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No Fear - Luxray

Partenaire : Daé.
Intrigue/Objectif : Après sa victoire contre l’Ordre d’Hébé, la Marche Terne est dans une importante transition, avec un exode conséquent de civils et d’anciens membres de l’Ordre qui ont choisi de s’établir dans la célèbre cité. Cependant, si plusieurs sont venus pour un nouveau départ, certains ont pourtant pénétré les murs de la ville avec de vils desseins à l’esprit.

« Et merde! »

L’insulte s’arracha à ma bouche comme un feulement félin. Autour de moi, on sursauta, les quelques individus qui s’étaient éloignés pour monter la garde portant une œillade par-dessus leurs épaules afin de prendre connaissance de ce qui se passait. L’air grave, je me redressais lentement, le regard de mes collègues accroché à ma face comme de vils rapaces. Pourtant, cela ne m’intimidait point, parce que je savais qu’ils étaient tout aussi inquiets que je l’étais.

« Est-ce que tu as réussi à en retirer quoi que ce soit? Une odeur? Un morceau de tissus? » Demanda un Marcheur avec prudence, malgré la fureur de mon exclamation.

Ma langue claqua dans mon palais, une morsure irritée jouant avec la pulpe de ma lèvre inférieure.

« Peu importe la personne qui lui a fait ça, elle sait comment supprimer efficacement ses traces. Je pinçais l’arête de mon nez, secouant la tête de gauche à droite : je me sentais – et étais – complètement impuissant. Désolé… Il n’y a vraiment rien que je puisse faire pour lui. »

Fataliste, le vermillon de mes iris contempla le corps recroquevillé. Et dans un silence d’outre-tombe, les visages se détachèrent finalement de mes épaules, une dizaine de paire d’yeux se posant sur les ossements humains qui s’étalaient à nos pieds, mêlés à la neige du Voile Blanc.

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« Anesa! »

Dossiers en main, l’Oklilleirro Ravier suspendit aussitôt son geste à l’entente de son prénom. Si son buste pivota pour me faire volte-face, ses doigts restèrent pourtant accrochés à la poignée de la porte qu’elle s’apprêtait à refermer.

« Salut Miles. En quelques enjambées, aussi promptes qu’étonnamment bruyantes pour mon pas habituellement si silencieux, je rejoignis la hauteur de ma supérieure. Alors? Une seconde suffit pour que l’inflexion de sa voix s’altère sur-le-champ, le verdoyant de ses prunelles s’acérant. Comment ça s’est passé sur le terrain? »

Dès qu’elle s’aperçut de l’austérité qui tirait mes traits faciaux, son timbre s’était approprié un accent plus grave et posé. De fait, mon nez se trouvait froncé et mes sourcils, terriblement arqués, crispaient plus encore les balafres qui recouvraient l’intégralité de mon faciès.

« Je n’ai pas réussi à l’identifier », croassais-je.

La frustration vibrait dans chacune des fibres de mon corps.

« Le perpétrateur a été suffisamment intelligent pour couvrir ses traces en brûlant la victime jusqu’à l’os. Visiblement agacé, je passais mes phalanges sur ma frange, dévoilant brièvement la pierre de mon Troisième Œil. Il n’en reste absolument rien, à l’exception des ossements. Tout a été cramé : les vêtements, la peau, les muscles… À ce rapport, le visage d’Anesa s’obscurcit plus encore. On n’est pas contre un amateur.

- Il semblerait : il est même parvenu à échapper aux sens aiguisés de notre Molosse. Claquant définitivement le battant dans son dos, la Marcheuse se tourna entièrement dans ma direction. On revient à peine de nos vacances, et voilà qu’on se retrouve non seulement avec une affaire de disparition sous les bras, mais avec une affaire de meurtre préméditée en plus de ça? L’enchaînement des accidents était aussi particulier qu’inquiétant, je ne pouvais que m'accorder à l'inquiétude qui vibrait dans ses cordes vocales. Au moins, Pham a été retrouvé sain et sauf. »

J’acquiesçais posément. Anesa faisait référence à la disparition du jeune Pham Khoridai, le fils du forgeron Choban Khoridai, qui était survenue près d’une semaine plus tôt. Par chance, la Marche Terne était parvenue à retrouver rapidement l’adolescent de dix-huit printemps, un ou deux jours seulement après le signalement de son paternel.

« Maintenant, qu’est-ce qui va se passer? »

La voix de l’Oklilleirro suspendit ma réflexion.

« On m’a demandé d’aller consulter une caravane d’étude magique. Une certaine… Je m’interrompis, le nom m’échappant sur le moment. Est-ce que tu saurais où je pourrais trouver cette pièce? »

La Lyrienne de Métal se pencha sur le bout de papier que je lui tendais avant d’opiner d’un signe de tête, m’indiquant la direction à prendre pour m’y rendre.

« J’aimerais t’accompagner, mais comme tu le vois… D’une tape, elle plaqua la paume de sa main sur ses dossiers. Puis, je dois m'occuper de Makuuchi. »

Visiblement, l'Eversha Yack semblait drainer petit à petit son énergie.

« Pas de soucis! Je te tiendrai au courant pour l’enquête.

- Compris. »

Nous nous séparâmes, mes prochaines foulées me guidant jusqu’à la salle souhaitée. Dans un tambourinement énergique, je posais quelques coups sur le battant de la porte afin d'annoncer ma présence. Cela étant dit, avant même d’avoir reçu un quelconque agrément, j'ouvris l'entrée.

« Allô? Y’a quelqu’un? En passant ma tête dans l’encadrement, je notais rapidement la silhouette d’un individu qui se tenait à l’une des tables de la salle. Ah, génial! »

La satisfaction se décelait sur l’intégralité de mon faciès. Par instinct, mon flair voulu capter et mémoriser son odeur, tandis que je me rapprochais de sa position.

« Je suis bien dans le laboratoire de la caravane d’étude de la Magie? La caravane… euh…. Je faisais travailler mes méninges pour retrouver le nom de la fameuse troupe, mais ma mémoire me faisait vraiment défaut. Je ne me souviens plus du nom, mais est-ce que je suis au bon endroit? »


◆ 873 mots | Post I

Notes : Simple rappel, mais Miles a le corps entièrement recouvert de cicatrices, dont une multitude qui lui recouvre la figure. Par conséquent, la première fois qu’on le voit, ça surprend assez, parce qu’on a l’impression que sa face est passée sur une râpe à fromage /sbaf/

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« Mais c'est pas possible ! Ce que j'essaie de vous dire, c'est que je suis venu pour vous aider ! Pour vous aider ! C'est quand même pas compliqué de comprendre ça, je sais que vous avez les choses importantes à faire, mais je vous dis que j'ai quelque chose d'extrêmement urgent et important qui va peut-être pouvoir révolutionner votre discipline, vous comprenez ça ?» Le Rehla soupira un grand coup avant de s'asseoir à la table en se prenant la tête entre les mains. Le magicologue était plongé dans un livre avec à la main, un crayon et dans l'autre un carnet dans lequel il annotait frénétiquement des choses qu'il entourait dans le livre en question semblait n'avoir strictement rien à faire de la colère de Daé. Bien noter, avec joie, avec dans son corps et dans sa respiration la frénésie de celles qui sont en train de comprendre des choses. Daé était venu ici en espérant pouvoir lui parler de ce qui se passait sur son île, dans l'archipel de Maggie. La magie qui disparaissait, ou plutôt qui n'était jamais apparu, sa quête pour la retrouver ou du moins pour comprendre d'où elle venait. Il avait dans son sac les manuscrits principaux qui étaient enseignées au peuple sorcier afin de comprendre l'origine de la magie, plutôt que de la comprendre afin d'avoir des hypothèses dessus, mais rare de te les gens aujourd'hui qui se concentrer là-dessus. La majeure partie des personnes estimait que cela ne servait à rien, tant qu'on savait l'utiliser, son origine ne nous était pas intéressante. Quelle bêtise !

Daé ne savait pas vraiment si c'était une question de rang ou d'autres choses, il n'avait pas encore bien compris l'importance accordée la marche terne aux rangs. Mais en tous les cas, il semblait être sûr qu'il allait devoir se débrouiller seul pour cette histoire de magie. Étant donné que le magiclub ne semblait pas spécialement vouloir le faire partir, mais qui semblait juste vouloir ne pas lui prêter attention, il décida de se poser à la table de rouvrir ses cahiers et de vérifier les notes qu'il avait commencé à prendre dans la bibliothèque d'Amestris. Ça n'allait pas être très haut dans point c'était des choses assez basique. Il ne savait pas si Typhoon aurait mieux, mais en tous les cas cela leur donnerait peut-être des pistes lorsqu'ils réuniraient leurs idées. Alors que Daé était sur le point de se lever, on entra. La porte du laboratoire ouverte, par curiosité et par instinct, Daé se retourna et surpris sans le vouloir de frissons tout le long du dos. En face de lui, une personne au visage complètement détruit. Tiraillé par les cicatrices. Le visage contrastait avec la voix relativement sympathique et joyeuse et avec la question relativement humble que posait l’inconnu.

