Zigzaguant entre les lianes restantes, la jeune femme s’approcha plus encore du cœur de la scierie. Vu de près, il était énorme. Au moins deux fois plus haut qu’un homme, et large de deux bons mètres de diamètre, il était strié de petites veinules et de plus grosses artères. Il exsudait de l’ensemble une odeur nauséabonde, semblable à celle qui régnait dans toute la scierie mais bien plus forte.
Retenant un haut-le-cœur, Cemilia se jeta sur la chose. La peur se dressait en elle comme un serpent pernicieux, mais cette crainte n’était là que pour décupler ses forces, la propulser avec plus de vitesse en avant. L’Orisha vit le cœur s’approcher de plus en plus, et soudain, elle fut devant.
Avec un cri empli de rage, elle planta ses armes dans le cœur, et les y enfonça jusqu’à la garde. Les battements du cœur s’emballèrent, et un grincement strident emplit l’espace, comme si le cœur poussait un hurlement de douleur. Le bruit, insoutenable, sembla traverser le crâne de Cemilia de milliers d’aiguilles de douleur, mais elle serra les dents à s’en faire mal et accentua encore la pression sur ses épées. La plainte se prolongea, plusieurs secondes, plusieurs minutes, une vie entière, jusqu’à ce que soudain, le cœur soit parcouru d’un gros soubresaut qui ébranla toute la scierie. Cemilia fut projetée en arrière, et elle atterrit par terre avec rudesse, un ou deux mètres en arrière.
De la plaie infligée par ses épées se mit à couler à gros bouillons un flot de sang, qui inonda le sol du bâtiment. Enfin, le cri strident s’interrompit, et avec lui disparurent les lianes de chair.
Les scies qui coupaient inlassablement le bois des forêts de Dhitys poussèrent un long sifflement, avant de ralentir, et de s’arrêter totalement.
Et, lentement, très lentement, la scierie entière s’arrêta, tombant dans un silence absolu.
Cemilia, toujours à terre, se laissa tomber en arrière et poussa un long soupir, à bout de forces.

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Jeu 26 Fév 2015, 23:30




Les liens se resserraient autour du corps massif de la panthère à plaques, complètement immobilisé. La créature avait beau être douée d’une certaine force, dans cette position elle lui était bien inutile, et chaque fois qu’elle arrêtait de se débattre, les lanières, comme si elles avaient été douées d’intelligence, assuraient leur prise autour des pattes et de la gorge du bélua. Abel commençait à étouffer lorsqu’il aperçut du coin de l’œil la chevelure flamboyante de l’orisha. Il tira de toutes ses forces pour tendre les  fibres de chair qui l’entouraient au moment où Cemilia abattit ses épées à la base de l’une d’entre elle qui ne tarda pas à lâcher prise. Un violent à-coup envoya le bélua au sol, et ce dernier tenta de se libérer des liens à présent inertes, tandis que l’orisha venait s’occuper des attaches restantes contre les parois du bâtiment. Une fois que les muscles qui les animaient furent sectionnés, il devint nettement plus facile pour le bélua de se débarrasser des lanières restantes, qui ne tardèrent pas à glisser le long de ses pattes sous l’action frénétique de ses griffes. Lorsqu’Abel parvint enfin à se relever, l’orisha avait déjà filé vers l’endroit d’où semblaient provenir les battements sinistres qui animaient cette engeance démoniaque. Le bélua tenta de la suivre, mais il se retrouva rapidement nez à nez avec une autre lanière qui venait de se détacher juste devant lui. Bien décidée à ne pas se laisser déborder cette fois-ci, la panthère se jeta vers la chair qui se relevait lentement, comme si elle n’était pas encore tout à fait éveillée, et referma sa mâchoire dessus. Abel sentit ses crocs fermement ancrés dans la chair qu’il avait attrapée, et l’animal poussa de toutes ses forces sur ses pattes avant pour tirer la chose vers lui. La lanière sembla se débattre, les muscles se contractant pour essayer de la récupérer, mais la panthère parvint à tenir bon, et bientôt la fibre de chair s’arracha de la paroi pour venir se tortiller au sol. Le bélua cracha l’extrémité de la lanière qui vint finir sa vie à ses pieds, le chemin du cœur lui étant enfin accessible.

