-20%
Le deal à ne pas rater :
Ecran PC GIGABYTE 28″ LED M28U 4K ( IPS, 1 ms, 144 Hz, FreeSync ...
399 € 499 €
Voir le deal

Partagez
 

 [Quête] - Rentrer à la maison

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Ljund & Ni'Obë
~ Chaman ~ Niveau I ~

~ Chaman ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 42
◈ YinYanisé(e) le : 22/07/2023
Ljund & Ni'Obë
Ven 01 Sep 2023, 21:18


RP précédent : Nous serons la tempête

Je restai longtemps au même endroit. J’étais ce rocher qui séparait momentanément un fleuve en deux, avant que ses deux bras ne se rejoignent juste après moi. C’était mille fois plus animé qu’un port un jour de cargaison. Chaque passant était une molécule d’eau entrainée par le mouvement général, une poussière infime dans un amas grouillant et organisé. J’ignorai combien de temps je passai là, mais je ne me fis pas l’affront de compter. C’était étrange comme cette notion m’importait peu maintenant que j’avais perdu toutes mes facultés physiques. J’étais à présent privée du toucher, de l’odorat, du goût, alors le temps pouvait me dépasser que je n’en avais pas grand-chose à faire. Ce n’était pas comme si mes heures étaient encore comptées.

Mes larmes avaient fini par se tarir. Jonchée au milieu du flux continu d’Esprits, aucun d’entre eux ne posait trop son attention sur moi. Tant mieux. Je me sentais capable d’envoyer chier le premier abruti qui aurait l’idée de me consoler. Je n’avais pas besoin de leur pitié. Je les détestais tous. Je refusais de me joindre à eux, d’être comme eux. C’était trop tôt.

Quand je me relevai enfin, je sentis en moi gronder une colère que je ne me connaissais pas. J’étais probablement devenue folle durant le processus de ma mort, mais j’avais un objectif rationnel en tête : retrouver mon frère. Je m’interdisais de le laisser seul. Je ne savais même pas s’il était encore vivant, mais je devais dans tous les cas m’en assurer. Il n’était pas question que je répète les erreurs de papa et maman. Je glissai vers le torrent de morts et en interceptai un au hasard.

- Excusez-moi. On est où ?

- Eh bien… Dans le Royaume des Abîmes, de ce que j’ai cru comprendre…

- Laissez tomber…

Je savais quel était ce lieu ; ce qui m’intéressait était son emplacement sur la carte. Ma tentative pour le savoir était vaine. Je savais que peu avaient connaissance de cette information, mais peut-être avais-je une chance de trouver une personne familière à ce lieu labyrinthique. Je réitérai ma question auprès d’un autre patient, mais obtins une réponse similaire. Je remontai la file. En réalité, ce n’en était pas une. Les Esprits allaient dans tous les sens. Plusieurs cours d’eau s’entre-croisaient et se chevauchaient. Mais j’étais à contre-courant de chacun d’entre eux.

- Excusez-moi.

Plus j’avançais et moins je comprenais où j’allais. Ce port était immense. De temps à autres, d’immenses hangars se dressaient sur les quais pour accueillir des bateaux que je ne voyais pas.

- Excusez-moi !

Si on ne m’ignorait pas, on n’était pas capable de me répondre. La plupart venaient de mourir et ne savaient pas plus que moi, pour ne pas dire moins, ce qu’ils faisaient ici.

- Est-ce qu’il y a des Chamans sur ce putain de quai ?

Je perdais patience. Je ne pleurais plus, mais j’étais paniquée. Mon cri se perdit dans le brouhaha général.

- L’Au-Delà, c’est par ici ! entendis-je plus loin.

Je me retournai et regardai autour de moi. Je brisai la foule pour me diriger vers la voix.

- C’est où l’Au-Delà ?

- Par là, j’ai dit !

Je repérai le type qui pointait une direction du doigt. Lui aussi m’avait vue. Je le rattrapai.

- Si tu sais où se situe l’Au-Delà, tu sais où est l'Île Maudite. articulai-je.

J’eus le droit à un échange de regards froids. Nous faisions la même taille. Ses pupilles de glace transperçaient directement les miennes, noires.

- Nul ne sait où nous nous trouvons sur la carte. Ce royaume n’y a pas sa place.

