Juste avant d’entrer dans l’isoloir, Kiara se demanda si elle devait ôter de ses cheveux la fleur que Zeryel lui avait offerte. Sous l’Océan, elle l’aurait gardée, pour montrer à l’homme qu’elle rencontrerait qu’elle était déjà désirée et que, s’il souhaitait briller à ses yeux, il devrait redoubler d’efforts pour la séduire. Les choses fonctionnaient de cette façon-là : la hiérarchie entre les hommes et les femmes était clairement établie. Le sexe des uns les confinait à un rôle d’inférieur, de subordonné, de quémandeur, quand les autres jouissaient d’un pouvoir qui n’avait d’autre fondement que leur appartenance à une caste, dans laquelle elles se trouvaient simplement parce qu’elles avaient eu la chance de naître femelles et d’être élevées femmes. Sur Terre, les choses fonctionnaient différemment. Au sein de certains peuples, l’homme était la figure dominante. Dans d’autres, l’égalité régnait en maîtresse. Sa condition de Rehla découverte, l’adolescente peinait parfois à savoir comment elle devait agir. Il y avait même des moments où elle doutait : n’avait-elle pas rêvé toutes ces révélations, toutes ces excursions à Lua Eyael ? Ou n’avait-elle jamais été une Ondine et s’était-elle simplement éveillée d’un songe bien trop long et réaliste ? Elle prit une grande inspiration, observant ses doigts s’emmêler et se démêler dans une danse nerveuse. Elle s’était pourtant toujours sentie Sirène. Peut-être un peu en décalage par instant, mais jamais trop. Elle avait toujours cru que c’était dû à l’éducation particulière de ses parents qui, parce qu’ils étaient diplomates, dérogeaient quelques fois aux mœurs ondines. Elle s’était trompée.
Finalement, la Hautvent décida de conserver la fleur. Elle pourrait toujours prétendre qu’elle faisait partie de sa tenue. Elle écarta le rideau et entra. « Bonjour. » Un garçon l’attendait, les yeux bandés. Il lui fallut quelques secondes pour le reconnaître – le prénom fusa immédiatement. « Ikar, c’est ça ? » La blanche tira sa chaise et s’assit. Elle l’avait reconnu parce que Susannah le connaissait et leur en avait déjà parlé. Bien qu’il fût un Ondin lui aussi, elle ne l’appréciait pas. « Kiara. » dit-elle. « Ce n’est pas trop bizarre, d’avoir ce bandeau sur les yeux ? » Elle songea brutalement que c’était un peu comme elle. Rehla mais encore incapable de voir. Rehla mais en difficulté quand il s’agissait de deviner la race de quelqu’un. Pourtant, elle avait fait des progrès en maîtrise magique. Avec les pouvoirs des Ondins, elle s’en sortait bien. Ceux des Enfants des Étoiles, cependant, continuaient à se dérober. « Tu as d- » Une douleur virulente scinda son crâne. Elle porta immédiatement ses mains à ses tempes, le visage crispé, les paupières fortement fermées. Ses oreilles sifflèrent et sa vision se troubla. Sa respiration s’accéléra tandis qu’une suée grimpait le long de son dos. La sensation disparut comme elle était arrivée ; avec brutalité. « Pardon, je… » Elle attrapa l’un des verres de jus de fruit posé entre eux et en but une longue gorgée. « Désolée. J’ai juste eu un peu mal à la tête. Ça m’arrive, parfois. »
Message I – 505 mots
Ikar Pendragon ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 127 ◈ YinYanisé(e) le : 04/09/2021
Mer 15 Mar 2023, 19:04
Quand alors ?
Ce n’était pas mon genre de participer à ce genre de trucs. J’avais même décidé de ne pas y aller. Pourtant, j’avais besoin de me changer les idées. Un copain m’avait fait lire un livre de conte en me précisant qu’il pourrait m’inspirer pour lancer des rumeurs. Depuis, l’activité même de colporter le moindre ragot ne me faisait plus du tout envie. Placide me paraissait trop réel. C’était réel, sans que je n’arrive à me l’expliquer.