L’enfant de Phoebe espérait qu’il n’y aurait pas de nouvelle embuche les empêchant de terrasser cette chose une fois pour toutes. Sa forme féline et ses instincts de panthère à plaques pouvaient l’avantager dans certains combats, mais dans un environnement clos envahi par la pestilence, son totem ne lui était d’aucun secours. Pire encore, son corps massif peinait à se mouvoir dans les salles tortueuses que les membranes avaient formées. Il voulait retourner à l’air libre le plus vite possible, où il pourrait enfin retrouver sa mobilité sans être assailli à chaque instant par la puanteur immonde qui régnait dans les entrailles de la scierie. Abel sentit l’une de ses plaques cogner contre l’une des scies qui accomplissaient leur sombre besogne, mais celle-ci sembla ne pas réagir au choc, continuant ses va-et-vient comme si de rien était. Le cœur ne devait plus être loin de loin au moment où la panthère à plaques sentit un mouvement se répandre dans tout le bâtiment. C’était comme si la membrane entière des parois de chair s’était contractée, se refermant sur le cœur dont les battements semblaient s’accélérer. Cette chose sentait-elle sa fin arriver ? Une nouvelle onde se répandit dans les parois au moment où le rythme des pulsations devint erratique. Abel se précipita dans la pièce où Cemilia était entrée, comprenant que quelque chose se jouait, et il la vit abattre ses épées sur le cœur. Un bruit assourdissant se fit alors entendre, puis plus rien. Après la cacophonie qui les entourait depuis qu’ils avaient pénétré dans l’édifice, le silence apparut comme une bénédiction pour le bélua, qui mit quelques secondes avant de comprendre qu’ils avaient réussi. Il reporta alors son attention sur l’orisha qui avait été projetée au sol. Celle-ci semblait sonnée, mais sauve. Du sang s’écoulait abondement des plaies que Cemilia avait faites, inondant le sol. Abel comprit qu’il valait mieux qu’ils quittent cet endroit au plus vite, et s’approcha de la guerrière pour l’aider à grimper sur son dos.

S’assurant que l’orisha ne risquait pas de tomber, la panthère à plaques s’élança vers l’entrée, tentant de ne pas faire état des marques noires qui commençaient à lézarder les murs, comme s’ils s’asséchaient déjà après que le cœur qui les irriguait se soit arrêté. Abel passa devant les scies, à présent inertes, et s’approcha de l’endroit où il avait vu les pierres se charger d’énergie. Plusieurs d’entre elles étaient tombées sur le sol sous le coup des impulsions qui avaient traversé l’édifice, et la panthère à plaques en récupéra une entre ses dents avant de franchir l’entrée dont le saignement s’était arrêté. Sans un regard en arrière, Abel s’élança vers la forêt. Il devait impérativement prévenir l’un des gardiens de Phoebe, avertir les siens du danger qui pesait sur la forêt. Le bélua avait volontairement laissé certains démons s’échapper, espérant qu’ils laisseraient derrière eux une piste susceptible de les mener jusqu’à l’antre de celui qui était responsable de cette engeance, car pour créer une telle monstruosité, il fallait un pouvoir qui dépassait de loin celui des démons mineurs qui avaient été laissés aux alentours de l’édifice. Abel espérait que l’orisha accepterait à nouveau de lui venir en aide. Si elle se battait à ses côtés, alors peut-être auraient-ils une chance de venir à bout du seigneur démon qui était derrière tout ça.

Le bélua s’arrêta à la lisière des bois, déposant délicatement Cemilia et la pierre au sol. La panthère regarda autour d’elle quelques instants, avant de pousser un rugissement puissant en direction de l’intérieur des terres. S’il y avait un bélua susceptible de les aider, il viendrait. Attendant un signe, un cri ou n’importe quoi qui pourrait servir de réponse, Abel reporta son attention sur l’orisha, posant sur elle un regard admiratif. La panthère à plaques était d’ordinaire plutôt froide avec les étrangers, mais depuis qu’il avait rencontré l’orisha, il devait bien avouer qu’elle n’avait eu de cesse de l’impressionner.
« Si tu étais l’une des nôtres, tu serais sans doute une lionne. Tu en as déjà la crinière de feu. Ta rage et ta férocité sont tout à ton honneur… Malheureusement le démon qui a créé cette chose est encore en vie. Si nous ne l’arrêtons pas, rien ne dit qu’il ne viendra pas installer une autre de ces monstruosités sur nos terres. Je sais que ce n’est pas ton combat, mais est-ce que tu accepterais de mener la chasse à mes côtés une fois de plus ? Ensemble, nous pourrons terrasser ce monstre. »
Abel fixa l’orisha, attendant sa réponse en détaillant ses traits. Crinière de feu… Ce nom lui allait plutôt bien.
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Lun 23 Mar 2015, 21:46

