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Vanille laissa son regard d'émeraude courir sur les environs, s'attarder sur les pierres en ruines qui jonchaient un sol mort couvert de cendre et de branches desséchées, parsemés de quelques obscurs ossements. Animal ou humain? Peu importe, cela n'importait guère à la jeune sirène qui n'aspirait qu'à une chose, retrouver la pierre et la rendre à son unique propriétaire: l'Océan. Par fierté, par orgueil, et non par un quelconque élan de générosité ou de bienveillance. La jeune femme, dont le visage d'ange s'était illuminé d'un sourire énigmatique, avança rapidement en quelques coups de nageoire élégant vers le rebord du lac et observa une dernière fois les alentours pour s'assurer que la voie était libre. Sûre que personne ne remarquerait les quelques changements qu'elle allait faire s'opérer, Vanille se concentra une ou deux secondes, un petit laps de temps suffisant pour que la légère brise glaciale qui soufflait se transforme en en grosses rafale de vent frais. La jeune sirène s'élança hors de l'eau comme un boulet de canon, et les bourrasques séchèrent son corps mince pour laisser ses deux grandes jambes blanches réapparaissent.

C'est donc nue que Vanille atterrit sur le tapis de poussière. Seule sa longue chevelure cuivrée était encore humide, et quelques gouttelettes dégoulinèrent des boucles rousses pour couler sur la peau pâle de l'ondine. C'était cette même crinière de feu qui dissimulait une bonne partie de l'anatomie de la jeune femme, si désirable, aux formes avantageuses et harmonieuses. D'une démarche féline, elle fit quelques pas avant de buter sur un tas d'os entremêles, des squelettes informes enlacés. Non loin d'eux un jas de tissu à moitié déchiqueté reposer, surement les vêtements que portaient les défunts avant de rendre l'âme. Vanille passa une main sur son ventre et laissa glisser ses ongles sur ses hanches et ses cuisses. Autant se servir de ses haillons pour se couvrir un minimum. Elle prit entre ses longs doigts une étoffe pourpre, celle qui semblait en meilleur état. C'était une chemise. Elle la plongea rapidement dans le lac puis la sécha pour l'enfiler rapidement. Au moins, elle avait quelque chose sur le dos. Du moins, jusqu'à mi cuisse.

Ainsi parée, Vanille avança dans un silence mortuaire. Elle observa les environs, attentive aux moindres bruissements. Il fallait qu'elle trouve cette fichue perle de toute urgence. Des bruits métalliques et des cris étouffés parvinrent jusqu'à ces oreilles. Surement Miyuki. Peu importe. La vie ou la mort de cette sirène n'était pas importante, et si cette petite idiote avait été sotte au point de se mettre dans une telle situation alors qu'elle n'était pas capable de s'en sortir, alors elle méritait surement de finir ses jours dans une souffrance atroce. En quelque sorte, Vanille en était presque heureuse. Miyuki avait plus été un poids depuis leur rencontre, une jeune fille perdue qui savait à peine marcher droit. Ridicule. Même pour une jeune ondine.

« Je ne pense pas que les fées trouveront l'entrée. Elles sont trop stupides et trop peureuses. L'eau, c'est pas leur truc.»

La voix était grave et puissante. Aux premiers mots, Vanille bondit derrière une colonne qui tenait encore debout pour se cacher derrière.

« Et la sirène ? On en fait quoi?»

« Qu'elle sèche ! C'est pas notre problème.»

« Ouais... Mais il y en avait pas une autre?»

« Tant qu'elle vient pas fourrer son nez dans nos affaires... Franchement, on s'en fiche.»

Les deux géants s'éloignèrent en bavardant joyeusement. Leur rire gras résonna plus d'une fois, brisant comme un éclair le calme presque religieux des environs. Discrète comme un chat, Vanille partit dans la direction opposée.

