Le grand jour était enfin arrivé, si bien que la peur qui me tiraillait depuis quelques heures me faisait douter du bon sens de mon action. Après tout, je semblais si peu expérimentée dans le domaine de la couture que monsieur Shidori se moquerait surement de moi en me chassant de son atelier à la moindre occasion. Cependant, si je marchais à présent dans la rue commerçante, c'était grâce à un sentiment de détermination que je ressentais depuis quelques semaines, un sentiment qui me poussait à aller de l'avant malgré cette peur omniprésente. Je me disais que si je n'osais pas, je le regretterai toute ma vie durant. De plus, je ne pouvais dénigrer mon travail avant d'avoir eu l'avis d'un professionnel, de quelqu'un qui pourrait me dire si oui ou non, j'avais l'étoffe d'une futures couturières, si oui ou non je pouvais envisager d'être prise comme assistante dans un atelier de couture quelconque.

Si j'avais pris l'atelier Shidori, c'était parce que la renommée du propriétaire n'était plus à faire. Partout sur les terres du Yin et du Yang on entendait son nom prononcé : Orion Shidori. Et à mes yeux, il était de loin le meilleur couturier qu'il puisse avoir, ses créations étant portée par de magnifiques et puissantes dames, par d'imposants et prestigieux chefs de race. Je voulais tellement obtenir le poste d'assistante dans cet atelier que j'étais réellement prête à tout. La veille, je n'avais cessé de préparer ce que je pourrai dire au maître que j'aurai devant moi et mes essais étaient, selon moi, tous aussi vains les uns que les autres. J'avais même veillé à regrouper mes créations, qui étaient surtout des vêtements miniatures fait avec des végétaux pour les fées de la rivière éternité. Bien sûr, je me doutais qu'il allait surement rire en voyant mes travaux qui n'étaient point faits avec des matières de qualité ou qui n'étaient même pas destinés à durer mais je préférai les lui montrer plutôt que d'arriver les mains vides. Peut-être qu'ainsi, il verrait à quel point j'étais motivée et envieuse d'en apprendre plus sur le magnifique art qu'était la création vestimentaire.

Doutant une dernière fois de moi, je faillis faire demi-tour lorsque je vis l'atelier Shidori. Je fis même demi-tour mais quelque chose, toujours cette volonté, me poussa à me retourner et à affronter mon destin. En effet, j'avais appris que l'homme qui partageait ma vie, Iro, n'était autre que le roi des Elémentals, aussi appelé « seigneur du tout » et quelque part en moi, je savais que je n'étais pas à la hauteur pour le moment. Cet homme avait tout pour plaire, son caractère était charmant et il était puissant, son titre l'illustrant parfaitement. Et moi, qu'étais-je si ce n'est Edwina, une pauvre magicienne qui n'avait pas la puissance d'une reine, qui n'était pas d'une beauté fulgurante et qui, en plus, n'avait aucun talent. Certes, j'aimais coudre, confectionner, créer, mais si jamais cet amour de la couture se révélait ne donner comme résultat que des vêtements affreux? Si jamais je ne pouvais pas m'épanouir dans ce domaine? Que pourrai-je faire de ma vie?

Je n'arrêtais pas de douter mais je devais me montrer digne d'Iro, je devais être à la hauteur de ses espérances. Et en dehors de cela, malgré les paroles rassurantes qu'il avait prononcé, j'avais terriblement peur qu'il ne me quitte pour une femme qui, elle, saurait le mériter bien plus que moi. J'étais faible à cause de mes doutes et même si je souhaitais que ces derniers cessent, je n'arrivais pas à m'en débarrasser, à devenir plus forte.

Prenant mon courage à deux mains, j'entrais dans l'atelier, un atelier étrangement sombre, peut-être qu'Orion était parti acheter quelques victuailles au marché ou se réapprovisionner en tissus? J'essayais de me montrer discrète, avançant délicatement dans le lieu dont je rêvais de faire partie. Il n'y avait que le bruit de ma robe bleue, assortie à mes cheveux, qui se faisait entendre, le tissu glissant doucement, suivant le mouvement de mes jambes. J'avais également une lettre à remettre au propriétaire de la part d'une dénommée Mitsuko que j'avais rencontré aux îles suspendues alors s'il ne voulait me prendre pour assistante, j'aurai au moins accompli une bonne action aujourd'hui. Doucement, ma voix hésitante retentit dans la pièce. En fait, j'aurai souhaité parler plus fort mais l'ambiance m'intimidait :

« Euh...excusez moi, il y a quelqu'un? Je suis ici pour voir monsieur Orion Shidori... »

Le son de ma voix se perdit dans le silence et je commençais à douter de mon entreprise, me demandant pourquoi j'étais venue, j'avais même envie de repartir sans plus tarder...