Achevée par son combat contre le cœur de la scierie, Cemilia resta immobile sur le sol, ses épées étendues à son côté dans la mare de sang. La vue de la jeune femme était brouillée, et elle avait le sentiment d’être au bord de l’évanouissement.
À travers sa vue brouillée, elle vit la silhouette massive d’Abel s’approcher d’elle. Elle fut incapable de dire s’il lui avait adressé la parole ou non, car ses oreilles bourdonnaient et le silence qui avait soudainement laissé place au rythme infernal de la scierie paraissait s’écraser contre ses tympans.
-Je ne me sens pas très bien, marmonna Cemilia d’une voix pâteuse.
Du moins, c’est ce qu’elle voulut dire, mais peut-être ses paroles ne sortirent-elles que sous la forme d’un grognement inarticulé.
La jeune femme mit un certain temps avant de comprendre qu’Abel lui faisait signe de monter sur son dos. Tremblant sous l’effort, elle se redressa sur ses pieds et grimpa de manière pataude sur les larges plaques de métal qui blindaient le garrot de la panthère. Cemilia avait le sentiment d’avoir perdu toute ses forces dans son combat contre le cœur, et à présent, elle était aussi fragile qu’une fleur.
L’Orisha s’allongea sur le dos d’Abel dans une tentative de s’y tenir le mieux possible – et aussi parce qu’elle aurait sans doute été incapable de se redresser. Elle n’était pas sûre que le Bélua apprécie beaucoup être monté comme une mule, et elle lui en était d’autant plus reconnaissante pour son geste.
Abel se mit en mouvement, et Cemilia vit entre ses paupières mi-closes le paysage désolé de la scierie défiler devant elle. Son esprit semblait flotter à mi-chemin de l’inconscience, et elle ne suivit pas grand-chose du chemin qui se déroula sous les larges pattes d’Abel. Après quelques minutes passées dans le plus grand silence, la jeune femme se laissa bercer par le balancement régulier de la panthère à plaques et ferma les yeux.
Cemilia sentit un changement dès que celui-ci se produisit : Abel s’était arrêté, ils étaient donc arrivés à destination. La jeune femme se laissa glisser du dos de l’homme, et atterrit sur ses pieds. Aussitôt, le monde tanga devant ses yeux, et elle se sentit flancher. Prise d’un soudain haut-le-cœur, elle se pencha en avant et sentit une bile acide lui remonter le long du gosier.
Tandis qu’elle essuyait d’une main tremblante sa bouche et son front couvert de sueur, Abel se redressa et poussa un long hurlement qui résonna dans toute la forêt. Cemilia comprit qu’il s’agissait là d’un appel lancé à ses confrères, mais elle ne put s’empêcher de gémir lorsque la voix puissante de l’homme lui vrilla ses oreilles déjà mises à mal.
Néanmoins, elle se fit violence et se redressa tant bien que mal. L’estomac encore retourné par son accès de faiblesse, elle s’appuya imperceptiblement contre le tronc de l’arbre au pied duquel ils étaient postés. La jeune femme accepta avec un maigre sourire les compliments d’Abel – qui restait remarquablement diplomate devant l’état désastreux de son alliée.
-J’ignore si les lions s’effondrent après le moindre combat… répondit-elle avec un vague mouvement de la main, qui signifiait le peu de cas qu’elle faisait de ses propres actes. J’agis à l’instinct, et non en écho à quelque valeur. Ici, la situation exigeait que je me mobilise pour contrer ces monstres… Il en est de même pour la bataille qui s’est déroulée à Dhitys. D’ailleurs, j’oublie bien souvent de réfléchir aux conséquences de mes actes.
Elle fut secouée par un rire, qui se transforma en grimace lorsqu’elle sentit son corps entier se tendre.
-Mais tu as raison, reprit-elle sur un ton plus sérieux et en plantant son regard dichromatique dans celui, ambré, d’Abel. Il faut empêcher ces Démons d’étendre plus encore leurs plans désastreux. Et il va de soi que je t’accompagne dans cette mission.
En effet, il lui paraissait en l’instant clair comme l’eau de roche qu’elle se devait d’aider le Bélua face au fléau démoniaque ; elle-même se sentait grandement concernée par la chose, car son affinité pour la nature la poussait à défendre cette dernière. Cemilia sourit à l’intention d’Abel, déterminée malgré les lambeaux de brume qui subsistaient dans son esprit.
À cet instant précis, l’Orisha sentit un long frisson lui parcourir le dos. Elle se retourna vivement, sur le qui-vive, et scruta les bois alentour. D’où provenait cet étrange sentiment ? Ce sentiment d’être observé, d’être vu sans voir.
Cemilia se décolla du tronc de l’arbre sur lequel elle s’était appuyée, et fléchit imperceptiblement les jambes.
Et, alors, une ombre surgit de la pénombre de la forêt. Aussi silencieuse qu’un rêve, semblant flotter au-dessus du sol au lieu d’y marcher.
Un loup s’approchait d’Abel et Cemilia.
Aussitôt, cette dernière sut qu’il ne s’agissait pas là d’un vrai loup – ou pas uniquement d’un loup. D’où elle tenait cette certitude, elle l’ignorait, mais son pressentiment se confirma lorsque des tréfonds de l’être sombre surgit une voix aux consonances humaines :
-Vous m’avez appelé ?
Cemilia resta quelques instants sans voix devant le Bélua qui venait de faire son apparition. Mais elle ne tarda pas à reprendre ses esprits, et elle prit la parole pour Abel et elle :
-Oui, mon compagnon est à l’origine de cet appel. Nous venons de la scierie installée dans la forêt par les Démons. Peut-être avez-vous eu vent de cette construction infernale… Nous sommes parvenus à enrayer la scierie et à mettre en déroute les Démons qui s’y trouvaient, mais ils sont toujours en fuite et ne manqueront pas de rejoindre celui qui tire les ficelles de toute cette machination.
La jeune femme marqua une courte pause. Elle ne pouvait détacher son regard de la silhouette du loup, fascinée par le dessin de ses muscles sous son pelage noir et l’éclat vif de ses yeux ambrés. Sans parler de l’évidence puissance qui émanait de l’être ; à côté, Abel qui était pourtant ostensiblement fort et habile semblait réduit à un homme tout à fait normal. Plus elle avançait sur le chemin de sa vie, plus l’Orisha se retrouvée confrontée à des individus hors du commun.
-Mon compagnon ici présent a récupéré une pierre un peu spéciale en quittant la scierie, se souvint soudain Cemilia, surprise qu’elle ait suivi cet épisode malgré son état proche de l’inconscience plus tôt. Elle se trouvait dans les fondations du bâtiment, et paraissait dotée d’un certain pouvoir.
La jeune femme se retourna, se baissa pour attraper la pierre en question et la tendit précautionneusement au Bélua loup.
Ce dernier observa longuement l’artefact, l’air intensément concentré. Soudain, il déclara :
-Tout cela est très intéressant. Intéressant et inquiétant. Je vais vous aider.

