Dos au mur, un bras éclairé par un rayon de soleil, Perséphone était plongée dans la rédaction d'un devoir. Face à elle, sur la table, des livres étaient soigneusement empilés et seuls deux étaient ouverts. Elle y jetait un coup d'oeil de temps en temps, tournait une page, prenait des notes sur une feuille volante à côté. D'une certaine façon, bien qu'elle soit plutôt organisée, sérieuse, et peu encline à aller s'amuser plutôt qu'étudier, la charge de devoirs la rattrapait toujours sournoisement et elle ne se trouvait jamais sans rien à faire. Cela lui changeait des longues périodes d'ennui, à ne rien faire, avant. Il l'avait fait étudier, mais n'avait pas jugé utile de l'éduquer sur plusieurs domaines, et ne lui avait fourni des manuels d'un intérêt assez limité. Elle avait préféré les essais religieux, plus complexes à comprendre, plus denses et finalement, intéressants à lire et relire. Les premiers mois de son arrivée, elle avait été effarée de tout ce qu'il lui fallait apprendre, ne serait-ce que pour se mettre au même niveau que ses camarades. Ses lacunes en culture générale, en histoire, en sciences étaient catastrophiques. Elle ignorait tout des mathématiques. Un tutorat spécial avait été mis en place, en parallèle de son suivi psychologique et désormais, ses connaissances laissaient moins à désirer.
La Sorcière leva les yeux en entendant la porte s'ouvrir sur Gustavo. Il n'y avait personne d'autre dans le petit salon en cette heure tardive, beaucoup s'étant déjà dirigés vers les dortoirs. Il y avait toujours les Vampires ou les amnésiques pour errer ça et là, mais globalement, ils devraient être tranquilles. Perséphone avait insisté sur l'horaire et le lieu. Elle ne voulait pas que ces rencontres remontent aux oreilles de Faust, ou que des rumeurs remontent à leur sujet. Elle posa sa plume et poussa sur le côté sa rédaction et attendit qu'il s'assit pour démarrer. Elle avait déjà réfléchi en amont aux conseils qu'elle lui donnerait. « La meilleure façon de l'approcher naturellement est de t'inscrire au club de jeux. Il y est inscrit. Je ne sais pas s'il va à chacune des séances, mais c'est là que tu auras le plus de chance de le croiser en dehors des cours. Je suppose que si vous jouez ensemble, il sera plus facile de s'en faire un ami. » Cela lui coûtait de révéler ça, mais il fallait bien donner de vrais conseils pour ne pas éveiller les suspicions du Déchu. Elle avait pu se renseigner un peu sur Gustavo depuis qu'il l'avait abordée. Il y avait eu peu à dire, sinon qu'il faisait de l'escrime. Il n'était pas celui qui faisait le plus parler de lui. Déçue, Perséphone avait décidé d'en découvrir davantage avec l'intéressé. « Tu m'as parlé du Conte l'autre jour. Peut-être pourrais-tu orienter la conversation là-dessus lorsque vous vous verrez. Parle-lui du personnage qui lui ressemble, demande-lui ce qu'il en pense. » En vérité, Faust serait sans doute mal à l'aise que le Conte soit abordé. Avec un peu de chance, il éviterait ensuite Gustavo pour ne plus en parler.
Perséphone attrapa un petit carnet. Ce n'était pas un journal intime, mais ça s'en rapprochait. Elle y inscrivait ses pensées, des choses à faire, des informations qui méritaient réflexion, et beaucoup, beaucoup, beaucoup d'éléments sur Faust. Des détails grapillés à son sujet, les aliments qu'il aimait ou non, quelle main il utilisait pour se recoiffer sommairement, ses matières préférées, sa couleur préférée, son emploi du temps, et autres détails aléatoires. Elle tourna rapidement les pages jusqu'à tomber sur une page vierge et leva les yeux sur Gustavo. Sa ressemblance avec le Démon était vraiment un problème. Elle cilla et se concentra. « Alors ? Comment séduire un garçon ? »
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Merci Jil :
Taj ~ Humain ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 77 ◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2023
Je m’aventurai dans le couloir désert. Il faisait sombre et l’éclairage était faible. Il ne m’arrivait pas souvent de me promener à des heures tardives au sein de l’école. Je découvrais pourtant que la pratique était plus sympathique que je ne l’avais soupçonné. J’étais habitué à l’effervescence ininterrompue d’Avalon. En général, ce qui me paraissait calme était synonyme pour moi de nul et dépassé.
J’entrai dans le salon après avoir frappé trois fois à la porte, puis m’être glissé entre des deux battants. Perséphone était déjà là. Je murmurai un bonsoir chaleureux. Je n’en reçus aucun en échange, alors je m’installai à la table, face à elle. Je posai les yeux sur le carnet qu’elle exposa face à elle. Pour ma part, je n’avais rien pris. Toutes les informations qu’elle me donnerait seraient gravées dans ma tête. Je n’avais pas besoin d’un support papier. Je notai donc mentalement le premier conseil : se rendre au club de jeux.
