V

Azaël sourit, tenant toujours la main de Vanille, qu'il n'avait pas tardé à ramener dans son époque quand elle en eut formulé la demande. « Je ne comprends guère pourquoi l'on vous fui. Pour peu que l'on se comporte bien il est aisé de survivre à votre compagnie.» - « Merci pour ces aimables compliments, cependant, je ne vous retiens pas, merci d'avoir tenu à me donner le même traitement qu'aux autres.» - « Vous le méritiez. Car peu importe vos dires, vous avez participé à sauver l'avenir.» - « Ravie de vous avoir aidé maintenant je serais une gentille demoiselle aimante et altruiste. Filez.» Azaël rit délicatement. On lui faisait bien comprendre qu'il n'était plus le bienvenue. Et loin de s'imposer, il souleva la main de Vanille qu'il tenait pour la porter et ses lèvres et embrasser ses doigts sans les toucher, comme les bienséances les commandaient. « Au plaisir de vous revoir, au revoir.» Et le Maître du Temps s'évapora. Vanille, les lèvres pincées, prit quelques précieuses secondes pour réfléchir. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle avait vu. Était-ce une femme jouant la comédie ou une demoiselle amoureuse ? « Yun ! » finit-elle par articuler de façon assez audible. La jeune femme n'était pas loin, elle toqua à la porte, annonçant sa présence, avant d'entrer dans le salon de la Reine. « Vous m'avez demandé ?» - « Tu vas avoir l'honneur de me prouver tes compétences et ta loyauté.» La jeune femme, tendue et alerte, se crispa dans l'attente des instructions. Mais Vanille ne lui dit rien. Elle avait saisis un crayon et une feuille vierge et s'était réfugiée dans sa chambre. Dans les méandres de ses draps, elle laissa la mine glisser sur le papier, tâchant de représenter au mieux le visage du sombre inconnu. Elle finit par donner son œuvre à une Yun surprise.

« Voici un illustre inconnu et j'aimerais en apprendre plus sur lui. Trouves-le. Renseignes-toi. Et reviens me faire ton rapport. Tu n'as pas de temps limité pour se faire. Un rapport tous les trois jours.» La jeune femme hocha la tête et s’apprêta à tourner les talons. Mais Vanille, ferme, la saisit par le bras. « Je n'ai pas pour habitude de déléguer. Toutes les tâches, même les plus longues ou ingrates, me conviennent. Ton comportement sera décisif pour la suite. Et tu te doutes que je ne te laisserais point libre. Un homme dont la loyauté à mon égard n'est plus à établir t'épiera sans relâche. Et sache que c'est le meilleur détective, puisqu'il ne dort pas.» - « Compris mère.» - « Et ne m'appelles plus ainsi. Si une version alternative et détruite de mon futur t'a donné la vie, ce n'est pas mon cas. Et je n'ai pas envie d'avoir à donner des explications te concernant.» - « Bien, Majesté.» - « Hum. On va dire que c'est mieux.» Vanille lâcha le bras de la demoiselle, qui fila d'un pas vif et tremblant pour remplir sa mission. Et la vie reprit son cours, comme si de rien ne s'était passé ou presque. Yun revint une fois qu'une semaine se soit écoulé.

« Votre inconnu est un fantôme. Si c'est dans le futur que vous l'avez vu, peut-être est-ce parce qu'il n'est pas né ?» - « Peut-être.» Vanille ne semblait pourtant pas convaincue de cette théorie. Pensive, elle contemplait la Cité Engloutie à travers la fenêtre de sa chambre. « Tu n'as donc vraiment rien trouvé à son sujet.» - « Pas la moindre piste, pas même un murmure. Certes, cela ne fait qu'une semaine que je suis à sa recherche, mais je trouve cela vraiment étrange.» - « Mes investigations personnelles n'ont rien donné non plus.» Yun ne fut pas offusquée. Elle se doutait que Vanille ferait ses propres recherches. Elle n'était pas du genre à déléguer, comme elle lui avait dit. « Alors cessons de gaspiller notre temps. Laissons cette affaire sous-jacente, mais ne l'oublions pas. Des rumeurs circulent ces derniers temps, et je veux les vérifier.» - « Bien.»

Passé, présent et futur. Des entités fragiles et abstraites avec lesquels il ne faut pas jouer. Vanille songea à Yeul. Elle avait du souffrir le martyr ces derniers temps, et devait être soulagée qu'on ait rétablie une ligne temporelle potable. Un jour, il faudrait qu'elle retrouve cette fille. Elle voulait la voir. Par pure curiosité.

732 mots // code by Mandy