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 Les mémoires oubliées d'Alouine [Solo]

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Min Shào
~ Orine ~ Niveau II ~

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◈ Parchemins usagés : 291
◈ YinYanisé(e) le : 25/03/2022
◈ Âme(s) Soeur(s) : Elle m'attend quelque part.
Min Shào
Dim 23 Oct 2022, 18:07


Image par Armin Rangani

Les mémoires oubliées d'Alouine

Thème : Midnight Woods

Objectif : Min, Wao et Chuan tentent de retrouver leur chemin après s'être perdus dans une région inconnue.

Chapitre I.

Dans les montagnes ancestrales d'Onikareni vivait une civilisation bénie des Dieux. Les Orines, ambassadrices des Arts et sources d'Inspiration, parcouraient ses terres en parfaite harmonie avec la nature. Elles parlaient aux arbres, chantaient avec les oiseaux, nourrissaient les terres. Et parmi ses Orines se trouvaient trois enfants en quête d'aventure. Min Shào était un rayon de soleil inextinguible. Ses cheveux blonds rayonnaient autant que son enthousiasme. Wao Ming était sa lune, doux et tranquille, mais parfois froid. Il partageait sa chevelure de jais et ses prunelles anthracites avec sa cousine éloignée Chuan Ming. Pourtant, leurs personnalités s'opposaient. Chuan voguait sur les vagues d'émotions animées par une houle incessante. Les trois adolescents aimaient leur terre natale. Mais à mesure qu'ils déployaient leurs ailes, ils se lassaient du paysage alentour. Bientôt, ils apprendraient que le cadeau de l'aventure a un coût.

Aujourd'hui était une journée très spéciale pour les Orines d'Onikareni : une troupe itinérante d'artistes et d'illusionnistes en tous genres, appelée Alouine, avait planté ses piquets dans l'herbe humide des plaines rouges. Pendant une lune, les Orines pouvaient monnayer des expériences hors du commun. Les attractions comptaient spectacles d'acrobatie, manèges mécaniques et contorsionnistes. Les trois Orines n'avaient d'yeux que pour la seule attraction qui leur était interdite : la maison du frisson. Il s'agissait d'une petite tente dont l'intérieur, fait de sorcellerie et d'illusions, offrait un voyage dans une maison hantée. Leurs parents les jugeaient trop jeunes pour y entrer, mais l'appel de l'inconnu était plus fort que l'autorité.

Min, Wao et Chuan décidèrent ainsi d'y aller secrètement. Ils se retrouvèrent peu avant l'aube, leur chemin étant discrètement illuminé par les rayons lunaires. Ils quittèrent la route pour prendre des chemins détournés, priant pour ne rencontrer aucun adulte. Quand les installations de la troupe apparurent à l'horizon, ils s'élancèrent dans une course affolée à travers les plaines.
« Z'avez quel âge ? » leur demanda l'itinérant avec une pointe de méfiance quand ils se présentèrent devant la tente, en tenant des kilos de riz et des mochi à monnayer. « Treize ans... et demi ! » mentit instantanément Chuan avec toute l'assurance du monde. « Elle ment ! » S'exclama soudain Wao. Ses amis le regardèrent, effarés. « Son anniversaire date d'une lune » , blagua-t-il. En réalité, ils avaient tous entre dix et onze ans. Le fait que l'amie mente aussi facilement l'avait troublé. D'ailleurs, le jeune semblait avoir des doutes, mais il n'osa pas refuser des bouilles aussi adorables. « Vous faites un sacré trio », leur lança-t-il en s'écartant pour leur laisser l'accès à la maison hantée.

C
était un jeune adolescent aux cheveux roux. « On sait, m'sieur ! Merci, m'sieur ! » répondit Chuan. Elle lui donna un mochi alors que ses deux amis s'engouffraient sous le voile de la tente magique. Le roux les y suivit, en prenant garde à rester toujours vers l'arrière pour ne pas déranger leur expérience immersive -sans pour autant manquer de surveiller les enfants. « Wooooah ! » fut le premier mot que les trois amis murmurèrent en entrant dans l'attraction. D'un coup d'un seul, les bruits extérieurs s'étaient tus. La température s'était refroidie et une odeur putride leur piquait les narines. C'était comme s'ils venaient d'entrer dans un autre monde. « Incroyaaaable ! » s'exclama Wao. Le trio se trouvait dans un grenier. Au sol, des flèches luminescentes indiquaient le chemin à suivre, seules témoins du caractère artificiel de la maison hantée.