-Hm.
J’inscrivis également quelques pensées pour le conte. Le sujet était déjà tombé lors de notre première rencontre, en quelque sorte. Néanmoins je pensais que ce qui avait le plus perturbé Faust à ce moment-là était de se retrouver face à un double, et non l’objet-même du conte. Après tout, je l’avais surpris de bon matin au petit déjeuner, et puis le personnage de Gustave était tellement classe qu’il n’aurait pas pu provoquer de réaction aussi virulente. Demander son avis général sur l’intrigue au Démon pourrait me fournir de précieuses informations sur sa personne.
-Merci. J’appliquerai tes conseils.
Je m’inclinai vers l’arrière et m’appuyai contre mon dossier. Je portai une main à mon menton tout en dévisageant la Sorcière. Au bout d’un moment, je me levai et passai de son côté.
-Lève-toi.
Quand elle s’exécuta, je fis quelques pas en arrière. Mes mains se glissèrent dans mes poches tandis que je prenais le temps de l’observer des pieds à la tête. C’était une véritable planche à pain.
-Est-ce que tu sais seulement ce que veulent les hommes ? C’était une question rhétorique à laquelle je n’attendais pas de réponse : elle n’en savait rien, ça se voyait. Les hommes veulent des femmes séduisantes. Des femmes belles et qui le savent, des femmes qui savent montrer le meilleur de leurs atouts. Mais pas trop. Tu es d’accord ?
Bien sûr qu’elle était d’accord. Ce que je venais de lui exposer, c’était ce qu’on appelait “la moindre des choses”.
-Pourquoi te tiens-tu toujours comme ça ?
Je réduisis la distance nous séparant. Ma main passa sous son menton, que je relevai.
-Redresse-toi. Tiens-toi droite, les épaules en arrière et regarde devant toi. On dirait une femme battue.
J’avais pas mal de mal à croire que j’étais en train de corriger une fille sur sa posture. Normalement, ça n’était pas mon boulot mais celui de sa mère. Ma main encore sur son visage, je fronçai les sourcils en faisant couler mes doigts sur la ligne de sa mâchoire. Perséphone était encore pire que ce que j’avais cru jusqu’ici.
-Est-ce que tu prends soin de toi, des fois ?
Sa peau était abîmée et elle n’était pas maquillée. Je me demandais comment elle faisait pour se montrer en public dans cet état. Elle n’avait vraiment honte de rien.
542 mots
Persée ~ Génie ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 177 ◈ YinYanisé(e) le : 04/11/2022
Intriguée, Perséphone obtempéra. Gustavo faisait la même taille que Faust et elle fut heureuse qu'il soit trop occupé à détailler son corps pour remarquer son trouble. C'était Faust sans être lui et elle n'arrivait pas à mettre de mots sur son ressenti sinon que quelque chose clochait vraiment. Les lèvres closes, elle écouta la réponse à sa propre question. Séduisante ? Elle savait qu'elle ne l'était pas. Elle ne cherchait pas à l'être, elle ne savait même pas comment faire. « Je ne sais pas si je suis belle. » songea-t-elle à voix haute. Souvent, elle entendait autour d'elle des garçons et des filles se plaindre d'être trop ceci ou pas assez cela. Les sujets d'apparence occupaient beaucoup leurs pensées, beaucoup plus que Perséphone qui ne pensait qu'à Faust. Elle se contentait d'être propre et de peigner ses cheveux. La magie permettait de modifier l'apparence, alors la beauté n'était peut-être pas véritablement le sujet. Peut-être que Gustavo entendait autre chose par là ? Quelque chose d'intangible, qui existait, ou qui n'existait pas selon la personne. Elle le regarda attentivement, comme lui l'avait fait plus tôt avec elle. Était-il beau, lui ? Il bénéficiait des traits de Faust, alors oui, et pourtant, elle trouvait à Faust un quelque chose en plus indéfinissable. Le Démon avait une aura, il était différent, et Gustavo avait beau tâcher de lui ressembler, il n'arriverait jamais à son niveau aux yeux de Perséphone.
