J'avais décidé de reporter ma visite en enfer de quelques jours. Un petit sourire était fiché sur mon visage, bien que sans cette maudite insomnie, je n'aurai pas été amené à changer mes plans. Ce n'était pas plus mal car la légende qui m'avait été dévoilée était sans nul doute très intéressante, si elle était vraie. Seulement, vu le nombre de fois où le livre en ma possession m'avait conduit à des réalités, je ne pouvais remettre en doute ses dires. J'avais besoin d'une plus grande armée, ceci devenant vital avec les temps qui couraient car Zélia n'avait pas fait du renforcement de nos guerriers une priorité lors de son règne. Je remédiai à cela, bien sûr, mais former des hommes et des femmes prenaient du temps et, justement, du temps, je n'en avais point. Outre mes insomnies, je jouais parfois avec le feu mais ma dernière entreprise m'avait amusé plusieurs jours. J'avais touché Zéleph en plein cœur et j'en étais satisfait, même si pour cela j'avais dû carboniser un orphelinat entier. J'avais des remords d'ailleurs, uniquement quand j'utilisai le cristal maître, histoire d'être un peu présentable comme aujourd'hui. Sinon, en temps normal, le mal avait tellement atteint mon cœur que cela ne me faisait ni chaud ni froid... enfin, si, ça me plaisait. Je me rappelais encore du sentiment de domination et de plaisir que j'avais senti dans la contemplation des flammes, un véritable brasier duquel sortait les cris des orphelins qui succombaient, toussaient, accueillaient la mort. Seulement, c'était ainsi, un dieu décidait du sort des mortels, de leur vie, de leur mort, du temps qu'il leur restait. Le reste n'était que des faits et, finalement, que ce soit moi qui ait tué ces enfants ou non, cela ne changeait rien au fait qu'ils allaient tous mourir ce soir là. Quoi qu'il en soit, puisque je jugeais le seigneur des deux rives trop puissant pour que je puisse l'affronter en face à face, j'avais pris l'habitude d'observer ses faits et gestes afin de m'attaquer à ce qui, dans son entourage, était faible. Ainsi, peut-être comprendrait-il la mentalité de sa femme à ne point vouloir s'attacher aux individus. Je souris. J'allais écraser cet homme, et avec lui le Mârid, même si j'espérai secrètement que l'un d'eux tue l'autre entre temps.

Habillé entièrement de blanc, ma peau avait pris des couleurs depuis que je fréquentais souvent le désert. En réalité, c'était mon terrain d'entrainement favori et Annabelle me servait de professeur, me faisant mordre la poussière sans aucun ménagement. J'y avais transpiré, j'y avais souffert mais chaque fois que je touchais le sol, chaque fois que je sentais mes forces m'abandonner, je me renforçais, aussi bien mentalement que physiquement. J'en avais besoin car mes adversaires étaient loin d'être faibles, bien au contraire. Néanmoins, malgré mon bronzage, j'avais quelques cernes, dues à la fatigue que j'accumulais, cernes qui se voyaient surtout lorsque je m'habillais de noir. Enfin, elles se voyaient en ce jour aussi et bien que j'aurai pu les faire disparaître en modifiant mon apparence, j'avais préféré les laisser et changer la couleur de mes yeux en bleu. On disait le Mârid fatigué, tant mieux et puis, si je croisais des marcheurs, ils me prendraient pour lui sans aucun doute. Enfin, tout dépendait de la puissance magique de ces derniers parce que j'étais étonnamment plus bénéfique que Naram à ce moment précis. Enfin, ça ne durerait pas longtemps, ça durait de moins en moins longtemps. Je soupirai, sachant parfaitement que d'ici peu, la pierre ne me ferait plus rien et que je me perdrais dans le mal si ce que j'essayais de créer ne marchait pas. J'avais semé autour du lac de la transparence des plantes ayant un très fort pouvoir magique d'apaisement, de calme, de sérénité et si je ne pouvais pas m'éloigner du mal, alors je pourrai au moins trouver le vide nécessaire pour me concentrer.

Néanmoins, pour le moment, je devais me concentrer sur ce que je cherchais. Sortant ma boussole, je finis par lui indiquer ce que je voulais, c'est à dire trouver la pyramide dont il était question dans le récit, et je vis avec satisfaction l'aiguille bouger, m'indiquant la direction. Elle devait sans aucun doute être loin et, même si je pouvais me téléporter, je préférai marcher afin de me renforcer physiquement. C'était tout une philosophie dans laquelle je me lançais, préférant la complication à la simplicité, mais je me devais de réfléchir, de méditer sur les actes de mes ennemis tout en devenant plus puissant. Et la marche sous une telle chaleur était l'un des meilleurs moyens de réaliser mes souhaits. Enroulant un foulard blanc autour de ma tête, je commençai donc à marcher. Au début seul, je sentis bien vite une présence mais je laissais celle-ci le soin de se présenter si elle le souhaitait. Je n'avais aucune idée de qui il s'agissait et si je l'avais su, j'aurai sans doute penser qu'il était curieux que chacune de nos rencontres en tête à tête se produise dans le désert. Enfin, je l'avais revu depuis mais très peu de temps. C'était dommage.