« Machin ! C'est quoi le nom de ta caravane ? » Le scientifique ne répondit évidemment rien. Daé haussa les épaules et leva les sourcils d'un air désolé. « Je suis aussi venu demander son aide, mais apparemment, tu as d'autres choses à foutre hein ?!» les derniers mots étaient allés en direction du scientifique qui n'avait absolument pas sourcillé malgré le fait que le Martyr de la Lune lui avait beuglé dessus. « Bon apparemment, il en a rien à faire qu'on reste là donc vous voulez vous asseoir ?» Daé fit un geste de la main pour inviter l'inconnu à s'asseoir et lui sourit. « si vous êtes venus demander son aide, je pense que vous allez repartir comme moi, sans plus d'informations. Par contre, même si je suis sûrement pas aussi compétent que lui, je peux faire quelque chose pour vous ?" Le ton de Daé était relativement humble, ce n'était pas un grand expert il ne savait pas comment il pourrait aider cet inconnu, mais s'il était venu ici c'était forcément qu'il avait quelque chose qui concernait la magie qui le tracassait. « Je sais même pas si c’est sa caravane en fait, j’ai juste entendu parler de ce lieu et j’avais besoin d’un avis d’expert. Voilà avec quoi je me retrouve. » Daé tourna sa nuque en se massant les trapèzes. « Oh, pardon, Daé ! Enchanté ! » Le Rehla retrouva le sourire dans son agacement, simplement à l’idée de rencontrer une nouvelle personne.


744 mots

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A Hopeless Race - Masayoshi Soken

« Monsieur? »

Seulement, je m’arrêtais à mi-chemin : l’identification de l’odeur précéda la voix et presque instantanément, le rubis de mon regard toucha à l’iridescence du sien. Toutefois, plus que son approche ou son parfum, ce fut la vocifération qui accompagna sa foulée qui fit converger toute mon attention dans sa direction. Témoins silencieux de sa visible irritation, je fus pourtant le seul qui ne parvins à dissimuler le rehaussement de mon sourcil lorsque le jeune homme commença à se répandre en invectives contre l’érudit. En revanche, ce dernier semblait parfaitement hermétique à ce qui lui était véhément décoché, continuant simplement et tranquillement l’annotation de son bouquin et la prise de notas sur les pages de son carnet. La situation paraissait extrêmement… tendue, n’est-ce pas? En scrutant l’un, puis l’autre, successivement, les interrogations commencèrent rapidement à mûrir entre mes deux oreilles, soucieuses et légèrement embarrassées. Est-ce que je tombais à un mauvais moment?

« Euh… Encore une fois, j'observais attentivement le faciès des deux hommes devant moi, incertain de la marche à suivre maintenant que le colérique m’invitait à le rejoindre à sa table avec un sourire aussi doux que le miel… Est-ce que… vous vous connaissez? Faîtes-vous partie de la même caravane? Non, en fait, ce que je voulais vraiment dire, c’était plutôt : Je peux revenir plus tard sinon, ce n’est pas grave… »

Cependant, le volubile ne tarda à me faire comprendre que j’avais peut-être mal interprété la situation, compte tenu que le jeune homme ne savait pas lui-même « s’il s’agissait de sa caravane » – à l’érudit. Donc, ils n’étaient pas compagnons de la même troupe. D’accord, très bien. N’empêche… Était-ce une raison pour l’engueuler de cette façon? Surtout lorsqu’ils ne se connaissaient peut-être même pas?

« Enchanté, Daé. Je lui adressais un sourire puisqu’il me gratifiait du sien, mais le mien ressemblait plus à une grimace qu’à un véritable rire en raison de ma perplexité. Miles. Miles Köerta. Cependant, je ne pus détacher mon œillade des épaules du scientifique, laissant courir quelques mots confus sur la bordure de mes lèvres. Est-ce que vous êtes sûr qu’il nous entend, au moins? »

Il était peut-être sourd, j'en savais rien. Après, oui, cette scène m’avait troublé. Je n’étais pas au courant des raisons qui les avaient mené à cette soudaine discorde, mais pouvions-nous réellement laisser la situation comme elle était actuellement? Je passais une main sur ma nuque, jetant un dernier coup d’œil discret vers le savant avant de revenir sur le jeune scolaire. Lui aussi étudiait, il semblerait, au vue des notes qui s'éparpillaient sur sa propre table.

« Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre proposition, Daé, mais je suis désolé. Je bosse actuellement sur une affaire très délicate et je dois vraiment rencontrer un Marcheur de… Un éclair de lucidité me traversa l’esprit. Sombrevoyance. J’exhalais un soupir par la bouche tout en me pinçant l’arête du nez. Bon sang, ouais, voilà le nom de la caravane. C’était pas trop tôt. Second soupir, alors que je posais finalement l’acuité de mon regard sur son visage. Est-ce que vous sauriez où je pourrais les trouver? J’ai absolument besoin de leur assistance. »

Si les membres de la caravane ne se trouvaient pas ici, où est-ce qu'ils avaient bien pu se fourrer?


◆ 555 mots | Post II

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« Miles ! » Daé sourit, comprenant bien que la situation avait amusé son nouveau camarade. « Je suis désolé que vous me rencontriez dans cet état. Je suis venu ici avec des besoins urgents et parfois je me trouve un peu…irritable quand ils ne sont pas remplis, mais bref. Pardon ! » Daé lui montra toutes ses dents lors d’un grand sourire, à la manière d’un enfant.

« Non ! On ne se connaît pas. Enfin, pas encore. J’espère que ça va arriver vite, du moins si c’est la personne que je cherche. En fait, je cherchais une caravane et je suis venu ici parce que… » il réfléchit un instant et conscientisa à ce moment-là que s’il était venu ici c’était bien parce que le Destin lui avait indiqué qu’il allait être ici à cette heure-ci. Il soupira, fatigué et amusé à la fois. Il regarda l’inconnu avec malice et enchaîna : « Si je suis venu ici c’est parce que je suis là. » Il n’avait pas envie de mentir, ni spécialement d’épiloguer. Et peut-être que l’inconnu savait que les Rehlas existaient. Alors c’était infiniment peu probable, étant donné que les seules fois où cela lui était arrivé, c’était lors de sa rencontre avec des Aether ou avec cette figure étrange qui semblait tout savoir et qui était Baron chez les magiciens, mais il fallait bien rêver. Miles enchaîna, Daé se demandait d’ailleurs bien qu’est-ce qui lui était arrivé pour que son visage soit ce qu’il était aujourd’hui, mais se garda de lui demander. Sombrevoyance ! Il l’avait nommé. C’était donc pour ça que les étoiles lui avaient hurlées de venir ici à tout va lors de son chemin pour Ciel-Ouvert.

« Oui bah, vous auriez pu me le dire plus clairement quand il arrivait hein. » murmura-t-il en regardant le ciel. « Sombrevoyance ! Je cherche pareil ! Et c’est d’ailleurs pour ça que nous nous sommes rencontrés, parce que nous cherchons la même chose. En tous les cas, c’était censé être là. Je crois. Ou alors on est juste tombé sur un vieil ermite qui mélange des plantes. Mais…mais je crois vraiment que c’était censé être là. Bon…mais peut-être vont-iels revenir ! Qui sait ! Certains savent, mais là, pas moi. En attendant : Qu’est-ce qui vous amène de si urgent ? » Daé sourit et se leva en direction d’une bouteille de jus de fruit qui était posée sur une commode. « J’espère que c’est du jus de Jun ! Vous en voulez ? » Il tendit un verre à Miles.


