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 Fondations, partie 2, chapitre 2 | Niveau VI | Solo

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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
◈ Parchemins usagés : 3537
◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Mar 08 Juil 2014, 00:49


Nonchalamment, le Déchu croquait avec appétit dans une pomme, glissant simultanément ses doigts sur le papier d’un livre, ouvert sur le bureau. C’était relaxant, et même s’il ne pouvait s’empêcher de garder à l’esprit ses futurs plans, il avait enfin retrouvé une certaine paix. D’un autre côté, il aurait difficilement pu trouver à redire à sa situation. Depuis maintenant plus d’une semaine, il vivait avec Tenuviaelle, une Déchue de la Luxure, qui n’avait – pour le plus grand plaisir de l’aveugle – pas la moindre retenue quant à son péché. Il n’y avait cependant aucun sentiment en jeu, sinon un respect mutuel ; la première était une fervente opposante au régime en place à Avalon, et avait manifesté dès la première heure son soutien envers le dissident, quant à l’autre, il avait simplement appris, au cours des quelques jours qu’ils avaient passé ensemble, à la connaitre et à apprécier son franc parler. Elle ne lui mentait jamais, du moins pas sur ce qui importait vraiment, et mieux encore, elle savait aussi bien écouter qu’être force de proposition. Leur relation fonctionnait donc parfaitement bien ; le côté plus physique n’ajoutant qu’un bonus agréable à la chose. C’était donc décontracté, ravi et nu qu’il s’était assis sur un tabouret, accoudé à l’unique bureau de la chambre. L’établissement dans lequel ils séjournaient était situé au nord d’Avalon, et la fenêtre qui surmontait la table laissait parvenir le vent du matin et les bruits agréables du ruisseau dévalant à proximité. Il s’était levé à peine une heure auparavant, la Déchue, elle, ayant déjà disparu pour aller faire son marché. Curieusement, il se reprenait à aimer la simplicité de cette vie temporaire ; Tuvie – comme il s’amusait à appeler la jeune femme – ne cherchait pas plus que lui la complexité d’une relation amoureuse, et surtout elle semblait apprécier largement ce que l’aveugle avait à lui offrir. Ses lubies d’adolescentes étaient loin derrière elle, oubliées. Malgré son apparence pubère, elle approchait de son centenaire ; à vrai dire elle ne parlait d’ailleurs que de ça. L’étape en elle-même n’avait rien d’important, mais en tant que Déchue de sang, elle avait été élevée dans la certitude qu’elle ne serait respectée qu’à l’aube de ses cent ans. En vérité, c’était plus une frontière symbolique, la plupart des Ailes-Noires en profitait pour fêter un anniversaire mémorable, sans que cela les marque davantage. Mais pour Tenuviaelle, il s’agissait d’une sorte de majorité imaginaire qu’elle s’était fixée il y avait de cela des années, et elle l’attendait avec impatience sans réellement savoir pourquoi. Eerah, lui, en jouait, et la taquinait de temps à autre, du haut de ses trois siècles d’existence. Pourtant, ça ne l’avait jamais incité à la prendre de haut, où à la régaler de sa suprématie. Il en riait, et s’en servait parfois comme prétexte à un jeu de rôle érotique, mais l’argument n’entrait jamais en compte lorsqu’ils discutaient plus sérieusement. Ses pensées dérivant jusqu’à la nuit précédente, un sourire fin vint se dessiner sur son visage, alors qu’il perdait le fil de la ligne qu’il était en train de lire.