Je fixai le petit groupe de voyageurs perplexe, me demandant quel secret cachaient-ils pour ainsi choisir de passer devant un individu sans même le saluer. Enfin, ce n'était sans doute pas mes affaires et s'ils n'avaient nullement envi de discuter, ça m'allait très bien aussi. Contrarié, je me dis que j'aurai mieux fait d'emmener Annabelle avec moi afin d'avoir quelqu'un avec qui discuter. Après tout, elle s'occupait de l'armée avec Armis et, de ce fait, elle était la première concernée par la mission qui retenait mon attention en ce jour. Amusé à cette idée, je me téléportai à la prison, arrivant derrière le dos de la jeune femme, lui soufflant à l'oreille « J'ai besoin de toi. ». Elle rit, visiblement amusée, bien qu'un peu surprise de par la chaleur de mon corps qui venait de passer d'un environnement très chaud à celui plutôt frais qu'il y avait entre les murs de la prison. J'étais l'un des seuls à pouvoir entrer dedans comme dans un moulin et j'usais rarement de la porte pour ce faire. « Dois-je mettre une robe? ». « Si tu veux la détruire, oui, tu dois. Sinon, habille toi comme moi. ». Elle se retourna, me regardant de la tête aux pieds. « Un petit entraînement? ». « Non, j'essaye d'agrandir nos troupes. Une vieille légende parlant d'une armée s'étant réfugiée dans la pyramide et prête à jurer fidélité à celui ou celle qui les en sortirait. ». « Intéressant. ». Elle se hâta, passant dans ses appartements où je la suivais, la regardant se déshabiller d'un regard distrait. Elle s'arrêta. « Hé! ». Je ris, me retournant devant tant de pudeur. Non, c'est vrai, ça ne me plaisait pas d'épier les filles. En plus, je pouvais très bien le faire avec Mitsuko qui semblait aimer par dessus tout rester nue dans ses appartements. « Dépêche toi, j'ai vu un petit groupe d'individus se diriger vers la pyramide. Je ne sais pas s'ils y allaient mais je n'ai pas envi de me faire devancer. C'est dingue quand même, à chaque fois que je vais dans le désert, il faut toujours que je tombe sur des gens, à croire que je suis une sorte d'aimant. ». « D'ailleurs, Edelwyn veut te parler. ». « Roo qu'elle aille au diable. Elle m'agace. ». « Allons. Enfin, quoi qu'il en soit, je suis prête, amène moi vers ta fameuse pyramide, on s'amusera bien mieux à deux. ». Je lui souris, prenant ses mains avant de la téléporter en ma compagnie.

Nous arrivâmes juste devant celle-ci. L'entrée n'était pas de ce côté apparemment mais ce n'était pas bien grave, il suffisait de faire le tour. « Je ne voudrais pas douter de ces vieilles légendes si chères à ton cœur mais si elle est si vieille que ça, il ne doit plus rester grand monde à l'intérieur. ». Je ris. Je savais bien qu'elle plaisantait. S'il s'agissait d'humains à la base, certes, il ne devait même plus rester d'ossements. Cependant, tout dépendait de la race des individus appartenant à cette armée. « De toute façon, moi, tant qu'il y a quelques bibelots à ramener, ça m'intéresse. ». « Tu es exaspérant parfois. Tu serais un homme tellement bien si tu n'étais pas sorcier et prêt à tout pour atteindre ton but. ». « Tu m'épouserai? ». « Rêve pas, je préfère les hommes aux yeux bleus. ». Boutade. Je souris, pensant à Naram. Elle avait fait exprès et si venant de quelqu'un d'autre la plaisanterie m'aurait agacé, je lui pardonnais tout à elle, pouvant même rire de tout à ses côtés. Après tout, je l'avais connu lorsque je n'étais qu'un ange, et elle qu'une magicienne. On avait vécu le bien ensembles et on vivait à présent le mal. Deux amis proches. Elle allait ouvrir de nouveau la bouche, sans doute pour me taquiner mais elle fit un mouvement ample, dégainant son sabre pour le pointer vers un petit groupe. Elle le fixa alors, attendant que les individus le composant disent quelque chose.

Je finis par rire, posant ma main sur sa lame. « Et tu trouvais que je me comportais de plus en plus mal la dernière fois? Remarque, peut-être qu'à force de me côtoyer tu deviens comme moi. ». Elle sourit mais je vis bien qu'elle ne faisait nullement confiance à ces gens. « Excusez-la, elle a tendance à me prendre pour un enfant et à vouloir me surprotéger. ». Elle finit par baisser sa garde, m'envoyant un regard plein de bonnes intentions qui signifiait qu'à mon prochain entraînement, j'allais morfler sévère. Regardant autour de moi, je vis que, justement, l'entrée de la pyramide se trouvait entre le groupe et nous. Maintenant, il ne faisait plus aucun doute que nous allions au même endroit et je déplorais que ce soit pour les mêmes raisons. « Puisque tout à l'heure vous ne sembliez pas enclin à m'adresser la parole, ne changeons pas cela. Ça m'est égal. D'ailleurs, il est grand temps de vous dire au revoir. ». Je souris, attrapant la main d'Annabelle pour la conduire dans la pyramide. J'étais méchant, paraissait-il, mais pas au point de forcer des individus à me parler s'ils ne le souhaitaient pas. Enfin, tout dépendait du contexte je dirai. Arrivés au bout du couloir, nous nous retrouvâmes devant deux voies. « On fait ça à pile ou face? » me demanda-t-elle? « Non... ». Je regardai les parois où une sorte de dédale était dessiné. Cela semblait être le plan de la pyramide mais le fait qu'il fasse sombre n'était pas franchement pour m'arranger. « Attend laisse moi faire ». Sortant une baguette, le bout de celle-ci s'éclaira suffisamment pour voir aux alentours. « Bien... étudions ça alors... Faudrait essayer de tout mémoriser pour éviter d'aller dans une impasse. Bien qu'ils n'ont sans doute pas vraiment regarder où ils allaient s'ils se sont réfugiés ici suite à l'attaque de dragons... »