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 [Event Partie IV - Mission n°5] Avec Adril <3 - Retrouvailles sèches

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Ven 19 Sep 2014, 20:03

Les mains de l’ultimage, doucement, m’effleurent. Je sens ses doigts scruter ce qui, depuis le premier, jour semble la fasciner. La pointe de mes oreilles : caractéristique propre aux edhels, la cicatrice repoussante ou effrayante selon la version… Une attitude que je tolère en dépit de l’agacement que cela m’évoque d’ordinaire. L’instant est étrange, suspendu. J’éprouve le vague sentiment que tout ceci n’est pas réel, tant le goût de l’air m’apparaît douceâtre. Une illusion, une illusion mielleuse, amère à l’éveil. Immobile, circonspect quand à la signification véritable de tout ceci, je la laisse faire, oubliant jusqu’au froid et la neige. Ais je raison de ne pas me dégager de sa prise, aussi délicate soit-elle ? Certainement. Cultiver l’ambigüité est une mauvaise chose. Qui plus est, je conçois mal la gratuité d’un tel comportement. Elle est douce et cela me désarçonne. Souhaite-t-elle m’inconforter ? Mon existence se distingue de ces façons, elle est toute autre : je ne connais plus ces gestes depuis un siècle passé. Leur signification est un souvenir enfoui.
Ses doigts renoncent à leur exploration. La reine se fige à son tour, nous réduisant à l’état de statues : face à face, mon visage emprisonné entre ses mains. Rien de plus, rien de moi, car telle est la forme de ce qui nous lie. De brèves trêves, noyées dans l’océan de notre désaccord. Je le regrette presque. Car elle n’est pas grand-chose, son existence n’a que peu de valeur à mes yeux et, dans un paradoxe incompréhensible, je parviens à le déplorer. Elle n’est pas aussi mauvaise que le reste de l’humanité. Malgré cela, la sphère de mes affects demeure close, hermétique. Je ne sais pas s’il est encore possible de l’ouvrir. Et quand bien même : rien ne nous attend. Je la protège du monde, elle me protège des miens. Configuration simple, limpide. Ces questions n’ont pas lieu d’être et c’est pourquoi le fait de me retourner ainsi l’esprit m’agace. J’en accuse sa nature de femme, la réduit à une intrigante, bonne à susciter le trouble : la compagnie des femelles, hors de tout cadre, n’apporte jamais rien de bon. Cet épisode en est une éloquente illustration. Inutile de pousser plus loin cette désagréable ambiguïté. Rien ne doit changer, si ce n’est dans le sens de l’impersonnalité. Car c’est allé trop loin : je suis fatigué de tout ceci, de ses manières imprécises, de ses errances muettes… Je me rends à l’évidence qu’elle m’est précieuse en un sens, mais il n’y aura pas de prochaine fois. Je ne saurai tolérer une autre journée comme celle-ci.

Mon regard s’élève vers la voute. La colère et les pleurs du ciel se sont calmés, ne demeure qu’un manteau de nuit passementé d’étoiles. Elle s’éloigne, exprime sa volonté qui, pour la première fois, me semble correspondre tout à fait à ce que doivent être nos rapports. Je vais donc à elle et, sans un mot, ôte de ses épaules la cape de laine.
« Il va falloir marcher un peu.
Fais-je en ajustant la fibule de bronze au col. Ses humeurs diluviennes ont vraisemblablement détrempé la région sur quelques lieues à la ronde. Sans plus attendre donc, j’ouvre la marche. Le temps est clément, la température douce. Alentour s’étendent les terres d’émeraude, vastes plaines que la constance rend irréelle. Pas après pas, notre solitude file le sentiment flou d’un rêve qui se tisse. Insectes allant dans l’immensité, comme perdus. Dans l’air flottent des fragrances d’herbe, d’humidité, de géosmine, de belle de nuit… Et alentour sont un millier de lucioles perchées sur l’obscurité, comme en apesanteur, qui accompagnent notre marche silencieuse. Je me laisse prendre dans ce tout immuable, guidé seulement par un vivace instinct. Une partie insignifiante de cette nature puissante, le résumé de mon existence.
Le temps passe. Nous atteignons le sommet d’une modeste colline. Je m’arrête un bref instant afin de contempler la vallée. Bouton d’or dont les lumières de la ville sont à peine visibles, la montagne et ses monts de neige éclatant sous la lune, Ethernoir, étoile scintillante depuis son promontoire de roche, la plaine et au-delà la forêt des murmures. Mon regard dévie brièvement sur l’ultimage, afin de m’assurer qu’elle suit toujours, puis je reprends la route en direction du contrebas. L’endroit me semble bon, tout est sec et il n’y a nulle trace d’animaux ou d’humanoïde à la ronde. Je nous dirige alors à l’orée d’un modeste bosquet. Une brève inspection me conforte dans le choix du lieu. En temps normal, je ne me hasarderais pas à allumer de feu, mais puisque les vêtements de la reine sont détrempés, cela s’impose. C’est pourquoi j’ai veillé à ce que la topographie du terrain nous cache des yeux trop curieux qui errent parfois sur les terres d’émeraudes. Me tournant vers elle, je déclare alors :
« Nous passerons la nuit ici. Attendez-moi.
Je disparais dans l’ombre du bosquet un court moment, le temps de trouver un peu de bois et de l’amadou. Une courte entreprise, je m’en reviens finalement à elle et quelques instants plus tard, la lueur des premières flammes éclate au cœur de l’obscurité. Satisfait, je me relève et ôte mon armure. Le reste de mes vêtements sèchera de lui même, au seul contact de ma chaleur corporelle. Mon regard vert dévie une nouvelle fois en direction de l’ultimage.
« Vous pouvez dormir sans crainte. Je veillerais.
Fais je d’un ton plat, avant de m’éloigner jusqu’au sommet de la modeste colline dissimulant notre campement. Alentour rôde Talcalina : je perçois le bruit de ses pas, presque imperceptibles. L’espace est dégagé, je m’assois tout en caressant, du plat de la main, l’herbe épaisse. Son odeur me parvient comme je me laisse aller à quelques songeries.
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Ven 19 Sep 2014, 23:30

« Eldkin ? ». La voix d'Edwina avait chuchoté doucement, la magicienne ayant hésité quelques instants à cause de la présence d'Adril un peu plus loin. Mais il l'avait laissé là, seule. Il veillait sur le néant des Terres d’Emeraude, si bien qu'elle se demandait s'il ne veillait pas plutôt à rester à l'écart. Après tout, il avait bien plus besoin de dormir qu'elle, c'était un fait. Un homme ne tarda pas à apparaître, sa silhouette voûtée sous une large cape couvrant jusqu'à son visage. Un bâton semblait être le seul objet capable de tenir sa silhouette bossue debout. Pourtant, quelques secondes après, il se redressa, sa bosse disparaissant. Il observa l'Ultimage un moment avant de murmurer à son tour. « Ma Reine. ». Situation. Il ne parla pas de suite, une sacoche apparaissant sur son flanc droit. Il fouilla dans cette dernière, en sortant la chemise d'Adril que portait précédemment la jeune femme. Il la lui tendit, semblant lui signaler silencieusement qu'elle pourrait la lui rendre ou... s'en servir pour se couvrir le temps que ses vêtements sèchent. Edwina détourna le regard d'Eldkin un moment, légèrement gênée. Il ne sourit pas mais il était facile de déchiffrer dans ses prunelles un amusement certain. Il finit par faire ce qu'elle lui avait demandé. « Votre garde du corps n'est pas facile à suivre. Je ne m'y suis pas risqué puisque vous ne me l'avez pas demandé expressément mais il semblerait qu'il ait laissé sa femme à Bouton d'Or. Je ne sais pas pourquoi, comme je vous l'ai dit, il n'est pas facile à espionner. ». Il fit une pause. « Je tiens tout de même à vous signaler que cet homme occupe une place importante dans votre esprit. Puisque vous m'y avez autorisé l'accès pour faciliter mon travail, j'ai eu du mal à discriminer le reste. Ce n'est pas à moi de vous mettre en garde mais faites att... ». Il s'interrompit quand il comprit qu'elle ne coopérerait pas sur ces remarques. Elle avait fermé son esprit en ce qui concernait l'Alfar, inconsciemment sans doute, mais tout de même. « Votre futur époux est un magicien, Gaston Ygam. Cependant, il a tendance à valser avec les limites interdites. C'est un homme grand, rustre. Il est ambitieux mais idiot. Un pion parfait en somme mais pas le votre. Il essaiera sans doute de prendre votre place. Pourquoi les Archimages l'ont choisi ? Je l'ignore encore puisque vous m'avez interdit l'accès à leurs pensées. Je peux juste vous signaler qu'il se passe des choses étranges entre vos conseillers. ». Il marqua une nouvelle pause. « J'ai trouvé l'identité de cette femme qui vous a embrassé au lac. Mitsuko Aria Taiji. Dois-je lui rendre visite ? ». Oui. Il hocha la tête. « Bien, ce sera fait. Autre chose : je ne peux garantir la discrétion de cet échange. Les Alfars sont réputés pour avoir une ouïe fine. Mais si je puis me permettre, vous devriez lui avouer pour votre secret. Je ne l'ai pas observé beaucoup mais il me semble bien plus loyal que la plupart des individus qui vous entourent. Il serait préférable qu'il connaisse ses ennemis, pas uniquement ceux qui en veulent à votre statut. ». Non. « Ma Reine, vous ne pourrez pas tenir vos objectifs tant que... ». Il fit un signe de la tête en direction d'Adril. Tant qu'il resterait avec elle. Forcément. Il l'entraînait, il la protégeait, elle ne pourrait pas essayer indéfiniment de le voir comme un être insignifiant. « Vous vous fatiguerez à force. ». Il sourit, se courbant de nouveau avant de disparaître.

