La vengeance est une notion que personne ne put appréhender au fil du temps mais dont tant d'hommes croient réellement en connaître la nature, la substance. Celle-ci se dispute bien souvent entre un sirop crémeux que vous devez diluer dans l'eau pour atténuer ses effets, tandis que d'autres parleraient plutôt d'une liqueur des dieux qu'il faudrait ingurgiter cul sec comme elle vous vient, autrement ce ne serait que pur gâchis. Nul ne peut dire qui a raison et qui a tort puisque de ces affirmations, arguments opposés ou diverses altercations, découlent des expériences vécues ou témoignages que les victimes ne sauraient oublier.

Ce qui les pousse à poursuivre de telles mœurs enfouies ? Certainement les actes les plus cruels qui leur ont été infligés sous la forme de chaînes d'acier trempé dont ils sont incapables de se dégager par la force brute uniquement. Seule une peine d'une envergure supérieure pourrait soulager sa créatrice et ils n'ont de scrupules à leur administrer ce poison qui continuera de couler dans un cycle sans fin. Des femmes opprimées, jalouses d'un mari dont elles convoient l'attention sans jamais l'obtenir, noient leur amertume. Cette haine envers les maîtresses de leurs maris pullule et elles finissent par l'assouvir, atteindre une jouissance sans précédents, dissimulant ces actes au final derrière ce concept malsain. Des sœurs égorgées qui assoiffées, attendent la libération par les mains de leurs frères désespérés, ou encore des êtres abandonnés par leurs aimés ayant quitté la terre ferme sans quoi ils se sentent perdus, désorientés.

La vengeance est un plat qui se mange froid et qui pourtant, fait bouillir vos entrailles au moment exact où vous y goûtez pour la première fois, que votre lame tranchante se loge dans la chair de votre ennemi. Le sang du même qui coule sous vos yeux orageux, ses cris qui retentissent à vos oreilles comme une belle mélodie harmonieuse que même un rossignol ne pourrait dépasser, des yeux larmoyants qui vous supplient miséricorde ... Oui. C'est pour cela que vous avez œuvré des mois voire même des années durant, rien que pour assister à cette cérémonie, à planifier des plans pour les rendre infaillibles et ne pas risquer de voir votre chance s'échapper. Tout ce pour quoi vous avez si laborieusement opéré se déroule maintenant sous vos yeux.

Que ressentez-vous ? Une joie extrême ? Un sentiment de béatitude ? Un esprit de tortionnaire qui se créé en vous, se mêlant parmi les sentiments les plus nobles dont vous pouvez faire preuve et finalement apparaître au grand jour quand vous vous y attendez le moins ? Ou plutôt un vide qui se forme et qu'on pourrait appeler de néant une fois votre ennemi, cet adversaire qui vous gardait vivant, disparu ? Oui. C'est finit. Ce temps est révolu. Que deviendrez-vous à présent ? C'est là la belle comptine qui continuait sa résonance dans l'esprit de Luka, depuis que la mort de son père avait achevé un chapitre de son histoire dont il ne croyait jamais en voir le bout. Pendant presque un siècle entier, il avait maudit de toutes ses forces tout autre vampire peuplant ces terres, race à laquelle il appartenait lui-même, malgré lui.

Il se détestait. Il haïssait ce qu'il était devenu, refoulait même cette pensée essayant de la cacher derrière un écran fabriqué par ses soins. Ne se nourrissant exclusivement jamais, que lors des très rares occasions où le besoin se faisait sentir, prenant soin de ne jamais montrer ses canines, ne sortant qu'au crépuscule et encore. Voilà la vie de reclus qu'il avait entretenu si longtemps dans ce seul et même but. Il ne se considérait pas ermite mais aux yeux d'autrui, il ne devrait pas être très loin du compte. Tomber c'est permis, se relever est ordonné. Son père le répugnait. Et ce au plus haut point. Il n'avait découvert que trop tard les crimes de celui-ci, les péchés qui l'inculpaient, étant la source directe de cette haine ayant pompé la vitalité aussi bien mentale que physique, du jeune homme. Fuyant tout ce qui avait un lien de près ou de loin avec les vampires, il avait renié complètement ce que sa mère s'était daignée, damnée à protéger à travers maintes souffrances, jusqu'à son dernier souffle qu'elle libéra en son nom, Luka le vampire.


Il ouvrit les yeux. Rapidement, dans un geste brusque, comme qui dirait tout droit sorti d'un affreux cauchemar. Son front, empli de sueurs froides qu'il essuya du revers de sa manche, était plus livide qu'à son habitude. Tout son métabolisme semblait affecté par ces visions pas tellement étranges mais récurrentes. S'asseyant lentement sur le lit douillet, il recoiffa lentement sa crinière bleutée, la plongeant en arrière avant de jeter un coup d’œil furtif à toute la pièce. Plongée dans le pénombre, elle restait comme lui entre la mort et la renaissance. Pas moyen de faire marche arrière, pas moyen d'avancer, bloqué entre deux mondes auxquels il n'appartenait pas. Il voulait désespérément enterrer cette animosité presque maladive qu'il ressentait envers ses semblables pour en rendre une partie intégrale du passé.

Il se remit lentement debout craignant de voir ses jambes défaillir sous son poids. S'approchant tout aussi langoureusement des rideaux restés clos, il les ouvrit d'un coup de bras simultané pour accueillir dans sa figure svelte, androgyne la lumière solaire et toute son incandescence. Celle-ci le fit sortir de sa rêverie, ce mur infranchissable. Ses deux yeux aveuglés prirent quelques instants avant de pouvoir assister à la ruée matinale qui prenait place sous sa fenêtre, comme tous les autres jours. Posant son avant-bras sur la surface glacée de la vitre, les matins étant de plus en plus froids en cette période, il alla y loger sa tête cherchant probablement un peu de confort pour son esprit troublé. Le calme environnant fut cependant brisé assez rapidement par une voix rauque et quelque peu baveuse qui ne se priva pas d'accentuer. « Tu n'es pas encore prêt ? Mais bon sang ! Je t'ai réveillé à de nombreuses reprises, alors pourquoi es-tu encore dans cette piètre tenue ? » dit-il en fouillant déjà quelques tiroirs pour en tirer quelques habits que le vampire pourrait se mettre, tout était plus convenable que les quelques draps enroulés autour de sa frêle anatomie.  

« On a rendez-vous aujourd'hui, l'aurais-tu seulement déjà oublié ?? » demanda-t-il on ne peut plus agacé voyant que son empressement ne touchait aucunement son interlocuteur. Celui-ci faisant demi-tour sur lui même pour affronter le regard coléreux de son compagnon, lui répondit entre deux bâillements assez prononcés et en boudant légèrement comme le gamin qu'il pouvait être parfois. « Pas la peine de crier Venom ... Je t'entends même un peu trop bien ... Cela m'aurait tout bonnement réjoui si j'avais été en mesure de l'oublier si facilement. T'es pas obligé de me le rappeler si vivement tout à coup ... » fit-il de manière quelque peu distante tandis qu'il se dirigeait vers la pièce juxtaposée pour se passer un peu d'eau sur le visage ainsi que sur ses boucles sauvages.

Son anatomie frêle, réduite en chair, passa rapidement sous la douche en fin de compte, sans chercher à comprendre quoi que ce soit d'autre que le fauve pouvait bien vouloir lui raconter. « Allez dis pas ça et dépêche toi de t'habiller ! Il faut partir immédiatement ! » Venom se rua alors hors de la chambre aussitôt ces paroles prononcées pour quérir auprès de l'aubergiste un petit déjeuner pour son maître. Malgré l'empressement dont il était question, laisser le jeune vampire partir à jeun pour un trajet qui pourrait s'étaler assez longuement n'était que pure idiotie ou alors une invitation préméditée aux fouteurs de trouble dont Luka en faisait partie. L'homme monta le plateau orné d'un met fumant et des plus appétissants. Le vampire l'accueillit avec satisfaction, le dévorant d'une traite avant de prendre son sac sur son dos et se hâter vers la sortie juste en bas des escaliers, ne manquant pas au passage d'adresser un petit sourire adorable, du moins du point de vue de l'aubergiste, à celui-ci.

Il passait le seuil de l'auberge de fortune une moue dépitée sur sa frimousse juvénile, un enthousiasme absent guère étonnant quand on repense à la dernière rencontre entre le vampire et la jeune réprouvé, entrevue datant déjà de plusieurs mois n'ayant eu aucune nouvelle depuis. Il s'efforçait de ne pas s'interroger sur le passé de la jeune femme, encore moins la vie qu'elle menait à présent et dont elle se gardait de lui en parler, mais plus il chassait ces pensées de son esprit, plus elles revenaient violentes et intrépides à la charge. Il hâtait tout de même le pas, traversant la rue commerçante pour la rejoindre au lieu de rendez-vous car même si cela ne l'enchantait pas de la revoir tout à coup, il n'était pas assez rude pour la faire poiroter en vain. Il arriva sur place quelques instants plus tôt et profita de l'occasion pour se reposer à l'ombre d'un arbre voisin ayant mené une course affolée pour parvenir jusqu'ici, le fauve refusant catégoriquement de le prendre sur ses épaules. Des secondes, puis des minutes voire même des heures s'écoulaient langoureusement et toujours aucun signe de la réprouvé en vue.

Luka mine de rien, s'impatientait lourdement. Comment le lui reprocher étant donné l'ardeur avec laquelle son loup l'avait sorti du lit tantôt et les pensées fort incommodantes qui lui traversaient l'esprit ? Impossible de garder son sang-froid. Toujours dans l'optique de calmer son esprit bouillant d'un agacement qui débordait, rarement aussi démesuré, il se laissa errer aux alentours, ayant entendu quelques bruits aqueux qui l'attiraient de par l'apparence exotique de l'endroit et la fraîcheur piquant à vif sa curiosité. La brise déchaînée venait s'immiscer parmi ses boucles bleutées mais surtout rebelles pour y semer une anarchie encore plus prononcée, avant de s'en prendre à ses vêtements qui eux à leur tour n'en faisaient qu'à leur tête. Se laissant absorber par le climat plutôt plaisant bien que plus froid que la normale, il coiffa rapidement en arrière sa crinière soyeuse en laissant s'échapper quelques soupirs, toujours inconsciemment droit et élégant dans ses manières.

Depuis combien de temps n'avait-elle pas prit le temps de s'aérer un peu et simplement ? Une éternité à son goût. Elle ne voyait pas les jours passés car elle n'avait pas le temps d'observer ce dernier s'écouler. Et puis, un matin pas fait comme un autre, alors qu'elle s'était réveillée et que Yclipt lui dictait son planning de la journée, son regard s'était poser sur le paysage visible à travers la fenêtre. Elle s'était alors habillée, comme si de rien n'était, mais au lieu de suivre son conseiller vers ses premières tâches royales de la journée, elle s'était brusquement volatilisée. Disparue sans dire un mot ni même laissé une trace. Yclipt et Lyzzie allaient se faire un sang d'encre, et déclencher elle ne savait quelle procédure de crise pour la retrouver et ça allait faire encore tout un foin.

Mais elle ne s'en souciait guère. En fait elle n'y pensa même pas. Elle avait juste écouter son cœur et sa soif de liberté, comme du temps où elle n'était pas reine, comme elle n'était que Yulenka, la jeune vampire orpheline et solitaire. Elle qui n'avait longtemps été qu'une légende mignonnette qui faisait sourire lorsqu'on la racontait.... Puis qui avait été une véritable bizarrerie, avec sa fraîcheur son insouciance, sa frimousse d'arbre en fleur et ses couettes bleues... Et enfin un incroyable choc lorsqu'on découvrit qu'elle était l'infante de l'ancien SDLN, et qu'elle était doué d'une puissance bien caché et non négligeable. Elle avait été tout cela, et bien qu'elle avait choisit d'être reine, sa liberté et son insouciance lui manquait parfois. Tout comme son ancienne vie pouvait lui manquer.

Son pas fluide et aérien foulait le sol gelé comme une caresse, ne produisant pratiquement aucun son. Depuis combien de temps marchait-elle seul dans ces terres glacée, elle ne le savait pas et s'en moquait. Elle profitait simplement du silence, de l'air pure et frais sur son visage, qui faisait doucement voleter ses cheveux dans le vent, et de la splendeur du paysage. Peu de gens appréciaient les paysages glacés et la toundra. Mais pour elle qui était née dans les montagnes, elle savait mieux que quiconque apprécier leur beauté et le respect que ce spectacle inspirait. Elle se fondait dans ce tableau neigeux, son visage de porcelaine et ses cheveux d'un bleu sombre mais à la fois tellement vif, si prononcé, pareil à un saphir le plus pur. Couleur que l'on retrouvait dans ses yeux, qui lui donnait ce regard si particulier. On pouvait autant s'y noyait que s'y lover, Il pouvait être d'une bienveillance et d'une chaleur à peine concevable, et l'instant d'après être plus impitoyable et terrifiant que les pires cauchemars démoniaques.