« ... » Elle ne put réprimer un léger mouvement de recul alors qu'il lui prenait le menton. « Comment ? » Un par un, elle suivit ses conseils et elle se redressa. Elle lui jeta un regard interrogateur. « Comme ça ? » Est-ce que ça allait vraiment changer quelque chose ? Un peu dubitative, elle se dit que ça ne coûtait de toute façon rien d'essayer. « Soin de moi ? » répéta-t-elle en bégayant. De quoi parlait-il ? Les yeux ronds, elle eut l'impression qu'il parlait soudain une autre langue. « Je ne sais pas... » Il n'était de toute façon pas nécessaire de répondre, elle voyait bien sur son expression qu'elle n'était pas à la hauteur selon ses critères. Inquiète, elle se mordit l'intérieur de la joue. À quel point exactement était-elle en retard sur ses camarades féminines ? Elle se passa une main sur sa joue, puis sur ses lèvres sèches. « Je... » Un immense froid s'érigeait comme une prison autour de sa poitrine et se resserrait sur chaque inspiration. « Je ne sais pas comment faire. » murmura-t-elle. Fallait-il demander aux filles de son dortoir ? Est-ce que Gustavo savait ce qu'il fallait faire ? « Et si je me maquillais, ce serait mieux ? » Peut-être avec du rouge sur les lèvres et sur les joues serait-elle plus séduisante aux yeux de Faust ? Ses mains descendirent sur ses clavicules couvertes par sa chemise au col montant. « Et des bijoux ? » Elle se sentait idiote. Elle se fichait bien de ne pas plaire à Gustavo, mais et si Faust commençait aussi à penser comme lui ? À penser qu'il était trop bien pour elle, qu'il perdait son temps avec elle, qu'elle avait trop de lacunes ? La tension sur ses mâchoires s'intensifia. Elle ne se sentait pas bien, et en même temps, elle voulait tout de suite mettre en place ce qu'il fallait pour éviter d'en arriver là. « Je vais essayer de me renseigner pour devenir plus jolie. Selon toi, quelle fille est considérée comme belle ? Que je sache sur quoi me baser. Un peu comme toi, tu fais avec Faust. »
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Merci Jil :
Taj ~ Humain ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 77 ◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2023
L’incrédulité de cette fille avait tendance à me déconcerter. Elle n’avait pas l’air de comprendre le sens de ce que je lui disais, se contentant de s’exécuter comme si elle n’était qu’une poupée. Ce n’était peut-être pas plus mal. Généralement, je ne demandais pas davantage de la part d’une fille, hormis un sourire.
-Comme ça c’est mieux. Déclarai-je.
Elle avait une meilleure posture, mais son attitude était toujours aussi pitoyable que celle d’un chiot retrouvé dans un carton sous une pluie torrentielle. Un chiot avec beaucoup de questions qui n’auraient pas eu lieu d’être si sa cervelle avait été un peu plus conséquente que celle d’un moineau.
-Il y a des personnes qui sont belles naturellement et les autres, qui doivent fournir des efforts si elles veulent le devenir.
Contrairement à elle, je faisais partie de la première catégorie. Il y avait également une dernière caste : celle des cas désespérés, qui auraient beau se pouponner tant qu’ils voudraient qu’ils seraient toujours hideux. Beaucoup de Sorciers entraient allègrement dans cette case. Mais je n’étais pas suffisamment mesquin pour la lui citer. Pourtant, j’avais toutes les raisons du monde de le faire alors que je découvrais avec ahurissement qu’elle ignorait que signifiait prendre soin de soi.
-Oui, tu pourrais te maquiller et porter des bijoux.
J’espérais qu’elle se sentait idiote, parce qu’elle l’était plus que jamais. Soudain, je tiquai. Moi-même, je me redressais alors que je pensais déjà me tenir droit et je sentis plusieurs muscles se gainer sous la provocation.
-Que… Je… !
Comment cette peste osait-elle m’insulter alors que je l’aidais ? Moi, une pâle copie de Faust ? N’importe quoi !
-Je ne copie pas Faust ! Certes, je souhaitais devenir comme lui à bien des égards, mais ça n’avait rien à voir. Je suis né ainsi. Nos apparences communes ne sont qu’une pure coïncidence.
Je croisai les bras. Elle m’avait contrarié mais je ne devais pas le lui montrer, ou elle en profiterait à l’avenir. Ce n’était pas envisageable. Je n’allais pas me laisser ridiculiser par une gonzesse. Reprenant une inspiration ainsi que mon calme – du moins, j’essayais, je poursuivis.
-Lana est belle par exemple. Moon aussi. Il y en a plein d’autres.
J’essayais de passer en revue d’autres filles mais n’en trouvais pas illustrant parfaitement ce que je souhaitais expliquer : que Perséphone était très loin du compte.
-Le souci avec toi c’est que tu es terne.
Je portai sur elle mon regard le plus hautain. Et bim. Dans les dents. Je lui montrai les miennes dans un sourire.
-Sur ce, bonne soirée.
Plutôt content de ma répartie, je tournai les talons. Il était temps pour moi de quitter cette pièce. De toute manière, je lui avais déjà donné trop de conseils par rapport aux informations qu’elle m’avait fournies de son côté.
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