Le calme avant la tempête

Rp Libre avec Anwen Worthington

Tu avais quitté la caravane des voyageurs. Tu en avais vu suffisamment pour voler de tes propres ailes. Ils s'étaient attachés à toit, mais toi, froid comme de la glace, tu n'en avais rien à faire. Tu savais que ta présence était temporaire. Tu as utilisé ta situation à bon escient. Ils étaient là à pleurer ton départ. Ils te trouvaient plutôt gentil même si tu jouais au cowboy solitaire. Tu te contentais de les saluer de la main avant de les quitter. Un des enfants t'avait vu comme son héros et ne pouvait pas te laisser partir. Il courut jusqu'à toi alors que tu venais juste de leur tourner le dos. Il t'agrippa par les hanches à défaut d'avoir des bras assez longs pour faire le tour. Il pleurait contre le cuire de ton armure, chagriné, apeuré. Qui sait ce qui pouvait leur arriver? Voleurs, tueurs. Ils pouvaient être tués dans leur sommeil mais ta carapace t'avait empêché d'y penser sérieusement. Si cela devait arriver, cela arrivera, mais tu ne serais pas là pour eux... pas cette fois. Tu te souvenais de ces moments passés en leur compagnie comme s'ils n'étaient que de vulgaires souvenirs d'enfance. Tu ne regrettes rien, ton corps était conservé dans ta poitrine alors qu'eux te l'avaient donnés. Si naïfs.

Tu te dégageas de l'étreinte du gamin avant de reprendre la route. Il tente de te faire promettre que tu reviendras, mais le silence était ton meilleur ami et lui, il fut sa réponse. Il te criait dessus. Sa mère vint le reprendre, l'enfouissant sous ses bras gras et flasques. Tu quittes d'un mouvement musclé et certain la plaine déserte où vous vous êtes regardés en face pour la dernière fois. Seule la coïncidence pouvait être ton guide pour les retrouver, pour les revoir sourire, danser et chanter pour ce public. Que faisais-tu avec eux si tu n'étais point un artiste? Un vagabond qui cherchait un refuge. Rien de plus. Ils t'ont accepté comme un des leurs sans broncher, sans dire quoi que ce soit de négatif. Ils avaient douté un instant en voyant cette arme à ton poing qui se rétractait sous tes ordres, mais ils te prirent comme gardien, grand frère de la famille...

Tu marchais sans destrier à travers le continent. Le soleil et la lune étaient tes seuls repères, tes seuls compagnons. Le vent te poussait ou te ralentissait dans tes décisions, mais il était ton seul contact mis à part le sol que tu foulais de tes pas. Pendant ton séjour, tu longeais la rivière, te disant qu'elle allait te mener dans un lieu sûr. Cette rivière, on l'appelait Éternité. Tu souriais, enfin. De toutes façons, personne ne te voyait. Tu étais seul et solitaire, individualiste et égoïste. Seulement, le contact humain et social commence à te manquer. Tu sus à ce moment-là que tu ne pourrais pas vivre en ermite toute ta vie. En longeant la rivière, tu vis quelque chose flotter à sa surface. Une masse, des habits: un corps. Sans réfléchir et sans précaution, tu te lanças à l'eau pour le secourir. Tu hissais le corps hors de l'eau, constate le manque d'oxygène et de pouls. Tu tentais de le réanimer comme on t'avait appris. Il se remettait à bouger, à respirer et à vomir l'eau qu'il avait ingéré. Ton coeur se remettait à battre à un rythme normal, tu cessais de transpirer froidement. Il reprit des couleurs de peau habituelles. Tu te levas et t'apprêtais à partir, ton travail venait d'être fait, mais sa main se posa sur ton bras.

Tu haussais les épaules maladroitement et tu quittas les lieux de la découverte. Il se relevait avec difficultés et avait besoin de soins, mais tu croyais que quelqu'un viendrait le chercher de toutes manières. Les pieds fauchaient l'herbe sadiquement en longeant la rivière. Tu pris tes cheveux entre tes mains et les tordais habilement. Tu entendis un nom se scander de l'autre côté. Tu te sentis rassuré. Tu décidais tout de même de prendre une pause. Entendre cette eau douce couler te donna l'idée de prendre un peu de bon temps. Tu retiras donc l'armure de ton corps et la posa juste à côté. Torse bien découpé à nu, un bas très simple de vêtement pour couvrir ta seule intimité, tu t'asseyais sur le bord de la rivière et laissais l'eau caresser tes pieds avec douceur. Tu utilisais tes mains pour rincer ta peau de cette chaleur relativement intense. Tu ne ressentais rien, perceptif qu'au coeur de la rivière et à son rythme relaxant...

