Cela faisait maintenant un mois. Un mois que Jo et Brank avait péris dans d'affreuses circonstances. Un combat épique certes, qui avait demandé beaucoup de ressources à tout le monde, mais qui avait engendré beaucoup de morts. Des soldats trouvèrent la mort, plus ou moins sauvagement, et d'autres s'étaient sacrifiés pour la gloire et la victoire, et surtout, le bien de tous.
Cocoon était démonté de savoir que ses deux meilleurs hommes étaient morts. Oui, il ne s'en remettait pas, et ça se ressentait à travers ses actes et son travail. Bien sur, la sépulture donnée en leur honneur, fut tout aussi décente, mais simple, que les autres hommes, et pourtant, le deuil n'arrivait pas à se faire. Les familles pleurèrent ces pertes, ce qui n'arrangeait rien aux pensées moroses du grand homme.

Silencieusement, Cocoon avait enfilé une chemise ocre, à l'aide de Jupiter, et un pantalon en lin  noir. Son humeur reflétait son état d'esprit : irritée et passablement affectée.

« On y va. »

Son ton était froid, rude, identique à son attitude. Il se tenait droit, ne pliant à rien ni personne. Dès qu'il descendit de ses appartements, suivit de Jupiter, il rencontra Déon dans le couloir, à qui il n'attribua aucun regard. Ce dernier ne sortit aucune folle ânerie et comprit même rapidement l'état de son collègue. Il marcha à côté de lui, silencieusement, alors que quelques intendants étaient derrière. Les cercueils étaient disposés devant le Palais, en bas des escaliers, avec, à l'intérieur, les soldats habillés de leur plus beaux apparats. La décoration autour de ces sépultures était sobre, mais touchante, à l'image de ce peuple Libre.
Bien sur, Cocoon n'allait pas faire un long discours, il était de toute façon très mal placé pour toucher les foules, mais il se sentait quand même très impliqué dans ces funérailles. Plus que d'habitude, et cela du se ressentir.
Mais c'était comme ça, et il fallait l'accepter.
Personne n'avait le choix, personne n'avait rien demandé, mais tout le monde subissait.
C'était ça la Mort.

Alors un mois après, le deuil n'avait été fait que partiellement. L'Orisha se forçait plus à ne pas y penser, et ne pas culpabiliser, sinon il allait lui aussi passer l'arme à gauche. Dans son bureau, dos à la porte, il se laissait à regarder par la grande fenêtre, les jardins de l'Eorishaze, assit dans son fauteuil. Sa tête appuyée sur son poing, il essayait de se convaincre que ce n'était pas sa faute -bien qu'il ait clairement l'impression d'avoir tué ses acolytes-
Des coups retentirent contre la porte en bois, et il fit entrer la personne, sans même se tourner. Finalement, cela pouvait être même Lison il s'en fichait. Mais son instinct lui annonçait que c'était une tout autre personne dans la place. Reprenant contenance, il se dressa et se leva de son siège.

« Oui ? »

Il vit une jeune femme, habillée d'une robe, le tout bleu, avec un regard qui montrait ouvertement son caractère bien trempée. Seulement là, il la sentit angoissée et assez stressée. Son regard plongea dans le sien une instant, avant qu'il ne répète :

« Vous vouliez quelque chose ? »

La femme se réveilla et dit presque béatement :

« Oui ! Euh… Je m'appelle Azrëel, et je fais partie des rangs de soutien magique. »

Cocoon hocha la tête, et tourna son siège pour s'y rasseoir dessus. Il jaugea son soldat d'un oeil un peu amer, et dur.

« Et… ? »
« J'ai assisté à l'enterrement des soldats le mois dernier, et je voulais vous faire part de ma tristesse. J'aimerai aussi vous montrer que vous pouvez compter sur moi, dans les prochaines missions, et que je vous montrerai mon dévouement ! »

Azrëel menait un discours bancal mais pourtant sincère. Cocoon resta méfiant, et dit :

« Tous mes soldats me sont fidèles et dévoués. Pourquoi vous plus qu'un autre ? »
« Les mots me manquent, et je suis plus à l'aise sur le terrain. J'espère vous le prouver rapidement. »
« Bien. »

L'Orisha trouvait cette intervention inutile. Si elle voulait vraiment prouver quelque chose, elle n'aurait pas prit le temps de palabrer, mais d'agir. Cette mise en garde ne servait à rien, et il pensa clairement que ce n'était que de la poudre aux yeux, bien vaine.

Cependant, son discours lui fit comprendre que dans ses troupes, se trouvaient des gens qui étaient affectés par son état, et qui obéissaient au doigt et à l'oeil. Alors ce fut dans ce but là, qu'il décida de l'emmener au port, pour rendre visite à Manna, sa coéquipière.
Un matin, il descendit rapidement de ses appartements, et croisa Kaithleen qu'il salua presque amoureusement, encore une fois pour l'exaspérée, et sortit pour se rendre à la Résistance. Azrëel s'entrainait sur une cible, avec un arc et des flèches. Venant à côté d'elle il l'appela :

« Oh ! Pardon vous m'avez fait peur. Oui ? »
« Sois plus sur tes gardes, j'aurais pu te tuer si j'avais voulu. Accompagne moi au Port, j'ai des affaires à réglé et tu m'épauleras. »
« Euh… Oui ! Mais pourquoi moi ? »

Elle commença à poser ses outils d'entrainement sur les tréteaux prévus à cet effet.

« Ne m'es-tu pas fidèle et dévouée ? »
« Si bien sur. »
« Alors ne pose pas de questions et viens. A moins que tu ne sois trop… Occupée ? »

Cocoon cherchait la petite bête, et Azrëel fronça les sourcils.