450 mots

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The Hunter's Path - Marcin Przybyłowicz

« Si je suis venu ici, c’est parce que je suis là. »

À l’expression de son faciès et à cette malice espiègle qui s’y était brièvement attachée, j’avais compris que Daé avait au moins apprécié l’effet dramatique de son ton, l’énigmatique de ses propos s’accordant parfaitement à l’étincelle qui avait pétillé au fond de ses prunelles. Cependant, mon propre visage ne s’était décomposé à cet ésotérisme volontairement exposé, le regard que je lui avais alors échangé s’étant longuement braqué sur son buste, interdit, et ce, jusqu’à ce que je recouvre la parole, légèrement perplexe :

« D’accord…? Je vous mentirais si je disais ne pas avoir trouver ce gars un tantinet baroque sur le moment, mais au nombre d’années d’existence à mon actif, j’avais eu mon lot de personnages étranges et de personnalités folkloriques. Désolé, je ne pense pas avoir la référence. »

Dans tous les cas, j’avais fini par reconduire notre char sur la bonne route, lui dévoilant succinctement les raisons de ma venue en ces lieux. Toutefois, j’eus à peine le temps de conclure mon explication que je perçus avec clarté le fin murmure de reproche qui se glissa à l’extérieur de sa bouche, au moment où ses pupilles se dirigèrent sur le plafond, au-dessus de nos têtes. Mon sourcil se fronça et, avec discrétion, le vermillon de mes iris se tourna vers cet espace qui nous surplombait. En tant qu’Orisha, il m’était possible de voir ce qui était invisible aux yeux de la populace commune et malgré ce précieux atout, seul le vide se présentait à mon œillade, là où le regard du jeune homme s’était brièvement arrêté. Cela étant dit, à son exclamation, je reportais naturellement mon attention dans sa direction, comme si de rien n’était. À qui – ou de qui – parlait-il? Quelques interrogations mûrirent ainsi entre mes deux oreilles, mais furent temporairement écartées par la perplexité que suscita les secondes suivantes, plus le jeune homme s’étirait dans son discours – d’ailleurs, il parlait bizarrement. Cependant, la mention de ce fameux jus de Jun me fit frissonner. Mon nez se fronça, mes cicatrices se crispèrent horriblement, et ma langue claqua contre mon palais : visiblement, je n’espérais pas autant que lui, le nom – en dépit de la douceur de la boisson – exacerbant chaque fibre de mon corps. Cela étant dit, à l’odeur que capta mes sens, je reconnus immédiatement le parfum d’une toute autre liqueur que le fameux produit commercialisé par l’Éclat. Malgré cela, je refusais poliment son offre, fixant le siège qu’il m’avait proposé, plus tôt, avant de l’observer tranquillement, étirant mes lèvres dans un sourire de courtoisie.

« J’apprécie votre gentillesse, mais j’ai pas le temps de m’asseoir et de boire un verre. L’affaire qui m’attendait était urgente et je n’avais pas l’autorité nécessaire pour divulguer les détails de l’enquête tant que la Marche n’avait pas fait d’annonce officielle auprès du public – ce qui ne saurait tarder, j’en étais persuadé. Du coup, je ne vous dérangerai pas plus que ça. Un instant, mon œillade se porta vers les notes qui s’éparpillaient sur la table. Je vais faire un tour. Des membres de Sombrevoyance doivent bien se trouver dans l’coin. Et je saurais les trouver d’une manière ou d’une autre s’ils ne se présentaient pas d’eux-mêmes à moi : je n’étais pas un Traqueur pour rien. Je leur dirai que vous vous trouvez ici, histoire de ne pas faire perdurer votre attente plus longtemps… À moins que vous vouliez m’aider à les chercher? »

À la formulation de ces mots, je m’étais déjà approché de la porte d’entrée, tendant mes doigts jusqu’à sa poignée.


◆ 586 mots (Sans les paroles reprises du post de Daé) | Post III

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Daé descendit son verre de jus de Jun d'une traite avant d'expirer un bon coup, satisfait d'avoir bu et ne s'étant pas rendu compte qu'il était assoiffé. Perdu dans l'action, comme souvent, il avait oublié quelques fonctions vitales et il se rendit compte également que son ventre gargouillait. Ce n'était pas un problème, il trouverait ce qu'il faudrait en route. A peine Miles avait-il mis la main sur la poignée que Daé fit s'ouvrir la porte d'un regard en utilisant, par habitude de la télékinésie. "Après vous, dans ce cas ! Miles !" Sa voix était sincèrement enjouée. Ses livres voletèrent derrière lui pour aller se mettre dans son sac et il suivit son nouveau camarade. S'il était aussi content de vivre cette rencontre ce n'était pas spécialement parce que Miles était un ami, il ne le connaissait absolument pas, c'était simplement qu'il avait passé plusieurs semaines à ne voir quasiment personne. Ses relations proches avaient été négligées au profit de son travail, il avait un peu écrit à Yzex, mais ce·tte dernier·ère semblait tout aussi occupé·e que lui et la présence d'un autre être capable de prendre des décisions tout à fait irrationnelles, car pas fondées sur les évidences du Desin, lui faisait un bien immense. Il suivit donc ce dernier dans la ville, marchant d'un pas décidé dans une direction qu'il ne connaissait pas. Il commençait à connaître un peu Ciel-Ouvert, savait identifier les principaux quartiers, mais pour autant était parfaitement incapable de dire où se trouvaient les membres de Sombrevoyance. Pur autant, il se faisait confiance et il marcha donc, sans vraiment savoir qui de Miles ou lui suivait l'autre.

"Et alors qui es-tu Miles ? Enfin, au-delà des on-dits !" Il était évident que le Rehla avait déjà entendu parler de son interlocuteur. Miles Koërta était un Orisha connu dans le monde entier. Pour autant, il ne savait pas spécialement qui il était et Daé était toujorus spécialement intéressé de savoir comment les personnes qu'il rencontrait répondaient à cette question qui attendait à la fois des réponses dignes des meilleurs livres de philosophie et d'une banalité sans nom. "Et qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ?" Il écarta ses cheveux qui lui tombaient maintenant presque au milieu du dos et qu'il avait détaché. "Moi aussi, je me suis blessé une fois ! En me transformant ! Erreur de calcul avec la fatigue du voyage !" Il montra une bosse qui s'était formée sur la partie droite de son crâne. "Mais je suppose que toi, ce n'est pas une simple histoire de voyage !" Il rit. Simplement. Comme si le seul but des deux êtres était de passer une après-midi entre amis. "Entrons là !" fit-il dans un bâtiment au hasard.


460 mots

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Aen Seidhe - Mikolai Stroinski

Une fois le battant ouvert par Magie, je me retournais lentement dans la direction de l’étudiant. Et maintenant, pourquoi il se comporte comme un petit chiot surexcité à l’idée de faire une balade? La réflexion trouva son chemin entre mes deux oreilles dès l’instant où mes pupilles se posèrent sur sa silhouette sautillante et son sourire de plus en plus grandissant. Tout en le dévisageant progresser jusqu’à ma hauteur, je pouvais également apercevoir ses livres et ses papiers voltiger en plein cœur de la pièce pour finir leur valse à l’intérieur de son sac en bandoulière. Puis, sans un regard en arrière, Daé traversa le seuil de la porte, visiblement bienheureux. Décidément, son humeur changeait aussi violemment que le climat du Voile Blanc… S’agissait-il vraiment du même jeune homme qui s’était mis à engueuler le scientifique, à peine quelques minutes plus tôt? Toutefois, quelque part, son énergie inexhaustible me rappelait ma petite Toto – mais alors, en ce qui concerne son excentricité, elle était aussi ouverte et exubérante que celle de Makuuchi, et seul le temps pourrait me confirmer si la similitude entre les deux jeunes hommes était une bonne ou une mauvaise nouvelle.

« Passez une belle journée, m’sieur, et désolé du dérangement », nous excusais-je auprès de l’érudit, désormais seul dans la salle.

Cependant, toujours aussi absorbé par le sujet de son ouvrage, l’inconnu ne prit la peine de sortir le nez de ses bouquins pour nous saluer – ou alors était-il malentendant, comme je l’avais spéculé. Je me permis de le dévisager depuis ma position, mais après une poignée de secondes seulement, dans un doux claquement, je refermais la porte derrière moi, le laissant enfin profiter d’un peu de tranquillité. Je ne pouvais savoir ce qui l’hypnotisait autant, ni ce qui cogitait son esprit avec tant de ferveur et de passion, mais mon instinct d’Orisha me disait que le scientifique n’était ni dangereux, ni mal intentionné : il était simplement très, très concentré – ou alors bien, bien sourd. Après tout, l’intuition d’un Enfant du Troisième Œil ne se trompait qu’en de rares occasions; cela n’en était que plus vrai concernant le flair d’un Traqueur de ma réputation. Et maintenant que nous étions en route, je pouvais me focaliser de nouveau sur ma proie à cent pourcent.