Le trio descendit du grenier par une trappe et s'engouffra dans le couloir. Des grincements et une respiration résonnaient au loin. Une fumée artificielle s'élevait derrière les fenêtres, si bien qu'il était impossible de voir à travers. Une bougie tremblante mettait en évidence des traces de sang sur les murs et des toiles d'araignées collées aux plafonds. Rien que de telles preuves d'existence de l'insecte donnait des frissons à Min. En avançant, le trio découvrit une chambre au détour du couloir, d'où une lumière émanait. Happés par cette lueur mystique, ils s'en approchèrent, ne faisant plus attention à leurs alentours. Ce fut à ce moment-là qu'un mécanisme se déclencha et fit tomber un morceau de mur derrière eux dans un fracas accompagné d'un cri. Une poupée en forme de vampire en surgit alors que le trio s'était retourné en direction de l'horrible bruitage. « Gaaaaah ! » Min fut le premier à crier. Il referma sa prise si fort sur le bras de Chuan qu'elle en cria à son tour. Wao, en voyant ses deux comparses pousser des cris, les imita sans même en comprendre la raison.

La poupée de vampire ne bougeait plus : elle était figée dans un élan mortel, des ongles brandis comme des griffes, la lumière se reflétant sur ses yeux et ses crocs de porcelaine. Une fois le frisson passé, les Orines soufflèrent en s'aidant des murs pour soutenir leurs jambes tremblantes. Min n'avait plus qu'une envie : sortir de la maison du frisson. Mais il ne voulait pas être la poule mouillée du groupe, alors il s'arma de tout l'aplomb dont il pouvait faire preuve et commenta : « Tu nous auras pas aujourd'hui, monstre ! » Et il se retourna pour entrer dans la chambre.

Ce n'était que le début du parcours. Combien de temps leur faudrait-il pour sortir ? D'un coin de l'œil, il regarda l'itinérant qui les surveillait de loin. Le seul adulte de la pièce était bien trop loin de lui à son goût... s'il suivait son instinct, il aurait déjà bondi derrière ses jambes. Chuan tira la langue vers la poupée et rejoint Min. Mais Wao resta un moment devant le faux monstre : il était curieux. Lui aimait connaître les rouages des mécanismes, comprendre leur fonctionnement. Mais en regardant le roux, il jugea qu'il serait bien impoli de décrypter ainsi l'art de leurs illusions. Il les rejoint et entra dans une chambre abandonnée. Des draps avaient recouvert tous les meubles ; et, dans un coin se tenait une table poussiéreuse. Chuan fut attirée par elle comme un aimant. « C'est quoi ? J'veux voir ! » s'écria Wao, fasciné par l'expérience.

Il poussa ses amis pour voir l'objet de leurs curiosités. « C'est une table d'alchimie ! » répondit-elle en levant fièrement le menton. Dans sa famille à Hava, elle apprenait l'art des potions : ce meuble n'avait aucun secret pour elle. « Je sais dans quelle pièce on se trouve », murmura-t-elle en leur intimant de se rapprocher d'elle. « Où ? Raconte-nous ! » Min et Wao avaient compris le jeu. Elle allait tisser les contours d'une histoire pleine d'aventures et de drames. « La maison de la Sorcière Gagabaya. » Elle s'assura que les Orines étaient pendues à ses lèvres et reprit. « C'était une Sorcière terrible. Elle transformait en grenouille quiconque lui déplaisait ! Mais elle était aussi très belle. Sa chevelure de feu descendait jusqu'à ses hanches. Même que ses yeux étaient de la couleur de la lune, bénis par l'astre céleste... elle happait le cœur des hommes puis s'en emparait cruellement. Sa beauté touchait jusqu'à la noblesse et les Rois. »