Finalement, j’avais décidé de participer. Il n’y avait pas que mes pensées que j’avais besoin de clarifier. Je voulais aussi me prouver certaines choses, à commencer par mon attirance pour les filles. Je n’y avais jamais vraiment réfléchi. Je n’avais pas envie d’y réfléchir. C’était à cause de mon père. Pourtant, depuis la lecture, j’avais envie de lui, Ludoric. Quand j’étais dans mon lit, il me prenait l’idée étrange de m’imaginer embrasser un garçon et plus encore. Ça éveillait des choses. Ce n’était pas uniquement physique. Je fantasmais aussi sur des éléments plus basiques, comme l’idée d’avoir un rendez-vous amoureux avec un mec.
Pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression d’avoir besoin de parler à mon père. Je voulais lui demander si j’étais normal. Si ça se faisait… de fantasmer sur un personnage de conte ? D’avoir la sensation d’y avoir été, d’être un autre ?
Je ne dis rien lorsqu’on m’annonça que j’aurais les yeux bandés.
« Ce sont des rendez-vous mixtes ? demandai-je. — Oui et non. Pourquoi ? Tu ne veux pas rencontrer un autre garçon ? — Euh si… enfin, j’en sais rien. — Là ce sera une fille. Allez, c’est parti. Viens avec moi. Je vais te guider. »
Je m’assis sur la chaise. La voix qui parla ne me disait rien mais je n’étais pas très doué pour reconnaître les personnes comme ça. J’aurais probablement reconnu mes colocataires et Susannah…
« Kiara, d’accord. »
C’était déjà plus parlant. D’après mes informations, elle avait été au Fessetival et certains élèves de Basphel l’y avaient vue en compagnie de Lucius Paiberym et de Dastan Belegad.
« Un peu… Je ne trouve pas ça gênant mais ce n’est pas pratique pour… voir. »
Je ris devant l’évidence.
Quand elle arrêta sa phrase en plein milieu, je me demandai ce qu’elle avait. Elle l’expliqua.
« Tu es sujette aux migraines ? C’est chiant ça. »
Ou alors elle était déçue de me voir et tentait de finir le rendez-vous rapidement. Certaines filles me collaient comme si j’étais l’incarnation miniature de mon père. D’autres me fuyaient, comme si j’avais le pouvoir de leur arracher leur vertu d’un seul regard. Elle faisait peut-être partie de celles-ci, même si les rumeurs n’avaient cessé d’enfler sur elle et les deux garçons.
« Ça m’étonne de te voir là… Je pensais que tu sortais avec Lucius ou Dastan moi. Je ne sais plus qui m’a dit ça… c’est sans doute des bêtises du coup. Après… si tu as la migraine, on peut peut-être annuler ? Je ne veux pas te forcer. Avec mon père, j’ai l’habitude… Ou on peut parler d’autres choses… J’ai lu un conte y a pas longtemps et il est vraiment génial… Je n’ai même pas les mots. Il m’a chamboulé. »
534 mots
Dernière édition par Ikar Pendragon le Dim 30 Juil 2023, 19:10, édité 1 fois
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 262 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
« Oui, de temps en temps. » Elle inspira. « Quand ça n’arrive pas en cours, ça va. » Ses paupières s’abattirent sur ses yeux. Leur repos atténuait la douleur qui ceignait son crâne. Parfois, elle était obligée d’aller à l’infirmerie pour qu’on lui prodiguât des soins apaisants. S’ensuivait généralement une sieste d’au moins trente minutes. Il arrivait qu’elle durât plusieurs heures. Il n’était pas rare que Lana vînt la réveiller ou s’étendre près d’elle. Dans son sommeil, elle sentait le poids de son corps près du sien et, parfois, ses doigts qui s’égaraient dans ses cheveux. Elle y fit remonter les siens et massa doucement ses tempes à l’aide de ses paumes. Son esprit réfléchissait à une façon de poursuivre la