Rarement, je m’étais intéressé aux travaux de la caravane Sombrevoyance, mais je faisais suffisamment confiance en mes connaissances pour me dire que j’arriverais certainement à les localiser aisément. Au fond, n’étaient-ils pas tous des rats de bibliothèque épris par l’étude de la Magie, de ses différentes formes et utilisations? Les membres qui s’étaient joints à cette caravane fatiguaient leurs yeux jour et nuit à lire leurs bouquins de théories, faisaient couler leur sueur et leur sang pour confectionner leurs engins magiques et concoctions alchimiques. Par conséquent, si ces Marcheurs n’avaient pas été repérés dans le laboratoire que nous venions d’abandonner, où serions-nous les plus susceptibles de les trouver? L’interrogation pivotait et se retournait à l’intérieur de mon crâne, tandis que nos pas nous éloignaient petit à petit du Quartier Ode. Ainsi, l’animation du district s’amenuisait droit devant nous et les contours de Verillon se concrétisaient progressivement à l’horizon. Pourtant, je remarquais à peine ce changement d’ambiance et de décor, lorsqu’une idée germa finalement au sein de mon esprit. Mais la soudaine exclamation de Daé m’arracha brusquement à mes réflexions. Étions-nous déjà suffisamment familiers pour se tutoyer, lui et moi?

« Des on-dit? Malgré cela, faisant fi de sa soudaine proximité, le trait d’un sourire apparut entre les cicatrices de mon visage, alors que je me penchais au-dessus de son minois. Et qu’est-ce qui se raconte sur moi exactement? »

Toutefois, les questions de Daé ne s’arrêtèrent pas là, sa curiosité vis-à-vis de mes cicatrices ne me surprenant même pas. Enfin, à un moment ou à un autre, je savais que l’interrogation m’aurait été posée. Malgré tout, je profitais de son anecdote pour réorienter notre trajectoire afin de prendre un tout autre chemin que celui sur lequel nous avancions, notre foulée nous ayant déjà fait descendre les escaliers de la prison; à présent, le Bas-Quartier de Ciel-Ouvert s’ouvrait sous nos yeux.

Effectivement, je n’avais pas oublié mon idée, calquant désormais mes pas sur la réflexion qui dansait au cœur de mes pensées. Sombrevoyance regroupait des mages de toutes espèces, des passionnés de recherches. Dans ce cas, s’ils ne se trouvaient pas dans ce laboratoire, alors peut-être vadrouillaient-ils ailleurs, dans un lieu qui saurait très certainement les intéresser : une boutique d’alchimie, une librairie, un magasin d’outils et de gadgets magiques… Et je savais exactement où commencer notre enquête.

« En te transformant? En quoi? Lui demandais-je calmement, prenant les devants cette fois. Pour être parfaitement franc, avec mon métier, une simple histoire de voyage devient facilement une traque aussi dangereuse que n’importe quelle guerre. Vaguement, quelques-uns de mes doigts vinrent effleurer l’une de mes joues déchirées. Il s’agit de muta…aaaaaa! Rapidement, je rebroussais chemin, remarquant la soudaine bifurcation de l’étudiant. Une minute, papillon! Puis, à la dernière seconde, j’étendis mon bras afin d’attraper son col et l’empêcher de faire un pas de plus vers l’édifice. Ne commence pas à te promener n’importe où! J’ai bien remarqué que tu te balades complètement au hasard depuis tout à l’heure. Je pris une grande inspiration, expirant l’air de mes poumons après un instant. J’ai une idée de l’endroit où nous pourrions commencer nos recherches. Sans gêne, je me mis à le traîner derrière moi, comme j’avais vu Kaine le faire tant de fois par le passé avec Toesia. Ici, lui indiquais-je après quelques minutes supplémentaires de marche. C’est le secteur prisé par tous les amateurs d’objets et d’appareils magiques et enchantés. Puis, je lui pointais un petit établissement du doigt. Entrons là-dedans, lui suggérais-je tout en relâchant finalement ma poigne autour de son collet. J’achète pas mal de trucs dans cette boîte, alors j’ai fini par bien m’entendre avec la propriétaire au fil des années. Et des babioles magiques, elle en a des tas : des instruments enchantés aux tapis qui te permettent d’identifier les gens par le son qu’ils produisent lorsque quelqu'un les piétine. Tu pourrais vraiment être surpris. Tout en poussant la porte de l’entrée, je posais une œillade en direction du jeune homme. Elle doit certainement avoir des informations plus précises sur la localisation de Sombrevoyance. Je vais lui demander. Assuré, je me dirigeais jusqu’au comptoir, la tête de la petite vieille femme dépassant à peine de l'étal derrière lequel elle se tenait. Bonjour Flo-Flo!

- Décidément, ça ne respecte plus ses aînés! Quelle génération! Marmonna-t-elle en feulant. C’est Madame Flore-Ange, petit impertinent!

- Je vois que t'es de bonne humeur! De bonnes ventes aujourd'hui? »

Je m’accoudais sur le meuble en souriant de toutes mes dents, ma taille la surplombant, mon ombre la recouvrant presque intégralement. Même si elle savait qu'elle serait toujours obligée de relever la tête pour me parler, elle attira aussitôt son marchepied auprès d’elle. Désormais haute d’une trentaine de centimètres en plus, elle se mit à sourire, fière de son coup.

« Y’en a un qui a voulu m’en passer une p'tite vite, tout à l’heure, mais je l’ai rapidement remis à sa place! Et devine quoi? À la fin, il est parti avec trois flacons de sa stupide potion! Bwahahahaha! Je l’applaudis sans réserve, la vieille goguenarde bombant son torse en signe de victoire. Alors, mon petit, qu’est-ce qui t’amènes à ma boutique aujourd’hui?

- Je cherche des informations sur la caravane Sombrevoyance. On m’a dit qu’ils seraient dans le laboratoire au sein de la Vigilante, mais personne ne s’y trouvait quand j’y suis allé. Du coup, comme ce sont des férus de babioles magiques, je me disais qu’ils devaient être des réguliers du coin. »

Flo-Flo acquiesça d’un énergique mouvement de la tête, ayant plusieurs fois conclus des transactions auprès des Marcheurs concernés.

« T’as bien deviné! Y’a une échoppe, vers l’ouest, au pied d'la falaise, dans l'quel ils vont et viennent constamment. Elle est pas trop, trop compliquée à trouver… Attends, j't'écris leur adresse et le nom de la boutique. »

Pendant ce temps, l’étudiant pouvait faire ce qui lui chantait : se joindre à moi ou explorer le magasin, si c’est ce qu’il voulait.

« Et toi, petit, s’exclama-t-elle en tournant son attention vers mon compagnon d’infortune. Y’a un truc qui t’tente? »


◆ 1 393 mots | Post IV

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Daé le trouvait simple et sympathique. Il ne savait pas vraiment si c’était parce que l’odisha l’était réellement ou si c’était à cause de la teneur de leur rencontre, mais cet aspect paternaliste trouvé assez naturellement lui faisait du bien, lui plaisait, lui faisait se sentir à un endroit dans lequel il ne s’était pas senti depuis longtemps. Guidé, soutenu, accompagné, mentoré, infantilisé, peut-être un peu de tout cela à la fois, la seule chose dont le Rehla était sûr c’est qu’il appréciait ça. « Des rumeurs sur toi ? Oh bah plein, comme sur tout le monde ! Il paraît que tes cicatrices viennent de la foudre, que tu t’es fait frapper par la foudre ! Ça a dû faire mal. »Il n’avait jamais entendu ça, mais c’était ce qui amusait Daé avec les rumeurs, le fait de pouvoir tisser leurs fils de bout en bout à n’importe quel moment. « En quoi je me transforme ? Hehe ! Peut-être que c’est un secret !Ton métier. Mh. »

Il réfléchit, en marchant, ne voyant plus vraiment où il allait. Est-ce que lui aussi avait un métier ? Est-ce que Rehla était son métier ? Il n’avait pas réussi, depuis la mort de ses parents, à se concentrer réellement sur la couture, alors en avait-il un ? Et en avait-il besoin d’un ? Etant donné qu’il vivait tout à fait correctement entre l’argent qu’il glanait en aidant les gens et l’argent que lui fournissaient les Rehlas pour vivre. Alors qu’il réfléchissait tout en marchant, il se fit tirer par le col, ce à quoi il n’opposa aucune résistance. Cela l’amusa même. Retour en enfance.

Les deux nouveaux compagnons arrivèrent donc, guidé par le Marcheur fraîchement rencontré dans une boutique absolument fascinante. Tellement fascinante que Daé en oublia absolument l’entier de la conversation, la tête plongée dans chaque objet soigneusement rangé et desquels il sentait la magie tantôt poindre tantôt jaillir, pleins de magies différentes. Il fut attiré par un anneau qui semblait à la fois tourner extrêmement vite sur lui-même et être à l’arrêt et sa fascination se coupa net lorsque la patronne du magasin lui demanda si quelque chose l’intéressait. Il reposa l’anneau et lui adresse un sourire simple et sincère.

