Par delà l'ombre mesquine cachant son visage, un sourire satisfait des plus sombres pouvait se miroiter dans les ténèbres. Un léger ricanement aurait même été légèrement audible si des vibrations plutôt frénétiques ne se faisaient pas ressentir successivement à rythme irrégulier et rare. L'ombre la fixait sans la lâcher du regard, il se taisait pour l'écouter comme on écoutait l'envoyé des dieux qui annoncerait l’avènement d'un air nouveau et buvait doucement son verre qui ne semblait jamais se vider malgré que de grandes gorgées fussent portées à sa bouche. L'homme attendit sagement que la femme finisse de parler avant de prononcer d'une voix soudainement plus grave.

« Jun, viens donc t’asseoir plutôt à ma droite tu veux, tu brouilles ma vision de Mitsuko. » et il leva un bras. On remarquait que sa main était blanche, comme morbide, et qu'un léger givre était même apparent sur celle-ci malgré la pièce à température ambiante. D'un geste délicat de la main, une projection de Jun sembla se dissocier du corps de Mitsuko pour se transporter sur la place juste en face d'elle, à droite de l'ombre. Un bruit strident comme un verre qui casse avait même rempli la pièce dés l'instant où Jun et Mitsuko avaient formé deux entités distinctes. Le ricanement de l'ombre se fit alors plus présent alors qu'il fixait à présent Jun de ses yeux au rouge des flammes les plus dominantes de l'enfer.

« Jun, ton nom aux parfums de témérité et d’innocence résonne comme celui d'un entremêlement entre amour et mort. Plus tu grandis, plus ta conscience d'homme et tes sensations humaines surgissent. Le golem qui a reçu l'humanité. La chimère à qui on offre une réalité. C'est tout simplement du génie, sans faire allusion aux Djinns. Je parle là d'un talent incroyable. Des nations entières ont tenté un tel exploit mais seule Mitsuko fut capable d'une telle prouesse avec un tel aboutissement. Il semblerait qu'elle ait réussi à faire naitre une âme nouvelle. Au début, le pantin n'aurait eut que les reflexes de base de tout fantôme artificiel créé par l'homme ; mais Mitsuko lui aurait apporté ce que personne n'aurait jamais réussi à faire : un cœur. Je suis fasciné par ton existence Jun, sais-tu ? C'est donc à toi que je confie la pierre. » Et Jun sentit la présence de la pierre juste à côté de lui; tout comme le verre, il sembla que la pierre fut toujours là depuis le début. La pierre avait une forme particulièrement sphérique et lisse au toucher. Sa couleur de plusieurs bleus différents rappelait les couleurs de l'océan ; cela sembla paradoxal puis ce que son utilité était d'assécher les continents. Sur cette surface, les trois lettres J, U, N étaient gravés et indélogeables. Seulement l’usure des gravures laissait à penser que celles-ci ne dataient pas d’hier mais de quelques bons siècles. L’ombre regardait de nouveau Mitsuko puis lui dit à son tour

« Mitsuko était une femme aux milles et un mystère. Je suppose que sa digne héritière doit aspirer aux mêmes desseins. Il est temps pour toi de reprendre ta place de Reine des terres du Yin et du Yang. Nous avons besoin de toi, crépis dans l’ombre, nous attendons ton réveil. Je suis intimement convaincu que tu seras la condition sine qua non à mon propre destin. Tu te questionnes.. Tu te demandes qui je suis, pourquoi et comment je peux savoir tant de choses que toi-même tu sembles ignorer. Pour le moment, je suis emprisonné dans ce monde qui n’existe pas vraiment, dans cette inconscience et ce rêve sans horizons. Oui, je sais que tu m’aideras dans un avenir proche. Mais je sais que nous serons amenés à nous revoir bien avant cela, toi, moi… » Il marque une pause «… et Jun bien évidemment. » Un silence s’installa de nouveau « Oh Jun, si un jour il semble que tu sois perdu. Incapable de rejoindre ce monde pour une raison inconnue. Tu n’auras qu’à suivre ton instinct et il te guidera ici. Tu y seras en sécurité le temps que Mitsuko vienne t’y rechercher. Je ne dis ceci qu’à titre informatif, au cas où il semblerait que cela arrive, entres fantômes, nous nous comprenons. »