Ce ne fut qu’une heure et demie plus tard que la jeune femme revint du marché, portant contre sa poitrine un panier d’oseille rempli de victuailles en tout genre. « Eh bien je vois qu’on est parfaitement détendu ! Heureusement qu’aucun garde ne s’est mis en tête de venir fouiner ici, ç’aurait été motivant pour les troupes, de te voir pendu à poil sur la place publique. ». Ils savaient tous les deux que les chances pour qu’un soldat s’aventure ici étaient minimes sinon nulles, pourtant elle ne pouvait s’empêcher de pointer son l’ironie de son état, quand on savait ce qu’il était sur le point d’organiser. « À qui la faute ? Mais bonjour tout de même, Tuvie. ». Un petit rire amusé, et elle passa la porte en la claquant derrière d’un coup de pied. « Bonjour ! ». Du bout du doigt, le Déchu glissa un signet à la page qu’il quittait, et poussa le livre de côté, avant d’aller aider son hôte à se débarrasser. « Des nouvelles de la part de Tim ? ». « Aucune. Je suis passé devant chez lui, tout à l’heure, ils ont diminué l’effectif de ses « gardiens », mais toujours impossible de le contacter sans risque. ». L’aveugle sorti une à une les fournitures qu’elle était allée chercher – viande, fruits et légumes en tout genre, ainsi qu’un nouveau stock de papier et d’encre. Avec ce qu’elle avait déjà accumulé dans sa réserve personnelle et en comptant le garde-manger de l’établissement, ils auraient pu tenir des mois entiers sans manquer de rien. « Bien, j’y retournerais ce soir. ». « Alors je viens avec toi ! ». Elle était aussi ravie de sa déclaration que lui en était consterné. «Que… Non ! Tu risques déjà beaucoup, inutile de t’embourber d’avantage dans toutes ces histoires. ». Il y croyait peu, maintenant qu’elle avait pris sa décision, lui-même n’aurait pas pu la faire changer d’avis. « Pff, c’est trop tard pour ça. Allez ! Ça sera marrant ! ». De tous les mots qui pouvaient lui venir à l’esprit, « marrant » n’arrivait certainement pas en tête ; il lui fit la remarque à voix haute, et elle haussa les épaules en riant.

Concluant – non sans raison – qu’il ne parviendrait pas à l’empêcher de le suivre, le Déchu secoua la tête et changea rapidement de sujet. D’ici à ce que le soleil ne se couche, il avait encore le temps d’y réfléchir. Tuvie, elle, s’était contentée de jeter sans ménagement les fournitures dans un placard, et revenait déjà, la bouche pleine d’une tranche de jambon de pays. « Rmmmph, qulf fchgng nmn. ». « Pardon ? ». Elle déglutit en roulant les yeux et agitant les bras avec exagération. « Je disais, remarque, c’est pas si utile. ». « De ? ». « D’aller voir Tim. Ca fait bientôt un mois maintenant qu’il ne peut sortir de chez lui que pour aller bosser, et même à la bibliothèque, il est suivi de près par un lécheur de la nouvelle Messie des Ténèbres. ». Sans répondre de suite, Eerah enfila un pantalon, une ceinture, et retourna auprès du bureau pour y saisir une feuille. « Je préfère avoir son avis sur la chose. ». « Parce que tu ne me fais pas confiance ? ». « Parce qu’il s’est investi dans tout ça, au moins autant que toi et moi. ». « Et tu ferais tout foirer pour gonfler son égo ? ». Toujours debout, penché sur le parchemin vierge, le Déchu resta muet.  Elle avait raison, mais il se refusait tout de même à laisser son ami dans l’ombre. Et il ne comptait pas prendre plus de risques que nécessaire. « Je veux que tu aille convaincre trois filles d’ici d’aller trainer par chez Tim. Donne-leur l’or qu’il faudra, il faut qu’elles aient l’air éméchées et ouvertes à toute proposition. Nous passerons tous les deux à proximité, une rue plus loin, pas moins, et je lui transmettrais mes ordres. Et ensuite… ». Un court silence, couvert des bruits de mastication de la jeune femme, s’installa. Voyant qu’il ne poursuivait pas, elle demanda : « Ensuite ? ». L’aveugle termina de tracer une série de runes, et se redressa en inspirant. « Ensuite on ira prendre le palais. ».

