Dans les couloirs du palais, des talonnettes claquèrent rapidement contre le dallage. Plus l'homme trottinait vers les appartements de son Roi, plus le décor changeait, pour s'apparenter à quelque chose d'exotique, de Persan. Des arches brisées replacèrent les portes, et les teintes violettes et ocres, donnait le ton. Trop habitué au lieu, Zack franchit rapidement plusieurs de ses portes, avec un but en tête, la chambre de l'Empereur. Frappant nerveusement à la porte typée, il fut contraint de se rendre à l'évidence : aucune réponse. Ouvrant la porte, il décala cette dernière, pour pénétrer sans ménagement dans la chambre et referma celle-ci d'un petit coup sec. Comme toutes les nuits, et comme tous les matins, Nastaé était allongé, sous les couettes et les draps raffinés, soigneusement ouvragés, ne laissant dépasser que sa tête, dont ses cheveux violet, semblable aux fils de soie, dépassaient. Sa longueur mirobolante courait sur les parures de lit, s'éparpillant avec volupté autour de sa tête. Dans cet immense lit, l'Ondin était seul, en plein milieu, restant finalement dans le sommeil profond. La porte, le claquement, tout cela l'avait surpris, mais il n'y avait rien. Tout était dans sa tête.
Zack en revanche, avait un peu plus les pieds sur terre. « Majesté ! Une lettre pour vous ! » L'Empereur sursauta à nouveau, et commença à bouger. Par soucis, le serviteur répéta son affirmation, et Nastaé se retourna complètement sur le dos, comprenant qu'il y avait une urgence. Après s'être étiré, il se reposa, les yeux fermés, en disant « Et, que dit-elle cette lettre... ? » L'homme ouvrit l'enveloppe très rustique, avant d'en sortir un simple bout de parchemin « On vous demande à l'auberge du Continent. Il y a l'air d'avoir des problèmes de... », « Oh ! Bon sang ! » Nastaé n'était certes, pas devin, mais il n'était pas complètement abrutit. Se levant rapidement, cette fois-ci bien réveillé il ordonna « Habille-moi ! » et la machine fut mise en route. En moins d'une demi-heure, l'Ondin filait à toute vitesse à travers les eaux océaniques, rejoignant la terre ferme, pour en sortir en vitesse. Quelques heures plus tard, l'Empereur entra dans une auberge, dont le nom était conforme à celui apposé sur le vélin, et vit qu'elle était entièrement vide. Refermant la porte, ses yeux émeraudes scrutèrent sévèrement les lieux. La tenancière le sortit de ses réflexions « Bonjour... » Nastaé tourna la tête vers elle, et sa mine de chien battu, puis s'approcha du comptoir en bois « Bonjour, on m'a dit de... » Tout en parlant, le jeune homme montra le petit papier et la femme prit un air de supplique, se jetant contre le meuble, comme si elle voulait attraper Nastaé, pour se rassurer. « Merci ! Merci d'être venu ! Un homme m'a dit de vous appeler si il se passait quoi que ce soit. », « Euh... Bien. Cet homme était-il très grand, brun avec une mèche blanche ? », « Oui », « Et où est-il maintenant ? », « Là-haut ! Il a fait fuir tous mes clients à cause de ses idioties ! Il s'est réfugié dans mon auberge avec de l'argent, et a demander de l'alcool et des femmes et... », « Et m*rde... Merci à vous, reposez-vous, je vais m'en occuper. » La tenancière acquiesça et se retira.

Nastaé fit le rapprochement assez rapidement. Vijnah avait découvert ce que cela faisait de laisser son corps se faire porter par son esprit compagnon, après plusieurs fusions. Non mais... Mais quel andouille ! Cet idiot aurait pu se blesser ou se tuer ! Un jour il sautera d'une falaise, en prétextant qu'il aimerait savoir ce qu'est le risque, l'adrénaline, la vie, la mort, ou que savait-il encore, d'aussi idiot et bête. Ce genre de comportement indigne avait le don de l'énerver. Plus il montait les marches, plus ses sourcils se froncèrent. Il était bien mieux habillé que la première fois qu'il l'avait vu, chaussé cette fois-ci, et dans des vêtements précieux. La chambre où gisait le chaman n'était pas très difficile à trouver, vu les traces et autres indices qui y menaient. Ouvrant la porte, il se prépara psychologiquement à voir tout et n'importe quoi.
Et ce fut n'importe quoi.
La pièce baignait dans une odeur d'encens, qui droguaient les sens de chacun s'y trouvant plus de dix minutes dedans, conférant une certaine euphorie aux êtres humains. Des tâches sur le sol, poisseuses, démontraient que de l'alcool fut renversé et non nettoyé. Des vêtements jonchaient les meubles et le plancher et le lit... Ce pauvre lit... Vijnah était entouré de femmes qui profitaient de son corps et ses attributs masculins, pour prendre du plaisir entres elles, sans honte et sans gêne, alors que lui, fermantait dans une espèce de mélasse dont l'Ondin ne voulu même pas connaître la provenance. Alors comme ça, ce type ne « ressentait rien » ? Eh bien c'était ce qu'on allait voir...