Je le savais, et il savait que je savais. Je perdais patience.

- Tu sembles être ici depuis quelques temps. Tu n’as pas parcouru le monde ?

- Seulement mon continent, le Continent Naturel. Je ne sais pas où est l'Île Maudite. Je n’y ai jamais mis les pieds. J’avais envie de hurler. Ta meilleure chance pour y parvenir est d’aller tout droit. Quitte cet endroit et tu finiras par trouver une terre. Enfin, tu pourras te repérer.

C’était effectivement une méthode. Longue, trop longue, mais une méthode. Je ne l’aimais pas. Un simple mouvement de menton en guise de remerciement, j’entrai aussitôt dans l’application. Je m’éloignai de cette foule incessante.

Quitter cette terre me parut long. Les quais que j’avais vus plus tôt avaient cachés d’autres pontons, créant un gigantesque entrelacement de bois et d’eau salée. Lorsque je me retrouvai nez à nez avec l’océan, je pris par réflexe une inspiration profonde. De mon vivant, j’avais eu l’habitude d’emplir mes poumons de l’air iodé et de laisser les embruns saupoudrer mon visage. Cela avait eu tendance à me réveiller et me motiver. Je ne ressentais plus tout ça. Seule une certaine frustration parvînt jusqu’à mes sens. L’étendue bleue, toutefois, n’échappa pas à ma contemplation. Je manquai de pleurer à nouveau mais me retins. Je venais de le faire sans la moindre dignité et il n’était pas question d’offrir ce nouvel affront aux eaux qui avaient rythmé toute ma vie. A la manière du vaisseau qui m’avait vu grandir, je lâchai les voiles et les survolai à toute vitesse.



- Ljund !

Un peu plus tôt, j’avais éclaté de rire en apercevant notre campement. Je m’y étais précipitée avec une joie non dissimulée. J’avais repéré notre bateau à quai, en parfait état. Je parcourais à présent la plage et me dirigeai vers le pont.

- Ni’Obë ?

J’arrêtai ma course folle lorsque je reconnus la voix.

- Alfsol !

Je me jetai sur elle pour l’étreindre. Elle fut surprise par mon geste. C’était compréhensible : c’était la première fois que je marquais une telle affection à son égard. Ce devait même être la première depuis longtemps. La doyenne était une femme dure et chauvine à laquelle on n’octroyait jamais la tendresse. Pour autant, elle ne me repoussa pas.

- Ljund est ici ? Est-ce qu’il va bien ?

- Il est dans la cale à vider la marchandise.

Je ne souhaitai pas le faire attendre davantage et m’y engageai prestement. Dès que je le vis, je l’appelai encore. La caisse que portait Ljund lui échappa des mains et vint écraser ses pieds avant de libérer tout son contenu au sol. Il n’y prêta pas attention et fit volte-face vers cette voix revenue d’outre-tombe. J’attendis qu’il se retourne pour lui sauter dessus. Mon intangibilité brisa aussitôt mon élan : mes bras traversèrent sa nuque sans en sentir la chaleur. J’étais épuisée. J’eus encore envie de fondre en larmes. Après tout ce temps, je n’étais même pas capable de le prendre dans mes bras. J’avais parcouru les mers de ce monde de jour comme de nuit et cela m’avait pris si longtemps qu’ils avaient eu le temps de rentrer à bon port. C’était l’unique chose dont j’étais certaine avant mon décès : nous avions entrepris une expédition plus grande que les autres et nous avions négocié avec des étrangers. C’était évident. Autrement, on ne m’aurait pas jetée dans une vulgaire fosse.

- Les Ætheri soient loués, tu es vivant. Tu vas bien ? Vous venez de rentrer ?

Comme sonné, l’adolescent resta coi comme une carpe. Ses yeux lui sortaient de la tête, fichés sur moi, à travers moi. J’étais accrochée à ses yeux autant qu’à ses lèvres. Je voulais entendre sa voix.

- N… Nini ? croassa-t-il enfin quand il eut retrouvé l’usage de sa langue. Je… Tu es différente.

Je ne sus pas comment prendre cette remarque. Il sembla réaliser la bêtise de celle-ci par lui-même. Un esprit différait forcément de son enveloppe mortelle. La mort ne laissait pas indemne. Mais mon apparence n’était pas ce qui lui nouait la gorge à mesure qu’il prenait conscience de nos retrouvailles.