Dans son dos, Tuvie manqua de s’étouffer. « Quoi ?! ». En effet, ce n’était pas exactement ce qu’elle avait envisagé, mais lui-même était resté très flou sur les circonstances de sa prise de pouvoir officielle. Le fait est qu’il ne pouvait se permettre aucune erreur, l’effet de surprise était de son côté, et il aurait suffi que la Déchue soit interrogée par la Garde pour que toute l’opération ne soit remise en question. Non pas qu’il n’avait pas confiance en elle, il la savait attachée à leur cause et impliquée. Mais pour les avoir expérimentées, il connaissait les techniques d’interrogatoire à Avalon ; on passait moins de temps à poser des questions qu’à fouiller directement dans les souvenirs du suspect. La notion de vie privée devenait extrêmement bancale lorsqu’il s’agissait de l’intérêt de la nation. Sans se retourner, il développa rapidement. « On attaque ce soir. La reine est faible, et plus de la moitié de ses « gardes » sont de mon côté. Un assaut rapide, précis, en petit groupe. Si tout se passe bien, il n’y aura pas de blessés. ». La Déchue, elle, en était moins sûre. « Mais ! Tu n’as pas de plan, pas de stratégie, et tu veux attaquer comme ça ?! Avec qui, comment ? ». « J’ai mon plan depuis longtemps, j’attendais simplement le bon moment. ». « Alors pourquoi aujourd’hui, pourquoi pas en fin de semaine ou hier ? ». « Les réparations battent leur plein, et d’après mes sources, un tiers des soldats a d’ores et déjà été réquisitionné pour consolider le mur Ouest. Hier soir, c’était une réunion des sommets qui avait lieu au Palais d’Orae ; la sécurité y était maximale, et personne ne s’attendra à une attaque dès la rencontre terminée. C’est une nuit sans lune, et enfin, mon équipe est au complet. ». Tenuviaelle eut un petit rire. « Ton équipe ? ». « Des Harpagon. Le clan fait partie de mes alliés. ». « Je vois. ». Elle n’ajouta rien. Ils n’avaient pas besoin de parler d’avantage pour comprendre que c’était ce soir que tout allait se jouer. De la réussite ou de l’échec de l’opération dépendait tout le reste. Mais il n’aurait pas pu laisser se produire le coup d’état sans être présent. Ça serait son premier mouvement en tant que monarque, il était de son devoir de marquer les esprits avec une première impression des plus favorables. Quitte à en rajouter. En soi, il pensait ce qu’il avait dit : Une victoire rapide et sans bavure était parfaitement envisageable. Il partait entouré de la même équipe qui lui avait permis de franchir les murs de la Prison des sorciers. Lidyaëlle, Morgana, et Etilan Harpagon. Il ne pouvait plus mettre en doute leur engagement et la foi qu’ils portaient à sa cause, et surtout, ils étaient tous puissants et entrainés au combat. L’Aveugle doutait de pouvoir trouver mieux pour ce travail. Il voyait presque le bout de la route, et la récompense qui l’y attendait. Il ne restait plus qu’à rester concentré, et prier pour que tout se passe bien. Pliant du bout du doigt le courrier qu’il ferait bientôt parvenir à la Banque Harpagon, il le laissa sur le bureau et se tourna vers la jeune femme, avançant pour poser ses mains sur ses hanches. « On y est presque, Tuvie. Et ce n’est encore que le début. ». « Oui. Te fais pas tuer, surtout. ». Eerah eut un sourire amusé. « Tu as peur pour moi ? ». « La ferme. ».

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Eerah
Mer 30 Juil 2014, 09:10


La lame d’acier cliqueta dans son étui, alors qu’Eerah la sanglait fermement dans son dos. C’était sa seule arme, son seul moyen physique d’assurer sa propre survie ; et pourtant, la seule chose qu’il espérait à cet instant, tandis que son pouce glissait sur le fourreau, c’était qu’il n’aurait pas à la dégainer. La moindre goutte de sang, la plus petite rumeur, apportait avec elle son lot de mécontents et d’insatisfaits. L’image qu’il devait transmettre de lui-même était aussi fondamentale que son accession au trône. L’erreur qu’avait commise la Messie qui s’était installé à Orae après Aya, il n’avait pas l’intention de la reproduire. Il ne serait pas le tyran ou l’oppresseur d’un peuple. Le seul et unique moyen, selon Eerah, d’être un bon roi, et de satisfaire la nation dont il aurait la charge, était de donner la preuve – à chaque instant – de son engagement envers Avalon. Attenter à la vie d’un ou plusieurs gardes, gardes qui représentaient à bien des égards la fierté de la cité, c’était rompre le serment muet qu’il avait prêté en entamant sa quête de pouvoir. Le Déchu s’assura que le poignard était fermement scellé. Dans son dos, Tenuviaelle était assise sur le lit, occupée à se triturer les doigts, croisant et décroisant ses articulations blanchies. Elle ouvrait périodiquement la bouche, comme sur le point de faire une objection, mais ne parlait pas. Au bout de quelques minutes, cependant, elle finit par prendre la parole. « Et… Et si ça rate ? ». Eerah soupira, et posa les mains sur la table en s’inclinant légèrement. « Tuvie… ». « Laisse-moi finir. Si ça rate, qu’est-ce que tu vas faire ? ». L’aveugle eut un petit rictus, sans joie. « Si j’échoue, ça veut dire que je serais mort. On ne peut pas dire qu’il y ai grand-chose à envisager après ça. ». Ce n’était pas ce que voulais entendre la jeune femme, il en était pleinement conscient ; mais il ne se voilait pas la face, pas plus qu’il n’envisageait réellement l’échec. Tenuviaelle n’aurait pas pu en dire autant. « Débile. ». Un silence douloureux s’imposa à eux, que la Déchue finit par rompre. « Ne meurs pas pour le principe, c’est tout. Si tu ne reviens pas, il n’y aura plus d’espoir pour cette cité. ». L’intéressé sourit, amusé. Il n’avait pas pu répliquer que l’autre ajoutait : « Contrôle tes chevilles, c’est une façon de dire. J’ai pas envie de continuer à vivre avec la grosse frigide et ses laquais, c’est tout. ».