Nastaé enjamba les obstacles jusqu'à la fenêtre, pour aérer la pièce, furieux. Il ne ferma pas la porte, et laissa le courant d'air glacé du matin se faire, et fuir à travers les deux ouvertures. Se rapprochant du lit, la mine sacrément contrariée, il dit d'une voix ferme et sans appel, comme un tir de sommation « Dégagez de là. » Les femmes commencèrent à ronchonner, mais elles étaient trop imbibées pour opposer grande résistance. En prenant une par le bras, il la tira pour l'emmener jusqu'à la porte, alors qu'elle était complètement dénudée, et la poussa brusquement pour qu'elle sorte « La même pour vous ? » En ronchonnant, la tribut partit, ramassant quelques vêtements qui ne couvraient que leurs intimités, et Nastaé ferma la porte cette fois-ci.
Se rendant dans la salle d'eau adjacente, profitant de l'embourbement de Vijnah dans ses limbes, il remplit une petite bassine d'eau gelée, pour se rendre dans la chambre et la lui lancer en plein visage.
En plein visage. Sur un homme brûlant.
Dès qu'il commença à reprendre conscience, l'Ondin lâcha « Espèce de pauvre type... »

Ça sentait le cramé sur le moment. Vijnah avait déconné c’était certain, aussi certain  que l’eau de l’océan ne se changerait jamais en p*sse. La comparaison était choquante pourtant au vue de la situation l’ancien démon ne pouvait que constater. L’alcool, le sexe et la drogue. Plus vieux cocktail du monde pour faire tourner les têtes. Cela dit Phéles n’aurait jamais cru que Vijnah était capable d’être aussi…Entreprenant. L’empathie qu’avait obtenu le chaman l’avait déboussolé au début et par la suite il c’était lancé des exploits de plus en fou. Ne dormant plus, ni vivant plus que pour ressentir un frisson qu’il ne pourrait jamais trouver. L’ancien démon avait appris deux choses sur son maitre. La première était qu’en tout était de cause c’était une p*tain de machine. Vijnah n’avait pas arrêté et ce, toute la nuit durant. Au début ça avait été du flirt léger pour finir dans une ode à la luxure la plus vicieuse et perverse. Pas que ça dérangeait Phéles, simplement que ça l’avait surpris. Quant à la deuxième, c’était que le géant tenait très bien l’alcool et les drogues. Pas faramineux ni très intéressant comme constat, c’était certain. Ce qui l’était en revanche c’était d’avoir joué le voyeur. Maintenant c’était autre chose. Avant que Vijnah ne pètent complétement les plombs, celui-ci avait eu la brillante idée de laisser une note à Marianne pour lui permettre de prévenir quelqu’un en cas de problème. Et jusqu’à présent il n’y avait qu’une personne sur une liste plutôt réduite. La seule personne en qui il avait confiance pour le déloger d’une situation plutôt…Insolite. Nastaé. A croire que le chaman n’avait pas compris ce qu’il se passerait. Premier point pour sa défense, à cette époque Vijnah était plutôt froid et insensible. Deuxième point pour sa défense, pour certaines choses le chaman n’a jamais été une lumière. D’ailleurs l’ondin était arrivé et là maintenant ça sentait le cramé. Déjà celui-ci paraissait énervé et ça c’était difficile à croire. Ensuite au vue de sa réaction la matinée allait devenir…Compliquée. L’ancien démon comprit ce qui lui restait à faire. Et m*rde…Vijnah avait convenu avec lui qu’en cas d’extrême urgence, Phéles pourrait fusionner avec lui sans son consentement mental afin de se prémunir de certains dangers. Il suffisait qu’un esprit pas très fréquentable tente d’envahir le chaman pendant une méditation trop profonde ou encore que Vijnah soit endormi et qu’il est besoin de fusionner pour que ce soit la cata si l’ordre n’était pas donné. Le tout était de savoir si ici c’était un cas de force majeur. Phéles hésitait car il récolterait le fruit des bêtises de son maître en même temps que le chaman, pas très excitant comme programme. Nastaé mit les gentilles filles dehors avec une certaine…Violence ? La question se posait, au vue de l’expérience de Phéles et de la réaction de Nastaé, on pouvait dire que l’ondin se contrôlait très bien. Avant cela, la nécessité d’aérer c’était faite évidente, il avait donc ouvert la fenêtre. Le froid c’était engouffré dans la pièce dans un sifflement strident comme si il était nécessaire de prévenir du danger. Nastaé pouvait paraître faible en apparence, Phéles se doutait que cette apparence cachait une bête des océans. Celle qui git dans des profondeurs insondables et qui ne remontent jamais à la surface pour le bien des créatures innocentes qui nagent plus haut. L’ancien démon jura et fusionna.

Vijnah se redressa sur le lit instantanément battant des paupières quelques secondes et finit quand même par retombé sur le matelas. Et puis ce fut l’eau froide, glacé même, qui électrisa son corps. Son esprit comateux retrouva directement sa conscience. Son corps se redressa vivement. Son visage ressemblait à celui d’un ours mal léché qu’on venait de déranger, une expression agressive apparue sur ses traits. Elle partit aussi rapidement alors qu’il discernait Nastaé devant l’entrée de la pièce. Pauvre type ? L’ondin venait de le traiter de pauvre type. Compréhensible, pourtant ce n’était pas acceptable. « Ca je le savais déjà. » La voix de Vijnah était enrouée et gutturale. Observant le carnage et l’état des lieux le chaman eut une moue dégouté. Se dépatouillant avec les draps et son esprit comateux, son corps réussit quand même à se hisser debout. Tout en titubant, le géant se dirigea vers la salle d’eau. « Si j’ai demandé à te prévenir ce n’était pas pour que tu me tires du lit de cette façon et surtout pas pour que tu montres insultant Nastaé. » Son ton n’était pas spécialement tranchant ni quoi que ce soit. Sa voix retrouvait peu à peu sa tonalité originelle. Se débarbouillant le chaman se préparait à affronter Nastaé. Ça allait certainement se faire violence. Si c’était nécessaire, ça serait ainsi. Et quoiqu’il en soit malgré la réaction de l’ondin, Vijnah ne regrettait pas ces actes, même pas ceux qui avaient conduit Nastaé ici avec cette colère qui vibrait tout autour de lui…