Les bras cassés s'occupent du dragon

Musique

Léopoldine avait passé des heures à gratouiller Eden partout. Ses mains s’étaient aventurées sur son bidou, dans son cou, dans ses cheveux et même dans son dos. Elle le trouvait trop mignon. Derrière ses airs de garçon hautain, il était en réalité adorable. L’Humaine retenait bien ce qu’elle voulait. À présent, de son point de vue, ils étaient les meilleurs amis du monde. Elle lui avait promis que s’il était sage, elle lui donnerait du thon, de la sardine, du jambon et du lait. Puis, quand des Magiciens étaient finalement venus les secourir – parce qu’ils avaient beaucoup dérivé – elle avait dû le quitter.

À présent, l’ambiance était totalement différente. La compétition venait de démarrer et les mains de Léopoldine étaient solidement accrochées à sa rame. Comme les autres participants, elle portait un déguisement de Wëltpuff. Elle n’en avait jamais entendu parler avant de devoir décorer la barque. À Basphel, quelques indices auraient dû la mettre sur la voie mais elle était encore naïve et ne faisait pas forcément les bons liens entre les bonnes choses. Les déclics ne venaient qu’à retardement, souvent trop tard pour être utiles. Alors que ses bras lui tiraient de nouveau, elle pensa à Aramis. Peut-être qu’il aurait été plus efficace qu’elle pour ramer. En réalité, elle avait une vision légèrement faussée de son frère. Elle le voyait meilleur qu’il n’était réellement. La désillusion risquait d’être grande si elle se produisait un jour. Soudain, un cahot vint troubler ses rêveries. Elle fronça les sourcils, comme si elle n’était pas certaine d’avoir réellement ressenti une secousse. Une deuxième intervint. « C’est quoi ? » demanda-t-elle, soudainement inquiète – c’est qu’elle n’avait pas appris à nager depuis qu'elle était là ; on ne peut pas caresser un minou et pratiquer la brasse en même temps.

Elle finit par pencher la tête vers l’eau. Les étendues l’avaient toujours attirée mais elles l’effrayaient aussi. Son incapacité à survivre y était pour beaucoup. Elle se promit de prendre des cours de natation une fois de retour à Basphel. « C’est un dragon ! » affirma une fille. « Un dragon ? » « Oui regarde ! Là ! » Léopoldine ne vit qu’une forme longiligne dans l’eau. Pour elle, c’était plutôt un serpent. « T’es sûre ? » Elle n’avait jamais vu de dragon avant. « Oui ! Il vient pour nous manger ! » plaisanta la basphélienne. La figure de la rouquine se décomposa. « Hein ? » Elle sentit son cœur battre la chamade contre sa poitrine et commença à paniquer, si bien qu’elle n’entendit pas la suite de la conversation. Des étudiants pensaient que la créature était venue pour se nourrir – mais pas avec leurs corps, bien évidemment. « Il doit y avoir à manger sur notre Ublys, nan ? » « On a pas le temps ! Il faut continuer de ramer, sinon on va perdre ! » « Ceux qui rament mal peuvent s’en occuper ! Toi là ! » fit un garçon à l’attention de Jezeṃiās. « Et toi aussi ! » Léopoldine le fixa avec des yeux de souris surprise par la lumière. « Occupez-vous du dragon ! »

523 mots

Les bras cassés s'occupent du dragon
Léopoldine & Jezeṃiās

☙ Infected Mushroom - Flamingo

RP précédent : Les Gourmands - Muscarine

Content de lui, Jezeṃiās arborait les chaussures de Muscarine en collier, nouées entre elles par leurs lacets. De la sorte, grâce à l'odeur, c'était un peu comme si elle était restée avec lui. Il était à peu près certain qu'elle l'avait invité à la rejoindre dans son dortoir et il avait du mal à penser à autre chose. S'il était à son image, et à ses effluves, il risquait de ne vouloir jamais en partir. Mentalement, il avait pris note de partir aussi en quête pour acquérir des champignons. Certaines préféraient les fleurs, il trouvait ça absurde. Depuis tout petit déjà, il détestait les fleurs, surtout lorsqu'ils étaient forcés à jardiner avec Bienaimé à l'orphelinat. Il prenait soin, la nuit, d'aller écrabouiller les bulbes qui avaient soigneusement été plantés la veille.