Mais pour l'heure, il était serein, un peu ailleurs, et légèrement mélancolique. Elle arborait un doux sourire sur les lèvres, et sa cape flottait silencieusement. Elle croyait être seule, mais voila qu'elle vit une silhouette au loin. Le centre ville n'était pas loin, mais il était encore assez tôt. Qui pouvait bien se montrer aussi matinale ? Poursuivant sa route, la jeune fille découvrit le visage efféminé d'un jeune homme qui ne lui était pas inconnu.... Où l'avait-elle vu ? Faisant appel à sa mémoire elle finit par remettre les informations liées à ce visage. La section 13 avait établit un rapport très détaillé de ce vampire qui gagnait en puissance, mais tout en discrétion. Yulenka en avait fait de même, aussi elle était sensible à ces vampires souvent talentueux qui restait dans l'ombre, souvent à tord. Elle les surveillait et les aidait quand elle le pouvait, à raison de petits coups de pouce discret..... Et elle avait bien envie d'aller à l'encontre de celui-ci. De voir par elle même de qui il s'agissait. Un sourire avenant aux lèvre et son regard doux et bienveillant, elle alla à son encontre et l'interpella.

-Bonjour.... j'espère ne pas vous déranger de si bon matin. Vous aimez les promenades de l'aurore ? A moins que vous n'attendiez quelqu'un....

Aplomb, assurance, et naturel. Des questions qui auraient plus sembler bien indiscrètes mais elles étaient prononcées avec une telle simplicité et une sincérité si déconcertante, qu'elle ne  suscitait pas l'irritabilité qu'elles auraient pu provoquer.

Ses pensées se fondaient aussi imperceptibles que le vent pour l'obnubiler aux nombreux chants qui les entouraient, les tableaux pittoresques aux alentours, le laissant ainsi pour mort, immobile, dans un état second comme hypnotisé par la beauté du paysage. Le soleil brillait haut dans le ciel, aveuglait d'une certaine manière la vision déjà bien trouble du jeune homme, baigné dans son incandescence et qui, on doit avouer, était pour le moins somnolent après toute cette attente inutile qui se solderait de toute évidence par une incroyable perte de temps. Le petit paradis sur terre, n'ayant aucun son de provenance autre qu'animale, soignait les sens maladivement brouillés du vampire, tableau de rêve qui lui était solennellement réservé.  Mais étais-ce réellement ce dernier qui le perturbait autant de par sa brise familièrement frisquette et la nature luxuriante qu'on avait pas encore corrompu ? J'en doute.

C'est alors qu'il se perdit. Et pour cause puisque toute une panoplie d'images assez incohérentes revinrent assiéger son esprit, telles des scènes jouées inlassablement par un acteur qu'il savait ne plus faire partie du commun des mortels sans pour autant le voir quitter le spectacle pour autant. Sa conscience n'était pas si magnanime ou raisonnée. Il crut ressentir à nouveau ce même effroi étranglant, cette angoisse illisible dans l'atmosphère, ce frisson lui parcourant l'échine pour assaillir au final tout son corps. Des sanglots déchirants se faisaient entendre, une voix rauque perdant en intensité au fur et à mesure que le son émis s'éternisait, ressemblait étrangement à quelqu'un. Des yeux larmoyants resurgissaient, une main froidement candide s'immisçait au contact de sa peau de cachemire, une odeur exécrable de sang versé pullulait dans l'air. Ses rêves restaient encore bien trop concrètement encrés dans sa mémoire et il lui faudrait certes quelques jours ou semaines avant de pouvoir s'en remettre, bien que toute émotion machiavélique ou élan tortionnaire ait complètement évacué son corps de poupée plus que fragilisé.

Qu'il perde toute notion du temps passe encore, mais qu'il se laisse aborder de la sorte par une jeune femme dont il sait rien, autrement jamais il ne lui aurait parler de la sorte, la couvrant d'éloges et chantant ses louanges malgré lui étant des réactions beaucoup plus communes de sa part, ne saurait passer aussi inaperçu que le premier. Il détailla rapidement le portrait de la jeune femme, n'ayant jamais vraiment croisé des boucles bleutées autres que les siennes et voyant là un signe de nouveauté qu'il devait avouer lui plaisait plutôt. Soyeux et fébriles de se voir emportés par le vent, ils se laissaient fouetter par celui-ci, donnant une petite envie au jeune homme de les caresser. Quelque chose chez cette jeune femme suscitait l'intérêt chez le vampire mais il ne savait mettre le doigt à l'instant précis sur ce dont il s'agissait. Deux petites choses étaient sûres et avérées toutefois après cette entrevue inespérée, la première étant donc qu'il n'avait jamais vraiment été seul à cet endroit pour commencer, le deuxième l'incroyable beauté, ou hardiesse, dont faisait preuve l'inconnue.

Luka se permit de gaspiller quelques brefs instants à considérer de plus près son entourage et au même temps les paroles qui s'adressaient on ne peut plus inévitablement à lui, chose dont il avait douté. Voyant que c'était bien le cas, il prit soin de revêtir ce même sourire candide habituel pour se plier à ses remarques qui étaient tout de même assez pertinentes, ayant franchement très bien deviné de quoi sa situation en retournait. « Bien le bonjour à vous aussi. Je vous assure que vous n'êtes point une gêne, je ne m'attendais tout simplement pas à votre arrivée. Pardonnez-moi mais j'avais laissé ma conscience divaguer comme une âme errante et souvent elle éprouve quelques difficultés à me revenir en toute lucidité. » dit-il dans un premier ton plus distant uniquement dans le but de répondre à la petite salutation de son interlocutrice, lui laissant reprendre immédiatement la parole.

Il reprit à son tour. A l'écoute de la prochaine question de la jeune femme, le vampire s'arrêta. Il regarda une pair de minutes la source du phénomène, le chemin qu'il avait parcourut pour parvenir jusque là avant de laisser s'échapper un souffle de désignation. Recoiffant à nouveau les boucles de saphir plus emmêlées que la normale, chose que le vent favorisait encore davantage en se levant au sud, il laissa un sourire assez ironique s'arborer idiotement sur sa petite frimousse androgyne. « Et bien, si je peux me permettre, c'est un peu des deux je dois dire ...  Ne voulant pas m'étaler énormément sur le sujet et ne point vous faire perdre pour le moins quelques minutes de votre temps qui saurait vous être précieux autrement, je peux vous dire que en effet, j'avais rendez-vous avec quelqu'un mais les heures continuent de passer sans qu'elle m'offre l'honneur de sa présence. J'étais prêt à me résigner et rebrousser chemin quand j'ai pensé explorer un peu les environs, n'ayant notamment jamais visité les lieux.  Il est tout aussi naturel pour moi dans d'autres circonstances plus libres, plus spontanées, de parcourir les terres à la recherche d'un fait nouveau, de nouvelles connaissances ou tout simplement des visions inoubliables des paysages les plus divins. Mais en temps normal, je me considère plutôt une créature nocturne, plutôt qu'un être immolé par la lumière. » ajouta-t-il alors qu'il remarquait avoir une fois de plus trop parlé sur lui-même à une inconnue qui n'avait peut-être pas en réalité réellement envie de l'entendre.

Ses yeux bien trop vides pour une simple promenade ou une partie de plaisir, se portaient sur l'horizon, mélange curieux entre les coloris les plus froids et les nuances les plus orangées, considérant avec une certaine attention la couche glaciale assez fine recouvrant intégralement ce qui avait par le passé été un lac cristallin mais qui n'était à ce jour plus qu'un endroit abandonné à tous ceux voulant prendre du bon temps dans les températures les plus extrêmes. Il représentait néanmoins pour beaucoup une source d'amusement irremplaçable dont ils ne pouvaient pas tous forcément profiter, même si Luka à lui seul ne s'imaginait ne serais-ce qu'effleurer et encore moins proférer la surface gelée de tout son poids pour la voir défaillir, son imagination débordante lui montrant déjà les images les plus ridicules de son échec cuisant, imminent.

« Mais, pardonnez-moi ! Je m'égare ! Où en étions-nous ? » questionna-t-il la belle dame d'un embarras notable sur ses traits, accompagné de quelques gestes furtifs pour essayer d'appuyer ses propos. On pouvait lire ses sentiments sur son visage comme l'on lit dans un livre les mots qu'on y a inscrit ou comme un géographe analyse une carte lui dévoilant tous les mystères de ces terres. Son visage se perdant entre ses deux mains frêles, reprit une attitude un peu plus amicale avec ce sourire, selon certains adorable, qui lui était caractéristique.

La couche de glace semblait émettre un appel qui résonnait lourdement au creux de ses oreilles pour le pousser à s'aventurer sur la surface instable, tendue mais il y résista, se contentant de s'en approcher en se penchant au sol pour y porter ses phalanges aussi blanches que la neige et aussi froides que le givre. Il en apprécia les extrémités levant le regard vers son interlocutrice et prononçant non pas sans appréhension craignant n'être trop cru dans ses propos, trop direct. « Cela vous dérangerait-il de tenir compagnie à un petit vampire solitaire ? Si vous avez mieux à faire, je ne vous retient pas cela dit. Vous même devrez être venue ici pour une bonne raison, à moins que comme moi vous seriez du genre à vous promener au lever du soleil sans une raison valable. » débita-t-il en ricanant légèrement dans sa barbe sur ses propres paroles.

" à moins que comme moi vous seriez du genre à vous promener au lever du soleil sans une raison valable."

-Exactement. Je n'avais même pas décidé de venir en ce lieu lorsque je me suis levée. Alors de là à trouver une raison à ma présence ici.... Aller, disons pour la splendeur et la quiétude du paysage.

C'était Yuli tout craché. Balancer avec aplomb et naturel qu'elle était venue là sans aucune raison particulière, et qu'en plus elle n'avait rien d'autre de mieux à faire que glander ! Ben elle était belle la reine à laisser son travail s'accumuler et bâiller aux corneilles, pendant que toute la forteresse s'agitait. C'était le genre de réponse qui déstabilisait souvent ses interlocuteurs, mais elle se moquait pas mal de ce genre de détails. Si l'abîme appelait l'abîme, la mignonnerie appelait la mignonnerie également ! Et au sourire adorable du jeune homme, la jeune fille lui offrit un sourire radieux tout aussi craquant, avec sa frimousse d'arbre en fleur comme le dirait un certain Orishala..... Bien que ce n'était pas le même genre que les sourires de Saphir, qui conjugué à sa petite bouille d'ange faisait tout simplement fondre les démons, elle n'en demeurait pas moins insoutenable dans ses traits doux et avenants.

-Cela ne me dérangerait pas du tout de vous tenir compagnie pour quelques temps ! Mais puisque le temps nous le permet, pourquoi ne pas continuer à marcher ?

Dans la série des questions qui n'en étaient pas vraiment, celle-ci en était un bon exemple ! Heavenly aurait pu en témoigner, c'était une des sales habitudes de sa souveraine que de poser les questions en même temps que d'imposer leurs réponses ! Enfin, on ne la referait pas. Voila les deux vampires entrain de marcher côte à côte. Être reine conférait quelques capacités spéciales à la jeune fille, dont celui d'empathie avec les ressortissants de sa race. Et lorsqu'elle s'attarda distraitement sur les sentiments du jeune homme qui l'accompagnait, ce fut le chaos complet ! Mais quel bordel la-dedans ! Mais qu'est-ce qui pouvait perturber ce jeune vampire à ce point ? Bon ok, c'était pas ses affaires.... Mais Yulenka avait tendance à être une reine un chouilla protectrice et mère poule envers ses sujets. Aussi, elle ne se voyait pas du tout laisser le jeune homme en proie à un tel désarroi ! Mais il allait falloir le faire parler, ce qui n'était pas toujours simple, surtout quand il s'agissait de sujet douloureux. Et elle n'étai pas sûre de parvenir à la jouer fine.

-J'aime beaucoup ce paysage, il est si apaisant, si calme.... Les gens ne prennent souvent même plus le temps d'apprécier ce qui est beau et simple....

Il fallait amorcé le sujet en douceur, partir d'un élément simple et sans rapport pour arriver doucement à celui qu'elle voulait aborder. Le jeune homme semblait enclin à tenir la conversation, et elle n'avait pas à lui sous-tirer ses réponses, ce qui faciliterait l'affaire. Elle usa d'un peu de magie pour lui insuffler un sentiment de confiance et de quiétude. Elle pouvait au moins l'apaiser un peu, même si ce n'était que soigner les symptômes et non le mal c'était toujours ça de prit. Elle usa de son contrôle de l'air pour faire voleter quelques flocons, adoucissant le paysage qui s'offrait à eux. Les grosses plumes blanches que formaient les flocons venaient se prendre dans ses longues couettes bleus, les habillant d'une décoration éphémère duveteuse. Des fois qu'elle n'ai pas suffisamment l'air d'une peluche.... Et ce qui était valable pour la jeune fille l'était également pour le jeune homme, qui se retrouva à son tour avec une couche de neige sur la tête. Cela fait, elle reprit son discours, ciblant davantage ses propos.

-Certaines personnes semblent parfois trop préoccupées pour prendre le temps de savourer l'instant présent.... Je trouve ça un peu curieux pour nous qui sommes immortels, cette manière de ne pas avoir le temps.... Alors que plus que quiconque nous l'avons. J'ai même envie de dire que c'est lorsqu'on est le plus pris qu'on devrait prendre le temps de profiter de notre existence. Après tout, tout le monde n'a pas notre chance n'est-ce pas Monsieur .... ?