Edwina était troublée et elle cessa de retenir sa respiration dès qu'il ne fut plus avec elle. C'était idiot d'essayer de cacher ses émotions en présence d'Eldkin puisqu'il y avait accès pour pouvoir effectuer un travail rapide pour son compte. Elle pensait, se questionnait, il allait trouver les réponses aussi vite qu'il le pouvait. Généralement elle ne l'appelait pas en présence d'une tierce personne, surtout pas en présence des Archimages puisque seulement trois d'entre eux étaient au courant de la réalisation de son projet initial de réseau d'espionnage. Mais... cette fois elle... Elle soupira, fixant la chemise un moment avant de dire à voix haute : « Ne revenez pas, je me change. ». Elle enleva sa robe, l'étalant près du feu lentement. Fixant les flammes, elle sursauta. Iro. Sa silhouette la fixait depuis l'autre côté du foyer ardent. Elle ferma les yeux. Ce n'était qu'une illusion, une simple illusion. Il avait l'air mécontent et elle comprenait aisément pourquoi. Elle devait l'ignorer, il n'était pas réel. Il était mort. Edwina passa la chemise, se redressant pour fixer de nouveau la silhouette de l'ancien Empereur du Tout. Elle avait réussi à surmonter la peur, la peur et la tristesse qu'elle lui infligeait à chaque fois qu'elle se profilait à l'horizon. Pourtant, cela faisait longtemps qu'elle n'était plus apparue. Iro. Il avait dû revenir comme tous les esprits de ce monde.

Elle chassa ses pensées du mieux qu'elle le put, se dirigeant vers le haut de la colline pour rejoindre Adril. Elle s'assit à côté de lui, ramenant le tissu de la chemise sur ses jambes pliées, finissant de boutonner les derniers boutons du col. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il avait entendu, s'il avait au moins entendu quelque chose. Peut-être qu'Eldkin avait dit cela pour la pousser à parler avec lui. Elle inspira. « Ne m'interrompez pas. ». Elle marqua une pause, essayant de calmer les battements de son cœur. « Je suis la fille d'Evan Mébahel et de Melinda Syrkell. Sans doute cela ne vous dit rien mais le premier fut un roi despotique qui tint son peuple très longtemps par la terreur, jusqu'à ce que mon demi-frère libère ce même peuple. Naram-Sin. Ma mère, quant à elle, fut une sorcière puissante que la malédiction de sa famille rattrapa. Les Syrkell était un clan maléfique, uniquement composé de femmes qui tuaient sans vergogne quiconque se mettait sur leur passage. Les hommes ne servaient qu'à la procréation. Ils étaient choisis. Aucun faible n'était toléré. Un pacte était conclu, arrangeant le père s'il s'agissait d'un garçon, arrangeant la mère s'il s'agissait d'une fille. ». Elle soupira. « Conformément au pacte, mon père devait m'élever jusqu'à mes dix ans avant de me remettre à ma mère. A sa mort, il était conclu que j'hériterai de sa puissance. Seulement, il décida de me noyer, chose qui aurait causé l'annulation de l'accord. Il n'y parvint pas. J'ai grandi sous l'océan, pensant que j'étais une sirène. Je suis remontée à la surface pour... une raison qui n'a pas d'importance. ». Elle n'avait pas envie de lui dire qu'à l'époque, elle était très différente. C'était un temps qu'elle n'aimait pas évoquer. « J'ai découvert que j'étais en réalité magicienne. Seulement... les fantômes de mes ancêtres souhaitent que je reprenne la place qui m'est due. Mais il n'y a pas que cela... Les femmes Syrkell ont fait tellement de mal, même parmi leur propre race qu'un second clan s'est formé, Le clan Taïmon, ayant pour but de les exterminer. ». Elle ne savait pas si elle était claire. Il devait la prendre pour une folle. Elle continua tout de même. « Les femmes de ma famille ont acquis leur puissance par des vœux détournés à un génie, vœux demandant compensation. Aussi, tout homme découvrant le prénom d'une Syrkell est en... en capacité de faire de la femme en question ce qu'il veut. C'est ainsi que mon clan fut exterminé. ». Elle se triturait les mains, cherchant la moindre saleté qui aurait pu se glisser sous ses ongles. Heureusement, sa demi-sœur avait pris la peine de rendre inaccessible celui qui était le sien avant de trouver la mort. Elle le connaissait, bien sûr, mais personne ne pouvait le déceler dans son esprit. Le seul moyen de le savoir était un aveu de sa part, sans qu'aucune magie ne rentre en jeu. Jamais elle ne dirait rien. « La demeure dans la forêt des murmures est celle de ma famille. Ne me suivez plus à l'intérieur de celle-ci. C'est dangereux, je ne veux pas qu'« elle » vous blesse... Et puis, je suis recherchée par le clan opposé aux Syrkell. Eux et le chasseur... ». Elle semblait embêtée. « Je crois que c'est de ma faute s'il est ici. Il vient d'un... livre. ». Elle soupira. « Je dois récupérer la puissance de mon père également mais... hum... ». Les résultats seraient sans doute catastrophiques si elle en prenait possession maintenant. « Ce n'est pas très intéressant pour vous, pardon. Ni cela, ni mon mariage prochain... ». Elle laissa un silence s'installer avant de tourner son regard vers Adril pour la première fois depuis qu'elle parlait. Le changement de sujet fut brut et la question sortit de ses lèvres sans qu'elle ne puisse la retenir. « Pourquoi n'êtes-vous pas resté avec votre femme ? ». A ce moment, une luciole se risqua à voleter entre eux, la reine la fixant, étonnée de sa proximité. Ses mains vinrent la cueillir doucement, l'enfermant dans une prison éphémère. Telle une enfant elle les entrouvrit afin d'observer l'insecte en souriant, le montrant ensuite à l'Alfar comme s'il s'agissait d'un trésor. Elle releva les yeux vers lui, attendant tout de même sa réponse.

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Sam 20 Sep 2014, 23:43

Mon regard se pose au creux de ses mains dont les sillons, faiblement éclairés par la luciole, étirent de modestes ombres. J’y cueille l’insecte à deux doigts, d’un geste délicat, et l’érige du haut de mon index jusqu’à ce qu’il s’envole. Son sillage dessine des arcs de cercle blanc pâle. Je le vois se perdre au milieu de la multitude des siens, pièce insignifiante du rouage de l’existence. Ma prunelle s’ancre alors dans l’immensité du vide. Je contemple le noir et ses étoiles. Sensation pleine, adoucie : la pesanteur de la nuit apaise. Quelques secondes, semblant des heures, s’égrainent. Je tourne la tête en direction de l’ultimage, afin de l’avoir dans mon champ de vision.
« Pour plusieurs raisons. Fais-je dans un murmure, en réponse à sa dernière question. La principale étant que cette elfe n’est pas ma femme.
Mes doigts cueillent un brin d’herbe que je me plais à faire rouler distraitement entre le pouce et l’index. Je ne tiens pas à lui expliquer les détails de ma vie, mais elle ne peut comprendre la situation en l’état… Et curieusement, je ne souhaite pas lui mentir, quand bien même cela faciliterait l’explication de la situation.
« Mon épouse et moi avons laissé s’écouler plus d’un siècle, loin l’un de l’autre. Nous avons changé... Brève suspension. Aujourd’hui, elle n’accepte plus les termes de notre mariage. Plus que tout, elle s’est attendrie. Je ne compte plus pour elle et je l’effraie.
Il est ironique de constater combien Tinuviel et cette femme à la chevelure ébène, qui se tient à mon côté, se rejoignent en ce point. Je poursuis quoi qu’il en soit sur le ton de la conversation. Mon regard se tourne vers les terres d’émeraude.
« Elle a donc décidé, pour une raison ou une autre, de me laisser un petit souvenir de nos belles années, avant de me quitter… Elle, cette elfe que vous avez vu : son double parfait, issu d’un passé révolu. Charmante attention, n’est ce pas ?
J’esquisse un rictus vaguement amusé. A croire que cette candeur innocente n’est qu’une façade… car Tinuviel s’est fort peu occupé d’envisager les conséquences d’une telle manœuvre pour moi ou Luthien. Et quand bien même cette dernière m’indiffère, je constate toutefois un déchainement de passion que la nouvelle mentalité de ma chère épouse ne saurait normalement tolérer. A croire qu’il reste encore de nos principes en elle… enfouis sans doute dans les méandres de sa mémoire verrouillée. Et puisque tout vient à point à qui sait attendre, je saurai me faire patient.
« Sachez également que ma femme n’est pas en mesure de m’extraire à une tâche en cours. Je suis et reste avec vous tant que cela s’avère nécessaire. A ce propos, je dois bien avouer qu’autant de confidences me surprennent de votre part.
Je ne suis manifestement pas le seul à garder pour moi mes secrets. Elle, comme tout bon chef d’état, en détient et ce qu’elle vient de me livrer n’en est certainement qu’un aperçu. Les choses commencent néanmoins à s’emboiter. Ses paroles additionnées à celles de son serviteur, incontestablement au fait de mon ouïe extraordinaire, mais pas de ma capacité à voir ce qui se trouve au-delà du possible, esquissent le tableau d’un complexe ensemble. Et mon intuition se trouve confirmée dans l’aveu du mariage planifié par un entourage décidé à ravir à sa reine le pouvoir. Un complot, ou toute autre sorte de chose de la même espèce, se trame dans son dos… j’en ais à présent la certitude. Certitude manquant encore de preuve, mais qui oriente dès à présent ma garde dans toutes les directions, y comprit celle du clan allié. Je m’en garderais toutefois d’en parler tant que le bon moment ne se sera pas présenté.
Quand au chapitre relatif à son histoire personnelle, je ne peux qu’en prendre note pour l’avenir. Je sais à présent qu’il est une « elle » dans la demeure de la forêt : l’odeur prend sens. Bientôt un visage viendra s’y greffer. Cela prendra le temps qu’il faudra et rien ne presse. Plus que tout en ce monde, je suis patient. L’important n’est pas la pour le moment.
« Mais cela se justifie amplement si l’on résume votre situation. Vous êtes menacée de toutes parts… Mes paupières s’étrécissent, accentuant la sévérité de mon expression. Et je vous protège.
Ma main relâche le brin d’herbe.
« C’est une lourde tâche, au vu la menace qui pèse sur vous. Je la regarde à nouveau, laisse s’écouler un court instant. Répondez à cette question : pourquoi me faites-vous confiance ? Faites le avec tout votre sérieux... Car ces raisons, qui vont conduisent à me confier votre vie alors que vous ne connaissez rien de moi ni de mes intentions, seront peut être mises en branle, un jour, par ceux qui veulent vous nuire.
Elle vient de me donner les clefs de son âme sans concession. Je dois comprendre ce qui l’y incite. Et s’il s’agit d’une faiblesse, alors il me faudra en tenir compte, tout comme du reste.
« Après quoi j’aimerais que vous me fassiez part de vos intentions quand à tout ceci. Vous n’étiez pas seule dans la demeure de votre famille. Si vous cherchez à marcher dans les pas de vos ancêtres, j’aimerais en être informé. Si vos projets sont autres, cela m’intéresse également.
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Dim 21 Sep 2014, 01:50