« Absolument tout ! Mais malheureusement, j’ai pas le temps de m’attarder ici. Vous savez où est la Caravance de Sombrevoyance ? »La petite tenancière sourit à Miles. « Une échoppe, vers l’ouest, au pied d'la falaise, dans l'quel ils vont et viennent constamment. Elle est pas trop, trop compliquée à trouver… Attends, j't'écris leur adresse et le nom de la boutique. » Le regard perdu dans une nostalgie soudaine à la contemplation de Daé et de son sourire elle griffonna exactement les mêmes mots sur un papier, comme pour ne pas briser l’instant d’innocence du Rehla puis lui sourit avant que les deux ne repartent de la boutique. 
« Elle est très gentille cette Dame ! Bon ! Tu viens ?! »

Et toujours aussi électrique, il reprit sa marche en ayant l’impression de passer une après-midi de détente avec un grand frère. « Un jour, j’aurai une échoppe et je vendrai de splendides vêtements ici ! D’ailleurs…, j’en ai marre. » Il regarda ses habits, réfléchit un instant et les fit se changer en une robe de lin laissant apparaître à chaque pas, de par la coupe, ses jambes qui prenaient le soleil qui commençait à taper de l’après-midi. Le lin était d’un bleu très clair, presque blanc et de très bonne facture. Il sourit à Miles : « Mieux ! Beaucoup mieux ! Allez ! » et il se remit en route.

Suivant les instructions écrites sur le papier, le Rehla réussit très facilement à guider Miles dans cette ville qu’il ne connaissait encore que peu pour finir par arriver devant un magasin simple, très simple, à la devanture sobre sur laquelle était simplement indiquée « Au fatras ». Les fenêtres n’étaient ni propres, ni sales, la porte ni neuve, ni ancienne, c’était une boutique, somme toute, très moyenne. C’est sans trop réfléchir que Daé entra donc et dit à haute voix : « Les gens de Sombrevoyance sont-iels ici ? » « Ça dépend qui les demande. » Répondit une voix apparaissant derrière le rideau qui emmenait vers l’arrière-boutique.


730 mots

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The Vagabond - Marcin Przybyłowicz

Je récupérais le morceau de papier que me tendait la vieille femme, mémorisant les coordonnées, avant de passer la feuille du côté de l’étudiant.

« Merci pour ton aide, Flo-Flo.

- Madame Flore-Ange. C’est Madame Flore-Ange », rouspéta-t-elle en roulant des yeux.

Malgré l’insolence, nous nous échangeâmes un sourire en coin. Cette blague était récurrente entre elle et moi, surtout depuis que Toesia la surnommait de cette façon. Par conséquent, je me permettais quelques libertés de mon côté également. Saluant chaleureusement la vendeuse, je finis par calquer mon pas sur celui de Daé, qui venait de prendre les devants pour nous rapprocher de la porte de la boutique.

« Je viendrai avec Toto la prochaine fois. Elle doit mourir d’envie d’essayer tes plus récentes découvertes.

- J’ai bien hâte d’la r’voir dans c’cas! »

Puis, nous refermâmes l’entrée derrière nous, reprenant nos recherches avec le plus bel indice que nous pouvions posséder sur le moment. Dehors, le Soleil rayonnait et les Échos de la cité pulsaient au cœur de nos oreilles. Sur la fine couche de neige qui recouvrait les routes du Bas-Quartier, la trace de nos semelles s’imprimait, laissant une marque de notre passage à travers l’entrecroisement des pas qui avaient, eux aussi, foulé ce chemin. Par leur nombre, nous pouvions deviner l’ampleur de la circulation journalière, détecter la fièvre qui pouvait éventuellement prendre d’assaut la Cité des Chansons. Ainsi, les jours les plus calmes ou de grandes tempêtes, les traces de pas dans la neige étaient une vision rare, leur concentration était moins dense, puisque les habitants de Ciel-Ouvert restaient alors à l’intérieur de leur chaumière, au contraire des journées plus animées, comme celle-ci, où nous pouvions avoir l’impression que l’ensemble de la cité s’était rejointe au milieu des avenues et autres allées.

« Une échoppe, hein? La voix du jeune homme me happa, l’esquisse de son rêve me parvenant avec netteté pendant que nous progressions. Tu t’intéresses à la mode et à ce genre de…? »

Cependant, ma voix s’effaça, mes yeux s’attardant avec incompréhension sur le sourire qu’il m’adressait en toute gaieté. Il plaisante, j’espère. Aussitôt, je coinçais l’arête de mon nez entre mes doigts, libérant une profonde respiration de mes poumons par la même occasion.

« Mais qu’est-ce que tu fiches? Avec hâte, je l’obligeais à ralentir sa foulée. Bon sang, t’as regardé c’que tu portes? C’est pas un temps pour se balader dehors sans manteau! Je le libérais de ma poigne une fois son attention capturée, secouant ma tête de gauche à droite avec exaspération. Mets-toi une fourrure, une cape ou un châle au moins. T’iras pas loin si tu te choppes une pneumonie en cours de route. »

Le climat de Ciel-Ouvert – et, par extension, celui du Voile Blanc – était d’un froid sévère et sans miséricorde pour quiconque s’y enfonçait. Même si le Soleil se tenait bien haut au cœur du firmament, il ne fallait jamais sous-estimer sa cruauté. Par expérience, les journées ayant un taux d’ensoleillement plus élevé étaient celles qui avaient les températures les plus froides de l’année… Je ne savais pas s’il le faisait exprès ou s’il était véritablement aussi inconscient qu’il en paraissait. Exhalant un nouveau soupir, je finis par passer l’une de mes mains derrière mon crâne. Mes propres enfants avaient déjà cru qu’ils pourraient vaincre les vents glacials du Voile Blanc, mais avaient rapidement compris que personne n’était complètement invincible face aux caprices de la Nature, lorsqu’ils avaient été cloués au lit pendant trois jours à cause d’une bonne grosse fièvre.

« Juste… Fais attention », concluais-je en reprenant notre marche.

Par chance, la boutique pointée par Flo-Flo n’était plus très loin, la devanture « Au fatras » apparaissant entre d’autres commerces de même espèce. Je pris une inspiration afin de m’abandonner aux odeurs environnantes et laissais mon compagnon de route attester de notre arrivée.

« Ça dépend qui les demande. »

Mon visage se tourna dans sa direction : il s’agissait de l’un des quelques individus qui se trouvaient présentement à l’intérieur de la boutique. Un sourire poli aux lèvres, j’esquissais quelques pas vers l’avant, saluant l’homme d’un signe de la main dès l’instant où il s’extirpa complètement de derrière le rideau.

« Je suis le Zeckea Miles Köerta. Et voici… Je laissais volontairement ma phrase en suspens afin de permettre au jeune homme de se présenter de lui-même. Vous savez pas tous les détours qu’on a pris pour vous trouver. On m’a envoyé à la Vigilante en croyant que vous y seriez, mais on n’a trouvé personne dans votre laboratoire, à l’exception d’un sourd – je crois qu’il était sourd… Enfin, c’est pas important. Terminant rapidement l’étalement de ces détails futiles, je m’engageais alors dans le vif du sujet, mon sourire s’effaçant graduellement de mon faciès. Je suis envoyé par la caravane d’investigation Khaij Olokh. On aurait besoin du soutien de Sombrevoyance pour une enquête. Est-ce que votre Oklilleirro est ici? J’ai un message à lui transmettre à propos des détails de l’affaire. »

L’individu acquiesça lentement, pointant la pièce de laquelle il venait.

« T’as de la chance, elle se trouve dans l’arrière-boutique. Mais son regard se posa finalement sur les épaules de Daé. Et lui? Il est avec toi?

- Pas… exactement, répondis-je en observant l’étudiant. Il a sa propre demande en fait.

- Alors, qu’est-ce qui t’amène? »

Pendant qu’ils interagissaient, une silhouette se dessinait doucement dans le dos de l’inconnu, une main à la peau chocolat repoussant, à son tour, les rideaux de l’arrière-boutique.