Et la pièce pris une dimension immense, ses courbes s’allongèrent et chaque chose gardait sa taille alors que son emplacement doublait de volume. Il semblait que le petit salon confiné par le mobilier en chêne et en ébène se trouvait être un gargantuesque couloir qu’une porte dominait par son aspect et sa hauteur, visible de la table où buvaient Mitsuko, Jun et le fantôme. L’ombre se leva de sa chaise et au moment où il passa devant Mitsuko et Jun, ceux-ci eurent l’impression que la table, les chaises et le vin n’avaient jamais existé, ces éléments n’étaient plus là mais semblaient n’être jamais venu à leurs rétine ; le fantôme put alors passer tranquillement devant eux, Jun n’ayant pas ramassé tout de suite la pierre, il put tout de même remarquer qu’il la tenait fermement en main. Le fantôme pris les devants d’une marche, suivis de très prés par une dizaine de tigres aux couleurs du saphir avant que l’homme ne se retourne et souffle avec sadisme.

« Vous qui savez tant vous seconder dans un même corps, montrez moi ce que vous valez en équipe, de façon distincte. Vous deux, contre moi. Si vous n’agissez pas ensemble, vous resterez bloqué ici. Comme vous le voyez, je suis le gardien de cette porte qui vous ramènera où vous le voulez, elle ne mène à aucun lieu précis, elle vous extirpe du rêve et vous conduit au lieu voulu. Ces tigres ne vous laisseront pas me rejoindre si facilement, ils sont féroces et ne s’arrêtent qu’une fois qu’ils vous ont déchiqueté en morceaux. A moins que ce soient eux qui soient déchiquetés avant. Puis à la porte, il y a, moi. » Et deux sabres à chaque main apparurent pour armer le fantôme au regard toujours aussi paralysant.

« Je me nourris de votre peur. Je la sens en vous et j’ai le pouvoir suffisant pour la faire se développer en vous jusqu’à ce qu’elle vous paralyse et que vous ne puissiez plus rien contrôler en votre corps. L’humanité grandissante en Jun pourrait bien lui faire default. Quant à toi Mitsuko, j’aimerais bien voir si tu es digne du même sang-froid que ton ancêtre. »

Et les tigres étaient tous tourné vers les deux gladiateurs. Le fantôme savait parfaitement qu’ils sortiraient vainqueur, il avait bien précisé que la pierre était à eux sans contrepartie puis ce qu’il le savait, Mitsuko agirait d’elle-même dans un avenir proche dans son intérêt à lui. Seulement, il était curieux de la voir à l’action, il était curieux d’observer comment Jun et Mitsuko fonctionneraient en équipe sans n’être qu’un. Ils pouvaient enfin se voir mais plus se parler par la pensée et difficile de communiquer ainsi. Tous les artefacts et autres pierres n’avaient plus le moindre effet en ce lieu, tout comme pour la pierre qui assèche, la magie avait disparu tant qu’ils n’avaient pas rejoint la porte. Seulement le fantôme était sûre que Mitsuko était bien plus maligne que tous les pièges possibles, plus forte que tous les interdits, que ses armes étaient au fonds d’elle et que la magie surgirait de son corps puis ce qu’avant tout, elle était une reine ; et ça, le fantôme en était convaincu.