Edwina laissa les secondes filées, fixant le paysage comme si elle était captivée par ce dernier. Il lui en demandait beaucoup et, quand bien même elle souhaitait essayer de répondre à ses questions, elle en avait, elle aussi. Ses yeux regardèrent un instant le visage interdit de l'homme avant qu'elle ne décide de changer de place. Lentement, sans se relever, elle remonta la chemise de sur ses genoux et se déplaça pour se retrouver en face de lui. Là, elle ne fut plus sûre que cela soit une bonne idée, sa position plutôt inconfortable. Elle ne pouvait pas réellement s'asseoir à cause de l'unique vêtement qu'elle portait : sa chemise, à lui, qui, bien trop courte, ne lui permettait pas une grande marge de manœuvre. De ce fait, elle choisit de rester sur ses genoux, plus grande que l'Alfar mais également bien plus instable. Lui faisant à présent office de seul paysage, si elle avait souhaité pouvoir l'observer sans cesse, elle regrettait légèrement son choix. Elle ne pouvait plus fuir ainsi. Côte à côte, elle pouvait se détourner, ignorer son regard. Maintenant, elle était forcée de lui faire face. Lui aussi. « Et vous ? ». Elle avala sa salive, se montrant plus intrusive, plus précise aussi, en retenant presque sa respiration. « Vous dîtes que vous ne comptez plus pour elle mais... est-ce qu'elle compte encore pour vous ? ». Elle détourna les yeux un moment, fixant un côté au hasard. « Surtout que... ». Un temps passa. « La femme que j'ai vu m'a semblé vous... hum... ». Elle se questionnait. Si vraiment celle qu'elle avait rencontré était le clone de sa femme alors peut-être pourrait-il l'aimer pareillement. « Elle m'a semblé tenir à v... ». Sa voix monta un peu dans les aiguës, sa phrase s'interrompant. Ses mains étaient à présent posées sur les épaules d'Adril, la retenant d'une chute qui aurait très certainement pu aboutir à la situation contraire que le cube de magie leur avait fait vivre plus tôt dans la journée. Elle n'y avait pas repensé depuis mais la situation était... gênante. Elle se racla la gorge, essayant de faire fuir ses souvenirs tout comme elle ignorait la présence d'Iro qui se tenait un peu plus loin, derrière l'Alfar. Il les regardait de cet air mauvais qui pourtant ne lui ressemblait pas de son vivant. Mais il n'était qu'imaginaire, le fruit de son inconscient, de ce qu'il aurait pu penser en la voyant là, devant un homme, une chemise pour tout vêtement.

Elle finit par le lâcher, son esprit vagabondant du mieux qu'il le pouvait, essayant de trouver quelque chose à dire. « Oh... Je crois avoir gêné un elfe il y a peu. Hum... ». Elle tentait d'éviter ses interrogations parce qu'elle avait beau chercher, elle ne savait pas pourquoi elle lui faisait confiance. Lui faisait-elle au moins confiance ? Et si oui, à lui en particulier ou à tous ceux qu'elle croisait ? « L'on m'avait fait boire, de l'alcool. ». Elle semblait un peu honteuse de l'avouer mais, de la sorte, elle reculait un peu le moment où elle devrait lui dire. Finalement, ce n'était pas une si bonne idée. Elle ne pouvait pas décemment lui confier qu'elle avait voulu jouer avec les oreilles d'un inconnu.  Elle ne termina pas et ne trouva rien d'autre à raconter qui puisse lui éviter de répondre à la question. Aussi, elle finit par soupirer, ses épaules s'affaissant légèrement alors que ses yeux venaient de nouveau se ficher dans le sien. L'une de ses mains s'attarda à replacer une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille lentement, très lentement. « Je... je ne sais pas. ». Elle réfléchit, préférant baisser les yeux. « En réalité, j'ai cru, au Lac, que vous étiez un traître. J'ai voulu vous tuer, peut-être, un bref instant, mais ce n'était qu'une impression... une impression tirée d'un rêve éveillé. Dedans nous faisions... nous... ». Elle fit une grimace, n'arrivant pas à le dire. Elle n'y arrivait jamais. Elle inspira, ferma les yeux puis prononça aussi rapidement et faiblement qu'elle le pouvait un vague « Nous faisions l'amour » peu compréhensible avant de continuer sur la suite d'une traite. « Et vous finissiez par me poignarder. Alors oui, j'ai cru que vous étiez un traître mais, en réalité, plus tard, vous m'avez sauvé. Une personne normale n'aurait sans doute pas chercher à en sauver une autre ayant eu des intentions meurtrières au préalable. Sans compter que vous ne m'aimez pas beaucoup... ». Elle remonta les yeux vers lui, questionnant. « N'est ce pas ? ». Elle n'attendit pas de réponse, comme si la simple possibilité qu'il puisse songer à en donner une ne lui convenait pas, l'effrayait. « Et puis... vous êtes venu me chercher, vous m'avez prêté votre chemise, vous avez... bravé une tempête. Vous êtes... mortellement têtu. ». Elle ne le quittait plus des yeux, le son de sa voix devenant de plus en plus lent, monotone. « Vous n'avez... pas dormi depuis que vous êtes parti du lac sans doute... juste pour me retrouver... Et puis, vous n'avez pas regardé... quand hum... j'étais... nue. Enfin je... vous avez pris cette luciole avec... délicatesse. Je ne pensais pas cela possible alors... ». Elle termina. « Je pense que votre femme à tord d'être effrayée. Et mes raisons ne sont peut-être pas valables à vos yeux mais je vous fais confiance... ». Elle le regardait toujours, de la même façon qu'elle avait eu de le faire un peu plus tôt, lorsqu'elle l'avait touché. Elle se sentait hors du temps, entendant son cœur battre dans sa poitrine. Elle baissa les yeux vers les lèvres de l'Alfar un moment, inexorablement attirée. L'avancée fut de quelques millimètres, à peine visible, coupée dans un déséquilibre qui la regagna, la forçant à se dégager de l'emprise qu'il exerçait sur elle. Elle cligna des yeux, se reprenant comme elle le put. Elle ne devait pas rester en face de lui. Aussi, un peu brutalement, elle se rassit à ses côtés, finissant par se coucher complètement, sur le dos. Elle préférait admirer le ciel plutôt que de s'apercevoir qu'il avait compris le désir soudain qui s'était emparé d'elle. Les cheveux étalés dans l'herbe, elle se questionnait sur son envie, cette fraction de seconde où elle l'avait voulu. Pourquoi ? Elle l'ignorait, ne le comprenait pas. C'était inexplicable et elle n'avait pas l'intention d'en parler. Elle ferma les yeux, répondant à sa dernière question comme si de rien n'était. Rien n'était. Il était insignifiant, elle devait s'en souvenir. « Je ne compte pas marcher sur les traces de qui que ce soit. Je ne veux pas faire le mal. Je veux simplement... guider mon peuple sur une voie qui le préservera au maximum de la souffrance et... ». Elle ne finit pas. Tout ceci était banal pour un chef de race. Il devait se dire qu'elle était ridicule de parler de la sorte. Ses mains glissèrent doucement jusqu'au bas de la chemise, comme pour vérifier que le tissu la couvrait bien. « J'aimerai que vous dormiez. Je ne vous ai jamais vu dormir... ». Elle divaguait légèrement, se laissant bercer par la fatigue. « Je suis sûre... que... vous devez être... beau... vos oreilles... aussi... quand... vous... ». La fin ne vint jamais, la main droite de la reine qui était posée sur sa cuisse tombant lentement dans l'herbe, lourde du sommeil qui avait gagné sa propriétaire.

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Dim 21 Sep 2014, 20:59

Je la suis tout au long de son mouvement, expectatif. Face à moi la reine se poste, se débattant entre pudeur et volonté de s’imposer à ma vue. Elle veut quelque chose, mais hésite. Je vois la gêne se débattre avec une curiosité mêlée d’autre chose dans son regard, sa gestuelle, sa voix. Une interrogation se dessine au sujet de mes sentiments, elle pose ses mains sur mes épaules. Je prends le parti du silence, esquisse un rictus, sans arrêter de la fixer. Pourquoi tient-elle tant à le savoir ? La réponse est désormais évidente. Elle transpire de désir. Pulsion inavouée, qu’elle parvient à peine à cacher à travers le récit amputé d’une anecdote sans importance. Je ne peux que me délecter du spectacle de cette âme prude tiraillée par quelque bas instinct.
L’attention à mon endroit n’est pas sans charme. Ses manières hésitantes éveillent ce qu’il y a de prédateur en moi. Elle est belle, désirable et l’idée de lui ôter cette chemise, trop imprégnée de mon odeur, n’est pas pour me déplaire. Je l’écarterais bien volontiers des sentiers de la morale, le temps d’une nuit… mais cela ne se passera pas ainsi. Je la connais assez pour savoir que les feux qu’elle se plait à allumer étouffent aussitôt par manque d’audace. Mais d’ici la, je l’écoute m’avouer le contenu de ses rêves, diverti par l’accroissement d’une tension charnelle évidente, autant qu’inassumée. Elle grimace, détourne le regard, hésite…puis s’enhardi à m’interroger directement sur mes sentiments à son égard. Tant d’audace m’évoque la marche d’une souris face au lion : elle semble, dans sa confession, traverser la plus dure des épreuves. Luxurieuse, rougissante, je vois son regard s’abaisser de quelques centimètres depuis ma prunelle smaragdine. L’instant se suspend, comme au comble de cette volupté fébrilement instaurée. Puis, la fuite : conforme et prévisible. Je retiens un rire vaguement cynique, exempt de déception. Ce n’est qu’une femme bridée. Elle n’est pas en faute.