« Qu’est-ce qui te prends autant de temps? Nous avons une… Oh. »

Chacun de nos regards s’arrêta sur ses épaules, ses yeux sombres, aux étranges reflets bleus, nous dévisageant tout autant. Dans un sourire, l’homme qui nous avait accueilli présenta nonchalamment la jeune femme :

« La voici : notre Oklilleirro. »


◆ 959 mots (Sans les paroles reprises du post de Daé) | Post V

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Daé ne savait pas ce qu’il avait réveillé en Miles, mais quelque chose était sûr, ce dernier avait déjà dû s’occuper d’autres gens. Il savait avoir cet oeil qu’ont les proches qui aident leurs familles ou leurs autres proches. Le Rehla sourit à l’odisha au moment où celui-ci lui intima sévèrement de mettre un manteau et celui-ci ne se fit pas prier plus longtemps, il ne s’était pas rendu compte du froid, mû qu’il était par l’envie de prendre le soleil. Il lui adressa un très sincère « Merci. » et il fit apparaître sur son dos une grosse cape bordée de fausse fourrure nacrée, la cape était d’un bleu légèrement plus foncé que ses vêtements et la capuche de cette dernière vint se poser délicatement sur les cheveux longs et blancs du Rehla. Leur but était en face d’elleux. Voyant que l’odisha avait eu la délicatesse de ne pas présumer de qui il était, il termina sa phrase avec calme :

« Et voici le Malsag Daé, mais je suis ici en tant que Roi de l’île de Manalyë. » Il avait une telle non-habitude de ce titre que le dire lui paraissait étranger à sa personne, mais pourtant, il ne devait pas se leurrer, c’était pour cela qu’il était là. Certes, c’était aussi parce qu’il était en train de devenir chercheur, mais ce qui l’amenait précisément dans cette arrière-boutique était son île et la collaboration qu’il avait créé avec les Evershas arriérés qui lui servaient de voisinage.

Après quelques secondes, l’Oklilleiro arriva et la pièce changea immédiatement d’ambiance. Ses yeux étaient sombres, sa peau aussi. Elle respirait une calme puissance et Daé sentit immédiatement que la magie s’alignait autour d’elle avec une précision telle qu’il lui imagina la capacité de déplacer des montagnes par un simple souffle si elle l’avait souhaité. Elle portait un tablier usé et des gants, tenue drue contrastant avec l’élégance qui s’échappait de toute sa personne. Sa voix était posée :

« Miles. Daé. » Elle inclina calmement la tête après chaque nom. A la manière des Rehlas, elle utilisait le prénom de ses interlocuteurs, ce qui ne fut pas sans désarçonner Daé, la coutume était relativement rare. Il songea un instant qu’il ignorait tout de cette femme, à commencer par son peuple, et que les étoiles avaient évidemment la malice de ne rien lui chuchoter à l’instant. « Jay. » A son tour, le Rehla inclina la tête. La réputation de la dirigeante de cette caravane la précédait, c’était une orfèvre de la magie, que ce soit de son tissage ou de sa compréhension, elle n’avait aucunement besoin de se présenter, du moins pas aux personnes qui s’intéressaient à son domaine. « Que puis-je faire pour vous ? Je suis très occupée. » Daé n’hésita pas et se lança le premier en faisant sortir sans réfléchir plans et livres de son sac qui se mirent à éviter autour du groupe. « Tout d’abord, je vous remercie de votre temps. Je suppose que vous êtes au courant, mais il y a quelques temps de cela, des îles sont sorties des flots se formant en un nouvel archipel. Toutes ces îles ont un point commun, leur absence de magie. Je cherche à comprendre d’où vient cette absence et les livres ne suffisent plus, j’ai besoin d’un avis d’experte. Quant à mon ami, je crois qu’il a une demande bien à lui, mais…qui m’intéresse aussi. » Le Rehla ne savait rien de la demande de Miles, il était en revanche assuré que s’il était là avec lui, ce n’était pas pour rien, le Destin avait d’autres choses à faire que de mettre les gens occupés à des endroits qui ne les intéressaient pas, c’était simplement à ces gens-là de comprendre pourquoi iels se retrouvaient où iels étaient. Il se tourna donc vers miles et attendit sa réponse en souriant. Daé avait fait tomber la couverture de l’enfant débile, de l’ado qui ne comprenait rien, il était au travail et ses traits avaient changé du tout au tout, derrière lui, une plume prenait frénétiquement des notes sur la situation et le regard de Daé était devenu bien plus intense qu’auparavant. C’était le regard avide de la curiosité.

739 mots

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Merchants of Novigrad - Marcin Przybyłowicz

Je continuais de sourire à notre interlocutrice tout en la saluant respectueusement. Malgré cela, les réflexions de mon esprit se portaient sur une tout autre curiosité depuis que l’étudiant, à mes côtés, s’était introduit en prétextant faire partie de la royauté… Comment s’était-il présenté déjà? Comme étant le Roi d’une certaine île? Manalyë ou Manali? Qu’est-ce que c’était que ça encore? Pendant plusieurs secondes, l’interrogation allait et venait, à toute vitesse, entre mes deux oreilles, mais terminât brusquement sa course sur cette simple mais éloquente conclusion : Il est timbré. Je ne voyais pas d’autres explications. Pourtant, en dépit de mon scepticisme, j’avais bien entendu qu’il ne se foutait pas de nous – facultés des Orishas obligent – mais cela ne changeait rien à mon ressenti à l’endroit de mon jeune compagnon fortuit : après tout, on pouvait facilement duper les autres et soi-même en considérant un mensonge comme la plus pure et sincère des vérités.

Pourtant, étais-je le seul qui ne comprenait pas un traître mot de ce qui se disait? Des îles auraient émergé des flots afin de former un archipel? Et ces îles seraient dépourvues de toute Magie? C’était la première fois que j’entendais parler d’une telle chose et en posant une œillade sur les membres de Sombrevoyance, je ne reçus aucune confirmation ou négation qui pourrait m’indiquer, sur l’instant, que j’étais bien le seul à être paumé. Toutefois, quand les regards tombèrent sur mes épaules, je repris un semblant de contenance en camouflant mon désarroi derrière une toux factice et un poing.

« En effet, j’ai été envoyé par la caravane Khaij Olokh pour une requête. »

Distraitement, mes pupilles s’arrêtèrent sur le faciès de l’autoproclamé Souverain. J’avais perçu le changement dans son énergie, dans sa posture et l’étincelle de ses yeux – qui dégoulinait d’avidité et d’indiscrétion – m’englobait, affamé. Cependant, je fis comme si je n’avais rien remarqué de particulier : aussi curieux qu’il fût, il restait un civil. De fait, mon visage se retourna en direction de la chercheuse, le sanglant de mes mires la considérant avec gravité.

« Est-ce qu’il serait possible de vous parler en privé? »

Aux modulations qu’adopta le timbre de ma voix, il était évident qu’il s’agissait d’une exigence plus que d’une innocente formalité, l’Oklilleiro le comprenant également en me faisant lentement signe de la suivre.

« Je reviens dans un instant », articula-t-elle en fixant l’ébène de son regard sur le visage de Daé.

Une fois seuls, je me permis d’exhaler un long soupir, n’engageant pas tout de suite la conversation.

« Une seconde. Rapidement, j’étendis ma Magie autour de nous afin que l’ouïe d’autres protagonistes ne perçoive aucunement les tenants et aboutissants de notre discussion. Désolé pour les précautions, mais il est plutôt persistant depuis que je l’ai croisé, lui déclarais-je en désignant le gamin aux longs cheveux blancs. Tant que la Marche n’aura pas fait d’annonce officielle auprès du public, on m’a demandé d’être discret sur les détails de l’enquête. Je pris une grande inspiration, délivrant enfin le message que l’on m’avait légué. J’aide les détectives de la caravane d’investigation Khaij Olokh sur un meurtre. Un groupe de chasseurs aurait découvert le cadavre du pauvre bougre, il y a quelques heures de cela, au nord-ouest du Voile Blanc. Seulement, les dommages faits au cadavre nous empêchent toute identification. Succinctement, je lui décrivais alors l’état de la victime, le fait que le ou les perpétrateurs avaient brûler toutes preuves qui auraient pu nous permettre de reconnaître celle-ci. Nous avons essayé d’extraire la moindre odeur, la moindre particule textile, mais il n’y a absolument rien d’exploitable. On est dans une impasse et c’est pour ça que la Khaij Olokh requiert votre aide imminente. Plus spécifiquement, l’aide de leurs connaissances sur la Magie. Connaîtriez-vous un moyen qui pourrait nous aider à identifier la victime seulement par le biais de ses ossements? Une Magie qui saurait restructurer son apparence avant que les flammes endommagent le cadavre? »

Au point où nous en étions, toute idée était la bienvenue.


◆ 665 mots | Post VI

Pouvoir utilisé par Miles :
- Privation de l’Ouïe : pouvoir de priver une personne, durant un temps limité, de son sens de l'ouïe et lorsqu’il est suffisamment bien maîtrisé, il a la possibilité de toucher plus d’une personne.