Le fantôme regardait, amusé, le petit spectacle de ce duo de marionnettes. Oui, il était amusé mais pas satisfait. Lui qui espérait tant un peu plus d’imagination de sa reine, il y avait de quoi être quelque peu, déçu. L’homme ne manqua de le dire, bien qu’il applaudisse une fois que ses tigres n’étaient plus que poussière, il siffla alors à Mitsuko « Telle une enfant qui a peur du noir et qui se répète continuellement pour se rassurer que ce ne sont que les branches mortes de l’arbre qui claquent contre sa fenêtre à cause du vent mauvais. » et il se mit à marcher autour d’elle, rôdant autour d’une proie, écartant Jun en agrandissant la pièce. Levant la main droite, il effleura la joue de Jun d’un mouvement délicat sans se retourner et le corps de Jun se redit. Une couche fine de glace se forma jusqu’à le recouvrir complètement et le transformer en une statue incapable de bouger. Un rire sadique se fit alors pesant avant même qu’il ne recommence à parler.

« Tu as l’exacte même fâcheuse tendance que ta précédente à croire que tu peux tout contrôler, les gens, leurs émotions, les manipuler jusqu’au dernier et obtenir ce que tu souhaite d’un simple vœu. Mais ici tu n’es ni dans un rêve, ni dans une réalité. Rien ne se perd, tout se transforme. Tu connais ? » Et des nuages de poussières bleues qui lévitaient depuis la destruction des tigres reprirent la forme de ces fières animaux, trônant autour du fantôme, couchés, comme si rien n’avait été. Le fantôme n’était pas un génie mais il trouvait plaisant que les apparences laissaient à Mitsuko cette impression, cela était aamusant vue qu’il semblait les aimer, vue que ceux-ci semblaient lui obéir bien qu’il n’était en aucun cas le Mârid.

« Les terres du yin et du yang connaitront des heures sombres mais ce ne sera pas dû aux ténèbres cette fois-ci. Il semblerait que le changement de donne puisse m’intéresser de là où je suis. Ce sont les dieux et les anges qui m’ont emprisonnés dans le passé, moi qui était pourtant un si serviable esclave du ciel, aux ailes si blanches, si éclatantes de pureté. » Crachait-il presque avec dégoût.

« Je rêve de ce jour où je rependrai le chaos et transformerai le paradis en enfer. Tu seras mon messager comme une pluie de flamme qui s’abattrait en annonçant les prémisses de la colère d’un soleil noir. Je te couronnerai sur l’hôtel des têtes que je couperai avec la faux impitoyable de la mort. Mais il fallait avant cela que je te rencontre, que je comprenne l’essence de ton pouvoir si grand. Cette pierre, ce cadeau misérable qui assèche les gorges n’est qu’un jouet, un prétexte dont je me suis servi pour pouvoir te rencontrer et je suis satisfait puisque tu es à la hauteur de mes attentes. Il semblerait tout de même que tu manques de maturité dans tes pratiques mais cela s’acquiert et d’ici le jugement dernier, je suis certain que tu auras acquiert ce sens plus poussée de la stratégie qu’il te manque encore, pour le moment. J’ai besoin que tu puisses voir plus loin que ce que tes yeux te permettent d’apercevoir. J’ai besoin que tes sens puissent ressentir plus, que tu puisses aller au-delà et ne pas te limiter. Oui cela viendra, j’ai foi en toi comme on a foi en un dieu. Je me fiche de ta puissance, il ne s’agit que d’entrainements, de recherche de pouvoirs et ça ne me regarde pas, tu mènes ta barque comme bon te semble. Ce qui m’intéresse c’est la manière dont tu perçois les choses … » Et il leva les bras à l’horizontal, le décor prenant d’autres dimensions, passant à des aspects plus sinistres comme si le contexte d’un château abandonné avait pris place. Des portraits géants de Mitsuko première du nom étaient accrochés de même qu’un immense lit non loin et de diverses autres mobiliers ce qui laissait à penser qu’il s’agissait de la chambre de l’ancienne reine déchue. Jun le glaçon ne bougeait pas d’un poil tel que l’on aurait put s’inquiéter qu’il y avait un corps réel sous la glace.