Eerah éclata de rire, rapidement rejoint par son hôte. Tous deux tentaient vainement de faire passer le malaise latent, en sachant parfaitement ce qu’il en était réellement. D’ici un peu plus d’une heure, il serait sur le point d’investir un des lieux les mieux protégés du Continent Naturel. Il était confiant, sûr de lui. La jeune femme, elle, un peu moins, mais elle se gardait bien de le montrer. Ce n’était pas rendre service à l’aveugle que de le laisser tomber maintenant. Alors elle se tut ; sans un bruit, elle alla s’asseoir sur les couvertures de soie, observant, inquiète, son ami se préparer. C’est de cette façon, sans s’adresser la parole plus que nécessaire, qu’ils passèrent le reste de la soirée. L’échéance arrivait au galop, avec elle le stress et la tension. Quelques minutes avant le départ, ils étaient figés, ressassant une énième fois chaque étape, chaque pas à réaliser pour atteindre leur objectif. Tuvie était vêtue mieux que d’ordinaire, drapée de tissus fins et de soieries brodées d’argent. C’était sa tenue de soirée, ce qu’elle possédait de plus beau et de plus cher – il fallait qu’elle attire l’œil, qu’elle donne envie à chaque homme et chaque femme qui la verrait. Eerah quant à lui tâchait de paraitre sobre. Ses vêtements de ville étaient passés au-dessus du reste de son équipement, une tenue de toile et de cuir, noire comme la nuit. Contre l’avis de sa comparse, il avait catégoriquement refusé de changer d’apparence. Ce temps était révolu, il l’avait été dès l’instant où il était arrivé à Avalon, dans ce qui allait être sa ville. Il n’avait plus à se cacher. Ce soir, il prenait le Palais d’Orae, pas comme anonyme, mais bien au nom d’Eerah Scaldes, afin que tous se souviennent de ce qu’il avait fait pour son peuple. Finissant de lasser ses bottes, il se tourna vers la jeune femme. « Allons-y. ».

Moins d’une heure plus tard, ils arrivaient en vue du bâtiment où résidait Tim – et, à priori, son compagnon. Loin d’être désert, l’endroit grouillait encore de vie. Les couples sortaient pour se rendre au théâtre, les plus jeunes partaient en quête d’un endroit tranquille quand d’autre s’orientaient vers la taverne la plus proche. Pas un seul instant ils n’auraient pu imaginer ce qui allait suivre. Qui aurait pu y songer une seconde ? Certains s’étaient couchés sous le joug d’un tyran, et se réveilleraient dans une cité nouvelle, libérée. D’autres seraient là pour entendre les supplications de la Messie des Ténèbres lorsqu’il prendrait possession de la salle du trône. Oui, cette soirée risquait d’être particulièrement excitante. Il pressa un peu plus le bras de la jeune femme en s’approchant de la bâtisse. L’adrénaline commençait à irriguer ses veines, son cœur à battre plus vite. « Tu sais quoi faire ? Commençons. ». Il venait de murmurer, et bientôt, sa voix s’éleva, bien plus tranchante : « Alors c’est comme ça ?! Non ! Ta mère ne viendra pas habiter avec nous ! ». Sans la moindre hésitation, Tenuviaelle le suivit. « Ma mère viendra avec nous, ou tu pourras t’asseoir dessus ! ». « Parce que tu crois qu’avec la vieille dans le coin, j’aurais envie de te toucher ?! ». « Oh ! ». Les soldats, postés devant le bâtiment, tentaient vainement de détourner le regard, comme s’ils ne les voyaient pas. « Ça va, hein ! Pas besoin de faire ta choquée, t’as plus besoin de ça que moi ! Je savais qu’épouser une Luxurieuse m’amènerais que des emmerdes, mais alors là ! ». Ils naviguaient en pleine improvisation, aussi le Déchu n’entendit ni ne sentit venir la gifle monumentale que la jeune femme lui décochait peu après. « On verra ça ! T’as qu’à aller trouver une catin orpheline, ça te fera les pieds ! C’est fini entre nous ! ». L’air grésillant de sa colère factice, elle fondit sur les gardes, et attrapa le premier par le col. « J’ai d’énormes besoin à combler, et je veux que toi et tes potes vous vous occupiez de moi. Maintenant. ». Un instant de flottement passa, alors qu’Eerah faisait mine de quitter l’endroit, furieux. De son côté, l’infortuné hésita une seconde, et se laissa finalement convaincre par un regard explicite jeté par l’un de ses collègues. Dans un gloussement, Tenuviaelle les entraina vers une ruelle déserte. L’aveugle était adossé au coin d’un carrefour, attendant son heure. Il ne pouvait pas s’empêcher d’éprouver un sentiment de jalousie désagréable. Ils n’entretenaient qu’une relation physique, mais il détestait avoir à partager ses jouets. Il se promit de marquer à nouveau la Déchue de son odeur dès la fin de la soirée.

