« Voici la colline que vous devrez gravir. C'est donc ici que nous nous quittons », déclara sa guide.

« Oh, merci beauuucoup ! » lui répondit Lully avec une joie exagérée.

Encore une fois, la jeune femme ne parut pas s'apercevoir de l'ironie qui dégoulinait de son attitude et afficha un sourire réellement heureux, puis s'en alla, après avoir échangé ses coordonnées avec elle, en jurant de la recontacter. *Oh, compte là-dessus…* pensa Lully.

En effet, cette fille avait beau l'air trop naïve pour être normale, elle lui était bien utile : étant impressionnée par sa performance au violoncelle, elle avait engagé la conversation et, quand elle avait su que Lully avait pour objectif de se diriger vers le Temple des Esprits, elle lui avait proposé de la guider jusqu'à la colline. Pour une si belle occasion, la sirène n'allait pas cracher dessus… et elle serait dans ses petits papiers, avec les noms de tous les autres contacts qui lui étaient utiles.

Quoiqu'il en soit, cette dernière laisserait enfin la sirène en paix. Cette dernière n'aurait plus à supporter ses questions incessantes. Vraiment, il y avait des gens qui ne pouvaient rien faire en silence… ce genre de personnes l'exaspéraient. Comme beaucoup de monde, en fait. Non, comme tout le monde ou presque, en fait. *Bref. Allons-y.* Lully se remit alors en route, tout droit vers la colline. Elle commença à la monter et, au bout d'une dizaine de minutes, elle s'aperçut qu'elle ne s'approchait pas de son sommet. En fait, elle avait l'impression de faire du sur place. Inquiète, Lully continua tout de même à marcher au même rythme.

Elle s'attardait sur les champs de coquelicots qui s'étendaient tout autour du chemin : ces fleurs étaient du rouge le plus pur qu'elle avait jamais vu. Elles flamboyaient, et Lully aurait juré qu'elles avaient comme des palpitations. On aurait dit des véritables coeurs végétaux. *Je vois que ce mec n'exagérait pas, quand il racontait son voyage jusqu'au Temple… je n'aurais peut-être pas dû être si méchante avec lui au final, huhu.* Lully sourit au souvenir de sa rencontre avec le voyageur.

Cette nuit-là, l'homme avait un bon coup dans le nez, et il parlait tellement fort que tout le monde, en sortant de l'auberge, aurait pu raconter tout son voyage au Temple. La sirène l'avait écouté avec attention, et elle était même allée lui poser des questions diverses : cela faisait un moment qu'elle voulait aller dans ce Temple, pour la découverte, certes, mais aussi pour trouver une arme digne de ce nom. La meurtrière avait beau aimer son couteau, il fallait avouer que ce n'était pas la meilleure arme dans toutes les situations… il lui était surtout utile quand elle voulait assassiner. Mais dans les batailles qu'elle avait vécu, il ne lui était que d'une maigre aide.

Ainsi, tout en rêvassant, Lully marcha. Elle marcha longtemps sans avoir l'impression d'avancer, mais quelque chose lui disait qu'elle finirait par y arriver  : elle sentait qu'il y avait de la magie partout autour d'elle, mais elle ne se sentait pas comme piégée. Et puis, elle n'avait aucune idée de comment percer ce mystère, et il était hors de question de faire demi-tour… finalement, son obstination l'emporta, car soudain, elle se rendit compte que le haut de la colline avait recommencé à se rapprocher d'elle, et la sirène finit par la traverser complètement.

C'est alors que le chemin verdoyant déboucha sur une allée qui stoppa net la sirène. Elle était surplombée par des statues de pierre énormes… qui semblaient toutes la regarder. Elles semblaient être pourvues d'une certaine intelligence, si bien que Lully n'aurait pas été surprise de les voir bouger. Pouvait-elle passer sans rien faire ? Sans leur demander ou leur prouver quoi que ce soit ?

« Euh… vous allez être gentils, hein ? Je m'appelle Lully Lin et… j'arrive. Voilà. »

Armée de son courage, la sirène reprit son chemin, en regardant curieusement les statues tourner leur regard vers elle. Elle passa devant plusieurs statues ainsi, jusqu'à ce qu'elles se retrouvent loin derrière elle. *Peut-être que mon arrivée est simplement annoncée*, pensa-t-elle. Puis, elle continua son chemin, seule au milieu des bruits de la nature.

Ce silence était le plus apaisant qu'elle avait jamais ressenti : il n'y avait que les bruissements de la végétation et le souffle du vent. Sa route était tranquille, mais allait-elle le rester ? Lully obtint rapidement sa réponse : elle remarqua que son chemin allait s'enfoncer dans les profondeurs de la terre. La sirène détestait cela : elle était déjà allée dans une grotte, qui était proche d'un volcan en plus de cela, et elle ne souhaitait pas revivre la même chose… car son itinéraire n'avait pas été des plus agréables. *Mais je dois aller jusqu'au bout. J'suis pas une mauviette.*

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