Somnium. Mitsuko soupira. C'était si étrange de revenir ici maintenant que celui qui en avait été le roi avait disparu. Ils avaient créé cette île ensembles, Somnium, le rêve, leur rêve, celui qu'ils avaient partagé, ce rêve qui avait donné naissance à la splendeur de l'île des génies. Mais à présent, Somnium ne voulait plus rien dire. Elle était là, flottant au dessus de l'océan, attendant sa fin. La déesse ressentait une forme de tristesse, une ritournelle qui la hantait depuis que le prince des rêves avait disparu. Cet abruti qui avait volé une partie de son âme, la forçant à ne pouvoir le localiser. Elle aimait qu'il la surprenne mais cette surprise était du plus mauvais goût. Alors elle venait parfois ici, elle fixait la forêt d'opium, elle se risquait à un vœu sur ce pont qu'ils avaient parcouru jadis.

Elle murmura doucement devant le lac de l'errance : « Ce lac perdra à jamais les êtres qui oseront le contempler car il ne sera que le miroir de leurs désirs. Pourtant, une fois dans cette eau nuageuse, ce seront les désirs qui se soumettront aux individus car, dans ce monde illusoire qui préservera ces derniers de la mort, tous leurs désirs se réaliseront, sans possibilité de s'éveiller, piégés à jamais dans le monde du rêve mais préservés des cauchemars de la réalité. » C'était les mots qu'elle avait prononcé jadis en créant cet endroit, maître de la tentation, une tentation d'en finir avec la réalité pour enfin vivre dans un rêve. Elle s'y engagea, entrant dans ce dernier, fait de brume, retrouvant le pégase, son pégase, celui qui sauvait quelque fois les voyageurs égarés. Elle ne craignait pas le lac mais elle voulait s'assurer qu'Ismérie ne s'y trouvait pas. Non, mais il y avait bien d'autres génies, des génies voulant en finir avec leur existence. Il y avait tellement peu d'autres moyens. Elle soupira de nouveau, dirigeant ses pas ailleurs. Elle ne le retrouverait pas, il avait fait en sorte qu'elle ne puisse pas.

Perdue dans ses pensées, elle faillit marcher sur un « truc », enfin, si l'on pouvait nommer la tête d'un homme ainsi. Retirant son pied qui allait bel et bien l'écraser, elle le fixa un instant. Ses cheveux étaient aussi blancs que sa robe et peut-être est-ce tout simplement ce détail qui la fit s'arrêter à ses côtés. Elle s'assit dans l'herbe, prenant alors conscience qu'il avait dit quelques mots juste avant son arrivée, juste avant de s'effondrer. C'était facile pour elle de savoir, il suffisait de remonter légèrement le temps des sons. Elle sourit, ainsi donc voulait-il retrouver sa vie d'antan ? Il n'était pas le seul dans ce cas là même si sa déprime lui était passée. A présent, elle rêvait juste de devenir humaine, de devenir ignorante, de pouvoir être surprise à nouveau. « Il semble qu'il y ait de nombreuses choses injustes sur ces terres. Par exemple, prenons mon cas : j'aimerai être humaine, tout comme vous, mais je ne le peux pas. Il faut que je suive le cycle. C'est ennuyant, vous ne trouvez pas ? ». Elle sourit, ne sachant pas s'il l'entendait. Mais peu lui importait, elle continua. « Alors que vous, il me suffit simplement de retirer la magie de votre essence pour vous rendre humain. ». Elle passa l'une de ses mains dans les cheveux du vampire, caressant son crâne doucement. « Vous semblez si fragile. ». Elle se coucha à ses côtés, tournant lentement sa tête vers elle, une main sur sa joue, qu'elle descendit sur son cou. « Il me suffirait simplement de serrer légèrement pour vous étouffer. ». Elle sourit. « Mais j'aime trop cet endroit pour y provoquer la désolation. De ce fait, je vais répondre à votre attente... ». Elle remonta sa main, serrant ses doigts autour de la mâchoire de Nizuki sans plus d'explication, le forçant à ouvrir la bouche. Puis, de son autre main, elle créa un petit être lumineux, semblable à une fée, une fée qui s'engouffra dans l'orifice ouvert avant d'en ressortir quelques secondes plus tard en transportant une petite boule dans ses mains. La représentation de la magie. « Vous êtes exhaussé. ». Elle se releva, la fée comme la magie de Nizuki se fondant alors à son propre corps. Elle n'était que magie finalement. Femme, homme, cela n'avait que peu d'importance, seulement lorsqu'elle se trouvait aux côtés de son époux.

Elle disparut, tout simplement.