Restait à savoir si cela allait marcher et si ce jeune homme dont elle espérait bientôt qu'il lui donne son nom, allait commencer à délier sa langue. Elle aurait pu user de ses dons d'aliénations pour le faire parler, mais ce n'était pas franchement indiqué lorsqu'on voulait aider quelqu'un qui n'était déjà pas au mieux de sa forme. Comme quoi il était définitivement plus dur de faire quelque chose de bien que de pas bien !

Luka ne semblait pas d’aplomb à s'engager dans une conversation longue et périlleuse qui ne causerait que de l'ennui pour les deux personnages mais bizarrement après quelques répliques échangées, il se rendit vite fait compte que ce n'était point le cas. Il trouvait souvent des gens bien trop imbus d'eux-mêmes pour s'ouvrir à d'autres suggestions, sans mentionner ceux gardant une façade mensongère aux manières minaudières pour cacher leurs véritables pensées bien trop souvent dérisoires. Lui n'avait que faire de leur avis, de leurs opinions ou encore de leurs morales corrompues, mais il s'efforçait de toute manière à garder un sourire sympathique et un ton courtois. Il y avait des fois, quand son morale ou sa patience se voyaient un peu plus amputés que d'habitude, où il ne pouvait pas supporter toute cette hypocrisie, cette mascarade infondée. Ils le dévisageaient, il en avait pitié.

Mais avec elle, quelque chose semblait différer profondément. Cette jeune femme semblait avoir surgit au moment où il en avait le plus besoin, comme si par pur miracle ou une quelconque intervention divine, choses qu'il savait ne pas exister en réalité ou du moins qu'il ne pensait jamais voir arriver autour de lui, avait surgit pour lui empêcher de souffrir discrètement dans son coin, criant d'une voix feutrée. Il ne voulait pas s'en méfier, craignant probablement de se voir dupé une fois de plus, mais bien lui faire confiance inconsciemment. Elle lui inspirait respect pour une raison qu'il semblait ignorer. Étais-ce dû à sa prestance ? L'atmosphère qui l'entourait ? Une certaine ressemblance qui les reliait ? Ou encore un geste quelconque qui lui aurait valu sa confiance inéluctablement ? Difficile à dire puisque le tout s'était fait à l'intérieur du vampire dans le silence le plus morbide et le plus secret sans que lui-même s'en aperçoive. Il se contenta de sourire à ses paroles, toujours la même ébauche bienveillante qui lui étirait les lèvres.

Et apparemment les points communs semblaient augmenter au fur et à mesure que la conversation s'éternisait, même s'ils ne comptaient que deux ou trois parmi leurs rangs. Les paysages étaient faits pour être admirés, glorifiés de par leur beauté quasi éternelle mais qui hélas se devait de faner à un moment ou à un autre. A n'importe quel moment, elle pourrait se voir emportée pour ne jamais revenir et Luka voyait là un peu une représentation de lui-même. Il y allait quérir une quiétude, un apaisement d'esprit qu'il ne trouvait nulle part ailleurs, ou presque, et en avait fait une habitude saine parmi toutes les autres plutôt sanguines ou violentes.

Toujours baissé, il lançait quelques regards incongrus envers son interlocutrice de manière à se souvenir de ses traits fins et graciles, belle rose aux épines douces mais intrépides. Il ne laissa transparaître en aucun cas de regards rudes ou trop insistants, ne faisant que contempler sachant qu'elle pourrait disparaître aussi subitement qu'elle était arrivée. Il ne ronchonna aucunement quand celle-ci lui suggéra de marcher car tout compte fait c'était toujours mieux que de traîner près du lac sans arrêt alors qu'il ne comptait pas s'en approcher davantage. Quant à sa réponse, elle se vit dans un geste mesuré laissant la jeune femme passer devant alors qu'il s'engageait à la suivre. Mais dans le silence de mort, la confusion reprenait bien trop facilement le dessus et il peinait à la chasser encore de ses pensées.

Il savait ne pas avoir le droit de regretter, de voir dans ses efforts à travers le temps une tentative veine et pour le moins idiote de ramener celle, la seule qui ne lui serait jamais rendue. Il refoulait encore et encore, mais il ne savait que trop bien que cela ne faisait qu'attarder la sentence et que ce n'est pas pour autant que le bourreau laisserait sa tête tranquille alors qu'il ne rêvait que de la trancher. Les doutes n'avaient fait que redoubler après la mort de son père achevée ... Pourquoi ? Pourquoi cette haine ne s'était-elle pas vue dissipée ? Car il l'avait toujours dévié vers la mauvaise personne, autrement dit la race vampirique alors qu'un seul individu se voyait impliqué au final ? Avoir pendant si longtemps craint et haï un peuple jusqu'à la racine uniquement pour les fautes, maintenant expédiées, d'un seul homme pitoyable et répulsif ? C'était idiot voire même plus et il le savait maintenant, mais accepter n'étais pas une chose si facile ... Après tout, si cela l'était il n'aurait pas gaspillé presque un siècle d'existence éternelle dans ce seul et même but.

L'affirmation de sa camarade vint briser le fil de ses pensées incongrues. Elle mentionnait maintenant le paysage que souvent les autres ne savaient pas apprécier à sa juste valeur et il ne faisait que partager son avis une fois de plus. « Ils sont souvent trop obnubilés par leur quête incessante du bonheur ou des richesses pour oser les perdre de vue une seule seconde et observer un tant soit peu ce qui les entoure ... Je ne leur en veux point ce comportement mais je peux le comprendre car tout le temps qui m'a valu mon existence m'a au moins permis de comprendre à quel point il faut vivre le moment présent et non pas se refouler dans le passé ou chercher à trop prévoir l'avenir. S'il m'a fallut un nombre conséquent d'années avant d'arriver à ce résultat, eux cela leur demanderait toute une vie ou peut-être plus ... »

La panique ou une once de chahut qui auraient pu en découler de ces quelques répliques, ne firent rien et se dissipèrent aussitôt. Étrangement, Luka se trouvait fort aise à cet instant précis en compagnie de cette jeune femme. Les paysages hivernaux n'avaient jamais vraiment attiré son regard, possiblement car ils avaient toujours été lors de ses visites on ne peut plus mouvementés voire totalement déchaînés faute de quoi il ne connaissait pas leur splendeur, mais celui-ci était particulièrement agréable à regarder. Ses yeux émerveillés voyaient chaque flocon tomber entre ses doigts à demi écartés, certains se laissant engouffrer puis s'éclipser entre eux, alors que les autres atterrissaient calmement dans sa paume et fondaient aussitôt. Il ne chercha point à s'en dévier au contraire. Il laissa le spectacle modeste et naturel prendre place l'observant langoureusement jusqu'à ce qu'une couche assez importante se soit formé sur sa tête. Cependant, il n'avait pas froid, il se voyait calme, presque en paix. Il s'en débarrassa de la plupart de l'amas assez rapidement quand il vit son interlocutrice reprendre l'activité de la parole et s'adresser à lui d'un ton assez sérieux.

Cette fois, le doute n'était pas permis, à moins qu'il n'eusse voulut jouer les sots qui ne savent pas lire un minimum entre les lignes, chose qui au final n'était pas vraiment nécessaire dans le cas présent puisqu'elle annonçait direct la couleur. Elle aussi était une vampire avec un minimum de réflexion. Luka eut un mouvement de recul assez modeste mais surtout complètement incompréhensible même pour lui. Après tout, il n'avait de raison de la craindre, ce genre d'appréhensions n'avaient pas lieu d'être et pourtant elles étaient un peu présentes malgré lui. Il les jeta rapidement à l'oubliette, après un seul et simple regard dans la direction de la belle demoiselle.

Il garda cela dit un ton bizarrement calme alors qu'il reprenait entre plusieurs souffles, dans l'espoir de retrouver ce calme intérieur de tantôt. « Je me dois d'être d'accord là-dessus, car c'est lorsque on est le plus pris par nos devoirs ou les tâches qu'on nous affecte, qu'on oublie qui on est réellement et la vie que nous menons s'en voit chamboulée par la même occasion. Souvent, les humains se voient obsédés par cette notion de voir le temps passer. Naître, vieillir, mourir. C'est un chaîne assez courte qu'on ne peut interrompre, exploit que certains continuent sans cesse d'accomplir pour atteindre l'éternelle jeunesse ou beauté éblouissante. » Il ravala sa salive avant de continuer et d'approfondir son récit, y mêlant inconsciemment un brin d'expériences personnelles ou bien des ressentis auxquels il avait goûté et qu'il s'apprêtait à dévoiler. « C'est là que nous nous trouvons. Entre la naissance et la mort, sans jamais basculer de notre état actuel qui s'est vu figé à un moment ou à un autre ... profitant d'une immortalité que d'autres ne possèdent pas et sans forcément l'exploiter, alors que tant d'autres seraient capables de remuer ciel et terre pour l'obtenir ... C'est bête, ne trouvez-vous pas ? »

C'est bien cela, très bête. Ridicule. Blasphématoire. Comment tant d'autres pouvaient prêcher la beauté d'une telle existence alors que lui des années durant avait essayer de la fuir sans jamais s'appliquer à la tâcher pour réellement réussir ? Il voulait se débarrasser de sa nature qu'il considérait monstrueuse à l'époque mais jamais il n'avait considéré un changement quelconque dans sa morphologie ou autre. Il était lâche, un exemple parfait d'un personnage pragmatique voulant acquérir l'objet désiré sans y mettre le prix. Cette peine insensible lui venait de cette vision horrible qu'il avait entre aperçu par dessus l'épaule du cadavre de sa mère, les yeux rouges sang alors que ce même mélange emplissait l'air non seulement de par son odeur mais également de par sa texture gluante au contact de sa peau. Souvent, dans les nuits qui suivirent, il se réveilla en sursaut croyant encore voir les tâches de sang coagulé dans ses mains et il les lavait frénétiquement en conséquence sans jamais y voir de changement. Il était faible psychologiquement, à ce jour moins qu'auparavant mais il avait besoin de s'exprimer et formuler par des mots ce qu'il avait tu par des mœurs tout ce temps.

Il finit par réagir à sa question et détourna son identité avec honneur, sans se faire prier pour poser quelques questions à son tour et d'autres affirmations. « Mais quel sot je fais ... Excusez-moi pour la présentation tardive, je me nomme Luka. Luka Cross pour être plus exacte. Je me permettrais donc de vous demander votre nom également pour pouvoir m'adresser à vous autre que par des "chère demoiselle". » Il sourit. « Vous m'avez l'air assez réfléchie qui plus est, consciente des défauts humains et de certains aspects que seule la dure réalité peut enseigner aux plus tenaces qui gardent d'une poignée de fer la vision d'un futur nouveau. Je peux donc vous me permettre de quémander votre aide ? » Il s'arrêta un instant. Il hésitait et les tremblements dans sa voix le trahissaient contre son gré. Il avait peur de poser une question qu'elle pourrait refouler d'un simple rire ou traiter comme une plaisanterie douteuse ... Il ne s'était exprimé à cœur ouvert qu'une bonne demi-douzaine de fois et c'était en compagnie d'un personnage en qui il avait placé toute sa confiance, alors pourquoi était-il prêt à courir le risque de s'ouvrir à elle sous peine de voir ses efforts anéantis ? Inutile de laisser ces doutes tarauder son esprit me diriez-vous et c'est en effet la démarcher qu'entreprit le jeune homme pour reprendre la parole de ce même air indécis mais au moment il ne s'arrêterait en plein milieu cette fois.

« Dites-moi, avez-vous déjà perdu un proche ? Pour ma part c'est le cas ... Et je peine encore aujourd'hui à m'en remettre car cela provoqua plus qu'une peine momentanée qu'on oublie avec le temps ... Je n'ai pas laissé cette blessure cicatrisé, au contraire. Je l'ai nourrie, taillader de nombreuses fois pour la rendre plus saignante et profonde et jamais oublier son existence ... Je l'ai laissé prendre le contrôle de ma vie et maintenant que je l'ai définitivement perdu, en d'autres mots qu'elle est complètement guérie à la surface, je me sens perdu ... désorienté ... » Sa voix tremblait légèrement, mais étouffée, égorgée, sonnait blessée. « Avez-vous déjà voulut à quelqu'un au point de le traquer pendant des années pour au final en faire votre seul but dans la vie et perdre notion de tout le reste ? Avez-vous seulement déjà haït autrui au point de vouloir mettre fin à sa vie de vos propres mains ? Gardé cette flamme brûlante intacte pour ne jamais perdre de vue votre objectif  ? » bafouilla-t-il dans un élan pour le moins violent d'émotions qui l'assiégèrent sans crier gare et qu'il ne put en aucun cas contrôler, c'était évident.

Il reprit ses sens bien assez vite pour réaliser par la suite toutes les paroles qu'il avait laissé échapper à haute voix mais qui en fait étaient subjectivement dirigées à lui-même et à sa conscience. Il ne put que laisser échapper un bref " Je suis désolé ces propos, je suis quelque peu ... troublé par une affaire ... Je ne chercher pas à vous nuire avec celle-ci. " avant de continuer son chemin, sans pour autant laisser la vampire derrière lui, la tête baissée, plus atteint de ce malaise que quelques secondes auparavant. Une fois qu'il avait lâché son attention et baissé sa garde, ce mal prenait possession et passait à travers cette faille, il le savait maintenant. C'était pas dur de le faire parler, c'est un fait ...

