« Je suis prêt. » dis-je plus affirmé. Natacha s’en alla allumer la mèche qui enterrerait à jamais ce secret à présent gardé éternellement par notre race, je m’en faisais d’ailleurs le gardien, ce temple que jamais personne ne serait amené à souiller. Je fermai les yeux comme si cela allait me protéger du vacarme de l’explosion et lorsque l’infernal brouhaha destructeur fit raisonner nos tympans tout comme les parois infinies de ce lieu, je sus qu’il s’agissait de mes derniers instants en compagnie de la porte des songes. Natacha arriva à toute vitesse, me prenant par le bras pour m’obliger à courir, ce que nous fîmes sans plus tarder. Nous partions à toute allure, nous dirigeant vers la porte, évitant les gravats et autres roches qui pleuvaient autour de la porte sans l’effleurer. Nous évitions avec facilité les obstacles en sautant par-dessus ou faisant de larges pas chassés, nous invitant à l’autre chacun son tour de se faire écraser malencontreusement. Puis, juste devant la porte je m’arrêtai net. Natacha réagit malgré la vitesse en s’arrêtant avant d’être happée par la porte des songes et me hurla : « Qu’est-ce que tu fais ? » mais je ne répondis rien, regardant les alentours s’effondrer comme les coups de poing d’un titan dans une montagne, je voyais les immensités se soulever et s’effondrer autour de moi, savant pertinemment que plus jamais je ne pourrai recreuser à nouveau, par ma décision, j’avais sûrement condamné à jamais l’entrée de ce lieu. J’admirai le chaos s’abattre aux alentours et pensai un instant à demeurer ici mais bien entendu, ce ne serait pas raisonnable. Et dire que je n’avais pu percer le moindre secret de la porte, moi qui voulais tout savoir sur elle je n’avais rien su. Bien sûr, je pourrai toujours me balader dans le monde auquel elle permet d’accéder mais plus jamais ce lieu ne serait permis à un Homme. Je le regrettai mais je me méfiai bien trop du monde et de mes choses précieuses, quelles qu’elles soient. Je devenais quelque part comme à mon père après la visite chez l’Oracle, paranoïaque de devoir éviter l’inévitable, pourtant je savais de quoi il retournait des prophéties de l’Oracle mais que voulez-vous, je suis obstiné. Je devais mettre en sécurité tout ce que j’aimais, tout ce que l’on pourrait me prendre, même ce qui ne m’appartient tout, tout ce que j’aime sans propriétaire dans tous les cas, et sous l’ambition de prétentions malsaines et indésirables.

« Partons. » je prenais la main de Natacha puis nous recommencions à courir. Un dernier regard pour cet endroit, sûrement le berceau de notre race, sûrement ce temple était celui d’un aether qui nous avait créé, ces légendes avaient autant de chance d’être fausses que non vérifiables, je ne sais si un jour j’aurais réponses à toutes ces questions mais dans le doute, je ne pouvais laisser mes sentiments influencer le sort de cette porte aux propriétés exceptionnelles. Un jour, je comprendrai qui a créé le monde du rêve mais pour l’heure, je me devais de le protéger, au prix de mon amour pour ce dernier.

Notre corps se dissipa dans la brume, le temps sembla se ralentir, nous n’étions bientôt plus que lumière, orbe parmi tant d’autres qui valsa dans cette nappe à la matière indescriptible, je rêvai déjà qu’un jour je puisse y revenir. A l’instant où mon âme fut happée par la porte, je lâchai ce virus psychologique qui fit onduler le voile lumineux avant de se mélanger à l’étrange matière. A jamais mon esprit serait relié à cette porte, à jamais, oui. Il était comme un prolongement de mon corps, sûrement au même titre que mon habitacle. L’insurrection était un rêve où tout devait brûler, et tout avait brûlé. De nos idéaux à nos préjugés, de nos rêves à sa porte, tout avait brûlé puisqu’il le fallait.

Pour tout ce monde, rien n’avait changé, mais pour moi et pour ma race, tout était différent. A présent, je n’étais plus ce même Homme que depuis ma renaissance sur cette plage de sable fin. A présent, il ne restait plus rien de ma vie passée, plus rien n’était pareil, la mort de mon père avait marqué cette fracture dans ma vie, cette fracture que je n’aurais jamais imaginé prendre de telles proportions. Il faudrait à présent expliquer tout ça à Lily à qui j’avais caché ma révolution de peur qu’il ne lui arrive pire mal que la mort, ce qui serait étrange pour une vampire mais qu’importait. Face aux dangers, à de nouvelles questions, à de nouveaux protagonistes, me voilà renaissant de mes cendres tout en n’en gardant que la couleur que mes cheveux prenaient, temporairement je l’espérai cependant. Me voilà à présent le roi et le fou à la fois, me voilà à présent le souhaiteur et le souhaité, l’exaucé et le vendeur de rêve, mais sans elle, à présent, sans cette femme que le ciel ou la justice m’avait volé, peu m’importait le coupable, tout le monde l’était un peu à mes yeux. Alors advienne que pourra au génie bleu, advienne que pourra à cet homme qui osa se soulever contre l’établi, même si de plus grands défis m’attendent, advienne que pourra à mon salut, et que la mort ne m’emporte que bien plus tard, car bien des choses m’attendaient encore, de belles promesses préférai-je penser, et qu’une nouvelle ère commence.