Un choc décala soudain l'ublys sur la droite. La concentration de l'équipe brisée, certains cessèrent de ramer pour regarder autour d'eux. Un nouveau choc les poussa encore et Jezeṃiās cessa de penser aux ongles de pied de Muscarine pour sonder les profondeurs avec curiosité. Il lui sembla voir l'ombre d'une queue se faufiler sous leur embarcation. Une fille identifia leur trouble-fête et Jezeṃiās se pencha davantage. Il acquiesça à la remarque de la fille, sans réaliser que c'était une plaisanterie. De son expérience, elle avait raison. Il n'avait jamais connu de dragon rassasié.

« D'accord. » accepta le Démon sans discuter. Il n'aimait pas beaucoup ramer de toute façon, ça tirait trop sur les bras. Il céda sa pale en bois à un coéquipier et se rendit cahin-caha jusqu'à l'arrière de l'ublys en manquant de passer par dessus bord à plus d'une reprise alors que le dragon les harcelait avec une insistance croissante. « Normalement, il faut faire un sacrifice pour faire apparaître un dragon. » fit-il savoir à la rouquine à ses côtés. « Des personnes qu'on aime, sinon ça ne marche pas. Je me demande qui est mort. Ça devait valoir le coup. Tu le ferais, toi ? » lui demanda-t-il avec un sourire. « Il va sans doute falloir tuer quelqu'un aussi pour contenter celui-ci. Tu as des idées ? Ou tu te portes volontaire ? » Machinalement, il attrapa une petite truite sur le monticule de poissons et mordit dans la chair juteuse. « T'en veux ? Ch'est trop bon. » Même s'il préférait quand c'était moins frais. Là, le poisson sentait juste la vase, la mort n'avait pas eu le temps de le parfumer. « Woops ! » s'exclama le brun, déséquilibré, alors que le dragon venait de porter une attaque plus féroce sur leur petit bateau. Aussitôt, des protestations du reste de l'équipe s'abattirent sur eux et Jezeṃiās se mit à rire. C'était toujours drôle quand les autres s'énervaient.

Message I | 486 mots

Petite note : Jezz fait en fait référence au rêve dans l'Event des dragons où il a rêvé d'un sacrifice pour invoquer un dragon, mais comme il différencie difficilement les rêves de la réalité, il en a conclu que c'était réellement arrivé.

Les bras cassés s'occupent du dragon

Musique

Léopoldine regarda le garçon, d’abord en essayant d’être discrète – elle avait repéré qu’il était bizarre et ne voulait pas le mettre mal à l’aise – puis de façon plus soutenu. Elle n’en avait jamais vu de tel. Même le fou du village n’accrochait pas des chaussures purulentes autour de son cou, il se contentait de gousses d’ail en criant que les Vampires allaient bientôt venir les dévorer, que c’était la fin du Monde et qu’ils devaient tous se tenir prêts. Si ça n’avait pas été le neveu de l’un des membres du conseil du village, il aurait probablement été banni à force, comme la femme qui criait qu’elle était une Sorcière en agitant des potions douteuses sous le nez des passants au marché. Heureusement, tout le monde savait que c’était faux. Comme disait le père de Léopoldine, si cette femme savait faire de la magie au milieu d’eux, lui était Sympan lui-même. Ça faisait rire Léopoldine, bien qu’elle ne fût pas très sûre que parler de Sympan comme ça fût très adéquat. Si les religieux l’avaient entendu, ils l’auraient probablement houspillé.

Lorsque son sujet d’étude lui parla, Léopoldine sursauta. Elle s’était laissé hypnotiser par l’intérieur des chaussures, qui semblait particulièrement sale. « Ah bon ? Mais pourquoi faire ? » L’Humaine ne comprenait pas l’intérêt de tuer quelqu’un pour faire apparaître un dragon. C’était comme ces histoires de Djinns ou de Fantômes dans le désert. Elle n’y avait jamais mis les pieds mais il y avait plein de légendes sur des esprits perfides qui tentaient les voyageurs et leurs faisaient voir des choses qui n’existaient pas. Elle avait aussi entendu des contes sur d’immenses vers et aussi sur de grosses créatures en formes de boule qui avaient le pouvoir de faire venir la pluie. Finalement, avec tout ça, que certains voulussent tuer pour invoquer un dragon ne lui semblait pas si fou. « Moi je ne le ferais pas. Et toi ? » L’Humaine ouvrit des yeux ronds lorsqu’il parla de tuer quelqu’un pour le faire partir. « Euh bah… non. » dit-elle, en le regardant manger du poisson cru avec dégoût. Il allait attraper plein de maladies s’il continuait. « Non merci. Tu te portes volontaires toi ? Mon frère dit toujours que ça ne sert à rien d’être un héros si c’est pour ne pas voir la fin de l’Histoire. » Aramis se choisissait toujours lui quand il jouait au dilemme de savoir qui sacrifier entre untel ou untel avec ses amis. Léopoldine ne jouait pas mais les écoutait.