À mesure qu'elle racontait son histoire, elle rassemblait des faux ingrédients sur la table en montant les bras.  « Un jour, elle accepta chez elle un très beau Roi. Il lui demanda sa main et elle lui accorda. » Min mit ses mains devant la bouche pour exprimer sa surprise. « Le Roi, se marier à une sorcière ? Comment il aurait pu ? » Ce fut Wao qui poursuivit à sa place. Chuan lui avait passé le relai pour raconter la suite de l'histoire. « Il l'embrassa, dans un long baiser tendre. A ce moment-là, elle était heureuse. Elle avait enfin trouvé l'amour. Mais ! Quand ses lèvres se détachèrent, elle découvrit le piège ! » Le roux s'était aussi approché d'eux, tout autant curieux de connaître la suite. « Soudain, elle se retrouva entourée d'une armée de soldats ! Distraite par le baiser, elle ne les avait pas entendus arriver. Le Roi ne voulait pas se marier avec elle. Il voulait la punir pour ses sorcelleries. C'est alors qu'il lui fit une offre. » Wao se tourna vers Min. Le blondinet sourit et prit la parole. « Il lui proposa de considérer sa maison comme un territoire protégé si elle réalisait une commande spéciale. Confectionner un philtre d'amour. »

Les Orines étaient captivées, oubliant l'endroit effrayant dans lequel ils se trouvaient. « La Sorcière avait le cœur brisé. En plus d'être trahie, elle allait envoyer le Roi dans les bras d'une autre femme. Mais sa vie était en jeu. Elle se rendit dans sa chambre et commença la préparation. Quand elle eut fini, le Roi lui demanda de boire une partie pour s'assurer que c'était pas du poison. » Wao hocha la tête. Il trouvait cela parfaitement logique. « Elle le but et... POUF ! »

Chuan sursauta. « Elle tomba raide morte. Les soldats rigolèrent en constatant qu'elle avait été prise par son propre stratagème et tournèrent les talons en laissant son corps gésir dans la poussière. Ils retournèrent dans leur chaumière et le Roi dans son château, satisfaits d'avoir puni la Sorcière. » Il se tourna vers Chuan pour qu'elle termine la boucle, mais ce fut la voix du roux qui résonna derrière eux : « Mais elle n'était pas morte ! La potion avait conservé son esprit. Son corps n'ayant pas été brûlé, son esprit vengeur hanta toutes les personnes présentes dans la pièce le jour de la fin de sa première vie. De ce jour jusqu'à leur mort, elle détourna l'amour de leur chemin et ils moururent seuls et tristes. FIN ! » s'écria-t-il, non peu fier de sa conclusion improvisée. « Ouais ! » ponctua simplement Chuan en faisant tomber les faux ingrédients dans une bassine vide.  

« Ouais. »

Soudain, une autre voix venait de résonner dans leur dos. Une voix qui n'avait rien d'humain : elle était gutturale et saccadée, comme sortie d'outre-tombe. D'instinct, les quatre bipèdes se retournèrent et découvrirent une silhouette énorme et blanchâtre, un masque pustulant et une longue langue verte branlante autour de son corps. « Aaaaaaaaaaaaah ! » cette fois, le groupe cria d'un seul coup. Wao agrippa Chuan et Min par les bras et s'engouffra sous les jambes squelettiques de la créature pour bondir dans ce qu'il semblait être la pièce suivante. Le roux, quant à lui, déguerpit pour revenir jusqu'à la sortie. L'acteur, certainement très content de sa performance, poursuivit son ami vers la sortie et laissa les enfants à leurs tourments.

Wao s'était trompé : il n'était pas allé dans la pièce suivante de la maison du frisson, mais dans l'entrebâillement d'une porte que l'illusionniste avait lui-même bravé pour venir les surprendre. Wao haletait : tous ses sens étaient en alerte. Pour lui, la menace était bien réelle. La créature ne les avait pas suivis, mais il pouvait revenir à tout moment et quand ce serait le cas, il voulait être armé. Min eut, de son côté, une réaction toute différente. « Psst ! V'nez vous cacher ici ! » Le malin avait trouvé une très bonne cachette : une grande armoire en bois massif. Sans attendre leur réponse, il tira le bras de ses amis et les entraîna d'un coup sec à l'intérieur du meuble. « Aïe ! » se plaignit Chuan. Elle roula sur elle-même, entraînée par l'élan de Min. Mais alors qu'elle s'attendait à se fracasser le dos contre la paroi, elle tomba dans le vide et se cogna la tête sur quelque chose de dur et froid. Soudain, les bruits de la maison hantée avaient disparu, tout comme les bruits de ses amis. Elle était seule, ailleurs. Et en même temps, il lui semblait être au même endroit. Quel était ce maléfice ?