- J’ai cru que, tu sais, comme papa et maman ne sont jamais revenus nous voir en tant qu’Esprits, j’ai cru que, peut-être, toi aussi, tu ferais comme eux et tu disparaîtrais.

Ses yeux se brouillèrent de larmes et il serra les poings, le visage transfiguré alors qu’il luttait pour les ravaler et rester fort. Ma mâchoire se contracta. Si j’avais pu, je l’aurais sûrement gifflé.

- Espèce d’idiot ! criai-je de colère et il sursauta. Cette nouvelle rage qui m’habitait n’était jamais loin. Je l’avais manifestée à plusieurs reprises durant mon périple, si bien qu’elle était presque devenue une amie. Comment as-tu pu penser ça ? Jamais je n’aurais fait comme eux. Jamais je ne te laisserais seul. On est ensemble, on reste ensemble.

Il accusait difficilement le choc. Il lui faudrait du temps. A moi aussi. Je voulus poser mes mains sur ses épaules mais à nouveau, j’échouai lamentablement. Mes réflexes de mortelle étaient des mauvaises habitudes dont il allait être douloureux de me séparer. Peut-être l’avais-je trop couvé, à base de gestes d’affections.

- Est-ce que tu sais qui m’a tuée ? Est-ce que tu as vu ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je ne me souviens de rien.

J’allais tuer ceux qui avaient fait ça, mais pour cela, les informations de mon frère et de tout l’équipage étaient précieuses. Plus que jamais, j’avais besoin d’eux. Nous devions les retrouver et me venger. Nous devions récupérer mon cadavre et honorer ma mort comme il se devait. Ce n’était pas un caprice de ma part ; c’était nécessaire. Ljund se passa un bras sur le visage pour essuyer ses larmes, troublant du même coup les pigments peints sur sa figure.

- Non, j’sais pas. Personne sait. On a passé des semaines et des semaines à chercher ton corps, mais on l’a jamais retrouvé et il a fallu rentrer. Je suis désolé. Vraiment. Pardonne-moi, Nini, je te jure que je continuerai de chercher dès que possible. Mais on ignore tout, j’ai même cru au début que, enfin c’est idiot je sais, mais j’ai cru que tu avais fugué. Que t’avais profité qu’on soit loin de l’Île Maudite pour te tailler loin de nous et de moi.

Il lui arrivait de penser que je ne supportais plus de m’occuper de lui, et que peut-être, le voir me rappelait trop l’absence de nos parents. Il me l’avait déjà dit et à chaque fois ses déclarations m’horripilaient. Je reculai. J’étais autant abasourdie que détruite. De tout l’équipage, j’étais celle qui en savait le plus sur ma propre mort. Je me mordis l’intérieur des joues. Dans ces circonstances, mes espoirs de vengeance étaient quasiment réduits à néant. À quel moment avais-je échoué en tant que fidèle pour mériter un sort pareil ? Pourquoi mes agresseurs ne devaient-ils pas être punis ? Pourquoi devais-je exister avec un tel fardeau sur la conscience ? J'étais prête à accepter beaucoup d'épreuves pour le plaisir des Ætheri, mais pas ça. Mon frère avait besoin de moi, d’une personne physique sur qui compter. Moi-même, j’avais eu besoin d’honorer les traditions de mon peuple et de valoriser mon corps autant qu’il aurait dû l’être. Tout ça m’avait été volé. Ainsi, je m'autorisai à les détester un peu, ces dieux pour lesquels j'avais consacré mon existence mais qui ne m'avaient rien donné en échange. Je m'autorisai à devenir un peu trop égoïste moi aussi.

1886 mots
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t40108-ljund-ni-obe-nous-s
 

[Quête] - Rentrer à la maison

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» Les dessous d'une maison close [Quête | Dante]
» [Event 2015 - Septembre] Rentrer, et tout recommencer [Callum]
» [Q] La Maison de poupée
» La Maison des Cauchemars | Vanille
» | La Maison Givrobois - Le Yin et le Yang |
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Mers :: Mers - Ouest :: Mer Maudite :: Le Royaume des Abîmes-