Sans détourner la tête, je l’écoute conclure : lasse. Sa voix se perd dans la torpeur, se fait trainante, étouffe. Le sommeil la gagne, comme une échappatoire au caractère honteux de la situation précédente. J’attends un moment, figé du même immobilisme que le paysage alentour. Le son quasi imperceptible de sa respiration me parvint : lent, monotone. Je l’écoute. Peu à peu, mes pensées dévient sur ses derniers aveux : les clans, ces individus nébuleux aux intentions troubles, les archimages. Je retourne ces éléments comme autant de pièces, songe à la correcte manière de les aborder. La tâche est immense, mes moyens limités. Pour l’heure, je ne peux que laisser se dérouler le cours des choses, attendre que se dessine le tableau du grand jeu et qu’arrive mon tour.
Bref soupir. Je détourne enfin mon regard sur elle. Etendue, les traits relâchés, elle m’apparait bien différente de l’ordinaire. Ni contrariété, ni gêne ne froissent sa peau blanche et autour de son beau visage est une mer ébène brillante. Je me hasarde à observer la courbure de ses chairs : le dessin de son visage au nez fin, aux lèvres ourlées, le tracé de sa nuque, le relief, chastement voilé par le vêtement, de ses clavicules. Au-delà, je perçois les plis du tissu que sa poitrine ronde tend, le creux de ses hanches, ses longues jambes nues. Mon corps s’affaisse vers l’arrière. Je m’étends, le haut du corps toujours en appuis sur un bras replié. L’index de ma main libre s’élève alors pour frôler son profil. J’esquisse l’ombre d’un sourire, paupières étrécies, effleure sa bouche, poursuit le survol jusqu’au creux de son décolleté, sans chercher à repousser cette barrière ténue. Aucun contact, aucun outrage. Son statut m’interdit de la toucher. Un fait regrettable, mais dont le prix semble bien dérisoire comparativement aux conséquences que cela engendrerait. L’abandonnant, je me retourne donc face à la plaine, étendu dans l’herbe haute, oubliant tout ceci. Alentour pèse toujours le silence, la nuit nous couvre.

Rien ne se passe, rien ne se montre, mais un vent froid se lève. La scène est un champ de bataille désolé, des étendards en lambeau, des silhouettes couchées. Aucune visibilité, tout est gris, couvert de brume. Au loin, on entend le corbeau, l’appel faible d’un cor de guerre qui se perd dans l’écho. J’avance, guidé seulement pas une intuition ténue, un genre d’évidence infondée : cela n’a aucune importance, car rien ici n’en a véritablement. Le décor se dévoile au loin, tout en disparaissant derrière moi. Je sens s’épaissir l’atmosphère. Dans les cieux, les nuages s’accumulent. L’ombre grandit peu à peu, envahissant tout l’espace. Bientôt, il ne reste plus rien. J’avance, comme s’accroit la tension. Un œil suspendu dans le vide, invisible, un œil inquisiteur, un chasseur : je suis sa proie. Ma fuite est futile, car tout autour est noir. Ni mur, ni ciel : un espace infini et sans issue. Je sens la peur me saisir, irrationnelle, quand jaillissent soudain du sol des ronces acérées. Elles me saisissent et m’enserrent, je chute. Plaqué au sol, chaque mouvement rendu vain par une multitude de ramifications qui m’agrippent, me perforent la peau, je tente de me débattre en vain. Autour de moi se dressent des murs de pierre noire. Salle caverneuse, ou dorment des choses ténébreuses : je vois danser des silhouettes sans visage. La lumière est celle du feu, car aucun rayon de lune ou de soleil ne traverse jamais ces antiques cachots. Une odeur de cendre gonfle, de fer, de choses vivantes rendues mortes. Je suis assourdi par une mêlée insupportable de son, un brouhaha douloureux, anarchique. Tout est trop fort, trop intense et trop mauvais. Eux, sont la. Ils sont partout, fiers de leur puissance, fier de la domination qu’ils imposent sur les âmes châtiées. Lutter est vain. Cela dure depuis des décennies : un châtiment sans fin qui vous fait oublier la couleur des choses, le gout des émotions, la musique de la liberté. Et moi, conforme à leur souhait, je ne suis plus rien. Ce qu’ils saisissent n’est qu’une coquille vide. Un corps sans âme que l’on peut maltraiter à loisir. Mon esprit est dissout, rattaché au reste par un biais unique, ce qui fait encore de moi un être : la douleur. Chaque coup meurtri l’évasion par le rêve. Je sens la morsure dans mon dos, je me rappelle de tout.


Un cri animal, dément. Je me redresse en sueur, comme mes doigts s’enfoncent dans la terre froide. Tout est flou, tout est traversé par le reste de ces silhouettes menaçantes. Je ne respire plus, je suffoque en saccade. Mon pouls explose. Je ne sais pas où je suis, je ne reconnais rien. Et par-dessus tout, eux sont encore la.
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Lun 22 Sep 2014, 00:53

Un cri retentit, sortant Edwina du sommeil d'une façon brutale. Ses yeux s'ouvrirent et son buste se redressa la seconde qui suivit, son regard scrutant le paysage sombre, affolé. Pourtant, il n'y avait rien, rien qu'elle puisse discerner, rien qui se trouvait près d'elle, capable de la blesser, de la tuer. Il n'y avait que lui, redressé. Sa propre respiration était saccadée à cause de la peur qu'elle avait ressenti, cette panique qui lui avait fait oublier les faits de la veille; L'instinct de survie sans doute. Pourtant, il serait mentir de dire que la frayeur était définitivement enterrée. Non. Elle comprenait que le cri venait d'Adril, que les démons dont elle avait imaginé l'attaque existaient, en son cœur, à lui. Il était le seul à subir leurs actes, le seul à être en danger, pourtant, le voir dans cet état était une épreuve qu'elle n'aurait jamais pensé aussi dur. Elle ne bougea pas, du moins, au début, indécise, ne sachant si elle devait faire quelque chose, s'il la repousserait, s'il voudrait s'en prendre à elle, la confondant avec ces choses qui le hantaient, quelle qu'elles soient. Pourtant, à l'observer, sa respiration perturbée, ses mains semblant vouloir s'agripper au sol comme si ce dernier constituait sa seule chance de survie, elle ne put se résoudre à ne rien faire. S'il devait essayer de la blesser, tant pis, elle se défendrait comme elle pourrait. Si son acte était considéré comme dérangeant, s'il devait la repousser brutalement, tant pis, elle comprendrait. Mais le voir comme ça, perdu dans les méandres de son cauchemar, était au dessus de ses forces. Elle l'aurait sans doute fait pour n'importe qui, oui peut-être, mais lui... elle avait d'autant plus de raisons. « Adril ? Que se passe-t-il ? ». Sa voix était faible, légèrement méfiante. Elle ne savait pas s'il était réveillé, réellement. Il semblait ailleurs, il respirait si fort. Elle ne l'entendit pas répondre, prise de panique sans qu'elle ne puisse en comprendre les fondements. Ce n'était pas si grave dans le fond mais elle s'était construite une représentation de l'homme qui ne comprenait pas le fait qu'il puisse avoir des faiblesses. Pour elle il était toujours debout, à l'affût, affrontant les dangers, captant leur survenance avant même qu'ils n'approchent. Sa représentation se modifiait et cela en était troublant. Il avait des peurs, des fantômes. Il avait une famille, il tenait à des personnes, tremblait sans doute pour elles. Il...

Elle bougea, l'enjambant, se plaçant face à lui, sur lui. Ses mains attrapèrent les joues de l'homme. « Adril... Je suis là... ». Elle cherchait à le maintenir, à lui faire lever les yeux vers elle. Sa peau était moite, ses doigts glissant doucement. Pourtant, elle ne souhaitait pour rien au monde le lâcher. « Adril... Rien n'est réel... Ce n'est pas la réalité... ». Edwina ne savait pas comment faire dans ce genre de cas, elle avait peur de ne pas s'y prendre correctement, peur d'échouer, peur de le perdre. Pourquoi le perdre ? Il n'était pas blessé, il n'allait pas mourir. Ses bases s'effondraient avec ses représentations. Elle ne savait pas... En temps normal, il était celui qui faisait figure d'autorité dans leur relation, celui qui agissait calmement, qui la canalisait, qui se montrait froid, imperturbable. Les choses étaient à présent floues, comme si rien de tout ceci n'était vrai, comme si tout n'était qu'illusion, qu'elle se trouvait dans son propre rêve. Cependant, elle devait la lui montrer, la réalité. Elle attrapa ses poignets, posant ses mains sur sa taille. « Je suis là... Rien d'autre n'existe... ». Ses doigt remontèrent avant de glisser dans les cheveux de l'homme, rapprochant par le même mouvement le visage de l'Alfar de son buste jusqu'à ce qu'il la touche. Elle ne savait pas quoi faire pour le rassurer, ne réfléchissait pas, agissant sur le moment. Avait-il seulement besoin de son aide ? La voulait-il ? Tout ceci lui paraissait bien loin. Elle ne pensait qu'à l'enlacer pour le calmer, basculant doucement d'avant en arrière comme si ce geste pouvait avoir un quelconque effet. Elle le serrait contre elle, murmurant des paroles presque inaudibles. Elle n'était pas rassurée non plus mais elle ne prenait pas encore conscience de la situation dans laquelle elle s'était mise, de la position dans laquelle elle se retrouvait, de son propre fait. « Adril... Vous... ».

