Une petite brise s’était levée au moment où la forêt était apparue, mêlant le doux bruissement des feuilles au chant des oiseaux dans une musique que le bélua ne se lasserait jamais d’entendre. Tout autour de lui rappelait sa terre natale. Il avait du mal à croire que c’était enfin fini. Le bélua pris Alia dans ses bras pour la rassurer, mais constata bien vite qu’elle était bien plus calme et sereine que lui. Méli avait été bonne avec elle, et il leva vers elle des yeux plein de gratitude. Il avait eu peur un instant qu’elle ne se serve d’elle pour tester sa volonté, et il ne l’aurait sans doute pas supporté. D’un autre côté, lorsque sa vie avait été en jeu, il s’était montré plus froid et s’était servi de son arme beaucoup plus facilement. C’était sans doute une des choses qu’elle avait voulu lui apprendre…
Lorsque l’esprit lui adressa la parole, il l’écouta sans un bruit, se concentrant pour mesurer la portée du serment qu’il allait prêter.
En acceptant de recevoir cette arme et de devenir un des disciples de Méli, Abel aurait des obligations vis-à-vis de ces lieux, il le savait, mais cela ne lui faisait pas peur. S’il voulait devenir plus fort pour pouvoir porter toujours plus haut ses convictions, il allait devoir faire des sacrifices, et il n’était pas arrivé jusque-là, il n’avait pas affronté toutes ces épreuves pour renoncer maintenant… Cet endroit était à présent la demeure de celle qui allait le former, l’entraîner pour le rendre digne des idées qu’il portait. Alors oui, il était prêt à faire beaucoup pour éviter que quelqu’un ne vienne s’en prendre à cet endroit.
« Je suis prêt à défendre ce temple et je mettrais ma vie en jeu pour empêcher quiconque de nuire aux esprits, à ces lieux et à ce qu’ils signifient. J’en fais le serment. »

Abel se sentait soulagé. Il était à présent un disciple du temple, le premier pas vers ce qu’il voulait atteindre. Ce n’était qu’une chose infime, une sensation à peine perceptible, mais il avait l’impression d’être devenu meilleur aujourd’hui, plus dangereux pour les ennemis de la nature, et cela suffisait à le réjouir. Phoebe serait fier de lui, et un jour lorsqu’elle le rappellerait à elle, il pourrait dire qu’il avait fait de son mieux pour poursuivre son œuvre sur la terre, chérir et protéger ses enfants tout en combattant ceux qui lui voulaient du mal.
Les yeux du bélua se posèrent sur son arme qu’il leva légèrement. Il allait devoir s’habituer à ce nouveau pouvoir et apprendre à le contrôler.
« Je m’entraînerais pour la maîtriser et je reviendrais vers vous dès que je saurais m’en servir aussi bien que vous l’attendez de moi. »

Abel regarda Méli se transformer en une biche magnifique et s’éloigner peu à peu de lui, lui adressant quelques ultimes mots pour lui permettre de sortir du temple. Si cette forêt avait vraiment été modelée pour ressembler à celles qui bordaient le rocher au clair de lune, le bélua n’aurait aucun mal à s’y repérer. Il commença donc à se diriger vers le chêne, le pas léger. Il avait accompli quelque chose qui comptait à ses yeux aujourd’hui. Ce n’était que le début de sa formation, mais elle laissait présager qu’un jour, peut-être, il serait en mesure d’empêcher ceux qui lui étaient chers de souffrir.
Le bélua caressa longuement Alia alors qu’il s’apprêtait à franchir le portail de Méli.
« Allez, rentrons chez nous »
Et Abel, désormais disciple du tigre, s’engouffra dans le portail, marchant d’un pas assuré vers son destin.

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