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Sam 04 Avr 2015, 23:07




La panthère à plaques avait les sens en alerte alors qu’elle attendait une réponse à son appel, un cri, un bruissement de feuille ou la moindre chose qui pourrait lui signifier qu’elle avait été entendue. Cemilia lui avait été d’une aide précieuse, et ensemble ils étaient parvenus à abattre ce bâtiment démoniaque, mais ce qui se déroulait en ces lieux dépassait de loin ce qu’ils pouvaient affronter tous les deux. Leur succès n’avait été du qu’à l’effet de surprise, la scierie n’était gardée que par des démons mineurs, et malgré cela Abel avait bien failli y rester. Sans l’aide de l’orisha, il n’aurait jamais pu se délivrer de l’étreinte que lui avaient imposée les mécanismes de défense du cœur. Les démons avaient fuis vers le Nord. D’ici, la canopée empêchait de voir les cimes ultimes de l’Edelweiss, mais Abel se doutait bien dans quel dédale de grottes et de galeries ces êtres immondes avaient pu trouver refuge. S’ils leurs laissaient le moindre répit, ils allaient se reformer et revenir en force pour terminer leur œuvre.
Le félin fit quelques pas, tournant en rond autour de l’orisha comme pour délimiter un territoire où elle serait en sécurité. Son état l’inquiétait, mais elle semblait avoir assez de ressources pour affronter encore bien des tourments avant de songer à abandonner.
« Tu as le cœur noble, demoiselle d’Antarès. Tes yeux follets voient de l’insouciance là où les miens ne voient que ton courage. Sois sûre qu’une panthère n'oublie pas… »