« N’aie pas peur d’embrasser les ombres, Mitsuko. » Regardant par la fenêtre et invitant Mitsuko à en faire de même, on put remarquer qu’un homme en cheval s’avançait vers les portes du château. Ses cheveux bleus ne trompaient personne et son allure confirmait ce que tout deux pouvaient penser.

« Ne t’es-tu jamais demandée d’où pouvait bien provenir l’apparence de Jun ? Crois-tu vraiment que ce pantin sans conscience ait pu, à sa naissance, savoir à quoi il voulait vraiment ressembler ? Ne penses-tu pas que ton ancêtre, plus grande manipulatrice et conspiratrice de ce monde corrompu, ai-pu lui souffler le mode d’emploi sans que ce dernier n’en ait conscience ? Rien que son prénom n’est pas un hasard et toute ta vie Mitsuko, ne sera qu’une succession d’événements prédestinés que tu ne pourras contrôler malgré tes souhaits. Tant que Jun vivra en toi, cela signifiera que tu es soumise au destin. Tu détestes être enchainée à ton histoire ? Alors rompt avec tout ça. Accompli un acte que le destin lui-même n’aurait put prévoir pour toi. Surprends le destin et tu sauras tout de suite si cela a marché, Jun disparaitra et alors tu seras prête. » Dit-il ensuite avant de regarder Jun statufié avec un air que l’on pouvait ressentir mélancolique.

« Nous savons tous les deux à quel point tu es intelligente. Ainsi tu sais bien que cet être ne peut pas exister. Il est un miracle. Il viendra un jour où il devra s’en aller et où tu ne pourras lutter. Il est comme un nouveau-né que l’on a créé de magie. Mais il n’est pas réel, il n’est que chimère et un jour viendra, où cette magie aspirera son existence. Il croit être vivant, il croit être réel mais nous savons tout deux qu’il aspire à un grand rêve certes, mais un rêve irréalisable. Cela me peine quelque part, c’est un homme attachant, n’est ce pas ? Même pour une femme comme toi, et même si tu détestes te l’avouer, même si tout vous oppose, que le ciel s’assombrit chaque jour alors que la lumière brille en lui, même malgré tout cela, il est attachant. »

Il se tût ensuite. Marchant jusqu’à une malle, il en sortit un collier en argent dont le joyau central, assez discret, était noir comme l’ébène. Ce collier était d’une grande beauté et la chaîne n’était pas le moindre oxydée ;

« J’aimerais que tu le prennes avec toi et que tu le portes. Il était à ton ancêtre. Un cadeau précieux d’un amant peut être trop amoureux. Les vertus de cette pierre sont flous, peut être qu’un jour tu les découvriras, peut être jamais. J’ai simplement comme l’impression qu’un jour, celui-ci te servira à retrouver une partie de toi que tu as perdu. » Dit-il en observant toujours Jun avec insistance. La voix du fantôme semblait si triste, sans raison apparente. Il semblait que la mélodie d’une harpe résonnait au loin dans les murs du château et que celle-ci rendait l’ambiance paisible et sereine. Oui le fantôme donnait des énigmes à Mitsuko, des clefs et des serrures sans lui dire quelle clef ouvrirait quelle serrure. Le fantôme semblait tant savoir mais ne plus pouvoir agir sur le temps qui passait.

« Je te donne encore un essai avant de te laisser t’en aller malgré que j’ai grand plaisir à converser avec toi. Redonne vie à Jun. Ta magie ne servira à rien, cela va au-delà Mitsuko. Comme dit précédemment je te demande d’aller au-delà de ce que tu vois, c'est-à-dire Jun statufié. Comme Mitsuko en son temps, je veux te voir donner vie à une chimère, à une statue d’argile, je veux te voir, comme elle, pouvoir donner vie à ses désirs. Cela va au-delà puisqu’il s’agit ici de ressentir ce lien qui vous unie, lui et toi. Il s’agit pour toi de rompre les lois physiques et de pouvoir te lier à Jun de façon plus spirituelle. Pouvoir communiquer avec lui. » Et il se retira un peu, observant une peinture de Mitsuko « puis ce que, au final, ce que j’ai fais à Jun, c’était lui retirer son cœur et c’est cela qui l’a rendu telle une sculpture sans âme. Il faut que tu saches lui redonner. Car n’oublie jamais, même les ténèbres peuvent aimer. C’est leur manque d’amour qui amène les ténèbres à sans cesse se replier dans l’ombre… Oui c’est le manque d’amour qui nous fait perdre à tous, la guerre contre la lumière. »