conversation, mais Ikar s’en chargea pour elle. La Rehla releva la tête pour le regarder, avant d’ouvrir des yeux ronds. « Comment ? » De larges plaques carmines se dessinèrent sur ses joues et dans son cou, faisant presque pâlir la couleur naturellement chaude de sa peau. Sa respiration, accélérée, enfumaient ses poumons comme si elle cherchait à les asphyxier. Son sang pulsa si fort qu’elle entendit les battements de son cœur. « Non non, ça va… » Elle se félicita qu’il eût les yeux bandés. « On peut continuer, c’est juste… » Pourquoi disait-il cela ? Elle ne s’était pas cachée du fait de s’être mystérieusement retrouvée au Fessetival et en compagnie des deux garçons. Les questions des autres filles l’avaient un peu gênée, leurs regards parfois jaloux l’avaient agacée, mais elle n’avait jamais cherché à faire croire plus que ce qu’il s’était réellement passé. D’ailleurs, elle n’était pas entrée dans les détails, avec personne. Elle n’avait pas l’intention de le faire. Néanmoins, là où elle avait laissé de la place au doute, les rumeurs semblaient s’être multipliées. Adriæn les avait-il entendues ? Y croyait-il ? Son palpitant se comprima. Il valait peut-être mieux. S’il croyait qu’elle sortait avec le Magicien ou le Réprouvé, ils ne se passeraient rien entre eux. C’était mieux, par rapport à Lana… Mais si elle confirmait et que quelqu’un découvrait la supercherie, on la traiterait de menteuse et alors, peut-être qu’il se mettrait à la détester. Elle inspira. « Je ne sors avec aucun des deux. » Elle souffla, cherchant à maîtriser sa respiration. « Les gens ont raconté plein de choses sur le Fessetival. Je suis sûre qu’au moins la moitié d’entre elles sont fausses. » Elle s’interrompit, avant de se souvenir de ce livre dont il venait de parler. « Comment s’appelle-t-il, ce conte ? » La blanche le scruta, désireuse de ne pas ramener la conversation sur un terrain glissant pour elle. « Qu’est-ce qu’il avait de s- » Un membre de l’AAAP leur annonça la fin du rendez-vous. « Ah. Hum… » Kiara se leva. « Tu… Tu voudras bien me le prêter, s’il te plaît ? » Une fois la réponse entendue, elle le salua et s’en alla vers son prochain rendez-vous, les jambes encore fébriles des états qu’il venait de lui faire traverser. Il paraissait que son père excellait dans cet art-ci ; mais là, c’était franchement autre chose.
Message II – 523 mots
Ikar Pendragon ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 127 ◈ YinYanisé(e) le : 04/09/2021
Dim 30 Juil 2023, 19:10
Quand alors ?
J’entendis au son de sa voix que cette histoire de rumeur n’était peut-être pas si fantaisiste que ça. En tout cas, ça la troublait suffisamment pour que le doute soit permis. Peut-être s’était-elle laissé embrasser par l’un des deux ? J’aurais pu comprendre davantage en voyant l’état de son visage. Malheureusement, j’étais aveugle. Je plaçai néanmoins l’information dans un coin de ma tête. Il me faudrait enquêter.
« Comme tu veux. »
Elle me paraissait bizarre, pas très avide de faire ma connaissance. Les gens étaient vraiment trop tendus dans la vie. J’espérai qu’elle se chargerait de faire la conversation. Je n’avais pas envie de jouer les bonnes âmes pour qu’aucun silence ne s’installe entre nous.
Je soupirai doucement, en me disant que ce ne serait certainement pas avec elle que je vérifierais mon orientation sexuelle. Elle ne me plaisait pas vraiment pour l’instant. La voir aurait peut-être réhaussé mon jugement mais je n’en étais même pas sûr. Il y avait quelque chose en elle qui m’agaçait. Pourtant, elle ne faisait rien pour.