La machine était lancée et Yulenka écoutait attentivement. Si certains était incroyablement chiant à faire parler, ce jeune homme semblait plutôt loquace ! Et il semblait également avoir de la bouteille en matière de vécu.... Et il n'y avait pas besoin d'être devin pour sentir qu'il avait un lourd passif.... Peut-être était-ce cela qui lui pesait ? Très certainement même. Maintenant qu'elle avait entrouvert la porte, elle n'avait plus qu'à laisser les démons sortirent de leur tanière, les observer, les analyser pour mieux les annihiler. Du moins commencer le processus. Car c'était le genre d'ennemis qu'on ne pouvait battre en une fois, peut-être le plus vicieux et le plus perfide des ennemis, nos propres tourments. C'était un ennemi qu'on ne pouvait se contenter de détruire, il fallait le cerner, le comprendre, le dominer et seulement ensuite le détruire. C'était long, souvent douloureux et pénible, mais nécessaire lorsqu'on voulait avancer ou tout simplement s'en sortir. Elle en savait quelque chose. Elle souriait doucement en entendant la question du jeune et lui répondit.

-Chacun appréhende les choses différemment. Pour certains l'immortalité est un don, un but. Pour d'autre c'est une malédiction, un poison dont ils ne savent que faire. Il n'y a pas de vérité absolue sur ce sujet, seulement des manières d'aborder les choses. On peut la rechercher, la rejeter, ou apprendre à vivre avec.

Il se présenta enfin, lui permettant d'user son nom sans éveiller les soupçons. Il était temps pour elle de se présenter également. Mais il posa une question qui la surprit légèrement, bien qu'elle n'en laissa rien transparaître. Mais au final, c'était une bonne chose, car ça lui facilitait grandement la vie ! Il lui avait demandé son aide, elle n'avait même plus à tourner autour du pot. Sans toutefois se montrer trop brutal non plus. Elle lui répliqua avec un sourire radieux.

-Je m'appelle Yulenka. Et j'espère pouvoir vous aider, de quoi s'agit-il ?

Elle écouta avec attention le récit de Luka, commençant à comprendre de quoi il en retournait. Sans non plus savoir exactement et surement se trompait-elle sur certaines choses. Mais la mort d'être cher, la haine d'une personne, elle les avait que trop éprouvé pour ne pas s'en souvenir. Elle le laissa terminer et lui dit, un sourire mélancolique aux lèvres.

-La perte des être chers.... je l'ai subis plus que de raison. Peut-être trop.... La douleur qui en découle est indicible.... Et comme si le destin craignait que je ne l'oublie, il vient régulièrement me rappeler cette souffrance. Je dois donc faire avec un peu trop régulièrement en ce moment. J'ai également connu cette haine. Celle qui vous déchire autant les entrailles qu'elle vous émule, celle qui enivre et qui torture.... Longtemps elle m'a mue, elle m'a pousser à traquer à chercher et à détruire. Jusqu'à ce que je trouve enfin mon géniteur.... Je voulais le détruire, le massacrer.... Je voulais le faire souffrir autant qu'il m'avait fait souffert, et plus encore. Et nous avons failli mourir tout les deux. Seulement.... Même si je le tuais, je sentais que cela n'apaiserait pas ma colère, que je serais toujours frustrée et malheureuse. J'ai eu de la chance car malgré tout, nous sommes parvenus à nous expliqué, et il a prit soin de moi. Cela n'a pas été simple de faire taire ma haine et de la surmonter. Mais aujourd'hui je savoure ma liberté retrouvée.

Elle adressait un sourire bienveillant et réconfortant au jeune vampire. Ce genre de chose n'était jamais simple. Elle le savait et le comprenait. Elle avait toujours joui d'un caractère très fort et d'un attitude de battante. Rubis n'en aurait pas permis autrement de toute manière. Elle avait repoussé la mort de tout son être dès leur première rencontre, et depuis lors, elle n'avait jamais cette valse infernale avec cette dernière devenant tour à tour son amante, sa compagne, son complice, son ennemis, son bras armé.... Elle avait souffert, elle avait désespéré, elle avait souvent cru ne jamais s'en sortir mai au finale elle n'avait jamais abandonné. Elle retrouvait courage sur toutes les victoires qu'elle avait pu rencontrer, des plus minimes aux plus magistrales. Elle n'avait besoin d'un peu de chance pour se relever de toutes ses épreuves. Un trait de caractère rare qui lui avait permis de survivre, mais dont tout le monde ne pouvait jouir. Et pour les autres la vie n'en était que plus dure. Le pauvre bonhomme visiblement très affecté vint s'excuser de ses confessions. Yulenka se mit à sa hauteur, et vint poser doucement sa main sur l'épaule de Luka, le gratifiant d'un sourire aussi doux que chaleureux.

-Il n'y a pas de mal. Cela finira par s'atténuer avec le temps. Le chemin est juste long, parfois trop long. Mais chacun d'entre nous à la force de pouvoir surmonter ses épreuves, comme il a aussi la force de trouver de l'aide chez autrui pour l'y aider.

Luka écoutait on ne peut plus attentivement au point de boire ses paroles pour n'en laisser aucune passer inaperçue. Il reconnut dans ses propos deux genres de personnages très distincts effectivement. Le premier, un vampire n'ayant éprouvé que du mépris à l'égard des enfants de la nuit et ne cherchant qu'à s'en détacher le plus possible. Une obsession presque maladive dont il ne pouvait échapper et qui l'avait contraint, croyant faire ce qui était juste, à diminuer le plus possible son alimentation aux limites de la négligence totale et complète sans jamais atteindre l'évanouissement, ou encore cacher sa dentition caractéristique des vampires uniquement pour ne pas voir son engeance dévoilée. Il en devenait pire que paranoïaque, mais une ascension, aussi bien dans son comportement que dans l'évolution de sa vie, l'avait poussé à emprunter un chemin semé d'embûches et il n'avait crut sage de s'en débarrasser finalement.

Alors que d'un autre côté, des vampires, fières de leurs lignées ou voulant diriger les plus faibles de leur main imposante, gravissent les échelons dans ce même but, gagner en puissance, bâtir ses idéaux sur de bonnes bases, vaincre autrui non pas par la force mais par l'ingéniosité, étant quelques principes qu'il connaissait bien mais qu'il n'arrivait pas à appliquer sur lui-même. Il les enviait en quelque sorte une telle détermination et aspirait à celle-ci, espérant un jour pouvoir l'atteindre.

Il se contenta d'ajouter avec une voix et une expression uniformes n'essayant aucunement de réfuter les répliques de la vampire, car effectivement elles n'étaient que trop justes et avisées : « Dans le premier cas, très peu d'inconvénients surgissent mais le deuxième est déjà plus corsé vous le savez. Souvent ceux qui en deviennent les victimes n'ont pas l'embarras du choix, soit se résignent et acceptent cette réalité qu'est l'immortalité pour en jouir au plus haut point, soit se débattent pour lui échapper au point de devenir une âme sombre sans corps ni consistance. »

Luka sentait une certaine nostalgie quand il s'adressait à la jeune femme, non pas car celle-ci faisait partie de ses connaissances passées ou car elle lui rappelait vaguement quelqu'un, non, uniquement car elle lui faisait étrangement revenir aux sources, à son lui passé. Elle parlait comme si leur existence n'avait pas différé de beaucoup et qu'elle avait éprouvé les mêmes sentiments, les mêmes souffrances qu'on peine à retranscrire avec des mots, comme si elle avait eu à traverser les mêmes épreuves, triompher des mêmes maux et s'acharner pour continuer de vivre aussi paisiblement que possible. Il ne voulait pas en dire de trop mais craignait d'en taire moins que nécessaire. Il voulait simplement se laisser aller mais redoutait les conséquences de ses actes, ne sachant de cette belle idylle que le nom " Yulenka " et son apparence pour le moins entreprenante, ensorcelante. Ce n'est pas pour rien qu'il avait passé les derniers instants, qu'il n'arrivait pas à doser avec exactitude puisqu'ils passaient sans qu'il se rende réellement compte, à considérer son portrait et sa carrure, y discernant une certaine force, puissance pas négligeable dont il ignorait la provenance exacte.

Elle avait le don de parvenir à le calmer assez aisément pour une raison qui lui échappe encore aujourd'hui à ce beau jeune homme des plus naïfs reprenant les rennes de son existence à deux mains pour mieux la contrôler. Elle écoutait en silence, choisissait les bons mots, savait les appliquer quand l'occasion se présentait et dompter l'esprit rebelle du vampire comme si elle en connaissait les bouts par cœur. Luka ne voyait pas en elle une présence égale mais bien supérieure pour sa plus grande surprise, bienveillante et pourtant mystérieuse à souhait.

Sa vie semblable à la sienne, lui avait montré que être fort ce n'est pas une option mais une obligation qu'il faut se résoudre à accepter sans protester et qu'éventuellement des épreuves ou expériences vécues par autrui, on peut en tirer une leçon décente. Personne en ces terres n'avait pu suivre une existence sans trouble, la violence et la corruption, la démence et la perversion faisant partie intégrale de la vie qu'ils s'étaient habitués à mener, et il en revenait à chacun de vaincre ces démons invisibles. « Mais je vois que vous êtes parvenue à trouver, pour le moins en apparence, une paix intérieure qui vous permet d'y échapper et de ne pas vous laisser constamment berner par de telles mœurs, de tels préceptes ou des souvenirs souvent bien trop puissants pour simplement les forcer à la quiétude. Cela n'a pas dû être facile, cela a dû vous demander un certain sacrifice et une énorme force de volonté ... Je vous admire pour cela je dois vous l'avouer ... Contrairement à vous, bien que dans une situation légèrement différente, je n'ai pas su me contrôler et le résultat est évident ... » déclara-t-il alors que les flots de paroles commençaient à s'enchaîner avec brio comme si elles représentaient tous les sons interdits qu'il s'était juré de na pas proférer pour ne pas profaner le repos de cette femme et provoquer l'inquiétude chez ses nouveaux compagnons.

La cadence en prit un sérieux coup bien placé, croissant au fur et à mesure qu'il parlait. Il ne s'adressa pas uniquement à la vampire au fil de son récit mais également à lui-même. Un discours éprouvant qui de fil en aiguille découla sur un combat intérieur entre différentes forces inconnues à couteaux tirés, s'affrontant d'une puissance égale et qui ne sauraient prendre le dessus sur l'autre, guerre de position à laquelle Yulenka assistait aux premières loges. « Pourquoi ais-je tenu si fermement à cette haine toutes ces années ? Pourquoi haïr les vampires comme la peste, essayant moi-même de devenir le plus humain possible pour m'éloigner de leur influence ? Pourquoi les avoir aidé au final à de maintes reprises et avoir partagé avec eux un verre, une valse en toute tranquillité ? Car je craignais d'avoir rien d'autre pour me relier à ces terres sûrement ... Car je croyais dur comme fer que c'était la seule manière d'affirmer mon existence et me convaincre que j'étais bien présent, respirant cet air pur, me laissant bercer par le même, profitant d'une vie qu'on m'avait offert, une seconde chance. Je savais au plus profond qu'ils n'étaient pas tous des scélérats comme mon progéniteur ... » reprit-il dans l'espoir de trouver un moyen efficace de faire cesser cette tuerie à laquelle il s'en voyait proie et qui réduisait considérablement son immunité. Même avec une frimousse adorable, il n'en restait pas moins un membre de l'espèce masculine et éprouvait donc un certain malaise à laisser une autre entité le voir dans sa forme la plus méprisable.

Il se voyait perdre lamentablement les pédales, ressasser des choses enfouies pour en créer des nouvelles, dire plus qu'il n'aurais jamais souhaité à un personnage qui avec une certaine jugeote n'aurait aucun mal à en faire son esclave, son prisonnier, comme acculé au fond d'une ruelle sombre sans débouché ou échappatoire. Il se montrait à cœur ouvert devant la vampire, annonçait ses peines et ses tracas, les diverses questions auxquelles elle n'aurait probablement pas de réponse même si par le plus grand des hasards, elle s'avérait certainement intéressée par son sort et souhaiterait lui venir en aide. Il regretterait d'ailleurs très certainement après coup d'avoir perdu sa posture de la sorte face à la vampire, craignant d'autant plus la faire fuir en dépassant les bornes de son récit embrasé.  « Hélas, je crains n'avoir pas été si raisonné dans ma démarche et ne pas avoir trouvé la force de taire mon animosité à son égard comme vous avez si bien pu le faire. A sa rencontre, je me suis laissé abandonner complètement, j'ai dégainé sans ne serais-ce que hésiter, l'arme qui m'a servit à l'annihiler, ai brisé de mes propres mains les restreintes que je m'étais fixé. Je n'ai pas pu trouver le répit avant de l'avoir tué ... Mes yeux étaient focalisés sur une seule chose, voir la lumière s'éteindre dans ses yeux et lui assimiler une peine semblable à celle que mon être le plus cher avait dû supporter pour ma protection, pour mon salut ... » dit-il en comparant clairement ses actions irréfléchies, agrémentées d'une déchéance sans précédents.

