Fuzaîl écouta attentivement le serment de l’elfe. Chacun avait une manière bien à lui de prêter allégeance à ces lieux, bien qu’en réalité l’art et la manière ne regardaient que les mortels. Ce qui comptait pour l’esprit était l’engagement que ces mots signifiaient. Ceux de Mircella furent justes et l’aether y décela une conviction qui lui signifiait qu’elle comprenait les enjeux de ce lien qu’elle venait de nouer avec le temple et ses occupants. Le visage impassible, elle regarda l’elfe s’éloigner quelque peu. Elle aurait bien aimé pouvoir profiter de sa compagnie pendant encore quelques heures, ou quelques jours. Après tout, le temps ne voulait plus dire grand chose en son domaine. Certains de ses homologues ne manquaient pas de garder leurs visiteurs durant parfois plusieurs mois. Mais elle ne trouvait pas cela très correct, car même s'il ne signifiait rien ici, elle n’avait pas eu besoin d’autant de temps pour se rendre compte de la valeur de Mircella. Peut-être qu’elle aurait à attendre un long moment avant qu’elle, ou un autre de ses disciples, ne vienne à nouveau lui offrir un petit peu de divertissement, mais c’était là le lot des esprits du temple, et elle savait pertinemment à quelles obligations ils étaient tenus. Elle ne pouvait plus profiter de cette vie mortelle à laquelle elle avait décidé de renoncer, avec ceux qui étaient à présent devenus les dieux gardiens de ces lieux.

Un petit sourire apparut sur le visage de l’aether lorsqu’elle entendit les derniers mots de Mircella. Ils étaient plein de bonnes intentions, mais Fuzaîl savait que malheureusement, il y aurait toujours quelqu’un pour tenter de s’en prendre à ce que ce temple représentait. Malgré tout, l’esprit savait aussi qu’avec certains des mortels les plus brillants à ses côtés, ils pourraient se dresser face aux menaces extérieures et protéger leur sanctuaire. C’était aussi pour cela qu’elle devait rendre ses disciples meilleurs, et qu’elle s’évertuait à les faire progresser, au-delà même des limites qu’ils n’auraient jamais cru pouvoir franchir.
Le départ de Mircella l’attristait quelque peu, mais elle savait qu’elle allait rendre au monde un être plus avisé, qui saurait prendre les bonnes décisions au bon moment, et qui, dans les cas les plus extrêmes, pourrait compter sur un petit coup de pouce du destin. Les yeux azurs de l’esprit se posèrent sur l’elfe, transmettant soudain bien plus de bienveillance qu’elle n’en avait montré depuis que Mircella avait pénétré dans le temple.
« Je l’espère aussi, mais je te conseille de te tenir prête. Un jour viendra où le temple aura besoin de toi, j’en suis sûre. »
L’esprit espérait sincèrement que l’elfe reviendrait vers elle. Peut-être qu’elle pourrait alors lui faire voir d’autres merveilles. Car cet arc qu’elle lui avait offert était bien loin d’avoir livrés tous ses secrets. Son pouvoir était immensément plus grand que ce qu’elle lui avait laissé entrevoir, mais pour parvenir à le découvrir, elle devrait commencer par maîtriser pleinement ce qu’elle savait déjà. Ce n’est qu’alors qu’elle pourrait l’amener plus loin sur le chemin de la connaissance.
« Ta formation ne fait que commencer. Souviens-toi, jour après jour, des choses que tu as apprises ici, et tâches de voir plus loin. Tu sais à présent ce que cela signifie. Si tu y mets suffisamment de cœur, tu entendras des choses que tu n’es pas censée entendre. Lorsque cela se produira, revient vers moi. J’ai encore tant à t’apprendre… »

Autour de l’aether, le bois qu’elle avait créé pour accueillir l’elfe commença à disparaître à mesure qu’elle se dirigeait vers la porte qu’elle avait franchie pour y parvenir. Derrière elle, la cité d’Earudien n’était plus en flammes comme lorsque Mircella l’avait quittée, mais plus resplendissante que jamais. L’esprit accompagna l’elfe jusqu’à la dernière porte, celle qui l’avait menée à elle. Ses pas étaient légers, comme s’ils caressaient le sol, au moment où Fuzaîl dépassa l’elfe pour venir se placer près du passage vers la sortie du temple.
« Derrière cette porte, tu retrouveras ton monde, tel que tu l’as laissé. A toi de décider quel rôle tu voudras y jouer. Va, Mircella. Tu as la grâce du temple. »
La porte menant vers le monde s’ouvrit d’elle-même, laissant libre le passage pour l’elfe. Fuzaîl la regarda s’engouffrer dans l’ouverture, ses yeux perçants la suivant aussi loin qu’elle le pouvait. Après quelques instants, sans chercher à la retenir, l’esprit vit lentement la porte se refermer dans un long grincement, masquant bientôt à sa vue ce monde qu’elle avait quitté. Avait-elle bien fait ?