Féline et discrète, Vanille courrait à travers les tas de gravas avec une agilité surprenante. Sans jamais s'arrêter, elle sautait les obstacles et dégageait les branches mortes qui tentaient de lui barrer sa route. Ces terres étaient réellement désolées. Cela faisait presque peine à voir. Mais qu'importe, la sirène n'avait guère l'intention de se lamenter sur l'aridité du sol, le manque de fleurs ou de verdure. Au fond, elle se fichait bien de tout cela. La seule chose qui lui importait était cette perle qu'elle se devait de retrouver, mais elle avait l'étrange pressentiment qu'elle était entre les mains de la petite sotte de sirène qui ne lui attirait que problèmes et ennuis. Certes, ce n'était encore qu'une jeune. Peut-être que l'avenir lui réserverait des surprises, mais pour le moment, Vanille avait bien du mal à la supporter, elle qui préférait agir seule, ou tout du moins, bien accompagnée. Des bruits de pas résonnèrent, bien trop lourd et puissants pour appartenir à Miyuki, ou à une créature banale, un géant devait traîner dans les parages, et d'une roulade élégante, Vanille se tapit derrière des buissons, écartant doucement les feuillages pour observer la drôle de créature passer. Il était vraiment massif, encore plus que ces confrères, et sa face était parcourut de long en large et en travers par de biens vilaines cicatrices surement infligées par de longs et laborieux combats. Il traînait derrière lui une espèce de massue ou hache qui devait peser plus lourd qu'une maison, mais qu'il portait sans mal et qui détruisait sur son passage toute la végétation. L'air peu commode, le géant passa lentement son chemin, se dirigeant vers une caverne au loin. Vanille se releva, pensive. Le vent secouait ses longues boucles cuivrés qui voletaient tout autour d'elle. Et lentement, un sourire se dessina sur son visage de poupée.

C'est à ce moment là que décida de réapparaitre Miyuki, aussi vite qu'elle avait disparu. Vanille écouta le jeune fille débiter rapidement, essoufflée, le récit de ces péripéties. Elle ne put s'empêcher de soupirer et de lever les yeux au ciel. A croire que cette enfant venait de vivre le pire des Enfers. Si elle souhaitait voir ce qu'était malheurs et souffrances, Vanille pouvait lui donner un bon aperçut de ce qu'était le Mal, le vrai. Au moins, Miyuki s'était montrée assez courageuse et débrouillarde pour récupérer la perle. « Bravo ma chère. Voilà une bonne chose de faite. Mais nous n'en avons pas fini...» Vanille fit rouler la perle entre ses doigts avant de la glisser dans sa poche. Gratifiait l'ondine d'un sourire, elle lui dit « Après un coup comme celui-ci, tu risque de bientôt recevoir ta propre perle.» Instinctivement, du bout des doigts, Vanille effleura le creux de sa gorge, là où reposait la sienne, comme chez toute sirène digne de ce nom. « Ou vas tu?» interrompit Vanille en voyant Miyuki repartir tranquillement près du point d'eau où elles étaient apparut. « Tu crois réellement que nous allons pouvoir passer par là? Franchement? La magie employée pour ouvrir ou fermer le portail enchanté n'est pas de notre ressort et nous ne pouvons rien faire pour l'actionner. Nous devons trouver un autre moyen.»

Vanille secoua la tête, l'air désespéré, bien qu'un petit soupire amusé étire ses lèvres roses. La sirène prit une autre direction, évitant de trop s'approcher des parois qui pouvaient dissimuler des géants dans des grottes. Mieux valait éviter ces drôles de créatures peu accueillantes, surtout qu'elles venaient de dérober un bien. « Le problème, c'est que nous ne savons même pas où l'on se trouve. C'est comme trouver une clé dans une pièce remplie qu'on ne connait pas. C'est dur. Mais pas impossible. Le passage doit regorger de magie. Mais il faut s'assurer qu'on puisse s'en servir sans attirer l'attention de toute la petite joyeuse troupe que l'on a déjà croisé.» De grands oiseaux noirs, sur les branches, tournèrent légèrement la tête en voyant passer la deux demoiselles. Corbeaux de malheurs, oiseaux de mauvais présage, ils semblaient préparer un mauvais coup. Vanille s'arrêta d'avancer. « Des gardiens.» Et tous se mirent à hurler, telles des sirènes, pour alerter les géants de la présence d'indésirables voleuses et petites fugueuses. Fort peu d'humeur miséricordieuse, Vanille ramassa une pierre conséquentes au sol pour l'envoyer sur le premier volatile qu'elle vit « Futile vengeance. Maintenant, cours.»