Le peuple qui est le mien

Musique

Shashake n’aimait pas la position en tailleur. Elle lui faisait mal aux jambes. Néanmoins, il l’endurait. Il le fallait. Il prit le calumet des mains de la vieille femme et tira dessus. La fumée et les produits qu’il contenait emplirent ses poumons. Ils étaient nécessaires pour la transe. La magie pulsa dans l’air, en provenance de l’ancienne. La tente était remplie de volutes qui ne cessaient de danser. Bientôt, elles furent déformées par la vision trouble de l’adolescent. Shashaka allait passer le même entretien, après lui. Ni l’un ni l’autre ne savait exactement ce que l’on attendait d’eux. Ils avaient été mis au courant de la procédure mais, à présent, son esprit était tellement embrouillé qu’il n’était plus certain de savoir quoi que ce fût. « Te souviens-tu de tes parents, jeune Barnœska ? » demanda-t-elle. Les Esprits parlaient. Elle savait. Néanmoins, aucun ne se risquerait à avouer devant les enfants. Shashaka ne posait jamais de questions. Shashake, en revanche, avait les interrogations faciles. Monïhr, pourtant, ne répondait jamais. La sécurité des adolescents dépendait entièrement des secrets qui les entouraient. La discrétion était donc de mise. Que les Chamans sussent, que les Rehlas sussent ou que les Orishas sussent ne posait aucun problème. Certains peuples étaient des sachants et les mystères ne leur échappaient pas. D’autres, en revanche, ne devaient pas savoir. La chose s’était déjà vue par le passé. Il n’y avait pas besoin d’impliquer les élus du Destin pour trouver des histoires similaires. Parfois, un Roi avait des enfants avec l’une de ses maîtresses. Les bâtards étaient ensuite cachés. De temps en temps, il s’agissait de la préservation d’une lignée. Les derniers représentants étaient retirés de leur ville natale afin de ne pas disparaître avec le reste de leur famille. L’objectif était qu’ils pussent se reproduire et se venger de ceux ayant fait disparaître les leur. Il y avait bien des cas où parents et enfants étaient séparés, bien des cas où les parents n’acceptaient pas leurs enfants. Les mystères, ensuite, étaient levés ou non. « Non. » répondit Shashake, dans un souffle. Il se sentait partir de plus en plus, dans les bras de la drogue et dans les bras des Ætheri. Si les deux enfants n’avaient pas vécu sur Awaku No Hi, ils restaient néanmoins proches des Dieux et des croyances et cultes des Chamans. Ils ne pouvaient simplement pas en parler. Shashaka ne voyait pas les Esprits. Shashake si.

« Quels paysages se dessinent devant tes yeux ? » demanda l’ancienne, lorsqu’elle vit le regard de Shashake se brouiller. « Je vois… le désert… » murmura-t-il. Il n’était pas sûr. Il l’avait étudié dans ses livres mais l’étude ne pouvait jamais remplacer la vision et les sensations d’une expérience. Il sentait la chaleur. Il s’imaginait, au milieu de l’étendue, sans s’apercevoir que la silhouette qu’il voyait était celle d’un adulte ; probablement lui dans quelques années. « Il y a beaucoup de sable et il fait chaud… Le soleil semble être mon ennemi. » dit-il, après que la personne imaginaire eût regardé vers le zénith. L’image se troubla et il vit, durant un instant, une autre silhouette, celle d’un enfant de son âge. Il remarqua ses cheveux et ses yeux clairs mais l’image se flouta.

Quelques minutes plus tard, il ouvrit les yeux. La vieille femme se trouvait toujours en face de lui. Rien sur son visage ne lui indiqua son échec ou sa réussite à l’épreuve inconnue. « Shashake, il te faudra prier les Ætheri plus souvent. » décréta-t-elle. C’est vrai qu’il avait tendance à oublier. Les voyages qu’il effectuait avaient la fâcheuse manie de lui faire occulter le reste. Il désirait découvrir le monde et il y avait tant à voir que, souvent, il se perdait. « Nous allons prier Phoebe. » ajouta-t-elle. « Prier Phoebe afin qu’elle reconnaisse tous ses enfants. » L’adolescent ne comprenait pas vraiment où elle voulait en venir mais il ne chercha pas à aller à l’encontre de ses paroles. Peut-être ne priait-il pas assez parce qu’il n’avait pas encore assez vécu ? Peut-être n’avait-il rien à demander de particulier ? Lorsqu’il s’adressait aux Ætheri, c’était surtout pour les remercier. Il aurait aimé entreprendre les rituels d’Awaku No Hi mais il était trop seul. Les rares Chamans qu’ils croisaient, Shashaka, Monïhr et lui, ne suffisaient pas pour un culte constant.

Lorsqu’ils eurent fini leur prière, quelque part dans le désert, un objet cylindrique apparut à l’intérieur d’une école, sur le bureau d’une des élèves, l’air de rien, comme s’il avait toujours été là. Non fonctionnel dans l’enceinte de Qaixopia, il révélerait ses effets un jour prochain, car Phoebe reconnaissait toujours ses enfants.

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Le cylindre de la reconnaissance : Il s'agit d'un objet de forme cylindrique, en or. Il est très bien ouvragé et composé de différentes touches comportant des lettres en Alikir. Elles peuvent bouger entre elles, être déplacées, mais hormis pour apaiser, l'objet semble inutile en l'absence de magie. Ce n'est pas tout à fait exact puisque, en trouvant une combinaison bien précise, ce dernier s'ouvre et laisse apparaître un espace de rangement, capable de conserver des secrets comme un rouleau de parchemins ou de petits objets. En présence de magie, cependant, l'objet s'active. Lorsqu'il est dans la main de son utilisateur les touches se mettent à disparaître et à se mouvoir afin que les lettres révèlent la race d'appartenance de ce dernier. Pointé en direction d'un individu, il produit exactement le même phénomène. C'est un révélateur racial.