Les sanglots ne semblaient pas prêts à montrer la face, monter à la surface pour submerger son visage androgyne, mais ils étaient bien présents à l'intérieur, silencieux, interdits tandis que Luka cherchait un équilibre potentiel.  « Je pense toujours ne pas en avoir fait assez pour la venger et au même temps ... Je crains n'avoir assouvi ma vengeance que par pure injustice ... Ce n'était qu'une ordure de la pire espèce mais je crains n'avoir pas mon mot à dire en termes de jugement puisque je partage le même sang, les mêmes pulsions, les mêmes contraintes alimentaires. Je me sens ... déconcerté par tous ces sentiments contradictoires et cela ne me suffit pas de me dire que tout ira bien pour les oublier et passer à autre chose ... » Il prit une profonde respiration pour fouiller encore davantage dans son esprit, croyant perdre largement le fil de la conversation, se voyant débiter des mots pour la plupart peut-être insensés sans aucun lien justifié entre eux. Il était faible, vulnérable, un personnage dont on pourrait se servir facilement dans cet état déplorable si l'envie se présentait et il fallait avouer qu'il devrait être bien heureux de ne pas être tombé sur un personnage aux intentions douteuses, voire même mesquines.

La main au contact de son épaule avait un clair mérite d'être chaleureuse et réconfortante à un point où Luka en oublia rapidement les tracas qui lui pesaient comme s'il venait de plonger dans une mère calme où les vagues perturbatrices n'auraient plus leur place. Mais faut dire que le calme avant la tempête est bien récurrent mais qu'il ne dure jamais longtemps. Les doutes reprirent bientôt leur activité endiablée tandis que la paume de Luka venait recouvrir celle de son interlocutrice. « En effet comme vous dites, il m'a fallut le courage de m'ouvrir et d'avouer certaines faiblesses pour mieux les dépasser, et j'espérait disgracieusement, peut-être me trouverez-vous pitoyable, déceler en vous l'aide dont j'ai toujours eu soif, eu besoin. Je ne suis pas aussi faible en temps normal, je me considère même comme une personnage assez joviale mais je me retrouve dans l'incapacité de sourire du fond du cœur aujourd'hui ... Je m'excuse si cela vous importune ou si je vous incombe d'une tâche d'une envergure à laquelle vous ne souhaitez pas forcément faire face de suite ... » finit-il par ajouter en lui rendant son sourire au bord de l'agonie et braquant ses orbes azurs sur son visage.

Yulenka écoutait silencieuse et insondable le jeune homme lui parlait. Elle pouvait le sentir, cet émoi qui le dévorait de l'intérieur. Elle devinait les efforts colossaux qu'il faisait pour garder bonne figure tout en se confiant à elle. Elle demeurait telle une image en trois dimensions, à la fois réelle et curieusement illusoire. Comme une douce chimère produit par l'esprit pour se consoler et se soigner lui même, pour palier à la solitude d'un cœur trop las et accablé. Son regard saphir assuré et apaisant, accueillit celui plus clair de Luka. Elle vint alors glisser le bout de ses doigts sous le menton du jeune homme, l'incitant par une pression légère à relever la tête comme pour être fier. Et tandis que ses prunelles envoûtantes ancraient le jeune homme sur son visage de poupée de porcelaine, elle lui dit doucement presque murmurant dans un souffle.

-Je vais vous dire un secret.... Je suis là pour ça....

Elle avait chuchoter cela en référence au fait qu'il s'excusait d'éventuellement l'importuner avec ses histoires. Elle aurait bien voulu lui dire que cela faisait parti de son rôle de reine que de prendre soin de ses sujets et de soulager leur souffrance. Mais il était trop tôt pour cela... Elle risquait de l'effrayer et qu'il ne se referme comme une huître ! Ce qui serait rageant, alors qu'il ouvrait de plus en plus et de lui même la porte sur ses tourments. L'une de ses mains étant toujours sur l'épaule de Luka -elle lui laissait le choix de garder sa main pour se réconforter le temps dont il en aurait besoin-, elle prit tout de même soin de retirer celle qu'elle avait placé sous son menton. Et toujours en le regardant droit dans les yeux, avec une sincérité et une sérénité inéluctable, elle lui répondit avec douceur et quiétude.

-N'avez-vous pas l'impression d'être un peu trop sévère avec vous même, et de surestimer le monde qui vous entoure ? Vous n'êtes ni pitoyable, ni déplorable. Vous souffrez.... D'une souffrance que vous n'aviez dès lors jamais connu et que rien dans votre vie passée n'aurait pu vous y préparer. Vous me rendez gloire d'avoir pu surmonter ma haine envers mon géniteur, mais en réalité, si j'avais eu à l'époque la puissance nécessaire pour l'occire, je l'aurais fait sans hésiter. Seulement, nous avions un petit écart, qui nous permit de nous sauver tous les deux. Par la suite nous avons pu mettre la lumière sur l'origine de ma création. Mon géniteur n'avait jamais été le monstre que je m'étais imaginé. Il était simplement un vampire un peu maladroit et moi malchanceuse. Le vôtre était peut-être moins louable.... Qu'importe le sang qui coule dans nos veines. Qu'importe le régime qui nous incombe et la manière que nous adoptons pour y subvenir. Même si nous devons faire avec une race qui n'était pas celle que nous avions au départ, au final notre vie ne dépend jamais que de nos choix.

Elle marque une courte pause avant de reprendre.

-Lorsque nous naissons, rien ne nous dit que nous avions choisis de naître comme nous sommes. Nous ne nous posons juste pas la question, et vivons avec ce que nous avons reçu dès le commencement. La renaissance vampirique ne diffère pas de la naissance ordinaire en ce sens. Certes l'adaptation n'est pas simple, et l'acceptation n'est pas évidente non plus. Pourtant, vous êtes bel et bien là aujourd'hui. Tant bien que mal, mais vous êtes présents. C'est une nouvel vie à embrasser, aux mœurs et aux coutumes qui peuvent paraître bien étranges voir sordides selon nos anciens standards. Mais en réalité, elle n'a rien d'exceptionnelle. Toujours la même valse de prédateurs et proies. Toujours la même lutte pour survivre. Quelques règles changent, mais le but est toujours le même. Et les contraintes aussi sont toujours présentes, bien que subtilement nuancées. Nous ne sommes plus mortelles, mais nous demeurons soumis à nos humeurs, à nos souvenirs, à notre passé. Chacun à ses moments de faiblesses, qu'importe qu'il soit en bonne ou mauvaise condition.

Elle laissa un petit silence, esquissant un sourire légèrement plus prononcé, avant de reprendre.

-Si aujourd'hui je semble sereine et inébranlable, cela n'a pas toujours été le cas. Je me suis donné le temps et les moyens de me reconstruire. J'ai pis le temps d'apprivoiser cette nouvelles conditions, de lui trouver ses avantages et ses inconvénients. Puis forte de ces renseignements, j'ai décidé de c que je voulait faire de cette nouvelle vie. Jusqu'ici vous n'aviez été mu que par votre besoin de vengeance. Mais qu'importe la mise à mort, elle ne rendra jamais le bonheur perdu. C'est pour cela que vous avez l'impression de n'avoir pu en faire assez. Mais à présent que vous avez exploité la noirceur de cette vie qui vous a été imposée.... Il ne tient plus qu'à vous de tourner votre regard sur les secrets et les trésors qu'elle recèle.... De choisir le moyen qui vous plaît le plus pour l'exploiter et faire ce vous désirez le plus. C'est un monde curieux qui peut arborer des règles plus ou moins discutable. Mais il ne tient qu'à vous de les mettre à votre avantage, à jouer avec ou au contraire vous en défaire. Les dès sont à présents entre vos mains.... A vous de les lancer.

Il sentit sa main froide effleurer son menton, Il répondit à ce geste candide, d'un sourire délicieux et d'un œil apaisé, en effleurant à son tour, non pas son menton, mais sa longue chevelure d'un bleu plus encré et prononcé que ses propres fils, tout aussi soyeux, tout aussi agréables au toucher. Ils se laissaient emporter, se mêlaient dans la danse du vent, quelques feuilles passaient à travers sans pour autant y rester fixées tandis que des petits flocons s'y amarraient tranquillement. Toujours aussi poli et intentionné, au point où parfois on méprenait ses gestes qu'on traduisait par une certaine distance fixée au préalable, il ingurgitait avec joie les paroles de la vampire, plus haut placée qu'il n'aurait jamais pu se douter même après quelques missions exécutées en son nom.

Il ne sentait pas la différence de température, comme au touché de l'orisha ou encore à chaque fois que Venom s'engouffrait dans son lit en pleine nuit et cela le calmait, comme s'il reconnaissait enfin ne pas être le seul de son espèce. Il ne la méprisait pas, il ne la rejetait pas, il ne lui voulait aucun mal malgré le fait qu'elle soit tout comme lui un être de la nuit, charmeur, symbole constant et ambulant de la tentation sous tous ses meilleurs aspects, une frimousse angélique pour dissimuler de bien plus noirs desseins à l'intérieur. L'image d'un vampire typiquement bâtie sur les faits passés mais qui ne s'avéraient pas tout à fait justes selon les différents spécimens qu'il lui était donné de rencontrer. La haine se dissipait c'est certain, Yulenka et Heavenly en étaient les preuves vivantes et palpables envers qui il ne portait aucune animosité. Il enchaîna assez rapidement comme s'il se parlait à lui-même.

« Quand j'y repense, il y avait aussi un autre individu, dont je ne me rappelle que très vaguement le nom, mais dont la mémoire reste profondément visible dans mon esprit. Cela fait bien longtemps qu'il a disparu sans laisser de trace et que je n'ai jamais pu retrouver. Nous n'étions pas vraiment proches ce qui facilita la séparation mais je le considérais, déjà à l'époque, vaguement comme un protecteur. C'était notamment le premier vampire qui ne porta aucunement atteinte à mes principes et qui malgré son caractère fort, m'avait donné bonne impression. Mais bon, c'est une histoire d'un autre temps. »

Il ne pouvait pas cacher une certaine nostalgie qui se dessinait contre son gré sur sa belle frimousse pâle. A chaque fois qu'il se rendait à la Tour Inconnue, lieu qu'il cherchait à éviter le plus possible depuis sa première rencontre, il croyait pouvoir retrouver ce même personnage qu'il avait vu pour la dernière fois à l'entrée de celui-ci, mais il savait pertinemment bien que c'était impossible ...

« Pour en revenir à mon propos, je sais que ma vie ne dépend que de mes propres choix et en aucun cas je ne reviendrai en arrière sur aucun d'entre eux car je pense, pour la plupart, les avoir mené à bien. Je vis à ce jour une vie dont je peux être fier, du moins c'est ce que je pense. J'ai pu trouver des êtres qui me sont chers et que j'aimerai protéger par dessus tout, des rencontres qui m'ont marqué, des exploits que je ne veux pas oublier, entre autres ... Je pense avoir un peu profiter de cette existence éternelle et j'ai l'impression d'avoir encore beaucoup à faire avant de remercier complètement le sacrifice de ma mère et tout ce qu'elle m'a permis de vivre. »

Il marqua une brève pause essayant de se remémorer des nombreuses paroles chaleureuses qui autrefois faisaient partie de son quotidien et qu'on lui avait dérobé de force. Il coiffa lentement sa crinière un peu humide, les boucles rebelles ayant repris leur course affolée jusqu'à son visage.

« Qui plus est dans mon cas, je n'ai guère les moyens de savoir si ma manière de vivre et mes principes correspondent ou non avec mon ancienne engeance puisque moi-même j'ignore tout de celle-ci ... Mes souvenirs se sont envolés le jour où ma vie prit fin et où les crocs de ma protectrice se logèrent dans ma gorge prise par une maladie incurable, selon elle. Je ne regrette pas son geste, je lui remercie cette forme qu'elle m'a donné au final et je n'ai aucunement l'intention de m'en séparer mais étrangement ... Je n'ai jamais pu accepter le fait d'appartenir à la même race que cet homme ... Des ordures en son genre, des scélérats, des bandits éparpillant le mal comme bon leur semble se croyant tout permis, je sais qu'il en existe de plus en plus, qu'ils se multiplient comme une traînée de poudre et pas seulement chez les vampires ... Mais je crois que j'avais tout simplement besoin de quelqu'un sur qui rejeter la faute de mon impuissance et ils étaient le bouc-émissaire parfait que j'avais sous la main à cet instant précis dont même la date devient floue dans ma mémoire ... Quel idiot ! »

Son poing se renferma fortement sur sa peau de cristal à la prononciation de ces deux derniers mots. Ce qu'il pouvait être susceptible ... Il en devenait répugnant de se dire que pendant plus ou moins un siècle il s'était laissé berner par l'existence de ce moins que rien ...