« Non, je viens. »

Tous deux sortirent de la salle d'entrainement et se dirigèrent hors de la ville. Une fois sur les chemins, Cocoon marcha un moment, puis enleva son débardeur et sa besace, avant de sortir son collier ailé. Azrëel le regarda intriguée, avant de le voir mettre le bijoux. Deux grandes ailes quasiment noire, sortirent de son dos puissant et elle dégluttit, à la fois effrayée et fascinée.

« On en aurait pour des jours de marche, alors autant raccourcir le délais. Tu permets ? »

Sans attendre sa réponse, il la prit contre lui, et décolla du sol, avant de s'élever dans les airs. Bien qu'elle fut téméraire, elle n'avait jamais quitté la terre ferme, et elle se cramponna à son Général de toutes ses forces. Lui, la tenait assez mollement, certain qu'elle n'allait pas tomber, mais il ne se reposait pas sur ses muscles féminins, qui, à un moment, se relâcheraient.

« Pardon pour la surprise, mais je suis pressé. »

Il vola un grand moment, quelques heures, avant de voir le port. Azrëel s'était limite endormie pendant le voyage silencieux, mais Cocoon l'avait gardé bien contre lui pour ne pas qu'elle tombe.
Une fois au port, il se posa à l'entrée des lieux, et posa doucement la jeune femme. Elle chancela un moment, en se retenant à Cocoon avant de vérifier qu'elle soit parfaitement stable :

« Merci… Je crois que ça va aller... »

L'Orisha la regarda d'un oeil méfiant avant d'enlever son collier et passer son débardeur.

« Que devons nous faire ici ? »
« Manna s'occupe de l'armée des eaux, et je n'ai plus de nouvelles d'elle depuis quelques jours, donc je viens m'assurer que tout va bien. »

La guerrière hocha la tête, et tous deux entrèrent dans le Port.
La récente attaque faite par de mystérieux inconnus, emplies cependant de culpabilité, n'avait laissé aucune trace. Tout était réparé, et même comme neuf. Les assaillants avaient eu surement peur du maitre des lieux, et s'étaient rapidement fait pardonné en envoyant de la main d'oeuvre pour reconstruire tout ça. Comme si rien ne s'était jamais passé.
Soupirant, ils traversèrent le port, passèrent devant bien des boutiques, avant d'arriver sur les Docks, là où était le QGN.
L'Eshu entra à l'intérieur, et il vit des marins, des soldats de grandes eaux, et… Voilà. Ceux qu'il croisa lui dirent bonjour, et le saluèrent, mais même dans les quartiers ou les appartements de Manna il ne la trouva nulle part. S'arrêtant devant son intendant il dit :

« Où est Manna ? »
« En mer, elle a disparut depuis deux jours. »
« Disparue ? Mais si elle est partie… Que voulez vous dire ? »
« Elle devait rentrer aujourd'hui, mais le soleil se couche déjà, et personne à l'horizon. Je sais qu'elle a disparue, qu'elle est partie. Je le sens. »
« Allons calmez vous. Je prends les choses en main. »

L'Orisha commença à rendre l'ordre et la discipline dans les quartiers, en affiliant des soldats à certaines tâches. Azrëel ne faisait que suivre, elle était simplement là pour observer et comprendre. S'adressant à elle il dit :

« Je pense que nous partirons demain à sa recherche. Nous irons en mer et nous verrons. »
« D'accord... »

Cocoon non plus n'avait pas vraiment le peeling par rapport à cette embarquée. Il allait rester ici pour la nuit, et voir s'il n'arrivait pas à grappiller des informations utiles dans le QGN.

Alors que la nuit était bien avancée, Cocoon était dans le bureau de Manna, farfouillant ses affaires pour trouver quoi que ce soit. Rien ne s'annonçait et il commençait à désespérer. Il avait permis à Azrëel de dormir un peu sur un divan non loin, et elle ne s'était pas fait prié, mais lui avait demandé de la réveiller si quoi que ce soit se passait.
Et justement !
L'intendant arriva en hâte dans le bureau, claquant la porte, ce qui fit sursauté la guerrière. Cocoon se leva :

« Vite Général ! Un bateau vient d'arriver ! »

Sortant précipitamment de là, Les trois lurons se rendirent sur le quai, et vire une grande bicoque accoster. Alors que le ponton était en train de glisser sur le côté du bateau, une femme n'attendit pas et, avec sa crinière rouge, sauta du pont pour atterrir sur la digue. Cocoon la regarda arrivé. C'était une pirate, très belle, et forte de caractère aussi. Azrëel et elle se lancèrent un regard noir, avant que la nouvelle ne se tourne vers l'Orisha :

« Cocoon ? »
« C'est moi. »
« J'ai un message pour vous… »

La jeune femme sortit un médaillon de sa poche et le lui montra. C 'était celui de Manna :

« La femme portant se médaillon est morte hier. Je suis venue vous trouvez car elle m'a parlé de vous. Vous commandez donc l'armée de notre peuple, et j'aimerai y entrer. Prendre la place que cette femme n'a su garder. »

Intérieurement, Cocoon était hilare, car il trouvait que ceci était une mascarade. Mais extérieurement, il se limita à un sourire cynique :

« Votre nom ? »
« Lilly »
« Eh bien Lilly, bienvenu parmi nous. »

Maintenant, il ne restait plus qu'à se mettre cette pirate de son côté, et lui demander aussi foi et loyauté qu'il en avait demandé à Manna ou ses autres sujets. Si elle voulait être Eshu, il fallait qu'elle s'accroche, car il ne lui laisserait pas la place comme ça.
C'était un rang de valeur et chacun devait l'assuré et l'assumé.

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