Depuis quelques temps, tout ce que Nastaé ou Morvan entreprenait de faire, ils s'en avertissaient l'un l'autre, de manière à le faire ensemble, et ne plus se quitter. C'était leur nouveau dada, tout faire ensemble, uni, main dans la main. Ainsi, quand le blondinet décida d'aller faire un trou au cimetière, l'ondin le suivit gaiement. Il pu donc faire la connaissance du nouveau compagnon à son ami -dont Tora n'aimait pas vraiment la présence, mais en même temps elle ne s'en plaignait pas-.
Se promenant en ville, ils se dirigèrent vers l'endroit des morts, et Nastaé contempla étrangement cette place. Il n'y avait que de la terre, pas de pierre ou d'aménagement de terrain pour marcher correctement, pas de terrain aplanit, seulement de la roche sculptée, sortant du sol, avec des écritures gravés dessus. Morvan lui expliqua que les gens, dont la vie a quitté les corps, sont enterrés ou incinérés. Pour ceux qui décident de dormir sous terre, ont leur confectionne des sortes de boites, à leur taille, comme un lit, que l'on appelle cercueil, et que l'on met dans le sol, avec eux. L'ondin ne comprenait pas tout. Pourtant dans son peuple, la mémoire des morts était importante mais peu importait l'enveloppe charnelle.

-Pourquoi vous ne les mettez pas tous dans une grande fosse ?

Autrement dit, un charnier. Il ne savait pas que, pour les familles, faire ça, c'était ne pas respecter l'âme, et le corps. Pour les humains, c'était quelque chose d'indissociable. Ainsi, pour savoir qui est enterré où, des pierres tombales font office d'en tête de tombe. Nastaé haussa les épaules. Tout cela était abstrait car pour lui, chez lui, c'était l'océan, qui reprenait ses droits en vous donnant en pâture, ou en vous décomposant.

Longeant une des allées de cet endroit, ils arrivèrent devant une grande statue massive, d'un homme assit sur un trône. L'air qu'il affichait sur son visage fut comme un flash dans la tête de Nastaé. Il se revit, dans le royaume des Ombres, étreint de force par ce démon avide de plaisir, en redemandant toujours plus. Alors il ne comprit malheureusement que trop bien qui il était, ou qui il représentait. La voix du vieil homme fit sursauté le jeune homme, qui se sentit tout à coup étouffé par l'atmosphère environnante. Mais il dû prendre place autour d'une table, écoutant l'histoire du roi des démons.

Une fois sa culture un peu plus établie, il trouva étrange le fait que Morvan ne se pavane de ce type. D'accord, il était peut être différent des autres, mais il ne voyait pas en quoi ça l'épargnait pour autant.

-Euh... Pourquoi tu as tout à coup envie de le voir ? C'est un démon ! Allô ! Il est peut être juste, bon ou tout ce que tu veux, sa nature première est de faire du mal et de semer le désespoir. Tu veux que je te rappelle ce qui m'est arrivé avec des démons quand on était chez Lola ?

D'accord, il avait peut être mis le doigt là où ça faisait mal, mais en même temps il fallait que son ami réagisse vite avant de faire une erreur. Il serait allé en Enfer, juste pour ce prosterner devant ce type et... Non, Nastaé ne préférait pas y penser. Mais l'élémental en rajouta une couche, et bien épaisse. Il voulait absolument y aller. L'ondin en fut bouche bée :

-Non mais tu t'entends ? Tu t'attends à ce qu'il te traite en ami ? Est ce que déjà les démons s'entendent bien avec les élémentals ? Et puis ce n'est que des dires d'un vieil homme, tu ne connais pas franchement ce type au fond ! Comment peux tu être aussi naïf ?

Oulala, et c'était LUI qui disait ça ? Héhé... La situation était bien étrange !
L'aventure de la maison close avait apparemment mit du plomb dans la cervelle du jeune homme, mais pas de son ami. Ce dernier se laissait facilement embarquer par quelques paroles, ne fut-elles que un peu attrayantes. Et puis, le même parcours que le sien, ce n'était pas pour ça que ça en faisait deux personnes communes. Bien au contraire, les gens apprenaient différemment en fonction de leur état d'esprit, et de leur façon d'accepter les choses. Blacky avait évolué dans un certain contexte, Morvan un autre. Même si il y avait ne serait ce que quelques traces un peu communes entre les deux parcours, les personnes à l'arrivée n'étaient pas forcément des âmes sœurs. Mais comment le lui faire comprendre ?

-Regarde mes frères. Il a fallut qu'il y en ait un de mort, pour que le petit groupe de rebelles se disloquent. Pourtant ils avaient tous les cinq un même parcours, élevé par la même mère qui plus est ! Mais au final, leurs idéaux étaient différents.

Il soupira et dit :

-De plus, je ne suis pas sur que si tu vas là bas, tu revienne en vie..

Il avait peur de ce que pouvait réserver ce monde, et ses entrailles, et ne se doutait que trop bien de l'espèce d'attirance physique que ressentirait Morvan lorsqu'il serait en face de lui. Blacky serait là, en chair et en os, avec trois fois plus de charisme et de prestance, qu'une vulgaire statue. Le blond tomberait forcément dans ses filets, aussi mortels soient-ils.
Ce n'était alors définitivement pas une bonne idée...