La maison du bibliothécaire débarrassée de ses sentinelles, Eerah avait le champ libre pour entrer par la grande porte, ce qu’il fit sans attendre. À peine mettait-il un pied dans la demeure que Tim le tirait en avant en claquant la porte derrière lui. « Eerah ? Qu’est-ce que… Comment ? ». « Pas le temps. Tim, c’est pour ce soir. ». Pas besoin de voir son ami pour sentir ses joues perdre de leur couleur et son visage blanchir instantanément. « Je… Bien. ». Ils restèrent ainsi, sans un mot, jusqu’à ce que le jeune Déchu s’avance pour donner l’accolade à l’aveugle. « Bonne chance, mon ami. ». « Merci. Lorsque nous nous reverrons, je serais roi. ». « Je l’espère de tout cœur. ». En se reculant de quelques pas, Tim alla fouiller dans un tiroir, pour en sortir quelque chose dans un froissement de papier. « Les tracés de ronde pour les soldats du palais. Un informateur au sein de la Garde les a notés là-dessus pendant les six-derniers mois. Ça devrait t’être utile. ». C’était un euphémisme. Eerah prit le papier avec précaution, et inclina la tête. « À plus tard, Tim. ». « … À plus tard. ». Sans davantage de cérémonie, il s’éclipsa par où il était arrivé. Arrivé près de la ruelle dans laquelle Tuvie s’était éloignée avec les gardes, il ne put s’empêcher de tendre l’oreille. On entendait distinctement le souffle court des rustres ; les dents serrées, le Déchu s’enfonça à son tour dans la rue. Quelques secondes plus tard, il tirait la jeune femme par le poignet, laissant les soldats étendus au sol, évanouis. « Eerah, mais.. ? ». « Tu m’appartient. ». La Déchue sourit doucement en remontant la bretelle de son soutien-gorge sur son épaule. « J’aime quand tu es comme ça. ».

Une fois Tenuviaelle raccompagnée, Eerah laissa jaillir ses ailes, et fila vers le sud, vers les quartiers riches entourant le Palais d’Orae. C’était dans une auberge « haut-de-gamme » que l’attendait son équipe. Il savait qu’aucun ne serait en retard, il savait également qu’ils étaient prêts depuis longtemps pour ce qui allait suivre. Plus que tout, il savait qu’il pouvait compter sur eux. Les battants pivotant battirent dans le dos du Déchu alors qu’il pénétrait dans l’établissement, capuche rabattue sur le visage. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus discret, mais c’était de circonstance. Il n’avait ni le temps ni l’envie de s’inventer une nouvelle apparence ; et les Harpagon devraient le reconnaitre. Calmement, il se dirigea vers une des tables du fond, où l’attendaient trois Déchus vêtus de noir. Il pouvait d’ores et déjà mettre un nom sur chaque aura. Lidyaëlle, Morgana et Etilan Harpagon. Si seulement il avait été possible de les résumer comme frère et sœurs. Mais la vérité était bien plus complexe que ça ; bien que du même sang, Etilan et sa sœur entretenaient une relation bien plus charnelle que le simple amour fraternel. Morgana, quant à elle, faisait effectivement partie de la famille, mais elle ne portait qu’une moitié de sang Harpagon. Bien plus renfermée que les deux autres, elle n’avait jamais prononcé plus d’une vingtaine de mots depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Elle n’en avait pas besoin ; on lui expliquait, elle hochait la tête, exécutait, sans bavure. Lidyaëlle et son frère n’était pas moins efficaces, mais plus excentriques que leur demi-sœur. Eerah avait pris les paris avec Baldur, l’ainé de la famille : avant même qu’il ne soit couronné, on aurait retrouvé ceux-là dans le lit royal. Et à en entendre les roucoulades qu’ils s’échangeaient sans discontinuer, l’aveugle risquait bien de remporter son pari.

