Jadis, cette couronne n'était que la source de mes tourments. Pourtant, lorsque mes doigts la relâchèrent, lorsqu'elle tomba doucement, lentement, dans l'océan, je sus que je n'aurai jamais dû m'en détacher. La révélation était telle qu'à la seconde même où celle-ci glissa de mes doigts, ce ne fut point son illustration qui s'imposa à mon esprit mais bien l'image de celui qui me l'avait confié. La promesse faite aux divins ne pouvait être bafouée. A moins que. J'étais celle qui se détachait de l'ordre établi pour créer ses propres règles, celle qui détournait les lois sans faillir, celle qui voyait des nuances là où les êtres ne percevaient qu'une seule et unique teinte. Ma vie avait été dictée par cette volonté de détourner les possibles, de franchir les impossibles, d'oser être la réalité au sein même du rêve. Mais le rêve peut-il seulement exister sans cette réalité écrasante ? Somnium était cette réalité chimérique, tapie dans le cœur d'un rêve. Un hymne à ce que nous étions, un hymne à cette valse que nous ne terminerions probablement jamais. J'étais Immortelle, j'étais Mortelle, j'étais le Tout et le Rien et qu'importe ce que j'incarnais, il n'y avait qu'un être que je souhaitais posséder, qu'un être que je souhaitais voir m'échapper. Et, au delà de ce que me dictait ma raison, au delà de cette folie calculatrice qui me caractérisait, au delà de ce cœur aride, il y avait cet être, cet être qui avait réussi à faire pousser dans ce cœur des centaines de fleurs plus merveilleuses les unes que les autres. Peut-être y avait-il façonné bien plus de ronces que de roses mais ainsi pouvais-je le griffer de leurs épines tout en embaumant ses sens de la senteur sucrée de pétales merveilleux. Que nous chuchoterait la fin de cette histoire ? Que nous réserverait le Destin ? Ces questions ne pouvaient se poser car nous étions maîtres de la fin, maîtres de l'histoire, maîtres du Destin. Ensembles, nous ferions trembler Sympan lui-même. Oh oui, la fin serait notre création, notre union. Peu importe nos séparations, venait toujours l'heure de nos retrouvailles. Nous avions magnifié la Lune lorsqu'elle était à son zénith, nous avions offert à la terre une nouvelle île, il ne restait que le Soleil à contenter. Par delà les unions de nos corps, valsant aux yeux d'un monde trop aveugle pour se rendre compte, par delà les unions de nos magies, créant et détruisant d'un même mouvement, par delà les unions de nos esprits, agissant en cadence où que nous soyons, il y avait ce lien, ce lien qui nous réunissait lorsque les astres l'avaient décidé, lorsque le moment était le bon, lorsqu'un nous devait exister, quelques secondes.

Il est vrai que j'ai toujours eu la fâcheuse tendance de me réfugier au cœur de ton océan. Petite, mes lèvres dessinaient déjà pour l'horizon quelques chuchotements, comme si la marais descendante aurait pu les emporter en son cœur pour les confier à un être mystérieux, un être qui me serait destiné. Crois-tu que je ne sais pas ? Crois-tu qu'en m'élevant je n'ai pas cherché à savoir, à comprendre le passé, à connaître ta position exacte à divers moments importants de mon existence ? Crois-tu que j'ignore cet intérêt qui fut le tien le jour même de ma naissance ? Cet intérêt qui fut le mien, grandissant en moi à la mesure que mon esprit s'éveillait ? Et peu importe nos tords, peu importe tes ébats avec cette femme dont je descend, peu importe tes malus de paternité, peu importe mon oubli, peu importe mon mariage, les aléas de nos existences ne sont que fioritures sur le tableau de nos promesses inaudibles. Je suis née pour te connaître, tu es mort pour me retrouver et lorsque la vie et la mort s'uniront, alors il n'y aura plus que l'éternité. Au loin, sur le rivage, bien au dessus de l'élément aqueux, je sens sa présence, celle de l'Æther de la Mort, heureux de sa maîtrise de cette situation de laquelle tu m'as empêché de connaître quoi que ce soit. Si seulement je savais. Mais je l'ignore. Néanmoins, dans mes multiples théories sur cette disparition qui fut la tienne, il est sûr que je la détiens, cette vérité qui s'imposera un jour comme une évidence. Et lorsque enfin tu m'apparaîtras, qu'importe le passé, ce sera le présent que nous construirons.

Cette couronne, je la ressens, comme une évidence, comme si elle incarnait la caresse de ta main sur ma peau. En se portant symbole de ton être, elle est devenue pour moi essentielle, vitale, éternelle. Et si je la recherche en ce jour, c'est que je sais qu'elle me mènera à toi. Comment, je l'ignore mais tout est lié. Oh, comme j'aimerai te voir, là, debout sur le sable de l'île où elle s'est échouée. Comme j'aimerai savoir que tu m'attends, la tenant du bout de tes doigts, le regard fixé vers l'océan.