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Il aurait pu sembler évident à Daé que Miles n’allait pas le laisser épier sa conversation aussi facilement s’il avait compris ce qui se tramait. Et le fait que l’orisha fasse en sorte que la conversation soit inaudible même collé à la porte et que son esprit soit protégé n’était qu’un indice de plus. Qu’est-ce qui pouvait bien se tramer ? Il était évident que sa rencontre avec le Marcheur n’était pas un hasard, cela faisait maintenant longtemps que le Rehla avait abandonné toute notion de hasard. Le Martyr de la Lune soupira à l’idée qu’il se sentait forcé, un mélange d’éducation, de fatalité et d’évidence, à faire en sorte d’entendre ce qui se tramait à l’intérieur de cette pièce. Par chance, la personne qui les avait accueillis avaient proposé un verre d’eau à Daé et s’était ensuite retirée dans ses livres et ne semblait pas être spécialement regardante de ce que faisait son invité. Un serpent sortit de la poche du Rehla, blanc, minuscule, à peine plus grand qu’un doigt, et trouva son chemin à l’intérieur de la pièce où se passait la conversation tant désirée.

Une fois à l’intérieur Soie, la compagnonne du Rehla se rendit très vite compte qu’elle non plus n’entendait absolument rien de ce qui se passait, mais pendant que le Rehla attendait, elle avait plus d’un tour dans sa mue. Afin d’éviter de se faire voir, le bout de serpent qu’elle était ne fit plus qu’un avec l’air et elle commença à voltiger devant le camarade d’un jour de Daé pour essayer de comprendre ce qu’il articulait. Tout n’était pas clair, mais très vite elle revint, remonta dans la poche qui était sa maison du jour et laissa la magie de Daé pénétrer son esprit. Elle n’avait compris que très peu de choses. Si ce n’est qu’il était question d’un mort. Un mot était revenu plusieurs fois s’articuler sur les lèvres de Miles : « Cadavre. » Une sorte d’enquête sûrement.

Décidé à comprendre mieux ce qu’il se passait, et par la même à faire en sorte que Sombrevoyance voit en lui quelqu’un de digne à partager leurs secrets, il toqua à la porte. Celle qui s’était annoncée comme celle qui dirigeait la caravane vint lui ouvrir, le regard d’abord intrigué puis légèrement agacé : « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? Nous avons bientôt fini. ». « Miles, si je t’aide sur cette histoire de cadavre, tu m’aides sur mon histoire d’île ? » Le bluff était peut-être tout ce qui restait au Rehla pour en apprendre un peu plus. « Loin de moi l’idée de connaître toute votre histoire ni celle de ce cadavre, mais je suppose que si nous cherchons la même caravane c’est qu’à un endroit, nos besoins se rejoignent. » Jay se frotta les temps et regarda une montre qui était à son poignet, un fin ouvrage que Daé aurait adoré regarder plus avant. L’objet semblait indiquer pleins d’autres choses que l’heure. « Parce que, vous, vous êtes là pourquoi déjà ? » « Je comptais vous en parler après, mais j’ai un petit souci de…présence de magie, à défaut de mieux le formuler. Voyez-vous, comme je le disais avant, des îles ont émergées et aucune d’elles n’est pourvue de magie. J’ai hérité..enfin hérité, on m’a dit que j’étais censé être roi d’une de ces îles et je m’intéresse beaucoup depuis peu aux questions des origines de la magie, je me suis dit que ma couronne serait un parfait prétexte pour utiliser cette île et celle d’un camarade dans la même situation que moi comme objet d’étude. Le Leasachadh fiu’ de Rodrigue Thomas m’a peut-être donné une idée de piste, mais rien ni de très concluant, ni qui ne soit accessible à mon niveau de compréhension. » Elle changea son regard, mue par un certain intérêt. « Vous semblez connaître vos classiques. » « Comme je peux, Madame, comme je peux. » Daé était déjà ailleurs dans sa tête, il était pensif, il n’arrivait pas à déchiffrer l’expression de Miles et surtout il était reparti dans ses théories. Il sortit un cahier qui semblait venir de la nuit des temps tant le Rehla l’avait usé et se mit à relire une phrase en la murmurant, comme pour se rappeler de quelque chose, il fit des signes de doigts dans les airs. Il ne faisait rien d’autre que de repenser à une théorie qu’il avait échafaudée un soir en lisant ce manuel enseigné à tous les élèves du Peuple Noir. Mais cette théorie n’en était même pas une, étant donné qu’elle n’avait pour fondement qu’un instinct. C’était la manière dont il parlait de ce qu’il appelait les « sortilèges rares » qui avaient fait penser à Daé qu’il y avait peut-être, quelque part dans ce livre, une piste pour comprendre si la conséquence d’un sort, d’une magie quelconque, avait pu dénué les îles de leur magie initiale.

Il ferma son cahier, pas spécialement plus avancé qu’avant : « Mais bref, je vous ai coupé, je serai dehors, si tu souhaites qu’on collabore Miles, dis-le moi, sinon je ne vais pas spécialement rester. Jay, si je peux vous appeler Jay, je repasserai vers vous dans tous les cas, en espérant que vous pourrez m’aider. »

Et le Rehla alla attendre derrière la porte.

941 mots

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Retribution - Marcin Przybyłowicz

Aux tambourinements qui matraquèrent le battant, je ne fus point étonné d’apercevoir l’étudiant de l’autre côté de l’entrée. Tout au long de mon monologue, j’avais senti son odeur tout près de celle-ci. Silencieux mais non le moins curieux, il n’avait pas bougé de sa position, à mon grand dam. Mais qu’est-ce qu’il me voulait, à la fin? J’avais décidément bien fait d’utiliser mes pouvoirs, parce qu’il n’avait aucune notion d’espace privé. Et ce qui s’ensuivit ne fit que confirmer ma suspicion, alors que l’un de mes sourcils ne put que se rehausser sous le coup de l’incrédulité. Comment était-il parvenu à entendre ça? Mon pouvoir était infaillible dès que je l’étendais. Lentement, mes pupilles s’acérèrent et s’assombrirent. Loin de lui l’idée de connaître toute notre histoire et celle du cadavre? Il se foutait de qui, au juste, en me balançant ce mensonge aussi gros qu’une maison? S’il n’en avait rien à faire, il aurait cessé de me coller au train depuis longtemps, et il n’aurait pas fait je-ne-sais-quoi pour contrer ma Magie à l’action. En plus de ça, il continuait avec ses non-sens, comme quoi nos chemins ne se seraient pas croisés pour rien… Je ne prononçais aucune parole, tandis que l’Oklilleiro face à moi intervint d’un air visiblement ennuyé à la soudaine apparition de l’étudiant. Plus il parlait, et plus je m’exaspérais. En quoi croyait-il que je lui serais d’une quelconque utilité pour son histoire d’île et de royauté, au point de me proposer cette « collaboration » sortie de nulle part? Je nageais dans la confusion et l’irritation la plus profonde, alors que mes yeux s’accrochaient au plafond. Au contraire, le reflet dans le regard de Jay se renforça, plus clair; son intérêt s’aiguisait au fur et à mesure que leur conversation progressait, alors que de mon côté, mon impatience grandissait. Et en conclusion, comme ça, il décidait de s’en aller?! Je lui décochais un regard noir, ce dernier courant sur sa nuque jusqu’à ce qu’il disparaisse de nouveau derrière le battant de la porte. Dès lors, un silence palpable nous cerna, la jeune femme et moi, mais je le brisais de par l’expiration bruyante qui s’échappa de mes narines. Le gamin était toujours à proximité, son parfum tiltait mon odorat surdéveloppé. Pourtant, je tentais de ne plus me préoccuper de sa présence, reportant toute mon attention en direction de l’Oklilleiro à la peau chocolat.

« Je verrai ce que je peux faire pour vous. Baignée de calme, la jeune femme tourna également son visage vers moi. Il y a effectivement des pouvoirs de reconstruction qui sauraient répondre à vos besoins, mais il me faudra d’abord me renseigner davantage sur ce type de Magie avant d’envoyer qui que ce soit. »

J’acquiesçais d’un hochement de la tête.