Le silence s'installa, plusieurs secondes passèrent, plusieurs minutes peut-être, pendant lesquelles elle caressait machinalement les cheveux de l'homme. Puis, elle commença à percuter, à se rendre compte. Cela se traduisit par un arrêt des battements de son cœur, du moins, ce fut l'impression qu'elle eut, plongée dans une sorte de vide révélateur. Sa respiration devint bien plus rythmée, son corps se raidit. Elle n'osait plus bouger, plus desserrer son emprise sur lui, comme si avoir à subir son regard serait la pire chose qui puisse arriver. Au moins, ainsi positionnés, il ne pouvait pas la voir, elle non plus. Ses caresses avaient cessé même si sa main demeurait toujours enfouie dans ses cheveux. Ses lèvres s'entrouvrirent d'étonnement, de gêne. Comment avait-elle pu en arriver là, sans réfléchir à ce que ses actions engendreraient après coup ? Lui devait en rire, la traiter intérieurement d'idiote. Mais elle... Elle avait perdu contenance, s'était précipitée vers lui comme si elle était la seule à la dérive. Pourquoi n'avait-elle pas insisté ? Pourquoi ne l'avait-elle pas appelé avec plus de conviction afin d'obtenir une réponse ? Elle s'était emballée, avait eu peur, avait cru bien faire mais, finalement, à présent, elle trouvait son comportement totalement dément. Maintenant, elle devait trouver quelque chose à dire, à faire. Elle ne voulait plus bouger, n'ayant pas desserrer sa prise. C'était idiot car plus vite elle serait séparée de lui, plus vite ils pourraient oublier tout ça. Mais non, elle continuait de s'agripper à lui comme une moule à son rocher. Elle ferma les yeux, lâchant une sorte d'ordre mais sous la forme d'une question, sa voix très peu assurée, basse. « Racontez-moi ? ». Elle priait presque pour qu'il se soit rendormi.

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Lun 22 Sep 2014, 12:01

Je fouille l’espace du regard, affolé. Mes repères volent en éclat. Au paysage se superposent des formes. Ces silhouettes, dont on ne peut voir le visage, mais que mon esprit reconnaît dans un genre de conviction transcendante. Ce sont eux. Ils ont mis le pied dans la réalité, l’aliènent. Je sais que je n’y peux rien. Il est en moi une peur démente, une sensation plus forte que tout et qui m’enserre les entrailles. Je les vois se mouvoir encore, incapable de bouger tant l’impuissance qui est mienne me colle à la peau. Mon corps tremble pourtant, hors de tout contrôle. Ils sont la, approchent en sinistre fantômes.
L’un d’eux me saisit. Je me raidis, laisse échapper un grognement sourd comparable à celui d’un animal aculé. Je sens son poids, ses mains. Me défendre, me battre : cette nécessité apparaît comme unique issue. Mais elle possède une odeur, cette chose. Une odeur familière qui parvient à effacer les ombres. Peu à peu, elles éclaircissent, peu à peu, elles disparaissent. Je n’en suis pas sur. La voix me conforte. Il en reste encore. Elle me prend contre elle et m’offre son corps en guise de prise rassurante. Peut être se cachent ils dans les ombres. Je l’enserre comme si ma vie en dépendait, le visage enfoui dans le tissu de sa chemise. Il n’y a rien, ce n’était qu’un cauchemar.
Un cauchemar de plus à ajouter à l’inventaire de cette chaine que je traine au pied. La liberté n’existe plus pour moi en vérité. Détenu entre quatre murs par le passé, j’endure à présent ces souvenirs, à la manière d’une prison invisible, dont les barreaux se dressent immanquablement autour de moi une fois la nuit tombée. La séquelle est le véritable châtiment de l’affaire. Et si les blessures de guerre s’oublient, ces marques là perdurent et ne manquent pas de rejaillir sans qu’on le veuille. Je n’ais pas le contrôle sur tout ceci et cela me rend simplement fou.

Paupières closes, je veille à oublier. La peur imbibe encore mes chairs. A la manière d’un enfant en bas âge, je doute. L’émotion est prégnante, intense, trop réaliste. Elle peine à se dissiper, c’est pourquoi je m’accroche à d’autres sensations, espérant ainsi oublier les précédentes. Mon emprise se relâche alors doucement. Je sens cette odeur de femme dominer le reste de mes perceptions. Une odeur familière, suave. Je sais à qui elle appartient, même si tout ceci ne me semble pas parfaitement évident pour le moment.
Méticuleusement alors, je détaille le panel de mes perceptions : ses doigts dans mes cheveux, le battement ralenti de son cœur à travers sa poitrine. Tout se dessine. Je passe mes mains dans son dos, fidèle à sa cambrure, depuis la naissance de ses omoplates jusqu’à sa chute de rein, pour la mieux sentir. La silhouette devient tangible, prend consistance. Et comme s’effacent les dernières bribes de mon songe, me revient la réalité. Elle est bien l’ultimage.
Pourquoi m’a-t-elle saisit de la sorte ? Je le sais fort bien. Ses mœurs romantiques, ses façons toujours trop bonnes, trop naïves… Elle a voulu me sauver, comme on sauve un chat coincé dans un arbre. Peut être même lui ais je inspiré quelque pitié : affect que j’abhorre plus que tout au monde. L’envisager seulement me couvre de honte. Je l’ais reçue dans ma faiblesse, lui ais offert le spectacle de mes failles : cuisante humiliation.

Long soupir. Je viens quérir ses poignets, les enserre et la force à me lâcher puis, dans un élan de fatigue et de frustration mêlée, retombe vers l’arrière. Mon regard se rive vers les nuées. Je demeure la, immobile, de longues minutes durant. La situation m’exaspère, je sens mes nerfs se tendre, tandis que mes mains passent sur mon visage dans un long geste symétrique. Je souffle, grogne, m’interroge.
« Si je vous raconte cela… fais je à mis voix. Suspension… Veillez à ce qu’on ne le sache pas.
Je me redresse, l’attrape par les bras et la déplace sur le côté afin de pouvoir me relever. Quelques pas au hasard, dos à elle : je tente de placer les éléments de cette longue histoire en un tout suffisant. Mais cela ne vient pas. Quoi que je lui dise, sa vision de ma personne changera. Est-ce important ? Certainement. Elle ne me fera peut être plus confiance et l’ensemble de mes plans s’en verra ébranlé. D’un autre côté, je n’ai guère envie de la ménager. Elle fantasme bien trop sur la réalité du monde et des gens qui l’entourent.
« J’ai passé le dernier siècle en prison Milady. Finis je pas dire d’un ton abrupt. Les marques, les songes et le reste…
La phrase est laissée en suspend. Elle sait nécessairement de quoi cela peut avoir l’air. Sa nature de femme n’a pas besoin de recevoir tout le détail du sordide de ces lieux.
« L’important est ailleurs néanmoins, car le motif de ma condamnation n’est pas anodin. Court silence. A l’époque je servais dans la garde royale en plus de gouverner mon propre clan. J’ai estimé que le pouvoir en place ne tenait pas correctement compte des intérêts des miens. Cela s’est terminé en coup d’état, tentative qui a échoué. Le reste est une déduction évidente.
Je croise les bras. La chose est dite.
« Sachez également que je l’ais fait par ambition, autant que par devoir. Ma nature est ainsi faite. Je suis un alfar : opportuniste, avide. Aussi, ne me faites jamais tout à fait confiance. C’est un conseil que je vous donne. Tâchez de ne pas l’oublier.  
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Lun 22 Sep 2014, 14:12

Non, il ne dormait pas. Elle ne tarda pas à le savoir. Pourtant, la réaction d'Adril lui convint parfaitement, faisant retomber ses peurs, ses doutes. Leur proximité n'avait plus d'importance, il l'ignorait et elle tâchait d'en faire de même. La situation était normale, elle n'était pas en tord, elle avait agit comme il le fallait, du moins, il ne lui reprochait pas ses actions. Elle expira, soulagée. Elle devait relativiser. Se retrouver ainsi sur lui n'était pas si catastrophique. Il était son maître d'arme ; forcément, elle devrait se battre contre lui, elle devrait réussir à le mettre à terre, à le vaincre. C'était son objectif, un objectif qui prouverait son apprentissage le jour où il se réaliserait. Edwina ferma les yeux un instant, passant ses doigts doucement sur l'un de ses sourcils, la fin des émotions qui l'avaient affolé plus tôt la rendant tout à coup lasse. Elle aurait pu s'affaisser sur lui pour dormir s'il n'avait pas parlé, s'il n'avait pas décidé de répondre à la question qu'elle lui avait posé. Il la repoussa, elle resta au sol, ne se préoccupant plus de la chemise. Le sujet était sérieux, il ne la regardait pas. Ses yeux scrutèrent la silhouette de l'Alfar, son dos, ses cheveux, la forme de son visage qu'elle pouvait apercevoir par moment. Elle l'écouta, du début à la fin, ne cherchant pas à l'interrompre. Le silence s'installa. Elle n'eut pas à réfléchir bien longtemps, juste à trouver les mots, la force de faire ce qu'elle souhaitait, de lui faire passer le message qui était le sien. La reine se releva, avançant doucement. Elle le contourna, levant les yeux vers lui, sentant en elle naître le souffle de la détermination. Sa voix était calme mais ferme. « Adril. Je suis fille de deux tyrans, je fus l'apprenti d'un homme qui mit le monde à feu et à sang, j'ai fait des choses qui... qui m'auraient valu au moins un siècle d'emprisonnement si j'étais tombée aux mains de l'ennemi. Plus, sans doute... ». Elle marqua une pause. « Des choses que je regrette. Et... tous les jours, j'ai peur de m'apercevoir que... je porte le mal en moi. J'ai peur de trahir mon peuple et j'ai peur de la magie qui est en moi. ». Elle attrapa sa main. « Je... Je suis peut-être naïve mais quoi que vous disiez, je continuerai à vous faire confiance. Je ne peux pas le faire à moitié, garder des réserves. ». Elle s'approcha un peu, ses yeux ne cillant que très peu, fichés dans le sien. « Vous avez défendu votre point de vue, peu importe les conséquences. Vos années de prison ne m'effraient pas, pas plus que les marques qui sillonnent votre corps. Je ne faillirai pas à ma part du marché. Je... je veux que vous me montriez, que vous me racontiez et... que vous m'appreniez. ». Elle baissa un moment les yeux avant de les remonter. Il avait l’œil vert, chose qu'elle découvrait pour la première fois. Elle était incapable de dire pourquoi, peut-être parce qu'elle ne l'avait jamais réellement regardé ainsi, vraiment, sans peur, sans gêne, sans que la colère ne déforme la réalité. « Nylmord dit que je fais une piètre reine, que je dois apprendre à être plus forte sous peine de ne pas pouvoir honorer mon rang. C'est pour ça... j'ai... j'ai besoin de vous à mes côtés. Ne me quittez pas. Ne me trahissez pas... ». Elle serra un peu plus sa main. « Je sais que vous ne le ferez pas. ». Elle ne possédait rien qu'il puisse désirer posséder à son tour. Elle resta là, un moment, avant de le lâcher et de marcher en direction du feu dont il ne restait plus que quelques braises. Elle attrapa l'armure de l'Alfar, laissant la robe, puis, une fois qu'elle l'eut rejoint, elle lui tendit. « Nous rentrons. ».