« J'étais parvenu à m'intégrer, à me faire une place dans ce monde qui comme vous dites est régi par la loi du plus fort et je poursuivais mon existence, certes sans aucun but précis mais en profitant tout de même. Pourquoi suis-je allé me plonger à nouveau dans la mare sanglante de mon passé ? Je me le demande aussi. Je crois que c'était des chaînes qui me retenaient depuis trop longtemps et que je voulais m'en débarrasser ... Vous avez réussit à parvenir à un terrain d'entente avec votre géniteur mais n'est-ce pas car celui-ci n'avait jamais eu de mauvais sentiments à votre égard et que tout n'était qu'un fort malheureux enchaînement de circonstances ou quiproquos ? Hélas, je ne peux pas en dire de même sur le mien. Rien que de m'en rappeler ça me donne des frissons ... »

Il prit une grande inspiration se croyant au bord du gouffre prêt à s'y jeter lamentablement mais découvrit au final que la nervosité ou tout autre sentiment mortel l'empoisonnant, n'était plus aussi effrayant que cette même matinée. Rien ne semblait avoir changé pourtant alors d'où lui venait un tel changement ? Il se voyait souvent prit de frissons incessants, de sueurs froides perlant sur ses tempes, voire même hallucinations diverses croyant revivre cette nuit fatidique ... Mais là, la turpitude semblait s'être adoucie et le pardon commençait probablement à faire son effet. Voyant là une chose inattendue mais ne cherchant guère plus loin que son propre nez, il se laissa immerger par les souvenirs.

« En effet, il était très content de ma présence. Non pas car je lui manquais, moi le fils adoptif qu'il n'aurait jamais pu avoir autrement, mais tout simplement car cela lui permettait de corriger une erreur grossière qu'il avait laissé vivante par le passé, une tâche dans sa tuerie parfaite. Je n'en attendais pas moins de lui et forcément c'était réciproque. Il va sans dire qu'il se plut pas mal à me provoquer. Ses dernières paroles piquèrent à vif ma colère et je ne pus résister plus longtemps. " Prends ma vie comme j'ai pris celle de ta mère ! ELLE ÉTAIT RADIEUSE A MÊME LE SOL PLONGÉE DANS SA PROPRE MARRE DE SANG TU AURAIS DU LA VOIR ! OH mais attends ... TU était là !!! HAHA " as-t-il dit. C'est idiot de lui avoir obéit, d'avoir réagit à ses paroles ... Il ne méritait même pas la mort par ma lame ... » ajouta-t-il en mordillant légèrement sa lèvre inférieure qu'il aurait volontiers fait saigner si la vampire n'avait pas été présente et en laissant un silence de mort planer juste après cette affirmation.

Malgré quelques progrès, il ne fallait pas demander l'impossible et dépasser en quelques dizaines de minutes des troubles datant de plus d'un siècle. Il remarqua lui-même l'efficacité des répliques de la jeune femme, lui même étant un moulin à paroles qui ne semblait pas près de s'arrêter, et en lui souriant grandement, il dit finalement. « Mais bon, je dois dire qu'aujourd'hui j'assiste à cette scène d'une tête plus reposée grâce à vos paroles. Vous m'êtes d'une grande aide en tout cas et je vous remercie énormément pour votre temps. Mais au lieu de parler de moi, ne voudriez-vous pas plutôt me parler un peu plus à votre sujet ? Si cela vous semble indiscret oubliez cette question. De plus, il fait de plus en plus froid de ce côté. Nous devrions peut-être reprendre notre chemin vers le lac et peut-être voudriez-vous une tasse de thé. De plus, mon compagnon risque de partir à ma recherche assez vite et il serait dommage de l'inquiéter. »

Yulenka laissa le jeune vampire caresser sa longue chevelure. Après tout, Yclipt n'était pas là, caché derrière un buisson, prêt à en bondir comme un diable de sa boîte pour râler au viol de l'étiquette et de la bienséance. Non.... juste du calme, de la tranquillité et de la simplicité. En demeurant aussi sage et immobile, l'impression de poupée de porcelaine qu'elle donnait n'était que plus poignante. Et pourtant, elle était tellement plus que cela.... Mais pour l'heure elle écoutait. Ce vampire avait besoin de parler, d’extérioriser un mal être profond qui le rongeait depuis tant d'année. Elle devinait l'être solitaire qu'il était, qu'il s'était autant contraint à l'être que les événements l'y avaient forcé. Les sournoiseries de certains, la cruauté de l'existence, l'horreur des expériences que l'on est amené à subir.... Autant de paramètre qui pouvaient vous briser et ne laisser que des charpies de votre être. Elle y était passée, et elle y passait encore des fois.

Luka aussi y était passé, il avait certes finit par l'aboutissement de sa quête en éradiquant son bourreau. Mais il avait aussi pu faire la triste constation que cela ne lui permettrait jamais de pouvoir récupérer ce qui lui avait été pris, que cela n'aidait pas à refermer les plaies béantes faites sur son âme. Il devait à présent se reconstruire, faire avec ce don qui lui avait résonné de si nombreuse fois comme une malédiction, et peut-être en était-ce encore le cas aujourd'hui. Il devait faire face aux ruines de sa psyché et de son âme, trouver le courage de ramasser les débris, et tout reconstruire sur un nouveau territoire, sur le territoire vampire. Et la construction était longue et parfois pénible.... Mais, il ne serait pas seul. Elle ne laisserait plus les vampires affronter seuls ces épreuves, comme elle avait dû le faire. C'était souvent trop, bien trop à supporter. Elle n'osait même pas imaginer le nombre d'entre eux qui n'avaient pas survécu à cela.... Et même si cela lui avait apporté une certaine force, elle en avait payé le prix cher.

Aussi, elle se contentait d'écouter un léger sourire rassurant et réconfortant au lèvres. Son regard doux couvrait le jeune vampire face à elle. Et lorsqu'il en eut finit, et qu'il en vint à la remercier plus franchement, elle ne sourit que davantage. Elle avait envie de rire doucement à l'entendre parler, et dire autant de chose en aussi peu de temps. Mais elle s'abstint, il pourrait s'en sentir gêné. Elle acquiesça à sa proposition de se remettre en route et le suivit le long du lac, en lui répondant doucement.

-Malgré que cela fut dur et douloureux.... Vous êtes parvenus à vous en sortir et à être là aujourd'hui. N'est-ce pas là, la plus belle victoire que vous puissiez avoir sur votre bourreau ? Pour moi, le meilleur moyen d'en finir définitivement avec lui serait de vous reconstruire, et de prendre votre revanche sur la vie. Si vous parvenez à faire votre place dans ce monde, et à vivre heureux.... Alors il aura absolument tout perdu, et vous, vous aurez gagné cette guerre contre le sort en beauté. Il est temps de vous pardonner, temps de regarder non plus ce que vous avez perdu, mais ce qu'il vous reste et ce que vous avez gagné. Et avec ces éléments, vous construire l'avenir que vous souhaitez.

Elle marqua une courte pause pour lui laisser le temps de méditer quelque peu sur la question. Puis elle brisa le silence en reprenant.

-Une tasse de thé, pourquoi pas. Cela nous réchauffera.... Et pour ce qui est de votre question, tout dépend de ce que vous attendez de moi. Il y a bien entendu certaines choses que je garderais pour moi, et d'autre que je peux consentir à vous dévoiler. Mais il vous faudra être un peu plus précis dans vos demandes. Que voulez-vous savoir de moi ? Du moins que vous ne saviez déjà. Je n'ai pas l'impression ni la prétention d'avoir une vie ou une histoire des plus palpitantes.

Elle profita qu'il réfléchisse à la question pour user de sa magie et faire apparaître une petite table de fer blanc ciselé, accompagné de deux chaise du même ton. Pour prendre le thé, c'était quand même mieux de pouvoir s'installer ! Elle invita d'ailleurs le jeune homme à se diriger vers le salon de thé improviser pour s'y installer à sa convenance et poursuivre le reste de leur conversation de manière confortable.

La conversation s'éternisait malgré le peu de résultats notables chez le petit être et toutes les paroles réconfortantes dont avait bien pu user la belle vampire à son égard. Celle-ci savait en faire bon usage et à bon escient, savait quelles plaies pouvaient rester intactes et lesquelles il fallait soigner de toute urgence. Il est donc parfaitement naturel que de voir ses méthodes porter tout de même ses fruits, d'autant plus à long-terme. Mais parallèlement, comment en vouloir au petit homme étant donné le nombre considérable d'années qu'il avait passé prisonnier de ces mœurs dévastatrices, victime de leurs attaques et de leurs caractères tortionnaires qui ne se complaisaient qu'à le blesser jusqu'au point du non-retour ?

Une mine dépitée s'afficha sur le visage de Luka, une expression déchirante que le vampire s'empressa aussi tôt d'effacer. Après tout, il voulait prouver, non seulement à lui mais également à son bourreau, que justice avait été faite de ses propres mains. Il souhaitait lui prouver que jamais il ne deviendrait un monstre sanguinaire comme son progéniteur avait bien pu l'être et qu'en plus, son esprit ne perdurerait pas vivant à travers ses mémoires ou ce crime commis de sang-froid.

La jeune femme lui proposait maintes solutions, mettait à sa disposition une multitude de points de vue à exploiter et il ne revenait qu'à lui et à lui seul d'y trouver les réponses nécessaires à sa réflexion, si ce n'est plus de questionnements encore auxquels il ne trouverait jamais de solution. Nombreux étaient ceux à chercher le salut ... Mais très peu étaient ceux à être en réalité en mesure de l'atteindre, pour la simple et bonne raison que la miséricorde ne vient jamais seule, toujours un prix y étant attaché. Il n'y a de choses en ce bas monde qui peuvent s'acquérir sans un minimum de sacrifice.

Se dépasser soi-même, s'accepter en tant que tel et braver tous les défis aussi ardus soient-ils, voilà la véritable quête de l'esprit qu'il faut entreprendre si l'on veut réellement convoiter la paix intérieure. Luka le savait inconsciemment mais Yulenka avait bien été la première à l'y confronter de la sorte, le tout en douceur, à le lui exposer aussi clairement que même esprit déviant ne pourrait plus rejeter la réalité inéluctable. Déchoir ce père, le roi découronné sans âme et sans vie, oublier ses méfaits et préserver uniquement les souvenirs les plus exquis que l'assassinée avait laissé derrière elle ...

« Pour ne pas m'étaler à nouveau sur le sujet, je vais uniquement ajouter qu'il serait effectivement ravi de me voir me morfondre en son absence ... De son vivant, c'est bien du visage de ses victimes qu'il tirait toute sa satisfaction, plus encore que du sang qu'il leur ôtait je dois dire ... J'essaierai donc d'appliquer vos conseils à la lettre et ne pas lui donner cette satisfaction, celle de me voir couler même après que son âme ait délaissé sa charogne putride sur la terre ferme notamment. Qui plus est, vous êtes bien plus réfléchie que je ne pourrai jamais l'être ... » fit-il en guise de remarque bien sotte sur son propre mental et sa propre maturité quasi inexistante par moments.

« Toutefois, ces changements ne représenteront peut-être pas un passage si rude dans mon histoire ou mon psychique ... Je pense en effet que ce ne sera pas très long car, après tout, je dois bien avouer qu'il a toujours existé autour de moi une source incandescente de lumière parmi les ténèbres qui me hantaient ... Une lumière sur laquelle j'ai toujours pu compter et qui a toujours su me guider sans faille dans les meilleurs moments et évidemment les instants de plus grand désarroi. C'est une entité de qui je ne saurais me passer et je continue de croire qu'elle continuera d'être le soleil dont je suis l'ombre éternelle. Mais pardonnez-moi, je m'égare une fois de plus il me semble. » reprit-il de sa voix douce habituelle après avoir longuement ressassé dans son esprit les paroles de la jeune femme, il fallait bien leur laisser le temps de s'intégrer dans la matière grise, laissant derrière lui toutes les confessions de tantôt pour essayer un tant soit peu de soulager l'atmosphère.

« Et bien je vous en prie. J'espère qu'il sera à votre goût car pour ma part je ne suis qu'un grand amateur, ne m'y étant jamais intéressé comme pour un potentiel domaine d'expertise. »poursuivit-il en se disant qu'il avait peut-être poussé le bouchon un peu trop loin en lui posant des questions si personnelles et que en aucun cas son intention n'avait été de l'agresser d'une quelconque manière mais surtout en toute inconscience. « Qui plus est, je ne cherchais pas à vous soustraire des informations particulières, tout ce que vous pouvez me révéler conviendra, je ne vous oblige pas à m'en faire part de toute manière. Que ce soit votre âge, votre habitat ou encore ce que vous avez fait trois mois en arrière, je demandais cela uniquement car je vous ai tellement dévoilé sur moi-même mais je ne sais rien de vous. J'espère ne pas paraître rustre dans ma démarche, croyez-moi l'intention n'y est pas. » insista-t-il davantage au final. Ils regagnèrent pendant ce temps, à nouveau la rive glacée du lac et sentaient, plus forte que jadis, la brise souffler, frapper de plein fouet leurs visage de poupées.

Luka s'installa confortablement, ayant pris soin de garder cachées toutes ses affaires pendant leur absence dans un coin sombre entre quelques arbres et les privant ainsi quelque peu de la fraîcheur intense de l'endroit. Prenant quelques tasses pour les poser soigneusement sur la table et un petit récipient dans lequel il avait placé le mélange homogène, étant toujours du genre à prendre plus de provisions qu'il n'en aurait réellement besoin au final, il servit la jeune femme en y ajoutant quelques pétales rosées dont on lui avait chanté les bienfait médicaux, sur le calme intérieur en prime.