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Min Shào
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Min Shào
Lun 24 Oct 2022, 22:55


Image par Armin Rangani

Les mémoires oubliées d'Alouine

De l'autre côté de l'armoire, Min paniquait. « Chuan ? Où est passée Chuan ?! » chuchota-t-il. L'Orine chercha la trace de son amie à travers les manteaux. Ses yeux s'ouvrirent grand quand il découvrit un cercle tout noir à la place du fond de l'armoire, dont émanait une curieuse aura. « Wao ! Viens voir ! » Il le tira par la manche, remarquant que son ami ne réagissait pas. Il vit que ce dernier était blême, envahi par la panique. Sa phobie du noir avait pris le dessus. Min le secoua pour le ramener à la raison. « Je crois que Chuan a disparu là-dedans ! » Le regard de ce dernier passa de lui à la forme magique. Il finit par acquiescer en signe de compréhension, incapable de formuler le moindre mot. « On doit vérifier par nous-mêmes ! C'est Chuan, notre amie ! »

Wao secoua violemment la tête. Il se recula et s'enfouit dans les couches de fourrure. « Pardon », s'excusa Min en anticipation. Que Wao le veuille ou non, il allait le tirer par la peau des fesses. L'Orine passa la jambe à travers le trou. Il ne sentit rien : pas de créature qui lui happa le membre. Rien. Alors il fit suivre le bas de son corps. Les yeux de Wao s'agrandirent comme des soucoupes. « Arrête, Min ! Reviens ! » parvint-il à crier. Min paniqua ; Wao allait dévoiler leur cachette alors qu'une créature était possiblement en train de les chercher ! Il agrippa Wao de ses deux mains et l'entraîna avec lui d'un coup sec à travers le portail.

Min tomba les fesses la première sur un sol froid et dur. Wao l'accompagna dans sa chute et sa tête tomba lourdement sur son ventre. « Ouille ! » Soudain, une brune envahit son champ de vision. « Chuan ! Alors tu étais là ! » s'exclama-t-il en se jetant dans ses bras. Ils s'enlacèrent comme pour vérifier qu'ils étaient bien réels. Wao, quant à lui, se colla à eux, encore tétanisé par ses mille illusions de créatures terrées dans l'obscurité. « Min... Chuan... revenez. Repassons à travers le portail. » Ces derniers se tournèrent et s'aperçurent qu'ils étaient dans la même pièce que tout à l'heure. Pourtant, ils sentaient que quelque chose était différent. Comme s'ils étaient dans une autre dimension.

L'air sentait la poussière, un peu plus que la pièce précédente. Certains objets avaient disparu et ils n'entendaient plus les bruitages de l'attraction. Mais c'était pour le mieux : le silence était salvateur à côté des crissements artificiels. « Pourquoi ferait-on cela ? On n'entend plus les bruits de cliquetis et de cris... c'est plus calme, ici », argumenta Chuan. Mais Min était indécis. « Même... on sait pas où on est. Et si le portail se refermait d'un coup ? On serait bloqués là ! » Wao hochait la tête précipitamment, mais Chuan s'écarta d'eux, les poings sur les hanches. « Et que fait-on de l'aventure, alors ? Ne voulions-nous pas chasser le frisson ? Là, on l'a trouvé. » - « NON ! » avait crié Wao de toutes ses forces. « Je veux plus de frissons ! Et puis d'abord, c'était ton idée ! Moi, je veux revenir chez Min ! Allez Min, viens, on repart ! »

Il secoua le bras de Min. Ce dernier était de curieux de comprendre où avait mené ce portail, mais la détresse de son ami ne souffrait aucune contestation. Il se tourna vers le portail. « Je pense qu'on devrait écouter Wao. Si lui s'amuse pas, on a pas d'intérêt à le forcer. » Il tendit la main vers Chuan. Elle croisa les bras un moment, puis soupira. « Vous êtes d'un ennui... » elle pris la main de Min et rouvrit la penderie. Mais en écartant les manteaux, ce qu'ils découvrirent les glacèrent. Le portail avait déjà disparu. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière.