Et la vague, devant la sirène émergeant, s'écarta, la révélant dans la lumière pâle du soleil couchant. L'émeraude de ses yeux rencontra le saphir des siens.

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Mitsuko passa l'une de ses mains sur son ventre, un petit sourire venant éclairer ses traits. L'heure était pourtant grave. Le vent du désert vint la décoiffer, ses cheveux s'envolant au grès de ce dernier. Bientôt, très bientôt, la magie s'éteindrait. Elle devait choisir : rester dehors et se battre ou entrer à l'intérieur et espérer ne point disparaître sans laisser la moindre trace. Seulement, si elle aurait préféré mourir plutôt qu'abandonner en temps normal, il y avait cette chose dans son ventre, ce petit être qui méritait lui, de vivre. En plus de ce dernier, elle souhaitait pouvoir, rien qu'un instant, savoir exactement où était chacun de ses enfants. Elle était donc là, devant le temple de Drejtësi. Son rôle d'Æther était également primordial, surtout lorsque l'on avait connaissance du sort d'Utopia. Oh, certes, Mikaïl allait très certainement se charger de la reconstruction une fois le fléau terminé, mais d'ici là, beaucoup d'humains allaient périr si elle n'entrait pas dans ses fonctions et, cela, elle ne le voulait pour rien au monde. Elle murmura, doucement : « Je mets fin à mon règne ». La couronne des rêves apparut, coiffant ses cheveux à la perfection un instant avant de disparaître. Elle songea un court instant à un tableau magnifique. Lui, elle, sur le trône, Mârid, ensembles. Ils auraient fait un couple parfait, inatteignable, berçant les autres races dans de parfaites illusions. Mais il semblait que l'existence même se plaise à rendre les choses bien complexes. Peut-être avait-elle commencé après tout en souhaitant s'élever, mais si elle avait décidé de devenir Æther, elle espérait qu'il la rejoindrait. Un jour. Elle sourit, caressant doucement le tissu qui recouvrait son ventre. Un jour oui.

Mitsuko entra dans l'enceinte de son temple, gravissant les marches, perdant toute aura mortelle pour se retrouver plongée dans la puissance des Immortels. Le savoir, le monde, l'harmonie et la dysharmonie. Elle avait l'impression d'être un Tout et un Rien. Le temps semblait se courber et se tendre, n'être qu'un facteur parmi tant d'autres et pourtant des plus importants. A présent qu'elle était au sein de son temple, elle ne pourrait plus en sortir avant que les événements se calment. Mais elle était exactement là où elle se devait d'être, là où sa puissance était la plus grande. Drejtësi, Déesse de la justice et protectrice des Humains. Voilà un titre qu'elle portait depuis un temps certain déjà mais bientôt un autre s'ajouterait à celui-ci. Edel, Æther de la vie. La voix avait résonné dans le temple en lui-même, l'Oracle ne pouvant parler ni s'infiltrer dans l'esprit de la jeune femme qu'elle servait. Mitsuko sourit. « Je vois que l'on ne peut rien te cacher. ». J'ai cru sentir que vous aviez besoin de moi. « Oui, c'est exact. ». Les portes du temple s'ouvrirent. « En tant que Déesse protectrice des Humains, il est grand temps de leur signaler la profondeur de mon engagement envers eux. Aussi, je vais appeler qui le voudra à trouver refuge ici. J'aimerai que tu m'aides à les rassurer. ». L'oracle sourit. Si vous vous trompez de fin, il se peut que leur foi disparaisse. « Oui, bien sûr. Mais je veux bien courir le risque car si jamais j'ai raison, alors leur foi sera d'autant plus grande. ». Elle resta muette un instant avant de reprendre. « Oracle, si jamais Sympan renaît, alors j'aurai besoin de fidèles et ce, plus que jamais. Je pense que ceux qui ne prendront pas de risques à l'avenir se verront effacer de la surface de ces Terres. ». Que comptez-vous faire s'il réapparaît ? « J'ai un plan, mais je le garderai ancré au plus profond de mon être. ». Elle sourit, laissant tout de même apparaître l'ombre de ce dernier. « L'on n'essaie pas de faire disparaître ses alliés. ». L'Oracle se tut, comprenant l'ampleur de la folie qui étreignait le cœur de sa divinité. Néanmoins, elle ne pouvait qu'approuver.

« Humains de ces Terres, moi, Drejtësi, Déesse de la justice, Protectrice du peuple d'Utopia, vous conjure de marcher jusqu'au temple qui porte mon nom. En son sein, vous trouverez eau et nourriture, vous trouverez protection, pour vous et vos familles. Aujourd'hui, en ces temps chaotique, je crois en vous et en votre bon sens. Rejoignez-moi et, en plus de sauvegarder votre vie, vous trouverez des réponses. ».

Elle sourit, laissant le message se propager dans les esprits des Hommes.

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