Gaston fixait un petit objet depuis quelques temps, la flèche de celui-ci pointant dans une direction qu'il suivait. Ses pas étaient grands, lourds, et pour cause, l'homme était bien plus fort que rapide. Grand, il ne lui manquait qu'une dizaine de centimètres pour atteindre les deux mètres. Dans son dos était fichée une épée que la femme qu'il allait épouser ne pourrait sans doute même pas soulever. Il ricana, désobéissant aux Archimages qui lui avaient dit qu'il vaudrait mieux annoncer les choses à l'Ultimage en douceur. Seulement, la douceur, il ne connaissait pas et puisqu'il avait l'autorisation de l'approcher, en tant que futur époux, il n'attendait que ça. Il l'avait déjà vu, bien sûr, mais uniquement de loin. Il voulait la contempler de plus près à présent, même s'il devrait attendre la cérémonie pour réaliser ses fantasmes totalement. Gaston était ambitieux. Épouser une reine signifiait devenir roi. L'Archimage Sirigon lui avait dit qu'elle était naïve, qu'elle n'avait pas confiance en elle et qu'elle finirait par se laisser dominer, lui confiant sans doute le pouvoir. Mais le plus naïf des deux était sans doute lui car si Sirigon et ses comparses véreux l'avaient choisi, c'était parce qu'il était également manipulable, trop confiant, idiot, imbu de lui-même. Flatter son ego signifiait prendre l'ascendance sur sa personne, contrôler à distance, en faisant en sorte que lui seul subisse les conséquences des décisions qui passeraient pour siennes. Les yeux de l'homme finirent par se fixer sur l'horizon. C'était elle. Elle et... Ah oui, on l'avait prévenu qu'elle se baladait avec un homme, un garde du corps. Il fut près d'eux en peu de temps, fixant Adril, le félicitant mentalement d'être un bon chien. Il avait ramené ce qu'il souhaitait. Son regard alla de la tête aux pieds de l'Alfar, sans gêne. Il l'aurait cru plus grand, plus beau aussi. Quelle honte que sa femme marche en compagnie d'un être pareil, n'appartenant même pas à sa propre race. Il le regardait de haut, son expression trahissant bien ce qu'il pensait tout bas. Puis il tourna les yeux vers Edwina, la détaillant également, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de la tenue qu'elle arborait. Ses yeux se firent plus intrusifs, comme s'ils essayaient de voir quelques détails de son anatomie par transparence du tissu blanc. La jeune femme elle ne savait ni qui il était, ni ce qu'il voulait. Elle allait lui demander des explications, s'étant rapprochée presque imperceptiblement d'Adril comme si elle cherchait une quelconque protection contre des manières qui la mettaient mal à l'aise. Seulement, elle n'eut pas à le faire car Gaston prit la parole en premier. « Ma Reine. Je me nomme Gaston Ygam. Les Archimages m'ont sommé de vous raccompagner jusqu'à vos appartements. Le peuple vous réclame et vos conseillers pensent qu'un discours serait le bienvenue afin de rassurer les foules. ». Il fixa l'Alfar. « Quant à vous, vous pouvez... disposer. ». Edwina avait compris, c'était lui qu'elle devait épouser, lui, ce... ce... Elle n'en revenait pas. Elle était restée silencieuse, essayant de se convaincre de le suivre, il le fallait. Néanmoins, quand il s'adressa à Adril, les mots sortirent de sa bouche avant qu'elle n'y réfléchisse. « Cet homme est à mon service, c'est donc à moi de décider quand au juste il doit disposer. Pas vous. Restez à votre place. ». Elle avait insisté sur les marques de possession. « Veuillez reculer de dix pas. Je dois parler à mon garde du corps en privé. Ensuite, je vous accompagnerai. ». Il ne s'exécuta pas de suite, elle plissa les yeux. Il le fit.

Une fois qu'elle le jugea assez loin, elle se positionna de façon à ce que le corps d'Adril la cache entièrement à la vue de Gaston. Là, elle expira, inspira, loin d'être aussi calme qu'elle voulait bien le laisser paraître devant le magicien qu'elle devait épouser. Elle leva les yeux vers l'Alfar, son regard troublé. « Je... je vais aller avec lui mais je dois... je dois me changer. Je sais que vous ne voulez pas en temps normal mais son regard me... ». Elle n'attendit pas son autorisation, essayant de se concentrer. « Bien... pour une veste... il faut que je mesure votre largeur d'épaule et... hum... ». Elle n'avait pas de mètre ruban mais l'écart entre son pouce et son auriculaire suffirait pour lui donner une taille approximative, une idée. Elle plaça ses deux doigts sur les épaules d'Adril, comptant à voix basse, s'engouffrant dans des calculs qu'elle seule pouvait comprendre jusqu'à ce que sa magie se déclenche, un bout de tissu apparaissant de nulle part pour couvrir les épaules de l'homme, taillé vaguement. Elle soupira, soulagée. Elle avait le contrôle à présent. « Rejoignez moi en fin d'après midi dans mes appartements, seul. Et ne vous faites pas surprendre. ». Sans un mot de plus, elle partit rejoindre Gaston, le tissu de sa chemise mutant pour former une robe blanche dont la traîne effleurait doucement l'herbe. Des dessins dorés furent brodés sur le tissu, donnant une certaine beauté à l'ensemble. Elle ne dit rien, se contentant de marcher vers le lac, laissant Adril et le bout de tissu qu'elle avait créé, de la même couleur que les yeux de l'homme, derrière elle.

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Lun 22 Sep 2014, 23:21

Sur la terre des mages blancs, un homme vient à notre rencontre. Arrivé à notre niveau, il s’immobilise, me toise. Je lui rends son regard, saisissant sans peine les émotions qu’il laisse transparaitre. J’ignore ce qu’il veut, mais ses manières m’agacent. La fatigue additionnée aux derniers évènements me rend susceptible et je me ferais un plaisir de le corriger si cela devait s’avérer nécessaire. Effacer ce semblant de satisfaction à coup de poing me détendrait très probablement. Il est grand, sa carrure évoque un bloc de roche grossièrement taillé, mais cela ne m’impressionne pas. Les humains restent et demeurent des êtres inférieurs sur bien des plans. Lui ne semble déborder ni d’agilité, ni d’intelligence. Mon expression se durcit encore, au moment où ses yeux m’abandonnent pour se poser sur l’ultimage, intrusif, presque obscène. J’avance de quelques pas, me place entre lui et la reine. Un geste, un seul et sa tête tombera à nos pieds, figé à jamais dans la suffisance.
Mais il n’en sera rien, car il se décide à briser le silence en se présentant. Son nom m’est familier. Brève réflexion, je me rappelle des mots de l’espion de l’ultimage la nuit dernière. Il s’agit donc de son prétendant, celui que les archimages ont choisi pour elle. Lui, cet homme grotesque, éloquente représentation de la médiocrité humaine. Je le défis encore du regard, affichant à travers ma prunelle la liste ostensible de mes envies assassines, lorsqu’il se prend à me donner des ordres. Ordres aussitôt repris par la jeune femme à la chevelure ébène dans mon dos. Esquissant l’amorce d’un sourire, je m’en retourne à son côté sans quitter du regard l’homme qui s’éloigne.
Quelques secondes, avant que mon regard ne dévie vers elle. Troublée, tendue : je devine sans mal la signification de tout ceci. Elle ne l’a pas choisi et cela lui retourne les idées. Quoiqu’il en soit, je la laisse gesticuler, attendant simplement son ordre et le bon moment pour disposer. Elle finit par me demander de la retrouver plus tard, toujours prise dans une foule de manipulations magiques dont j’ignore le sens. J’acquiesce et la regarde s’éloigner du coin de l’œil, estimant sa grâce largement gâchée par la présence de l’humain à son côté. Ma main vient chercher le bout de tissus émeraude, perplexe.

« Adril…
Cette voix, cette voix féminine me tire de la torpeur dans laquelle je me suis glissé. Je me redresse sur ma couche, redécouvre le décor de mes quartiers. Elle approche.
« Que fais tu la ? Fais-je en m’asseyant au bord du lit à force de long gestes lents. Je t’ai demandé de guider nos hommes aux portes de la montagne.
Mon humeur est fort mauvaise et cela se voit.
« Et c’est chose faite. J’ai estimé que Cyrus s’en sortirait mieux que moi auprès d’eux. Ils sont en marche.
-Pourquoi n’es tu pas avec eux ?
Elle s’assoit à ma gauche.
« Je voulais juste être la à ton retour. Elle me scrute, je l’observe du coin de l’œil. Ne me regarde pas comme ça… Je ne le mérite pas.
Son ton mêle douceur et autorité. Je soupire, enfoui brièvement mon visage entre mes mains et me lève.
« Sors d’ici.
Mon ton est tranchant. Elle laisse s’écouler quelques secondes, constate que cet ordre n’a pas vocation à être discuté et s’exécute. La porte claque.