Le fauve arriva à point nommé pour interrompre le début de leur petite cérémonie, ahuris de surprendre son maître un entité, autre que lui-même, à ses côtés, une qu'il ne reconnaissait vraisemblablement pas, piquant ainsi férocement sa curiosité. « Luka ! Ton amie a envoyé son ange pour nous prévenir d'un certain contretemps et elle s'excuse grandement pour la peine qu'elle a du nous causer. Elle saura revenir nous rendre visite dans un futur très proche et tient à s'excuser amplement, tout comme personnellement dès votre prochaine rencontre. Voilà. Message passé avec succès. » ajouta-t-il froidement avant de tourner son museau sombre vers la vampire, ne la dévisageant certainement pas du regard mais gardant un air songeur profondément ancré dans celui-ci, s'interrogeant très clairement sur sa provenance et ce qui avait bien pu l’emmener sur les lieux.

« Je te remercie Venom de m'avoir prévenu mais la prochaine fois risque de devoir attendre, bien plus longtemps qu'elle ne le crois d'ailleurs. J'ai horreur des représailles mais je n'ai pas non plus pour principe d'attendre quelqu'un pendant des heures sans apprendre ma leçon au bout du compte. Mais enfin, nous verrons cela en temps et en heure. Nous avons mieux à faire. » répondit Luka sans vouloir réellement reprocher quelque chose à la réprouvée manquant cruellement à l'appel, sachant que celle-ci, de par son caractère candide, n'aurait jamais agit de la sorte sans une bonne raison à l'appui.

Une chose était sure, les deux amis ayant partagé des années durant les mêmes épreuves et le même cheminement dans leur existence, étaient loin d'avoir la même vision des choses et il va sans dire que celle de Venom était plus raisonnée sans mentionner une ténacité bien plus accentuée à laquelle Luka ne pourrait jamais prétendre. Il avait traversé bien plus que le vampire ne pourrait jamais l'imaginer, plus marquantes que tout ce qu'il avait bien pu éprouver à ce jour ... Des supplices qu'en aucun cas le loup se serait permis de lui infliger uniquement en faisant mention des événements, ayant donc préféré passer sous silence toutes ces années vécues en meute, privé de ce maître ingénu et bienveillant.

Il avait toujours eu pour principe de garder un œil vigilant et circonspect sur les fréquentations du vampire, ayant presque jusqu'aux extrêmes de s'informer sur leurs environnements respectifs, pratiques qui, on est bien d'accord, Luka ignorait complètement et n'approuverait en aucune façon. Il était on ne peut plus méfiant envers tous ceux qui s'approchaient de lui, visiblement au premier abord sans une arrière pensée bien définie mais qui tôt ou tard pourraient finir par retourner leur veste. Nombreux avaient été ceux par le passé à subir ses petits interrogatoires, ses avertissements pourtant inutiles par la suite, et pourtant il s'entêtait, s'acharnait à défendre un vampire qui en était déjà capable par ses propres moyens.

« Et puis-je savoir qui est cette charmante demoiselle ? Je ne la savais pas une de tes connaissances ... » lâcha-t-il enfin pour questionner clairement, plus d'entourloupes ni d'observations secrètes sans compter les petites messes basses.

Spoiler:

Yulenka sourit doucement en l'écoutant gentiment. C'était curieux de le voir ainsi poursuivre un cheminement bien à lui, qui lui était propre et pourtant confus même pour lui-même. Les méandres de l'esprit étaient obscures pour tout le monde, y compris leur propre propriétaire. Existait-il seulement quelque chose de plus compliqué que cela ? Elle même n'était-elle pas une preuve vivante de toute la complexité de la psyché ? Un esprit puissant quand elle y repensait, capable d'appréhender une situation de danger et de décider de lui même de se sceller partiellement, de prendre des mesures de sauvegarde et d'adaptation face à une situation critique pour lui même. Ce n'était pas donné à tout le monde mais cela lui avait permis de survivre. Le prix à payé avait été cher, et elle en paierait les conséquences à jamais. Après tout ce genre de démarche était peut-être unique en son genre, et donc encore inconnu et mal maîtrisé. Dans un sens elle ne s'en sortait pas si mal au vue de la délicatesse de la manœuvre. Chassant ces divagations de son esprit, elle se recentra sur les propos du jeune homme et lui dit doucement.

-Je ne pense pas être plus réfléchie, je bénéficie juste de plus de recul sur cette histoire que vous.

Finalement le jeune homme termina ce chapitre de sa vie sur un discours qui se voulait déjà plus positif et optimiste pour l'avenir. Un bon point pour lui, car il n'avait plus qu'à saisir sa chance et prendre sa revanche. Elle s'installa autour de la petite table et l'écouta se confondre en quelque chose qui lui paraissait être des excuses presque. Elle l'observa amusée, en secouant doucement la tête. Ne lui avait-elle pas dit qu'il pouvait la questionner sans retenue pourrait-on dire, et qu'elel se chargerait elle même de tirer les questions auxquelles elle pouvait porter réponse sans que cela lui porte préjudice ? Et pourtant elle ne lui avait pas dit qu'elle était reine, alors s'il commençait déjà à marcher sur des œufs à ce niveau là, qu'est-ce que cela allait donner si un jour il apprenait.... Mais cela ne changeait rien à son affaire. S'il ne lui posait pas de question précise, elle ne pourrait jamais lui répondre. Fort heureusement, il lui donna tout de même quelques pistes à exploiter, des questions banales qui lui permettaient de mettre en application les deux cas de figure.

-Mon âge.... on me trouve souvent trop jeune pour mes activités. J'habite là où mes pas me portent, mais de manière plus conventionnelle, je siège à la forteresse ensorcelée, non loin d'ici. Et il y a trois mois.... Je m'affairais à prendre mes marques dans mon nouveau rôle. Je vous dirais ce que je je voudrais bien vous dire, aussi ne vous souciez pas du tact de vos propos. De toute manière s'il y avait un problème, je vous en ferais part, ne vous inquiétez pas.

Vint ensuite le fameux compagnon de Lukas.... et le moins qu'on puisse dire c'était qu'elle ne s'attendait pas à ça. Appréciant les créatures lorsqu'elle les voyait, elle ne put s'empêcher de lâcher un "Oh qu'il est beau". L'animal vint faire un rapport à son compagnon humanoïde. Yulenka observait et écoutait, inlassablement et silencieusement. Lorsqu'il vint à questionner le jeune vampire sur sa présence, elle prit l'initiative de répondre à la place du jeune homme. Elle se leva pour aller à l'encontre du loup sombre, et une fois à sa hauteur elle plongea son regard saphir dans les prunelles des yeux du loups, comme si elle y avait décoché une flèches pour s'y ancrer. Son regard était un curieux contraste de douceur et d'autorité. Elle arborait souvent ce regard avec les créatures caractérielles, ou les jeunes vampires.... Qui étaient également des créatures caractérielles soyons honnête ! Un sourire léger aux lèvres, elle lui répondit doucement.

-Je me nomme Yulenka. Et à qui ai-je l'honneur ?

Elle lui parlait avec une franchise, une sincérité et un aplomb presque déstabilisants. Elle ne semblait douter de rien, et en même temps elle n'avait pas de quoi douter alors.... Elle aurait bien voulu le caresser, en grande gosse qu'elle était restée au fond d'elle. Mais un peu de tenu que diable ! Elle devait se contenir quelque peu. Elle le scrutait, le sondait, semblait le décrypter de fond en comble de par son simple regard. Il fallait avouer que la jeune fille était d'un naturel curieux et qu'elle était intéressée de voir la personnalité de ce loup, son lien avec le jeune vampire, son histoire.... Cela ne lui servirait à rien, mais c'était ainsi, elle avait envie de savoir. Si elle le pouvait toutefois, il n'était pas question de lui faire subir un interrogatoire. Elle préférait laisser les choses se faire et découvrir sans brusquer.

Le vampire avait toujours été un bien étrange spécimen que très peu pouvaient se vanter d'avoir complètement assimilé, personne ne s'en étant jamais réellement donné cette peine qui plus est. Il pouvait faire preuve d'un naïveté sans faille, une certaine ingéniosité, sans parler de sa maladresse innée, mais l'on remarquait facilement dans son comportement tellement plus, bien enfoui sous ses airs de poupée de porcelaine, gardé au chaud pour se protéger des regards trop curieux. Effectivement, ce caractère trop aisément manipulé devait se tenir à l'écart des plus fourbes personnages car nombreux étaient ceux à en abuser, à tirer profit de ses beaux yeux azurs et de ce corps androgyne à des fins bien mesquines qu'il vaudrait mieux éviter de mentionner.

Il est donc inutile d'expliquer l'utilisation du terme "réfléchi" par le jeune homme, mot qui dans ce monde de proies et chasseurs prenait une signification toute différente de celle qu'on voudrait bien lui attribuer en temps normal. Tuer avant d'être tué. Cette femme, aux yeux de Luka pour plus étrange que cela puisse paraître, semblait connaître ce genre d'idéaux de puissance. Quand bien même en usait-elle pour régir sa vie, Luka l'ignorait complètement, son grand sens de l'observation ne lui permettant jamais d'en déduire aussi long sur un personnage. Lui-même se savait incapable de ce genre de méthodes, telles que soupçonner constamment son prochain, craindre ses amis, ou encore sympathiser avec l'ennemi : vivre dans un monde de méfiance constante pour ainsi dire.

Il ne dit mot mais il buvait gracieusement les paroles de la jeune femme, préférant ne pas lancer inutilement de remarques trop irréfléchies. « Vous pouvez pour le moins vous dire très franche dans vos propos. Je ne vous poserait pas d'autres questions futiles telles que les précédentes. Si une pertinente me vient à l'esprit, je tâcherais de vous en faire part. » lâcha-t-il pour clore momentanément le sujet, tandis que le loup noir arrivant fort à propos, se mêlait déjà agréablement à la conversation. Il scruta la vampire quelques secondes à peine déviant rapidement les yeux, n'ayant pas envie de paraître vulgaire ou encore rude d'une quelconque manière, elle qui semblait l'examiner de près sans pudeur. Cela ne le dérangeait point, s'y étant fait avec le temps et sachant pertinemment bien que les animaux parlants cela ne courait pas les rues.

« Et bien, me voilà enchantée de faire votre connaissance. Je m'excuse pour la présentation tardive. Je me nomme Venom, comme vous le voyez animal accompagnant Luka pour être certain de sa survie, qui n'est pas assurée en mon absence. » fit-il cordialement avec un semblant de révérence pour se montrer le plus digne possible et qui sait cacher ses véritables couleurs. Luka, malgré le temps qu'ils avaient passé ensemble, avait toujours admiré cette carrure fière et adroite que Venom affichait en permanence, fourrure aux milliers de fils noirs d'ébène brossés avec application, yeux de miel domptant la nuit, oreilles bien affinées, nez assez expérimenté pour distinguer même les plus feintes odeurs. Aussi, avait-il ressentit parfois quelques élans de maigre jalousie de par sa fiabilité sans faille ...

Laissant toutes ces pensées derrière lui pour reprendre une certaine lucidité d'esprit, il remarqua bien vite l'attention particulière que le loup semblait porter à la jeune femme. « Vous savez y faire avec les animaux je suppose ? Du moins, Venom a l'air de vous apprécier, étant donné qu'à ce jour, je ne l'avais jamais vu s'approcher ainsi d'une personne, du moins cela n'est pas dans ses habitudes. Au contraire, je dois dire qu'il est du genre plutôt effronté en compagnie d'étrangers. » réfléchit-il à haute voix comme pour faire part de son raisonnement. « Ne vous inquiétez pas. Je peux vous assurer qu'il n'est guère dangereux, peut-être mal élevé et ayant la mauvaise habitude de s'amuser à mes dépends, mais en aucun cas il ne se retournera contre vous. Je suppose qu'il ne vous voit pas comme une menace. Il en fait juste son affaire de me surveiller d'un peu trop près, jusqu'à examiner même mes fréquentations. Quel "parent" poule me suis-je dégoté sérieux ... » argumenta Luka d'un air moqueur sur son visage, taquinant de tout évidence le loup noir, qui n'hésiterait pas à lui rendre la pareille à l'occasion, dès que celle-ci se présenterait.

Il dirigea un clin d’œil plutôt discret à la belle vampire, l'invitant à le caresser en retour si l'envie lui prenait alors que le canidé frottait déjà ses poils soyeux contre les jambes de la jeune femme, après lui avoir tourné quelques minutes autour. Prenant soin de ne pas représenter une gêne aux mouvements de la belle, il prit étrangement place, de sa taille prononcée, à ses côtés. « Je croyais que tu avais dépassé le stade de l'âge rebelle mais j'ai l'impression de m'être largement trompé ... Qui plus est, je puis déceler que tu n'as pas perdu de temps pour lui trouver une remplaçante à la hauteur à cette bonne Sherry. La pauvre, je la plains d'avoir sympathisé avec quelqu'un comme toi. » dit-il en finissant confortablement de s'installer aux pieds de la reine masquée, ses deux pattes superposées lui donnant un air d'arrogance assez poussé.

Les nerfs du vampire, comme piqués à vif, et son sang bouillant qui ne fit qu'un tour à l'entente de ces paroles, le poussèrent à se lever assez abruptement pour placer ses deux mains sur la table, sans pour autant faire claquer les tasses ou renverser le thé. « Il n'a jamais été question de remplaçante Venom ! Ne sois pas grossier ! Et depuis quand suis-je un si mauvais parti à prendre ou  ne serais-ce qu'en tant que connaissance ? » s'écria le jeune homme en lançant quelques regards incongrus par dessous la table improvisée, décidément susceptible, soucieux de l'image que de telles affirmations parfaitement erronées, pouvaient bien donner de lui-même à son interlocutrice. La personnalité de Luka avait tendance à subir quelques changements plutôt radicaux en présence du loup qui, de toute évidence, ne laissait jamais passer la moindre occasion de placer une critique ou de le taquiner légèrement.