Le fils de Phoebe avait volontairement évité du regard la pierre qu’ils avaient récupérée dans la scierie, et qui était venue s’écraser sur le sol à côté d’eux. Mais à présent qu’il avait posé ses yeux félins sur son onyx sombre, en y prêtant attention, c’était presque comme si les brins d’herbe qui l’entouraient avaient perdu de leur couleur et de leur éclat. La pierre était appuyée contre la tige d’une fleur fanée, au milieu de plusieurs autres bourgeons qui semblaient eux tout à fait en bonne santé. C’était comme si la gemme absorbait l’énergie vitale de tout ce qu’elle touchait, brillant d’un éclat noir insolent. Ce n’était qu’un objet inerte, dénué de toute pensée ou volonté, mais Abel la détestait, il haïssait ce qu’elle était, d’où elle provenait et ce qu’elle essayait de faire à sa forêt. L’enfant de la lune du même retenir son esprit animal pour l’empêcher d’attaquer cette chose à coup de crocs et de griffes. En proie à la fureur intérieure du totem félin, Abel grogna au moment où ses vibrisses détectèrent un mouvement d’air à quelques mètres sur son flanc. En se tournant rapidement, il tomba nez à nez avec un grand loup. Immédiatement, le fils de Phoebe avança légèrement l’une de ses pattes et baissa la tête. Ce n’était pas un vulgaire réceptacle qui se tenait devant lui, mais un des gardiens du rocher au clair de lune, les veilleurs de Phoebe, et par conséquent l’un de ses supérieurs directs. Abel s’était depuis longtemps détourné de l’ost sauvage, mais il ne pouvait ignorer les rapports de force qui liaient le peuple animal. Aussi laissa-t-il Cemilia expliquer ce qu’ils avaient vu au loup.

Les yeux noirs de l’animal au pelage gris toisèrent rapidement l’orisha et le félin. Prenant la mesure de ce qu’ils venaient d’accomplir, son regard s’adoucit quelque peu, même si sa voix resta ferme.
« Je vais vous aider… Nous traquons ces démons depuis un moment. Ils sont responsables de bien des maux depuis qu’ils sont arrivés ici. Si ce que vous dites est vrai, cela veut dire qu’ils ont installé une autre de ces horreurs… Ce n’est pas la première, et à chaque fois que nous en détruisons une, ils en élèvent une autre, à chaque fois un peu plus loin à l’intérieur de notre forêt. Mais nous avons peut-être une opportunité d’y mettre un terme… »
Il avait clairement adressé ses derniers mots à Abel, l’invitant à se manifester, et le bélua savait pourquoi.
« Oui, j’en suis capable, gardien. Je pourrais remonter leur piste les yeux fermés. Je sens encore d’ici leur odeur méprisable. Ils ne peuvent pas m’échapper. »
« Partez en avant, je vais réunir l’ost animal. La trace d’une panthère à plaques ne sera pas dure à suivre… »
Abel pouvait sentir les querelles et les rivalités de clans se mêler dans ton du loup, mais ce n’était pas le moment de laisser parler son orgueil. La panthère échangea un regard avec Cemilia avant de prendre congé du gardien de Phoebe qui s’était déjà tourné vers l’intérieur des bois.
Alors que l’orisha et le bélua remontaient la route vers la scierie pour suivre la piste laissée par les démons, une longue plainte canine retentit derrière eux, bien plus forte que le cri qu’avait poussé Abel. Le fils de Phoebe avait hâte de voir un gardien à l’œuvre, et ils allaient être aux premières loges lorsque les démons verraient s’abattre sur eux toute la fureur de la forêt qu’ils avaient cru bon d’attaquer.


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La scierie infernale [Quête PV Cemilia]

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