Wao s'effondra sur le sol. « J'en étais sûr ! On va tous mourir ici, et ce sera à cause de toi ! » Cette fois, Chuan explosa. « A cause de moi ! A cause de moi ! Non mais quel culot ! Qui a eu l'idée de fuir au petit matin, pour ne pas être repérés par les adultes ? Hein, QUI ? » - « C'est toi qui m'as forcé ! Quand on veut pas faire ce que tu veux, tu insistes encore et encore, comme une vieille bique ! » - « C'est qui la vieille bique ?! » Min se plaça entre ses deux amis et leur agrippa par le bras. « Arrêtez ! C'est inutile de se disputer maintenant ! Allez Chuan. Wao. On respire. Inspirez... expirez. Voilà. Encore une fois... très bien. Maintenant, sortons d'ici. »

Min se surprit lui-même de son sang froid. D'habitude, il était le premier à paniquer. Mais entouré de ses amis, il sentit que s'il ne prenait pas le rôle de l'adulte rassurant, il laisserait le chaos prendre le contrôle de la situation. « Au moins, on est dans la même pièce... donc on sait comment sortir. V'nez au grenier. » Wao hocha la tête et retint sa main en se courbant, comme alourdi des problèmes de la terre entière. Chuan, quant à elle, était encore agacée, alors elle se contenta de le suivre de loin. Les Orines revinrent dans la chambre, les sens aux aguets : il ne semblait rien n'y avoir de différent, sauf que les faux produits étaient absents. La table d'alchimie était poussiéreuse.

Et à travers le vitrail, le groupe pouvait apercevoir les rayons crépusculaires du soleil enflammer la vitre. Le feuillage des arbres faisait danser les ombres et provoquait quelques craquements de l'autre côté des murs. Alors ils avaient bien changé de dimension temporelle... mais était-ce tout ? « Si ça se trouve, on a avancé d'un siècle. Si ça se trouve, on va retrouver Onikareni détruite, et nos parents morts... » Une larme roula sur la joue de Wao. Chuan explosa une nouvelle fois. « T'as pas fini avec tes sornettes ?! On est en fin de journée, la belle affaire ! Tu es vivant, je suis vivante, il y a pas de grosse bête pustuleuse qui nous chasse, en bref : tout va bien. Alors ferme ta bouche de dépressif ! » - « Chuan, enfin ! Ne sois pas vulgaire » , le défendit Min. Il avait l'impression d'entendre sa mère parler à travers lui. « Mmph. »

Chuan était insupportable quand elle était de mauvaise humeur, et elle commençait à lui courir sur le haricot, à lui aussi. Mais il se garda bien de lui faire remarquer et entra dans le couloir. « Ugh ! C'est quoi, cette odeur ? » un courant d'air faisait passer une odeur pestilentielle dans leurs narines. C'était une odeur de rat mort, mais en pire. « Elle vient de la droite... allons dans le grenier », poursuivit Min. Il s'assura que l'échelle était solide, puis monta. « Non Min, n'y va pas ! » balbutia Wao. Chuan le regarda avec mépris. « Tu préfères qu'on aille à droite, peut-être ? » ponctua-t-elle amèrement en montrant du doigt l'origine de l'odeur horrible. Wao ne dit rien et laissa Min monter.

Quand ce dernier put apercevoir l'intérieur du grenier, ses yeux habitués à l'obscurité, son sang se glaça. Il n'y avait plus l'ouverture de l'attraction. Pourtant, tout le reste était conforme à la pièce dans laquelle ils étaient entrés plus tôt. « Alors ? » s'impatienta Chuan, attendant de pouvoir monter à son tour. Toujours pendu à l'échelle, Min se tourna vers eux, la bouche sèche. Doucement, ses espoirs commençaient à se sceller et son courage à se craqueler. Il n'y avait pas de retour en arrière. Ce dernier contenta de secouer la tête, ne pouvant piper mot. « Comment ça ? Descends, que j'aille voir ! » Min descendit précipitamment et la laissa constater la situation. Wao, quant à lui, bouchait ses narines avec son tissu en espérant filtrer la mauvaise odeur. En vain.

Quand Chuan redescendit, elle était blême. Ses yeux se plantèrent dans le regard du blond. Les deux ne dirent rien pendant quelques secondes, comme s'ils se rejetaient tour à tour le déni de la situation. « Alors... on est cuits ? » finit par articuler Wao. « Non ! » cria Chuan, déterminée. « Allons voir à gauche. » Le groupe se dirigea vers ce qu'il semblait être une salle de bain. Il n'y avait pas de fenêtre. Une grande baignoire remplissait presque toute la pièce ; mais elle était noire de crasse, si bien que l'on ne pouvait distinguer sa couleur originelle. Et au-dessus, ils aperçurent les débris d'un long miroir brisé. De l'ail avait pourri sur le rebord, devenu jaune et blanchâtre. « D...demi-tour... » articula Wao.