L’Humaine faillit tomber lorsque le dragon revint à la charge. Une deuxième secousse la propulsa le nez droit sur les chaussures de Muscarine. Elle s’en écarta comme si elles étaient brûlantes avant de relever les yeux vers le Démon. « Dis voir… Pourquoi est-ce que tu te balades avec des chaussures qui puent autour du cou ? T’es le fou d’un village ? » lui demanda-t-elle. Elle ne savait pas quoi faire pour le dragon alors elle se dit que ce serait au moins bien d’obtenir des réponses à ses questions.

510 mots

Les bras cassés s'occupent du dragon
Léopoldine & Jezeṃiās

☙ Infected Mushroom - Flamingo

« Bah pour appâter le dragon bien sûr. Tu crois qu'ils vont venir juste te faire plaisir ? Y a rien de gratuit dans la vie. Pas de bras, pas de chocolat. » énonça-t-il sur un ton docte. Il se voyait bien devenir professeur et éduquer des enfants un jour. En attendant, il s'occupait de Léopoldine. « Oui, je peux comprendre. » acquiesça-t-il. Tout le monde n'avait pas le sens du sacrifice et ceux qui l'avaient ne vivaient jamais bien longtemps. Il gloussa à cette réflexion qu'il trouvait pleine de bon sens. « Pour un dragon, j'sais pas. Faut voir. Et puis, j'ai personne à sacrifier. » Il ne disait pas ça pour tirer des larmes, mais il n'avait pas eu le temps de se faire de vrais amis encore. Ça viendrait, ou pas. Ce n'était pas très grave. Il réfléchit encore. Muscarine, à la rigueur ? Vu le morceau, elle seule suffirait pour faire venir un dragon de taille conséquente. Décidément, elle cumulait les qualités.

Il balança les restes de son poisson dans l'eau. « T'as un frère ? C'est super, ça ! J'ai toujours voulu en avoir un ! Il est ici ? En tout cas, je suis d'accord avec lui. J'ai pas envie de me porter volontaire. Mais bon, il faut avoir l'esprit d'équipe, tu ne crois pas ? Ils comptent sur nous, j'ai l'impression. » On pouvait reprocher beaucoup de choses aux Démons, mais on pouvait compter sur eux. Le problème, c'est qu'ils n'avaient signé aucun Pacte et Jezeṃiās n'en avait donc pas grand chose à faire. Cela étant dit, il fallait montrer l'exemple aux enfants - il prenait très à cœur son rôle autoproclamé d'éducateur - et il redressa les épaules pour éviter de se donner cet air avachis qui accablait tous les adolescents pas trop coincés. « Ah ça ? » Il sourit tendrement à son collier nauséabond. « Elles sont à ma maman. C'est les chaussures qu'elle portait à sa mort, alors j'aime bien les avoir avec moi, on était très proches, elle et moi, car je ressemblais beaucoup à mon père alors forcément... Je l'aimais beaucoup. Vraiment beaucoup, si tu vois ce que je veux dire. » Non, il pouvait constater qu'elle ne voyait pas mais il n'avait pas de quoi lui faire un dessin. « Bon, mais, l'esprit d'équipe, Léopoldine ! Concentre-toi ! » Il plia les genoux pour se mettre à sa hauteur et posa les mains sur ses épaules. « Écoutes, ma puce, dans la vie, il faut faire des choix et comme c'est moi qui suis le plus âgé, c'est moi qui décide, c'est normal, non ? » Sur ces mots, il l'attrapa par la taille, la souleva en grimaçant car elle était plus lourde qu'il ne pensait, et la jeta sur son épaule. Marchant gauchement vers le rebord de l'embarcation, il claironna : « Dragounneeeeeeeet ! J'ai quelque chose pour toiiiiiiii ! » Ignorant ce que la fillette disait ou faisait, il l'attrapa à bras-le-corps et prit son élan pour la jeter à l'eau. « Prête pour le grand saut ? À la uuuune ! À la deuuuux ! » Derrière lui, les autres membres de l'équipe vociféraient en voyant ce qu'il s'apprêtait à faire. « Mais chopez-le ! » s'égosilla une fille en poussant brusquement un garçon devant elle. Jezemias ricana en regardant leurs mines effarées de belettes. « Alala, vous me tuez, tous ! Vous devriez voir vos têtes ! » Il ramena Léopoldine et la serra contre son torse. « Je plaisantais, petite puce. Du calme. » Et il déposa un bisou sur son nez.

Message II | 610 mots