Je vais à travers les couloirs déserts, le pas nerveux autant que décidé. Les mots de l’ultimage résonnent encore dans mon esprit. Ces aveux qu’elle ajouta à la liste déjà bien longue de son passé. Filiation, regret, culpabilité, confiance, royauté… Je repensais à son vœux de me voir à son côté, de la conviction avec laquelle elle défendit contre moi-même ma cause. Et au-delà de ce que mes compétences pouvaient lui offrir en termes d’apprentissage, j’avais la ferme conviction que le lien qui nous unissait désormais revêtait un symbole autre, plus lourd, plus important que prévu initialement. Car elle était seule : la chose transparaissait sans cesse dans son discours, ses façons. Moi, je veillais à me trouver toujours dans son ombre. Et mon abnégation lui rappelait à chaque instant la valeur de son existence. Quand à moi, je ne pouvais que suivre son mouvement tant que cela irait dans mon sens.
Arrivé devant les appartements de la reine, je m’immobilise. Sens alertes, j’écoute, sens, évalue ma solitude, puis entre. L’ultimage est la, affairée, plume à la main. Elle porte toujours cette robe blanche issue de ma propre chemise. Son acharnement à conserver cette modeste pièce de tissu me laisse perplexe. Je sens d’ici son odeur : ma propre fragrance, la sienne, la terre de la forêt des murmures, les draps de l’auberge, l’herbe des terres d’émeraude…
« Il m’avait semblé que l’usage de votre peuple offrait aux femmes la liberté de choisir leur conjoint. Fais-je en m’arrêtant au centre de la pièce, tout en croisant les bras. Si cela peut vous contenter, je le tuerais.
Une offre généreuse autant que naturelle. Les miens éliminent fréquemment leurs rivaux lors des joutes amoureuses. Et même si cela s’écarte de la tradition des humains à pouvoir, je veux bien lui offrir le privilège d’une telle attention.
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Mar 23 Sep 2014, 17:13

Le silence régnait, Edwina le trouvant parfait. Seulement, Gaston finit par ne plus se contenir, ayant envie de lui avouer, d'admirer sa réaction. Regardant la reine qui marchait un peu devant lui, un petit sourire naquit sur son visage, mesquin. Elle n'avait pas le choix, ne devait pas être au courant. La surprise sur son visage serait exquise. « Ultimage, je dois vous avouer qu... ». « Je sais. ». « Non je crois que vous vous me méprenez. ». Elle se retourna, le regardant un moment. Elle réfléchit, se demandant ce qu'Adril aurait fait dans la même position. « Bien sûr, vous avez raison, je me méprend. C'est d'ailleurs pour mon incompétence à acquérir des informations fiables que l'on m'a posé une couronne sur la tête. ». Elle se retourna. « Ne soyez pas ridicule. ». Elle s'arrêta, reprenant les mots qu'il avait employé avec l'Alfar. « Je n'ai plus besoin de vous, vous pouvez disposer. ». Gaston plissa les yeux, réduisant la distance qui les séparait. Posant sa main sur son épaule, il serra pour la retenir. Elle grimaça. « Ne me tournez pas le dos de la sorte ! Je suis votre futur époux ! Vous me devez le respect ! ». « Lâchez moi ! ». Un raclement de gorge se fit entendre. Le propriétaire de ce son se tenait à quelques pas, l'Archimage Eliassen, le vieil homme fixant Gaston d'un regard neutre qui ne tarda pourtant pas à briller d'une lueur bleue claire. Tel un mort-vivant, l'homme dans la force de l'âge lâcha la reine, partant d'un pas mou vers un endroit sans doute éloigné du Lac. Eliassen soupira, s'avançant vers Edwina qui semblait sur le point de pleurer. Il prit le tissu de sa robe, l'écartant doucement de sa peau pour découvrir une marque qui se transformerait sans doute en hématome d'ici quelques heures. « L'intensité de sa force est malheureusement fonction de sa bêtise. ». Silence. « Pourquoi ? Pourquoi avez-vous décidé, sans me consulter, de me marier à cet homme ? Il est... ». Elle mit l'une de ses mains sur ses lèvres, fermant les yeux un moment. Elle était très loin d'être stable, elle sentait au fond d'elle sa magie s'éveiller. « Ma Reine, le projet a été initié par l'Archimage Sirigon afin de rassurer le peuple, de montrer au monde que les événements récents n'ont en rien affaibli notre nation. Il a présenté cette union comme un symbole, symbole qui montrerait un renouveau, un avenir qui serait vu comme fertile si vous mettiez au monde un enfant rapidement. Il pourrait être considéré comme une réincarnation du dragon Suris qui s'est sacrifié pour sauver nos Terres. ». Il soupira. « Sirigon a l'art de convaincre comme vous le savez. Nylmord n'était pas présent quand le vote a eu lieu et, malheureusement, nous n'étions que trois à abhorrer l'idée. ». « Un... un... Je... ». Un enfant ? Edwina allait finir par ne plus pouvoir se retenir, par éclater en sanglot. Elle n'y avait pas pensé, pas à ça. L'épouser pour son peuple, oui, mais le reste... le reste... « Ma Reine, je suis heureux de vous revoir vivante. Nous nous sommes inquiétés de votre absence. ». Sirigon. L'Ultimage prit sur elle, ne le saluant pas pour autant. « Archimage Eliassen, prévenez le peuple, je ferai un discours d'ici une heure. ». Puis, elle tourna les talons.

« Magiciens, invités. Nous venons de traverser de rudes épreuves et malgré le peu de pertes que nous avons connu ici, au Lac de la Transparence, beaucoup de peuples ne peuvent pas en dire autant. Je tiens tout particulièrement à appuyer ma position, celle qui fut la mienne par le passé et qui le sera pour le futur : quiconque aura besoin d'aide sera reçu et écouté. Nous, les Mages Blancs, sommes un peuple pacifique, un peuple qui se doit d'être tolérant, serviable, sans pour autant se montrer crédule et inconscient. Ceux qui furent nos ennemis hier ne connaîtront pas notre appui, mais leurs alliés ne subiront jamais le même traitement. Nous ne pouvons laisser les préjugés déterminer nos actes. ». Elle marqua une pause, faisant face à la foule. Il n'y avait pas que son peuple car les Terres du Lac avait servi de terres d'accueil, de refuge. « Comme je le disais, nos pertes furent réduites mais nos récoltes partagées sont à présent amoindries. Les temps à venir seront sans doute rudes mais nous nous en sortirons. Suris s'est sacrifié pour que l'humanité puisse exister et nous devons lui faire honneur. La magie bleue nous aidera comme elle nous a toujours aidé. ». De là où elle se trouvait, elle pouvait apercevoir Gaston, semblant jubiler du fait qu'elle allait sans doute parler de lui. « Cependant, de ces heures troubles sont nées des alliances, des rapprochements. Aussi, j'annonce officiellement que le Seigneur des Deux Rives et moi-même avons décidé de nous unir. ». Elle fixa le magicien, jubilant à son tour, dans son malheur, de la situation. Elle ne lui ferait aucun cadeau, jamais. « Une union politique et économique. Celle-ci sera la première d'une longue liste. ». Eliassen sourit. Sirigon avait perdu le sien. « Je vous promets que je défendrais vos intérêts de toutes mes forces, comme j'ai défendu nos terres des Ridere. Je m'évertuerai à vous faire honneur comme vous me faites honneur aujourd'hui, vous qui m'écoutez et qui me soutenez. ». Et ainsi se termina le discours, un discours dans lequel Edwina omit de parler de son fiancé, disparaissant bien avant qu'il puisse la rejoindre.

Les lettres se formaient sur le parchemin qui se remplissait peu à peu d'un message adressé au Seigneur des Deux Rives. Elle en avait également écrit un à l'intention du Sin Luxinreïs et du Dædalus. Edwina s'interrompit, ne bougeant plus un moment, jusqu'à ce qu'elle soit certaine de l'identité de la personne présente à ses côtés. Elle finit sa phrase, posant la plume avant de lever les yeux vers l'Alfar. Elle recula sa chaise, se redressant doucement. « J'aurai préféré me marier avec vous. ». Formulé ainsi, l'on ne pouvait savoir s'il s'agissait d'un compliment compte tenu du piètre niveau de son futur époux. Elle sourit, s'approchant de lui, cachant mal son état. Elle était troublée, une pointe de tristesse passant dans son regard, tristesse mêlée à une expression de défi. Oh elle allait l'épouser, puisque c'était ce qu'ils voulaient tous, mais elle n'avait pas l'intention de respecter la tradition. Jamais cet homme ne serait le premier à la toucher, s'il devait la toucher un jour. Elle s'immobilisa devant lui, murmurant. « Ne le tuez pas. Si la faute vous revient je ne pourrai pas vous protéger. ». Elle laissa un petit silence s'installer. « Vous m'êtes trop précieux pour que je vous perde. J'ai besoin de vous... ». Elle se dirigea vers sa coiffeuse, sortant une brosse du tiroir, faisant face au miroir. Elle la passa doucement dans sa chevelure. « Et puis, il ne mérite sans doute pas de mourir même si sa poigne est... ». Edwina soupira. « Qu'importe. ». Une grimace apparut sur son visage au moment où elle leva les bras pour attraper une mèche de cheveux, son épaule endolorie lui rappelant la force de Gaston. Elle ne devait pas y faire attention, oublier la douleur. Ce n'était rien, elle était trop fragile. Elle devrait s'endurcir. « Notre mariage, selon l'Archimage Sirigon, sera un symbole de renouveau et également de fertilité quand je porterai son enfant. ». Elle noua la tresse, plaçant une rose en tissu blanc pour la décorer, continuant son ouvrage. Sa demande n'était pas prévue, elle avait même du mal à croire qu'elle puisse la prononcer. « Adril... ». Elle inspira doucement. « Vous souvenez vous de mon rêve ? ». Elle lâcha ses cheveux, posant ses mains sur la coiffeuse, des petites fleurs entre le pouce et l'index. Elle le voyait dans le reflet. Edwina ferma les yeux. « Si je ne peux annuler la décision des Archimages et si vos mœurs le permettent, j'aimerai qu'il se réalise avant que cet homme ne... ne me touche. ».