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Eerah
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◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Mar 05 Aoû 2014, 09:07


À pas feutrés, félins dans l’ombre du Palais d’Orae, Eerah, Lydiaëlle, Morgana et Etilan progressaient rapidement, glissant d’un buisson à l’autre dans l’immense jardin du château. Passer les grilles n’avait rien de compliqué, même les adolescents en quête de sensations fortes se l’autorisaient de temps en temps, pour faire les braves devant une conquête, ou passer une soirée arrosée sur le terrain de la Messie des Ténèbres. Tout le monde le savait et ça n’avait jamais posé réellement problème ; non, le véritable défi, c’était de passer la murailler intérieure, et de pénétrer sur le domaine royal à proprement parler. Elle n’était pas haute, loin d’être solide physiquement parlant, mais des tours de garde assuraient un champ de vue dégagé sur le périmètre, rendant toute effraction difficile, voire impossible. Ce qu’il fallait, c’était détourner l’attention des soldats en poste pour avoir quelques secondes de répit, ou à défaut, avoir acheté le garde en question pour qu’il regarde ailleurs. Avec les courriers qu’avait fait passer Tim au sein des groupements militaires, ils étaient assurés de trouver quelques alliés pour leur garantir le passage. Lorsqu’ils parvinrent jusqu’à la limite des bosquets fleuris, l’aveugle fit passer le mot silencieusement, directement dans l’esprit de ses partenaires. « Cherchez le symbole du Corvus. On passera par là. ». Un corbeau simple, peint sur un cercle blanc. Il suffisait d’un morceau de tissu pour s’en faire une bannière discrète, et tous ceux qui prenaient part à la révolution devaient s’assurer d’en dissimuler un quelque part. C’était un risque de plus à prendre, mais aux dernières nouvelles, le Tyran en place était suffisamment bouffi d’orgueil pour ne pas soupçonner ses propres troupes. L’un après l’autre, ils reprirent leur procession, en s’avançant, accroupis, dans l’obscurité des jardins. Une tour passa, puis une autre, et encore une autre, sans la moindre trace de la marque. Chaque mirador sans allié était un coup de plus, avec une question de plus en plus lourde à assumer : Et si ils étaient seuls ? Heureusement, la quatrième vint apporter une réponse. Etilan le signala à voix basse, en s’arrêtant. « Là. ». Silencieusement, ils se mirent en position. La stratégie était simple, et précise. Il n’avait pas le droit à l’erreur. Eerah sortit un bout de corde pour s’attacher à Lydiaëlle. De son côté, son frère faisait de même avec Morgana. Celle-ci leva trois doigts. Puis deux. Un. Et ils s’élancèrent.

L’aveugle et la bâtarde partirent immédiatement vers la base du mur, et s’y adossèrent solidement. Une seconde plus tard, les deux autres leur arrivait dessus, prenaient appui sur leurs mains jointes, et se laissaient propulser jusqu’en haut de la muraille. Une fois arrivé en haut, ils n’avaient plus qu’à descendre en rappel, aidant à monter par la même occasion ceux qui étaient resté de l’autre côté. Le système de balance ainsi créé leur fit passer l’obstacle en une dizaine de secondes, et, arrivés sur le territoire de la Messie des Ténèbres, ils laissèrent tomber cordes et mousquetons. Sans le voir, Eerah adressa un signe de tête reconnaissant au garde en faction. Sans cet homme, sans tous ceux qui avaient cru bon de placer leur confiance en lui, rien de tout cela n’aurait été possible. Peut-être qu’il aurait fini par prendre le trône, mais il aurait gouverné un peuple haineux, un peuple perdu. Dans le noir, le tissu se froissait alors que le garde le rangeait dans sa tenue en saluant le dissident. Puis ils filèrent. L’étendue de gazon qui les séparaient de la forteresse n’avait rien de plus dangereux que le précédent jardin, aucun soldat ne perdait de temps à surveiller l’intérieur de l’enceinte, puisqu’elle était réputée inviolable. Parvenus à une fenêtre, la jeune Harpagon découpa un carreau, y passa sa main et actionna le levier d’ouverture. Lorsqu’ils posèrent le pied sur les dalles de marbre froides, le cœur d’Eerah se mit à battre plus fort. Ils y étaient presque maintenant. Dans quelques minutes, tout serait réglé.