Tu prenais du bon temps. Pour une fois, tu ne te sentais pas opprimé par le regard d'autrui, par les paroles irréfléchies des autres. Tu te sentais vivre en harmonie avec la vie, la nature, tout ce qui t'entourait. Le vent soufflait paisiblement ta chevelure améthyste. Tu fermais les yeux pour contempler le bruit des vagues, le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux. Tu souriais à nouveau, apaisé de par autant de choses aussi magnifiques, aussi simples soient-elles. Tu ne pensais à rien du tout, tu ne faisais rien mis à part expérimenter...

Soudain, dans une foudre inhabituelle, une personne vint briser cette harmonie de par sa présence énergique et irrégulière. Tu l'entendis courir non-loin de ta position, te forçant à sortir de ta méditation. Le vent se mit à souffler un peu plus fort dans une direction différente, chamboulant son exercice routinier et normal. Tu vis la silhouette humaine passer tout près de la sienne. Quelques arbres vous séparaient juste avant qu'elle se jette à l'eau follement. La force de son atterrissage fit voler l'eau dans ta direction. Maintenant, tu n'avais plus besoin de te rincer à main, tu l'étais en entier grâce à elle.

Sa tête sortit de l'eau et tu pus l'identifier clairement. C'était une jolie femme avec de magnifiques cheveux azurs. La première impression qu'elle te dégageait était celui du malaise. Elle tentait de se faire pardonner pour son geste qu'elle n'avait pas calculé. Elle s'excusait à deux reprises, un sourire niais, mais tout de même, l'intention était bonne. Tu ne savais pas vraiment comment t'y prendre pour la rassurer que ce n'était rien. L'eau devint soudainement plus froide, te surprenant et te poussant à retirer tes jambes. Tu décidais donc d'être un peu plus subtil en t'asseyant les jambes croisées, toujours au même endroit. Tu ouvris ensuite la bouche pour finalement t'exclamer, ce dont la jeune femme attendait depuis quelques secondes déjà...

Elle t'intriguait et tu te demandais si c'était à cause de ses cheveux azurés. Non, c'était cette eau. Pourquoi avait-elle changé subitement de température? Peut-être qu'il y avait un courant froid qui passait soudainement. Après tout, c'était une rivière... Tu tentais de remettre tes pieds à l'eau, mais elle était aussi froide que lorsque tu les avais retirés. Tu faisais ton possible pour oublier cette fraîcheur et te convainquais que c'était pour t'endurcir un peu plus. La jeune femme aussi était là à t'observer. Vos regards se croisaient comme si l'un ou l'autre attendiez que des mots se disent. Tu remarquais cette bosse dans son front. Elle causait une certaine anomalie à ce visage ovale et doux.

Tout en disant cela, tu pointais ton propre front pour lui faire comprendre le sens de ta phrase. Peut-être n'aurait-elle pas saisi autrement? Tu attendais sa réponse dans le calme, en ayant cet air neutre, à la limite de la froideur de cette eau...

Elle touchait son front et elle riait. Qu'y avait-il de drôle à se blesser maladroitement? Tu ne comprenais pas, mais tu te disais qu'au moins, elle n'avait pas l'air d'en souffrir. Elle racontait son histoire. C'était bel et bien arrivé par mégarde. Elle aurait pu être dans un pire état que celui-ci. Tu te disais que tu allais garder un oeil sur elle, qui sait, peut-être qu'une commotion cérébrale s'en suivra. Tu ne voulais quand même pas avoir une noyade sur la conscience... Tu trouvais étrange que plus qu'elle parlait, plus l'eau de la rivière devenait froide. Était-elle à l'origine de cela? Elle se présentait comme étant «Anwen Worthington». Apparemment, elle semblait ravie de te rencontrer...

Disais-tu avec une légère courbette. La jeune femme te souriait avec confiance. Tu ne l'avais pas attaquée, violentée ou montrer quelque signe d'hostilité, alors il lui était normal de réagir ainsi. Mais pourquoi tant de tendresse envers un inconnu? Tu savais que la questionner serait déplacé alors tu gardais tes propos pour toi. Tout d'un coup, la rivière se glaça d'un coup, t'emprisonna avec elle. Tu ne paniquais pas et tentais de trouver une solution à ton problème. Ton pouvoir de passe-muraille pouvait peut-être te faire sortir si beaucoup de volonté se présentait. Tu expérimentais, une jambe à la fois se dégageait de la glace. Tes jambes en ressortaient presque bleutées. Tu tentais de les réchauffer en les ramenant vers toi puis tu te retournais vers elle d'un air inquiet:

Tu n'attendais pas sa réponse que déjà tu étais debout, enfilais tes bottes et étais prêt à marcher sur cette glace fraîchement durcie pour lui tendre une main généreuse. Tu tâtais d'abord la glace de la pointe des pieds pour expérimenter sa solidité, puis tu te mis à marcher vers elle de manière sécuritaire. Tu ne pensais déjà plus à tes jambes endolories, tout ce qui comptait, c'était de la sortir de-là.