« Ouais, ça fait sens. Ils doivent tous les deux avoir une copine en plus je me dis… »
En y réfléchissant, c’était peu probable que l’un d’eux sorte avec elle. Elle était étudiante à Basphel et je ne voyais pas comment ils auraient pu se connaître autrement que pendant le Fessetival.
« Après, pas besoin de sortir avec quelqu’un pour faire des trucs avec. Ça dépend des mœurs. »
Mon père en était le parfait exemple. Je ne connaissais pas sa vie, et n’avais pas envie de la connaître sur ce plan-là, mais le fait qu’il soit un Luxurieux parlait pour lui.
« Bref ouais… En vrai je ne sais même plus le titre du conte. C’est… Lieugro ou un truc de Royaumes quelque chose. »
C’était un peu étrange que le titre ne me revienne pas facilement. J’avais tellement été captivé par l’histoire que la couverture ne m’avait pas marquée plus que ça.
« Peut-être Le Royaume de Lieugro ? Franchement, je ne sais plus. »
Quand le membre de l’AAAP vint nous interrompre, je me remis à songer à la suite des rendez-vous. Allais-je tomber sur un garçon ? Je n’espérais pas être attiré par eux. Ce serait… Je ne savais pas trop. Je n’y pensais pas vraiment mais il y avait plusieurs raisons qui faisaient que je ne le désirais pas. Être père à mon âge semblait lointain mais je pensais quand même vouloir des enfants plus tard.
« Oui ok je te le prêterai. Je demanderai à un livreur de te l’apporter dans ta chambre si on a pas l’occasion de se revoir vite. »
Certains étudiants avaient décidé de faire ce job. Ce n’était pas très officiel mais, en échange de quelques pièces, ils déposaient des paquets ou livraient des lettres à d’autres élèves de Basphel. La discrétion était assurée et j’aimais bien passer par eux.
481 mots
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[Speed-dating] Pas ce soir, j’ai une migraine | Ikar
Juste avant d’entrer dans l’isoloir, Kiara se demanda si elle devait ôter de ses cheveux la fleur que Zeryel lui avait offerte. Sous l’Océan, elle l’aurait gardée, pour montrer à l’homme qu’elle rencontrerait qu’elle était déjà désirée et que, s’il souhaitait briller à ses yeux, il devrait redoubler d’efforts pour la séduire. Les choses fonctionnaient de cette façon-là : la hiérarchie entre les hommes et les femmes était clairement établie. Le sexe des uns les confinait à un rôle d’inférieur, de subordonné, de quémandeur, quand les autres jouissaient d’un pouvoir qui n’avait d’autre fondement que leur appartenance à une caste, dans laquelle elles se trouvaient simplement parce qu’elles avaient eu la chance de naître femelles et d’être élevées femmes. Sur Terre, les choses fonctionnaient différemment. Au sein de certains peuples, l’homme était la figure dominante. Dans d’autres, l’égalité régnait en maîtresse. Sa condition de Rehla découverte, l’adolescente peinait parfois à savoir comment elle devait agir. Il y avait même des moments où elle doutait : n’avait-elle pas rêvé toutes ces révélations, toutes ces excursions à Lua Eyael ? Ou n’avait-elle jamais été une Ondine et s’était-elle simplement éveillée d’un songe bien trop long et réaliste ? Elle prit une grande inspiration, observant ses doigts s’emmêler et se démêler dans une danse nerveuse. Elle s’était pourtant toujours sentie Sirène. Peut-être un peu en décalage par instant, mais jamais trop. Elle avait toujours cru que c’était dû à l’éducation particulière de ses parents qui, parce qu’ils étaient diplomates, dérogeaient quelques fois aux mœurs ondines. Elle s’était trompée.
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