Ses deux amis hochèrent la tête et tournèrent les talons. Ils regardèrent l'autre côté du couloir. L'odeur qui en émanait était insoutenable. Mais s'ils voulaient sortir de ce manoir, ils étaient obligés de la suivre. Min fut le premier à avancer. Ils traversèrent la longue pièce à petits pas, comme si un monstre menaçait de surgir à tout moment. Sauf que cette fois, il n'y avait plus d'artifices : il serait bien réel. L'odeur se renforçait et ils devaient redoubler de courage pour avancer. Min n'avait pas la force de formuler l'hypothèse de l'origine de l'odeur. Un frisson prenait naissance sur son échine. La mort. Seule la mort pouvait renvoyer une odeur aussi horrible.

Le groupe arriva dans un grand vestibule. Ils avaient le choix : suivre le couloir ou descendre de grands escaliers. L'option était simple, bien qu'ils ne sachent pas d'où venait l'odeur. Elle avait pourri leurs narines et semblait émaner du manoir tout entier. Chuan se tenant inutilement le nez, elle indiqua le bas du doigt. Wao et Min hochèrent la tête et descendirent les marches une par une, en ne veillant à ne pas faire de bruit. Chuan avait la fâcheuse impression d'être surveillée par une présence armée de mauvaises intentions, et elle se figura qu'elle n'était pas la seule. Wao et Min se faisaient aussi discrets qu'elle. Au début apaisant, le silence était devenu lourd. Ils regrettaient les bruits incessants de l'attraction de l'autre côté du portail.

En descendant, les Orines découvrirent un énorme hall d'entrée. Le lustre s'était effondré au sol, en faisant jaillir des débris de verre partout dans le couloir. Certaines parties du carrelage avaient été fissurées; dans d'autres endroits, il avait été tout simplement retiré. Un grand vitrail reflétait ses couleurs sur le sol, lui aussi cassé de toutes parts. Et dans les endroits illuminés par le soleil, les Orines aperçurent des traces de liquide séché de plusieurs couleurs, certaines virant sur le cramoisi et d'autres sur le noir. *Du sang.* Pour Chuan, il n'y avait pas de doute possible. Son cœur s'accéléra et ses battements résonnèrent dans sa tête, presque assourdissants.

Il s'était passé de terribles choses ici. C'était une certitude. Pour Chuan, il n'y avait qu'une seule question qui importait : étaient-ils seuls ? En sécurité ? Soudain, Wao lui serra le bras si fort qu'elle laissa échapper un cri de douleur. Elle s'apprêta à le rouspéter, mais se tut en découvrant l'origine de sa terreur. En suivant son regard, elle découvrit une vision morbide. Sur le vestibule, juste devant la porte d'entrée qui avait été visiblement enfoncée de force, un cadavre était étalé au sol. Sa peau était cireuse et ses cavités béantes.

A cette vue, Wao s'était pétrifié et Min se retourna d'un coup sec, comme pour effacer cette vision de sa mémoire. Mais c'était trop tard. Il se plia en deux et déversa un liquide jaunâtre sur les escaliers, animé de secousses. Le dégoût monta en Chuan devant le corps en décomposition. Son estomac se retourna. Elle fut secouée par l'envie irrépressible de vomir, elle aussi. Chuan imita Min et eut juste le temps de reculer de quelques pas avant de déverser son petit-déjeuner au sol. Les deux s'effondrèrent contre la rampe et essayèrent de reprendre leur souffle. Ce n'était plus un jeu.


Mots : 1903
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Min Shào
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Min Shào
Mar 25 Oct 2022, 21:48


Image par Armin Rangani

Les mémoires oubliées d'Alouine

Wao était le seul à rester lucide. Il analysa les informations qui étaient à sa disposition : le corps n'était plus une menace. La nuit tombait petit à petit. Et soudain, un mouvement attira son attention vers ses deux amis. Il se retourna et poussa un cri d'effroi. « Sortez ! Suivez-moi, vite ! » Son ton était sans appel. Wao s'élança vers l'entrée en courant à toute allure. Min et Chuan se remirent en état d'alerte et le suivirent sans lui poser la moindre question. Ils enjambèrent le cadavre en regardant le ciel, essayant d'oublier cette vue morbide. Wao s'enfonça dans les bois. Il courait comme un dératé : Chuan, qui le battait toujours à la course, peinait à le suivre. Mais ils le suivirent du mieux qui pouvaient, effrayés par ce que Wao avait vu. Il avait remarqué quelque chose derrière eux, c'était certain, une chose qui les poursuivait peut-être. Chuan ne se retournait pas. Son corps entier était parcouru de décharges d'adrénaline. Ses jambes couraient toutes seules, sans qu'elle ait le moindre effort à fournir. Elle fuyait pour survivre.