[L'objectif de ton post est ici, non pas que le corps de Jun se déglace mais qu'il reprenne place en toi vue que là il est emprisonné dans son corps de glace]

(Et hop, je passe ma narration au « je »)

Et le ciel si sombre paraissait soudainement étouffé par le brouillard lugubre qui avait entouré l’esprit de Mitsuko, il s’éclaircit pourtant, comme un funeste présage qui laissait le calme animer son cœur d’un glas éphémère et subtile à la fois. Regardant par la fenêtre, je contemplai les souvenirs prendre vie et mourir à mes pieds tandis qu’elle tentait de sauver le plus mystérieux des fantômes. Oui, Mitsuko, j’aurais tant aimé t’avouer la vérité sur mon existence mais tu m’es à l’heure actuelle des choses bien trop importante pour pouvoir te donner des réponses claires.

J’avais créé cet endroit de mes souvenirs frénétiques qui tourmentait mon âme et ce malgré le déchirement de mon cœur, je n’étais plus qu’un fantôme moi aussi, ma puissance n’était qu’un ersatz de ma réalité passée et je n’avais pour ainsi dire, que des souvenirs pour me rappeler de l’homme que j’avais été un jour passé et qui n’était plus que cendres. Ce feu consumé brûlait pourtant toujours au fond et je n’avais qu’un désir, déchainer une rage sans frontière. Cette rage-là aurait son heure de gloire tandis que je pourrai enfin satisfaire mes pulsions, assouvir mes vengeances qui attendaient depuis si longtemps. Je voyais en Mitsuko, la parfaite créature de mes propres nuits et je savais que de l’amour qui liait Jun à elle, je pourrai y trouver ma seule et unique porte de sortie. O si elle savait, comme un cœur broyé par ce monde peut déchainer tant de colères et de ténèbres, tant que l’amour ne devient que de lentes morts successives dans un éternel perpétuel. Si le temps ne jouait plus, la force des choses continuait à me mouvoir et je ne pouvais être la victime des ambitions de tiers malintentionnés. Je n’étais qu’un fantôme comme Jun et j’étais jaloux de sa position si soignée, il était aimé par le mal qui s’était accordé à pouvoir aimer sans se l’avouer puisque cela ne semblait être dans sa nature ; rattrapée par sa réalité, Mitsuko ne pouvait que suivre ce que son inconscience lui répétait alors que sa conscience lui susurrait de laisser Jun mourir dans mes propres souvenirs. J’étais admiratif de sa prouesse, elle était comme je l’imaginais, comme je l’avais connu quelque part, à un moment donné qui m’avait poursuivi jusque dans les limbes d’une telle teneur que je veuille à tout prix, aux hauteurs de l’obstination, la revoir, à nouveau. Je regrettai d’avance ce que je lui ferais subir dans un avenir proche, je sacrifierai cet amour pour mes sombres desseins et l’obligerait à choisir entre ses désirs en sachant pertinemment le choix qu’elle fera. Cette entrevue n’était qu’une prémisse odieuse certes mais nécessaire, je devais me rendre compte de la personne qu’elle était, pouvoir discerner ses pensées et surtout, ressentir ses sentiments.