L'animal n'en fit rien, ayant déjà trouvé une place tout à fait confortable à terre et semblant déjà plongé dans un sommeil réparateur. « Pardonnez-le, il n'en fait qu'à sa tête ... D'ailleurs, j'espère ne pas vous déranger dans vos activités quotidiennes ! Ou n'aviez-vous rien de prévu pour la matinée ? Après tout, je ne peux pas prétendre que tout ce beau monde ait tout comme moi trop de temps à leur disposition, au point de ne plus avoir d'occupation satisfaisante à toutes leurs journées. » demanda-t-il d'un air plutôt concerné, ignorant encore tout des activités de la jeune femme et le chahut qu'elle avait bien pu causer avec une telle escapade. Être naïf avait parfois quelques avantages faut dire ...

Spoiler:

Yulenka observait et écoutait les échanges entre l'animal et le vampire un large sourire aux lèvres se laissant même à rire discrètement à certaines répliques. ces deux là étaient très complice et tenaient énormément l'un à l'autre, il n'y avait pas en douter ! Elle pouvait en être sûr et elle l'était. Pourquoi ? Parce qu'elle avait le même à la maison, voilà pourquoi ! Car Chess quand il s'y mettait, il n'était franchement pas mieux ! Elle se souvenait encore d'un pauvre ombre qui avait eu le malheur de lui tournait un peu trop près du pot.... Et des innombrables fois qu'il la grondait dès qu'elle faisait des bêtises.... Autrement dit presque tout le temps. Cela faisait bizarre de ce voir dans un miroir... Un peu un monde à l'envers.... Ce n'était plus un gardien félin et une jeune vampirette, mais un protecteur canin et un jeune vampire.... Vraiment un exacte opposé ! Et tandis que ces deux là se chamaillaient, Yulenka entreprit de répondre à son interlocuteur, en tentant de garder son sérieux.

-Ne vous en faites pas je connais.... Et pour ce qui est de mes occupations ne vous faites pas je suis libre pour la jour...
MAJESTÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ !!!
Yulenka ! Enfin te voila !
-née... Ou pas... Et misère....

Yulenka se tourna pour découvrir un Yclipt absolument furibond qui se dirigeait vers elle à grandes enjambées d'un pas déterminé vers elle. Avec la tête qu'il tirait, elle se doutait qu'il avait du se faire un sang d'encre, et qu'en conséquence, elle allait passer un très sale quart d'heure. Heureusement que Luka était là, sinon elle était sûre d'avoir de se faire ramener par les oreilles - ou par les couettes- au château. Mais il y avait des témoins, et la bienséance, de même que l'étiquette, et le protocole, ne lui permettait pas ces familiarités en publique. Cela dit, toute la bienséance du monde ne lui permettait pas de rester impassible face à la dernière trouvaille de la jeune impératrice. L'imposant gardien félin lui aussi était soulagé de la retrouver, mais il prit mieux la chose que le bras droit de la reine. Peut-être parce qu'il était beaucoup plus habitué que lui et ce depuis plusieurs années. Ce qui apprenait à prendre du recul sur pas mal de ses bêtises ! Mais pour Yclipt, elle exagérait. Saluant Luka d'un geste rapide de la tête, il vint se poster bras croisés devant Yulenka et se mit à la houspiller d'un regard noir qui ne vous faisait pas en mener large.

Vous avez perdu l'esprit ?! Qu'est-ce qu'il vous a pris de disparaître de la sorte sans laisser la moindre trace de votre départ ?! Vous rendez-vous compte du tumulte et de la panique que vous avez semé à la forteresse ?! Une reine ne déserte pas son trône comme une adolescente juvénile fugue de la maison pour contrarier ses parents ! Et pour faire quoi ? Prendre le thé à l'extérieur ?! Vous vous moquez de moi ?!!!

-V... Voyons Yclipt ne vous mettez donc pas dans tous ces états, vous voyez bien qu'il n'y a rien de grave à déplorer, n'est-ce pas là l'essentiel ? Et puis quelle image allez-vous donner à notre ami ?

Elle sentait qu'il avait une très franche envie de lui coller une danse, et d'un coup d’œil rapide à Chess, celui-ci lui indiqua qu'il s'était vraiment beaucoup inquiété. Autant dire qu'elle allait surement le payer plus tard. Pour l'heure, elle tentait d'amadouer le vampire avec un petit sourire gêné, jouant à fond sur sa frimousse d'ange pour l'apaiser. Sauf qu'avec Yclipt, cela avait une chance sur deux de loupé.... Et cela loupa évidement. La puissant vampire continuait de la fustiger du regard. Yulenka poussa alors un léger soupire, puis adressant un regard plus posé à son bras droit, elle lui dit doucement.

-Je suis désolée de vous avoir autant inquiété Yclipt. Je ne voulais pas vous causer autant de tourments. Mais vous connaissez votre reine à présent, les sirènes de la liberté et de l'insouciance se font encore sentir, et le temps de réaliser que mes pas me portaient vers elles, j'étais déjà bien loin de mes quartiers.... Les habitudes ont la vie dure.

Yclipt se radoucit un peu et parvint à se calmer plus facilement face à une réaction un peu plus mature et réfléchie que la précédente. De plus il savait qu'il y avait encore un an, sa reine était habitué à gambader libre comme l'air là où elle le désirait. Il pouvait s'imaginer que le changement de vie n'était pas simple à encaisser. Même si elle exagérait quand même ! Se redressant de toute sa splendeur, il tourna sa tête vers Luka et lui dit.

Veuillez excusez mon impolitesse monsieur.

Puis se tournant vers Yulenka, il lui tendit respectueusement la main pour l'inviter à se lever, lui soumettant alors.

Majesté, pourriez-vous continuer votre entrevue avec votre invité à l'intérieur de la forteresse ? Je donnerai les instructions à Lyzzie pour qu'elle puisse préparer le salon d'extérieur.
-Et bien je pense que la réponse appartient à notre ami, qu'en dîtes-vous Luka ?

Yulenka avait posé sa main sur celle d'Yclipt attendant la réaction de son interlocuteur pour se décider.

Spoiler:

Il faut se rendre à l'évidence, ces deux-là semblaient jouer au chat et à la souris, à la mouche et à l'araignée, ou que sais-je encore. Il faut bien avouer qu'ils se donnaient en spectacle sans véritablement se rendre compte et que franchement le comique, aussi bien de gestes comme de situation, voire même celui de la parole, était on ne peut plus présent dans leurs échanges, à première vue hasardeux. Effet loin d'être recherché, cela ne faisait qu'augmenter un peu plus le côté amusant de la scène, quitte à ruiner bien souvent l'atmosphère la plus solennelle ou rigide auxquelles on pourrait se voir confrontés.

Il est bon de remarquer cependant que Venom, plus intelligent qu'il ne voudrait le laisser paraître et meilleur comédien que beaucoup, agissait parfaitement dans la finesse et savait contrôler son maître ou au contraire le brosser dans le sens du poil dès que besoin il y avait. Pour un animal talentueux, il en était un et ce dans tous les domaines qui plus est, rendant ainsi la vie dure à Luka qui de son côté, ne disposant pas des ressources nécessaires pour le vaincre en un "combat" physique, se devait bien de l'affronter grâce à ses talents d'orateur auxquels il recourait assez rapidement. C'était bien le seul champ d'expertise pour le vampire dans lequel l'animal n'excellait pas en termes d'excès de politesses et d'usages futiles trop imagés.

Son interlocutrice, loin de cacher l'amusement que cela pouvait lui procurer mais gardant toutefois ce sérieux constant dans son expression et son apparence immuables, répondit dans la seconde à sa petite question qui n'avait pour but que de le rassurer, le jeune vampire craignant réellement s'être imposé et avoir obligé la jeune femme à l'accompagner. Il ne regrettait pas son geste cela dit, étant donné l'aide que la jeune femme qui avait apporté, n'étant au final qu'une simple inconnue elle aurait pu tout à fait se passer de lui et de ses problèmes, mais elle n'en fit rien, ou plutôt le total opposé. Elle avait écouté ses plaintes, partagé avec lui ses propres expériences, fait part de ses blessures passées pour mieux guérir les siennes. Le vampire, bien reconnaissant, espérait pouvoir un jour lui rendre la pareille, ignorant, mais pas pour très longtemps, la véritable de nature de celle qu'il avait face à lui et avec qui il avait de toute évidence sympathisé bien vite.

La jeune femme se vit - bien plus rapidement que prévu, du moins c'est ce que Luka en déduit de par l'expression sur son visage, mélange entre surprise et exaspération - interrompue dans son élan. Cependant, en aucun cas on aurait pu discerner une interrogation quelconque dans ses traits, concernant notamment l'intervention pour le moins soudaine et inopinée de ces deux individus, d'autant plus ce qui pouvait bien les amener en ces lieux, dans ce tableau pittoresque de l'heure du thé hivernale. Les deux personnages pour le moins particuliers en leur genre, accouraient d'une marche sûre et accentuée dans sa direction et Yulenka ne put dissimuler l'énorme enthousiasme, ironiquement parlant, ressenti en les voyant débarquer aussi soudainement qu'elle-même était arrivée.

Cet homme, dans tous ses états, semblait empreint d'une certaine rage et une envie d'autant plus évidente de faire regretter à sa souveraine les gestes du matin-même, sa réaction plus euphorique étant l'exact opposé de celle de l'animal à ses côtés. Yclipt - nom que Luka crut comprendre être le sien - cherchait probablement à compenser au moins l'extrême inquiétude qu'il avait ressentie, palier au manque qu'elle avait laissé au palais, prévenir sans doute que ce genre d'escapades - non pas nocturnes - ne se produisent plus à l'avenir, son cœur semblant être de ceux qu'on pourrait facilement briser à coups de fugues successives telles que celle-ci ou encore de simples entourloupes pas bien méchantes. Luka, ne le cachons pas, assistait à la scène d'un œil extérieur qu'on aurait pu considérer comme une preuve de froideur alors qu'en fait il se voyait simplement dépassé par le cour des événements et la révélation qu'on venait de lui faire à l'instant.

Malgré le fait qu'au fil des propos de la jeune femme sa fureur se soit vue calmée, apaisée par des réflexions qu'il savait peut-être juste, pour ne pas dire tout simplement justifiées, Luka lui était déjà un peu plus chamboulé n'ayant jamais cru rencontrer d'une telle manière la reine que jusque là il n'avait pas pu empêcher de critiquer. Baissant le regard empli de honte et d'avoir ainsi exposé ses démons à celle qu'il aurait autrefois craint le plus, il ne vit pas une once d'animosité s'immiscer en lui, cette nouvelle ne changeant en rien la nature rassurante de la jeune femme et encore moins l'apaisement qu'elle avait permis de naître en lui, acceptant cela mieux qu'il ne l'aurait jamais espéré.

Sorti de ses rêveries éveillées et de sa réflexion profonde puisqu'on s'adressa à lui contre toute attente, il tourna rapidement son visage pour rendre la révérence à ce qui semblait en tout cas être l'intendant de la belle reine vampire, « Je vous prie, il n'en est rien. » avant de la détailler du regard une fois de plus mais jamais une de trop pour se rendre compte de l'indéniable vérité. Ricanant un peu dans son coin face à sa propre lenteur d'esprit, il ne put s'empêcher une certaine grimace à l'intention de son loup, les yeux rivés sur la dame, s'assurant que la surprise se dessinait bien sur son visage également. « On peut dire que vous m'avez bien eu ... De toute évidence, il vous a été aisé de nous cacher votre identité, ce que je ne peux pas vous reprocher étant donné votre position dans cette affaire et la commotion que cela aurait pu occasionner si nous n'avions pas été ceux à vous croiser. C'était plutôt évident qui plus est ... Quel idiot quand même. » fit Venom, révélant ouvertement cette fois-ci un peu plus de ce côté mauvais perdant qui pouvait devenir - à long terme - beaucoup plus déplaisant qu'on ne le croirait au premier abord.

Luka, passant l'éponge sur les paroles de l'animal - Yulenka ayant eu le temps de comprendre le genre d'animal qu'il était vraiment - ne se priva pas de rajouter à son tour quelques paroles, veillant à respecter en présence de ces entités la parole comme il se devait. « Si vous ne pensez pas disposer d'autres tâches qui requièrent davantage votre attention que ma présence, je serais honoré d'accepter votre demande et continuer notre agréable entretien dans un paysage quelque peu distinct. Toutefois, je ne puis qu'être d'accord avec mon compagnon pour ce qui en est de votre déguisement irréprochable, ainsi que l'aide que vous m'avez apporté plus tôt et même si je crains ne pas vous être d'une grande utilité, n'hésitez pas à quérir mes services. » déclara-t-il, cette dernière affirmation d'une voix moins importante pour éviter que ses deux compagnons ne l'entendent, du moins pas aussi clairement que le reste de son discours.

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