Partir encore
Jämiel & Bellone

Marika Takeuchi - Dreamer in the dark

Bellone cligna des yeux. Si elle avait été interpellée par le ton employé par son Aisuru, elle ne s'était pas attendue à une telle interrogation. Elle sentit son ventre se contracter désagréablement, sa gorge se nouer, ses lèvres frémir, comme si son corps tout entier se rebutait à déverser les secrets qu'elle avait laissé confiné en son sein. L'Orine songea à prétendre n'avoir rien à cacher, ne pas savoir à quoi faisait allusion le brun. C'aurait été un mensonge éhonté. Aussi, elle soupira puis repoussa délicatement la main de l'Alfar, de sorte à pouvoir s'installer en face de lui, à ancrer l'émeraude à l'ambre. « Oui... J'imagine que j'ai été un peu distante avec toi. » accorda-t-elle en esquissant un sourire mélancolique. « Je suis désolée de t'avoir créé du tracas. » ajouta-t-elle avant de se lever de la méridienne. Elle se dirigea vers la fenêtre, par laquelle elle observa l'extérieur de l'appartement. Elle avait conscience que sa fuite physique ne la mettait pas dans une bonne disposition pour s'atteler aux confidences, mais elle en ressentait le besoin, comme un mécanisme de défense étrange. Contre quoi, exactement, se sentait elle agressée ? Jämiel ? C'était idiot : ç'aurait été comme si son âme se défendait contre elle-même, à la manière d'une maladie auto-immune.

L'Orine garda le silence quelques instants, avant de rassembler le courage de reprendre la parole. « Je vais partir. » déclara-t-elle. Elle avait essayé de trouver une façon plus douce d'annoncer la nouvelle, mais n'en avait pas trouvé. « Je ne parle pas seulement d'ici... Je ne te rejoindrai pas à Böraur. » Bellone se mordilla les lèvres. Elle restait plantée devant la vitre, les bras croisés, à observer ce qu'il se passait en bas, plutôt que d'affronter la réactions de sa moitié. Elle avait trop peur d'y lire de la peine, ou peut-être pire : de la rancœur et de la déception. « Pas tout de suite, du moins. Cette purge m'a fait beaucoup réfléchir, tu sais. A ma position, et à nous deux. » Sa gorge se serra davantage et elle dû déglutir avant de continuer. « Je suis vulnérable. Et puisque je le suis, tu le deviens également, par ma faute. Si les choses restent ainsi... J'ai trop peur que mes cauchemars ne se réalisent... » Suzume frissonna. Il savait à quels cauchemars elle faisait allusion. Si elle ne lui avait pas tout raconter, elle lui en avait dit suffisamment pour qu'il comprenne ses tourments. « Alors je dois devenir plus forte, moi aussi. De la même manière que les Alfars sont exilés jusqu'à faire leur preuve, je ne reviendrai vers toi qu'une fois que je serai en mesure de ne plus être ton fardeau. » La Sœrei esquissa un sourire amer. « Tu as grandi et tu as évolué, pendant que je restais bloquée. Le monde a changé, mais moi, je suis restée coincée dans le passé. Il est temps que je me mette à avancer aussi. »

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Partir encore
Jämiel & Bellone

Marika Takeuchi - Drifting away

Pourquoi avoir gardé le silence ? C'était une bonne question, à laquelle la brune préférait ne pas réfléchir. Dès que la réponse effleurait la surface de ses pensées, la jeune femme la repoussait violemment, se confortant dans un déni sécuritaire. Elle préférait se voiler d'illusions plutôt que de constater la réalité effrayante. Pourtant, même si elle refusait de la voir, une part d'elle demeurait consciente des sévices qui la muraient dans son mutisme. Pourquoi ? Parce qu'on n'est plus les mêmes l'un pour l'autre, murmura une voix sournoise. Depuis son éveil, elle avait sentit un gouffre les séparer, malgré leur Lien. Malgré les efforts qu'ils fournissaient pour réapprendre à s'apprivoiser. Comme une rancœur tenace, qui ne leur appartenait vraiment ni à l'un ni à l'autre, mais qui s'insinuait perfidement entre eux. Qui les empêchait de se réconcilier et de retrouver leur proximité et leur complicité d'autrefois. Avant son rêve sans fin. Etait-elle la seule à percevoir cette ombre qui noircissait leur relation ? S'imaginait-elle des choses ? L'Orine se sentait détestable d'éprouver de telles afflictions envers son Aisuru. Elle avait l'impression que cet état était tout bonnement contre nature.  « Je ne savais pas comment te le dire. » répondit-elle tout simplement. Comment formuler quelque chose d'aussi douloureux sans lui infliger davantage de peine ? Pourtant, ne lui en avait-elle pas fait plus en se terrant dans les secrets et les non-dits ? « Je... » Suzume voulut répondre oui. Evidemment. Malgré son désir d'affirmer avec conviction à sa seconde interrogation, elle en fut incapable. Aurait-elle trouvé le courage d'aborder le sujet, s'il ne l'avait pas fait ? « J'espère que oui... » répondit-elle dans un chuchotement honteux.

Lorsque l'Alfar vint la trouver près de la fenêtre, Bellone lâcha un soupire de soulagement. Tout naturellement, elle plaqua ses mains sur celle de sa moitié, puis bascula sa tête en arrière pour la poser sur l'épaule de l'homme. Elle ferma les paupières, pour cacher ses yeux devenus humides. Elle aurait voulu figer le temps ainsi. Se confier lui allégeait le cœur et l'emplissait d'un sentiment de gratitude et de soulagement. Et, par la même, lui faisait prendre conscience du peu de temps qu'il lui restait à être auprès de son Aisuru. Même si elle avait fait son choix après une longue et houleuse réflexion, l'idée de cette séparation n'en demeurait pas moins effrayante.

« Oui, je retourne là-bas. » dit-elle. « Tu te souviens de mon projet ? » demanda-t-elle. Elle savait que oui. Elle lui en avait longuement parlé, et il l'avait plusieurs fois aidé pour ses recherches à ce sujet. Ses futurs tatouages et la manière de les invoquer était devenu une véritable obsession. « Les autres Orines du Nhóm m'ont aidé à prendre contact avec une artiste qui use de ce genre de talents. Je la rencontrerai là-bas et si je parviens à faire mes preuves, elle acceptera peut-être de me prendre comme disciple. » Un sourire s'étira sur ses lèvres à cette idée. Après tant d'efforts à remuer ciel et terre pour concrétiser son rêve, cette esquisse de solution lui paraissait miraculeuse. « Il n'y a rien de certain mais... C'est un début. »

La Rêveuse marqua une légère pause, hésitante. Finalement, elle abandonna toute résistance. Maintenant qu'elle avait commencé à s'ouvrir, elle avait le sentiment qu'il aurait été cruel de continuer à garder des cachoteries, et de couvrir des mensonges. Pressant ses lèvres l'une contre l'autre, elle se retourna pour faire face à sa moitié. « Je vais aussi aller à Utopia. » lâcha-t-elle de but en blanc. « Il y a quelqu'un, là-bas, que j'aimerais rencontrer. » expliqua-t-elle vaguement.

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