Elle semblait vouloir cacher sa fragilité mais pouvait-elle seulement comprendre quel étrange lien faisait qu’elle ne pouvait rien voiler à mon attention. Oui, elle était belle cette sorcière avec son Jun fantomatique, oui elle était reine des fantasmes avec ses non-dits et tout ce qu’elle faisait naitre chez les hommes qui l’entouraient. Oui, Jun serait une clé indéniable, oui, Jun serait l’être idéal pour boucler une boucle statufiée dans le temps par la mort. Les manipulations comme un jeu dangereux, l’échiquier tremblant que le roi ne deviennent fou en sacrifiant sa reine pour obtenir la victoire sur ses opposants. La pitié avait été dévorée par la noirceur de mon âme et bien que ces tiraillements m’oppressent sans cesse, le choix que j’avais fait ne pouvait être rediscuté. Alors il fallait laisser le temps s’écouler, indolent, tandis que j’observerai sans dire mot, tandis que j’attendrai patiemment, que l’engrenage n’entraine Mitsuko à choisir entre le cœur ou l’ombre de ce même cœur. Ceux qui l’entoureront seront alors impuissants, loin des plaisirs charnels de la nuit, Mitsuko se retrouvera si seule face au monde et ses désastres qu’elle perdra la notion même d’une réalité vaine et c’est alors, dans sa faiblesse propre, que j’agirai enfin. Ce Jun, qui est sa force, sera sa plus grande des faiblesses. Et qu’importe ceux qui mentiront en disant l’aimer, elle se rendra bien compte que la vérité peut être contournée mais jamais n’être oubliée, elle perdra ce goût nouveau et vampirique et cherchera Jun avec insistance. Et là… Oui, et là… peut-être fera-t-elle le vœu si légitime de retrouver sa force, son double qu’elle aime vainement ? Alors là peut être, cherchera-t-elle à comprendre la vérité ? Alors peut être qu’à ce moment, elle trouvera enfin la réponse mais ce jour là, je serai là, et je sortirai de ma torpeur, je sortirai de cette léthargie qui m’emprisonne, et alors il sera trop tard, j’aurais sacrifié ma reine.

« Félicitation, l’ombre du soleil a repris sa place au sein d’un cœur de ténèbres. » et d’un mouvement de main de ma part, la statue de glace explosa en cristaux vifs qui virevoltèrent aux quatre coins de l’ex-chambre royale. Jun au sein le plus réconfortant de Mitsuko pouvait loger encore quelques temps sans se préoccuper des lois rompues pour sa création. Je m’approchai de Mitsuko, prenant délicatement sa main avec mes doigts gelés comme pris par la mort, je l’approchai doucement de ma tête que je penchai pour y déposer un baiser aussi doux que froid puis de relâcher d’une même lenteur sa main et de m’éloigner.

« Suivez votre cœur, ma belle, et vous ne perdrez jamais ceux que vous aimez. Faites les mêmes erreurs que votre ancêtre avant-vous, et c’est toute votre lignée qui s’éteindra par votre négligence à prendre la bonne décision. » Et je levai les bras en m’éloignant, le décor semblant s’étendre et se rétrécir avant de se faire dévorer par un néant envahisseur qui tendait vers moi.

« A bientôt, douce lubie. » puis disparu dans le néant. Soudainement le sol s’effondra à nouveau sous les pieds de Mitsuko qui perdit tous ses repères et dont les sens à nouveau se troublèrent de telle sorte qu’elle fut comme emportée par un sommeil curieux. A son réveil, elle était étalée sur le sable, des grains parsemés plein ses vêtements et le soleil frappant au zénith et la faisant suer avec lourdeur. Mitsuko avait-elle rêvé cet épisode troublant ? Cela n’avait-il été qu’un mirage pourtant frappant par sa réalité et ce malgré tous ces éléments illogiques d’un décor en perpétuel mouvement ? Le doute pouvait bien s’installer en elle, en tout cas une pierre semblait la gêner au niveau de la colonne vertébrale ; se levant, elle put la voire légèrement enterrée dans le sable, cette pierre de sécheresse sur laquelle était belle et bien gravée « JUN ».