« C'est entendu! Vous pourrez directement vous adresser à l’Oklilleiro de la caravane Khaij Olokh et aller les voir dans leurs locaux lorsque vous serez prête. Ils doivent déjà avoir ramenés tous les… Je me tus tout en fixant la porte : à quoi bon cacher le reste de cette discussion? Tous les ossements ainsi que le reste des indices pour l’enquête. Elle hocha de la tête, son port se tournant également vers la porte fermée. Excusez-moi. D’une foulée rapide, je revins vers l’entrée, tirant vivement sur la poignée, reposant aussitôt l’écarlate de mes yeux sur son faciès, à lui. Toi. Je le scrutais d’un regard mauvais, visiblement irrité par son comportement et sa constante obstination. Je pense pas que tu sois assez con pour ne pas comprendre ce qu’est une conversation privée. Tout en me rapprochant de son visage, je fronçais des sourcils, désormais plus méfiant à son égard qu’en colère. Qu’est-ce que tu as entendu? Et comment? Il ne m’échapperait pas. Pourquoi tu t’acharnes à foutre ton nez dans mes affaires? Et me balance pas tes sornettes comme quoi « nous étions forcément destinés à nous croiser » : c’est une pauvre excuse pour un fouineur, soufflais-je en redressant mon buste, repensant inexorablement à cette collaboration qu’il avait spontanément proposé. Je ne vois pas en quoi tu pourrais m’être utile et vice-versa. »


◆ 684 mots | Post VII

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Autant Jay semblait réussir à retenir son agacement face à l’insistance du Rehla, autant Miles, peu. Daé n’avait pas spécialement de souci à agacer les gens, il savait bien que le Destin n’allait pas suivre son cours uniquement en buvant le thé, et s’il fallait qu’il soit irritant, désagréable, insistant, fouineur, etc., il le serait. Et au vu de la réaction du membre de La Marche Terne, il avait tapé juste, il était bien question de cadavre. Il remercia son serpent mentalement et sourit au moment où il saisit que l’Orisha n’essayait même plus de cacher le reste de sa conversation. Il aurait été culotté de dire que c’était une marque de confiance plus que de résignation, mais c’était, au moins, une marque de quelque chose.

Alors que Miles sortit et que Jay se remit à son affaire, Daé se dit qu’il avait fait le mieux qu’il pouvait pour le moment auprès de Sombrevoyance. Il voulait travailler avec elleux, mais il n’était pas exclu que s’il aide son « ami » à résoudre son enquête, Jay s’intéresse un peu plus au Rehla. Pour le moment, le problème du Martyr de la Lune était tout autre, il avait un Orichafouin dans les pattes. Et il devait essayer de le calmer. Le problème était que la seule réponse qu’il avait prévue d’adresser à ce dernier comprenait tout un champ lexical qui agaçait les ignorant.e.x.s : celui du Destin. Daé avait l’habitude que les non-Rehlas s’agacent ou se brusquent à la mention de ce mot qui faisaient peur aux êtres qui croyaient encore être capable de l’entier de leur libre arbitre. (Bien que la certitude que le Destin existait et permettait même des embranchements choisis était paradoxalement le fait le plus angoissant et le plus rassurant que connaissait Daé.) Il sourit donc nostalgiquement devant le visage fermé de son camarade d’enquête et répondit d’un air rêveur à son interdiction de lui parler du destin : « Et pourtant… ».

Il laissa planer un silence, il refusait de lui mentir, ils étaient destinés à se rencontrer et son agacement ne changeait rien au Destin (ou si c’était le cas, il aurait fallu l’enfermer et étudier qui avait cette faculté inimaginable.) « J’ai entendu que tu parlais d’un cadavre, plusieurs fois, je peux donc supposer qu’il y en a plusieurs ou un très important. Comment, je ne te le dirais pas, je ne t’ai pas demandé comment tu faisais pour faire en sorte que je ne puisse pas lire dans tes pensées, et pourquoi je m’acharne ? Tu as la réponse, mais tu refuses de l’entendre, c’est ton droit. » Il s’arrêta, comptant sur les doigts s’il avait répondu à tous les points. « Ah ! Non je ne suis pas assez con pour ne pas comprendre ce qu’est une conversation privée, tu as raison ! » Il dit ça en souriant, comme en validant un raisonnement correct lors d’une discussion amicale. « J’ai oublié un truc…oui ! Le plus important ! Je suis capable de voir dans le passé ! Alors si ça intéresse ton histoire de cadavre, hésite pas ! »

Il se demandait ce que son ami allait faire. Il disait ami par formule, mais il savait bien qu’ils n’en étaient pas encore là. Il n’avait pas envie de l’énerver, mais voulait tester quelque chose. Peut-être que Miles avait raison et qu’ils n’étaient pas faits pour se rencontrer. Seule sa réaction saurait maintenant lui prouver le contraire. Il avait exposé les faits, cette carte qu’il avait récupérée dans cette même ville et qui lui permettait de voir le passé semblait être une clé essentielle dans l’enquête de Miles et le fait que Daé et lui cherchent la même caravane paraissait mettre ensemble toutes les pièces du puzzle.

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Jeux d’imitation
Across the Savage Lands - Gabriel Saban & Tian Bo

Soit Latone avait déteint sur moi – ce qui n’était pas une bonne nouvelle – soit ce gamin avait un véritable don pour aiguiser mon irritation. Parce qu’en réalité, j’avais une folle envie de le cogner, là, sur-le-champ; de l’assommer, dentition en ligne de front, sur le bois du plancher. Et si l’examen de son sourire produisait les crépitements nécessaires à l’éveil d’un brasier véhément, l’arrogance et la raillerie qui me semblaient enrober la moindre de ses paroles étaient littéralement l’huile qui nourrissait le feu tonnant au creux de mon ventre. J’étais en train d’assister à un dialogue complètement lunaire. J’avais de la difficulté à croire ce que j’entendais, surtout qu’il me l’exposait avec une ignorance qui frôlait l’irrespect… Laissez-moi rectifier : une ignorance qui le devenait.

« … Parce qu’en plus de m’avoir espionné, t’as voulu fouiller dans ma tête?! Mes dents grinçaient froidement entre elles, tandis que mes ongles s’étaient rapprochés de son col pour s’y accrocher fermement. Ne commence pas à tester ma patience », murmurais-je avec animosité.

J’avais tiré son buste jusqu’à moi afin de suspendre son visage à quelques centimètres du mien, libérant dans le même mouvement sa chevelure de sous la capuche de sa cape en fourrures. Contre le tissu de sa robe, une étrange pression commença alors à se faire sentir au niveau de son col, là où mes ongles s’acérèrent et s’allongèrent pour devenir armes tranchantes. Leur pointe perçait des ouvertures dans le vêtement, de sorte à ce que les griffes effleurent sa peau. C’était un avertissement. De mon point de vue, un tel acharnement cachait un secret bien plus lourd et inavouable que cette foutue destinée qu’il s’obstinait à me rabâcher, parce que si on commençait à tout lui mettre sur le dos à celle-là, tout le monde pourrait, du jour au lendemain, s’autoproclamer Roi. Malgré cela, j’apercevais toujours ce sourire des plus irritants flotter rêveusement sur la ligne de ses lèvres. Cette situation devenait agaçante.

« T’as sérieusement une case en moins, sifflais-je hostilement avant de le repousser sèchement vers l’arrière. Si je te reprends à foutre ton nez là où il faut pas, je suis sûr qu’un séjour entre les murs de Verillon t’assagira »

J’avais beau le lui affirmer avec conviction et hargne, je ne savais pourtant pas quoi faire de lui sur le moment. Il avait entendu ma discussion avec l’Oklilleiro de Sombrevoyance. Toutefois, il me semblait qu’il n’avait eu vent que de quelques bribes seulement de l’histoire, puisque la seule preuve sur laquelle il basait sa théorie était le mot « cadavre » que j’aurais répété au cours de cette conversation. Malgré tout, le jeune homme avait éveillé ma méfiance et je ne pouvais m’empêcher de douter de la véracité de sa parole.

« J’ai oublié un truc… oui! Et le voilà reparti sur son cirque. Le plus important! Je suis capable de voir dans le passé! Alors si ça intéresse ton histoire de cadavre, hésite pas! »

… Là, il me prenait pour un bouffon. Non, instincts orishas, je n’en avais rien à faire que ses paroles soient vraies ou fausses. Il était dément et dissimulait plus que ce qu’il voulait vraiment me dire, point final.

« Comme par hasard. C’est pratique, tiens, ironisais-je en roulant des yeux, le sondant du regard avec mépris. Laisse-moi te poser la question autrement, cette fois : qu’est-ce que tu y gagnes exactement? Qu’est-ce que cette affaire va t’apporter au juste? J’étais convaincu qu’il avait d’autres desseins, bien plus personnels et obscurs – si ce n'était pas tout bonnement et simplement une curiosité morbide. Désolé, mais t’es juste trop louche. Je réfléchis un certain temps avant de porter mes mains autour de mon cou, libérant de mon manteau la chaîne d’un collier, le lui tendant par la suite. Prouve-moi que t’es pas qu’un simple mytho. Dis-moi ce que tu y vois. »

Et peut-être qu’après ça, je saurais s’il me serait utile. Ou pas.


◆ 623 mots (Sans les paroles reprises du post de Daé) | Post VIII