La fenêtre n’était pas refermée mais le vent s’était presque éteint, tout comme les bruits de la ville.  Il régnait dans l’édifice un silence religieux, uniquement perturbé par le souffle des quatre intrus. Même leurs chaussures molletonnées laissaient flotter un glissement incertain lorsqu’ils mettaient un pied devant l’autre. Il leur fallu parcourir plusieurs couloirs et passer un certain nombre de tournant avant d’apercevoir le moindre signe de vie. Au loin, s’affairant avec une pile de vêtements sales, une intendante se dirigeait à la lueur d’un chandelier, jusqu’aux caves où devaient se trouver les lavoirs. C’en était presque inquiétant. Du temps d’Aya Misato, l’aveugle avait eu vent d’une activité quasi-permanente à l’intérieur du Palais. Ils auraient dû trouver d’autres soldats, ils auraient dû trouver de la vie. Avant d’aller plus loin, le groupe se concerta en murmurant. « Qu’est-ce qu’on fait ? ». « On applique le plan. La salle du trône est un étage au-dessus. Le plus vite on y sera, le plus vite tout ça sera terminé. ». « Et si c’était un piège ? ». « Tu trouves qu’on a vraiment le choix ? Et je ne vois pas comment elle aurait pu être mise au courant de notre arrivée. ». « Vrai. Avançons. ». La suite ne leur amena pas plus de surprise. Aucun garde, aucune forme de vie. Ils étaient parvenus devant l’immense porte de la salle du trône, en quelques minutes à peine, sans le moindre problème, et ce n’était pas pour plaire au Déchu. Ce n’était jamais bon de voir un plan fonctionner à la perfection. Il posa sa main sur le bois du battant, et inspira profondément. À partir de là, il n’y avait plus de retour en arrière possible. Il fit un signe de tête à droite et à gauche, signifiant aux autres l’entrée imminente. Puis la porte pivota, lourde et massive, et Eerah s’avança, droit, solide. Elle était là. Elle, et une dizaine d’autres personnalités, accoudées autour d’une large table. « Qu’est-ce que… ». « Koralia Nyphen, Messie des Ténèbres, usurpatrice, moi, Eerah Scaldes, viens prendre le trône qui me revient. Déposez les armes, et il ne vous sera fait aucun mal. ». Un murmure effaré parcouru l’assemblée, et plusieurs lames furent tirées hors de leur fourreau. Du haut de son siège paré d’or et d’argent, la jeune femme éclatait de rire. « Voyez-vous cela. ». Elle applaudit doucement, avec ironie. « Et vous êtes ? ». Ce n’était qu’une manière de plus de le tourner en ridicule, et l’aveugle ne releva pas. « Déposez les armes, et il ne vous sera fait aucun mal. Ceci est mon dernier avertissement. ». « Il suffit. Vous n’avez pas la moindre autorité, ni ici ni dans le trou boueux d’où vous êtes sorti. Gardes. ». Le raclement des sièges sur le sol carrelé se fit entendre, ainsi que le tintement des armes le long des étuis. Ses trois comparses étaient déjà en position de combat, prêts à en découdre. À eux seuls, ils étaient sans le moindre doute à même de gérer l’intégralité de la situation, mais Eerah leva la main, les interrompit. « À vous, qui vous êtes vus imposer une reine, sachez qu’il existe encore une solution de repli. Nombre de vos camarades m’ont d’ores et déjà juré allégeance. Je ne vous en demande pas tant. Quittez ces lieux, ou restez pour m’épauler. Soyez acteurs de votre destin. ». « Vous vous enlisez dans votre propre bêtise ! Il ment ! Aucun de mes hommes n’aurait jamais accepté de suivre ce fou ! ». Tombant à point pour la contredire, l’un d’entre eux quitta les rangs pour venir se placer aux côtés d’Etilan. « C’est la vérité, messieurs. Cette femme appartient au passé. J’ai vu ce qu’Eerah Scaldes peut apporter à cette ville. Il est temps. ». Un instant de flottement passa, finalement perturbé par les glapissements de la Messie des Ténèbres. « Traitre !  Imbécile ! Vous vous condamnez vous-même à mort. ». Sans un mot, deux autres soldats quittèrent le rang pour sortir de la pièce, et un autre rejoint son camarade. « J’accepte votre reddition, si vous êtes suffisamment éclairée pour prendre la bonne décision. ». « Va au diable. Faites appeler le reste de mes gardes ! Tu es fini, Scaldes. ».