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Sam 27 Sep 2014, 23:02

J’observe sa main faire danser les vexilles de la plume, jusqu’à ce que soit apposé le point final de la missive qu’elle s’affaire à rédiger. Son regard change d’objet, je la suis dans sa mouvance. Un simple aveu accompagne son redressement. J’oublie de le considérer, intéressé seulement par l’expression de ses traits : elle sait, depuis les terres d’émeraude, quel sort lui réserve la cours de ses sous fifres. Pourtant, la tristesse ne l’habille que maintenant. Je suppose que de voir l’homme, en chair et en os, incarne l’idée en l’esprit au point que celle-ci prend soudain sens… mais il y a autre chose. Une chose propre à cette femelle bornée que je me plais à bien considérer. Entêtée, elle ne veut pas s’avouer vaincu. Elle semble pourtant si faible en cet instant…
Un murmure : elle rejette ma proposition. Cela ne m’étonne guère, bien que cela soit dommage. Les humains à pouvoir, tout particulièrement les mages blancs, font fréquemment dans la sensiblerie au point qu’ils préfèrent encombrer leur destin d’éléments pesant plutôt que de s’en débarrasser proprement. L’éthique et la morale entrave leur conduite tant et si bien qu’ils en viennent à prendre des décisions absurdes, comme cela s’est vu lors de la dernière bataille en ces terres. Mais je ne discuterais pas davantage ce chapitre. Il s’agit la d’une preuve de son alignement et cela me convient.
Silencieux toujours, je la regarde s’en retourner à la familière contemplation de son reflet. Mon regard suit distraitement sa main, dont les doigts blancs évoquent quelque oiseau affairé le long de la cascade ébène de sa chevelure. Elle l’excuse, bien que cela soit inutile. Peut être tente t’elle de se convaincre elle-même du caractère convenable de son promit. Un humain grotesque parmi tant d’autres : ils se valent tous à mes yeux. Qu’elle ne l’apprécie pas ne m’étonne guère et je suppose qu’elle aurait porté semblable jugement à tout homme imposé en mariage. Quand à l’intention de tout ceci, rien ne sort de l’ordinaire. Elle est femme et la nature lui impose de veiller à la descendance de la royauté.

Malgré cela, malgré la clarté des règles de ce jeu, elle se dérobe. Je l’entends prononcer mon nom et rive ma mire en réponse dans le reflet de sa personne. Sa question m’évoque la dernière nuit, dont  l’atmosphère curieusement voluptueuse est toujours pleine à mon esprit. Je l’entends formuler son souhait en dépit de l’hésitation qui la saisit. Irréel. L’instant se suspend brièvement. Je décroche son regard, fixe un point au hasard.
« En somme, vous me demandez de coucher avec vous.
Fais-je sur le ton de la conversation, bien que celui-ci s’approprie fort peu à mon contexte interne de l’instant. Mes paupières s’étrécissent, je la rive à nouveau.
« Avez-vous bien conscience de ce que cela signifie ? De ce que ça impliquerait si cela venait à se savoir ? Car cela se saura, soyez en certaine.
J’approche de quelques pas, vais dans son dos et la contemple, avant de m’en retourner au centre de la pièce.
« Pour ce qui vous concerne Milady, souvenez-vous de ces mots prononcés lors de la bataille : « ne faites pas les choses à moitié »… C’est bien de cela dont nous parlons aujourd’hui. Soit vous décidez de rejeter cet homme, auquel cas vous devez assumer de faire front aux archimages ; soit vous décidez de le prendre, auquel cas votre virginité lui revient de droit. La chose est fort simple et vous y dérober de cette façon, en plus d’être lâche, est indigne de votre rang.
Tout ceci m’inspire une curieuse lassitude.
« Quand à moi, je ne prendrais pas le risque de voir, engendré d’un caprice frivole, un bâtard. Considérez également le fait que me demander des faveurs sexuelles, au regard des convenances et dans la mesure où je suis à vos ordres, est une insulte. Je soupire. Mais vous, entre ces façons de vous exhiber nue et le reste, semblez manifestement très prompte à cela.
Mon ton est plus dur, plus sec : elle épuise mes ressources. Son esprit m’est imperméable. Je ne saisi rien de sa logique absurde, de ses désirs à demi mot, de ses plans dénués de sens. L’éventualité seule, que tous ces éléments lui aient échappé, me parait tellement improbable que je me trouve dénué de toute explication alternative pour justifier la présente scène. Mais qu’importe. Elle a dépassé les bornes. Agacé, désarçonné, je me tourne sans plus de cérémonie et me dirige vers la porte, accompagnant ma sortie d’un simple :
« Bonne nuit Milady.
En guise de conclusion.
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Dim 28 Sep 2014, 01:41

Le silence. Edwina déglutit, hésita puis courut jusqu'à la porte, l'ouvrant sans aucune délicatesse, le bois claquant contre le mur. « Attendez ! ». Elle lui coupa le chemin n'attendant pas qu'il daigne s'arrêter. Reprenant son souffle, elle finit par redresser les yeux vers lui, ses paumes tendues comme pour lui bloquer un peu plus le passage. « Je vous rappelle que... si vous vous étiez déshabillé, comme je vous l'avais demandé au préalable, je ne me serai pas baladée nue. Vous êtes têtu ! Et égoïste ! ». Elle plissa les yeux. « Ah moins que ce ne soit la pudeur qui vous étreigne ? ». Elle inspira, expira, recommença, puis finit par baisser les mains. « Qu'importe, vous avez raison, c'est une insulte de vous demander une telle faveur. Une insulte à votre mariage, une insulte à mon rang. Je trouvais que l'idée était bonne mais je devais être bien inconsciente quand je vous l'ai formulé. Au final, que ce soit lui ou vous, il n'y a pas grande différence. Deux hommes persuadés que la virginité de leur promise leur appartient. ». Elle reprit son souffle, fronçant les sourcils. « Je ne suis pas un objet et je vous interdis de vous croire invité à énoncer ce qui, selon vous, est digne ou non de mon rang ! ». Elle avait levé l'une de ses mains en l'air, visiblement sur le point de le gifler jusqu'à ce qu'une voix retentisse dans le couloir, une voix qu'elle n'appréciait guère. « Majesté ? Que faites vous en dehors de vos appartements avec... ». L'Archimage Sirigon fixa Adril un instant, ne terminant pas sa phrase. Au lieu de cela, et sans tenir compte de la situation tendue qui existait à présent, il en amorça une autre. « Je pensais que vous annonceriez vos fiançailles lors de votre discours. Gaston est un excellent parti qui saura vous conseiller dans les choix difficiles que vous aurez à faire à l'avenir. ». Edwina ne le regardait pas, les yeux toujours rivés sur l'Alfar. Elle baissa doucement sa main, laissant son conseiller continuer de critiquer son comportement et de glorifier la lignée de son futur époux, les qualités intrinsèques à ce dernier et l'avenir qui s'annonçait merveilleux pour le peuple dans son ensemble. Elle serra les dents, finissant par lâcher le fond de sa pensée, en ignorant toujours l'Archimage. « J'espère que, le jour venu, vous saurez répondre par l'affirmative lorsque je vous demanderai d'exécuter la seconde partie de mon rêve. Ça ne devrait pas vous poser trop de problèmes après tout, ce n'est pas comme si c'était indigne de vous ou que cela vous chagrinerait. ». Puis, sans un mot de plus à l'attention d'Adril, elle tourna les talons, l'Archimage outré. « Ultimage !  Vous ne pouvez pas partir ainsi ! Où allez-vous ? ». Elle se retourna. « Cela ne vous regarde pas. ». C'était vrai. Après tout, elle ne s'était pas coiffée pour rester sagement au repaire. Non, elle avait rendez-vous, avec un souverain qui était l'un des plus mystérieux des Terres du Yin et du Yang.

Cette fois, elle n'avait pas l'intention de dévier de son objectif, quoi que l'un ou l'autre puisse dire. Elle sortait, seule, et aucun d'eux ne pourrait changer les choses. Elle était énervée, Adril l'avait énervé pour être exact. Elle ne savait même pas pourquoi. Dans le fond, sa demande était stupide, elle le reconnaissait, même si elle n'était pas prête à l'avouer devant lui. Son refus était normal et son acceptation l'aurait effrayé. Quelque part, à présent, elle savait qu'il ne tenterait jamais rien à son égard. Elle se sentait rassurée, rassurée et blessée. Déçue aussi, légèrement triste. Peut-être était-ce naturel ? Elle venait de se faire rejeter et elle avait l'impression, pour la énième fois, qu'il la trouvait incompétente. Elle soupira, dans les couloirs, entendant les plaintes de l'Archimage derrière son dos. Il n'était sans doute pas le seul à la trouver idiote et non digne de sa fonction.

Le Mage Blanc finit par se dire qu'il ne servait plus à rien de s'égosiller, bien qu'il jouait parfaitement ce rôle. Il redevint sérieux, ses prunelles rencontrant celles de l'Alfar. « La Reine semble vous attacher quelques sentiments incompréhensibles. ». Un petit sourire apparut sur ses lèvres. « Peut-être même un peu trop. Cela pourrait la desservir. ». Il mima la réflection. « Voyez-vous, il me semble que l'avenir sera mouvementé. Vous avez besoin d'une terre d'accueil et nous savons tous que les souverains ne sont pas éternels. L'alliance que vous avez avec elle pourrait bien... se flétrir. Edwina est capricieuse et je crains que certains individus ne la trouvent trop divergente et... inutile. ». Son regard se tourna dans la direction où la souveraine était partie. « Bien sûr, mon vœu le plus cher serait de la voir reprendre le dessus et régner en souveraine véritable. Mais nous devrions tout de même avoir une conversation, vous et moi, afin de parler de l'avenir de mon peuple et surtout du votre, voir à quel point vous lui seriez... dévoué dans des circonstances différentes... ». Il tourna les talons, lâchant un bref. « Réfléchissez-y. ».

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