Mais aucun renfort ne vint. Alors que leur nombre décroissait, les partisans de la reine régente perdait en assurance, au profit d’un doute justifié. Devant les sourires carnassiers des Harpagons, dont la réputation n’était plus à faire, certains hésitait à quitter l’endroit sur l’instant. Lorsque Morgana fit un pas en avant, deux hommes supplémentaires s’éclipsèrent au trot, rapidement rejoints par ceux qui avaient tenté le diable jusqu’au bout. Lorsqu’elle se retrouva finalement seule, Koralia fixa le regard vide du dissident. « Tu n’arriveras à rien.. Tu n’es rien ! Tes laquais ne seront pas toujours là pour te protéger du monde, et le monde t’écrasera comme le cafard que tu es. ». « Koralia, je comprends l’orgueil qui est votre. Mais c’est terminé. Entendez raison, ne laissez pas couler le sang inutilement. ». En se jetant sur lui, la jeune femme éclata de rage. « Seul le tien sera versé ce soir ! ». Ni Etilan, ni Lydiaëlle, ni aucun autre n’eut à bouger pour s’interposer. Sans s’émouvoir, Eerah brisa les barrières mentales de la reine. Il arrêta ses mouvements, arrêta son élan meurtrier, et la mit à genoux. « Vous êtes finie. ». Un pas en avant, et il apposait sa main sur son crâne perlé de sueur, puis inexorablement, lui imposa son unique vérité. Une seule phrase, une seule idée qui pouvait tout changer. « Le salut est dans ta lame. ». Une unique phrase qui à elle seule, pouvait mettre un terme à une vie, à un règne éphémère. Tremblante, les doigts de la Messie des Ténèbres se resserraient sur le manche d’un poignard, dissimulé dans les replis de sa tenue. Elle ne pouvait parler, elle ne pouvait quitter des yeux le vide qui habitait les pupilles du Déchu. Privée d’une dernière provocation, l’acier vint trancher la chair, et le sang bouillonnant qui jaillit alors par intermittence de sa gorge vint maculer la soie blanche.

Ignorant les gargouillis désarticulés qui s’éteignaient peu à peu, tandis que la chaleur quittait le cadavre de l’ancienne reine, Eerah enjamba le corps prostré au sol, et avança à pas régulier vers le trône. Voilà. Il y était. C’était maintenant, l’accomplissement de tout ce qu’il avait entreprit jusqu’ici. La fin de l’attente. À chaque pas qui l’en rapprochait, il se sentait un peu plus léger, un peu plus libre. Désormais, et à partir de cet instant, il devenait le roi d’une nation, le seigneur d’Avalon. Le souverain des Anges Déchus. Les dernières marches s’estompèrent, et il posa sa main sur l’accoudoir froid du siège royal. C’était aussi simple que ça ? Après tout ce qu’il avait fait pour en arriver là, voilà qu’en s’asseyant il pouvait tout terminer ? Il se retourna, vers les Harpagons, vers ces soldats anonymes qui n’avaient pas hésité à choisir la voie la moins évidente. Dans quelques secondes, il serait leur monarque. Est-ce que ça changerait quelque chose ? Oui, surement, évidemment. Il inspira profondément, son dernier souffle en tant qu’anonyme, en tant que sujet. Puis d’un geste, il s’assit. Dans un éclat de rire, Etilan mettait un genou au sol, bientôt rejoint par tous les autres. « Longue vie au roi Eerah Scaldes ! Longue vie au Dædalus ! ». Le cri fut repris en cœur par sa sœur et chaque soldat. L’aveugle ne put s’empêcher de sourire. Dædalus. Il aimait bien ce titre.

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