Les derniers rayons du soleil épousaient le feuillage de la forêt quand Wao s'arrêta. Il s'effondra d'un coup, les jambes tremblantes et la gorge asséchée. Il avait repéré le bruit d'un ruisseau et se désaltérait comme s'il n'avait pas bu depuis des jours. Chuan et Min le rattrapèrent et l'imitèrent, tous deux aussi essoufflés que lui. Pendant de longues minutes, les trois Orines burent, reprirent leur souffle et surtout, leurs esprits. Alors qu'ils se ressourçaient, ils ressentirent la morsure du froid qui s'intensifiait à chaque minute, à mesure que le soleil s'éloignait. Les trois adolescents repérèrent un arbre sur lequel ils pourraient grimper et allèrent se cacher dans ses branchages. Alors seulement, ils s'autorisèrent à reparler. « Wao... que diable as-tu vu pour déguerpir ainsi ? » lui demanda Min, les sourcils froncés.

Le regard de son ami se perdit dans l'horizon alors qu'il cherchait la force de formuler une réponse. « Je... je ne sais pas. » Il soupira. « C'était une ombre. J'ai cru voir... non, j'ai vu une ombre s'approcher de vous. J'en suis certain. » La lueur de panique absolue dans ses yeux aurait pu le faire passer pour un fou si la situation était différente. Mais il n'y avait plus de limites à la folie, pas après ce qu'ils avaient vu. « Je te crois », finit par répondre Chuan. « Dans ce manoir... j'avais l'impression que... que nous n'étions pas seuls. Que quelqu'un nous observait. » Wao hocha la tête. Un frisson les parcourut à l'évocation du moment qu'ils venaient de passer. Et soudain, Min fondit en larmes. Les sanglots secouaient ses épaules de façon incontrôlée. Semblable à un barrage qui cède, ses émotions se déversaient en lui tel un raz-de-marée. Et à mesure que son corps se fatiguait, l'angoisse s'amenuisait.

Quelques larmes coulèrent sur les joues de Chuan ; elle ne savait pas si c'était par empathie ou car elle ne pouvait plus contenir ses émotions, elle non plus. Son regard se planta dans la mine éteinte de son ami. « Wao. » Ce dernier leva lentement la tête. Il paraissait se réveiller d'un sommeil agité, les yeux enfoncés dans ses paupières. « Ce n'est pas la première fois que tu voyais... enfin... je me trompe ? » Elle ne pouvait pas le formuler. C'était au-dessus de ses forces. Mais il avait compris. « Non. » Il n'en dit pas plus et son visage se referma. Chuan ne demanda pas plus de détails, même si elle bouillait de curiosité. Elle savait que Wao n'avait pas vécu que de belles choses dans son enfance ; elle n'était pas si étonnée que cela de savoir qu'il avait déjà vu un cadavre. En ce sens, elle et Min étaient chanceux. D'un autre côté... sa lucidité était peut-être ce qu'il venait de leur sauver la vie. « Je veux rentrer. » Min avait arrêté de pleurer. Il était hagard. Le cœur de Chuan se serra : l'Orine semblait avoir puisé dans ses dernières forces. Elle ne l'avait jamais vu ainsi.

Cela la renvoya à ses propres angoisses. Elle se sentit soudain vulnérable, à nu au milieu d'un orage d'angoisses. La branche sur laquelle elle était perchée était le seul rempart qui la protégeait de la folie. Chuan ne comprenait rien à ce qu'il lui arrivait. Cette forêt n'était pas dans les plaines d'Onikareni : ils étaient ailleurs. Mais où ? Un autre continent ? Un autre monde, ou un autre temps ? Selon la réponse, ils n'auraient peut-être aucune chance de retrouver leur foyer. Elle s'efforçait de faire face à l'éventualité de vivre son dernier jour dans ce monde.

La voix de sa mère résonna dans son esprit. Elle se remémora les dernières paroles qu'elles avaient échangées. Sa gorge se noua. *Ressaisis-toi, bon sang !* Chuan se griffa le bras et inspira un bon coup pour retrouver ses esprits. Elle se concentra sur la sensation du froid qui s'engloutissait dans son corps. L'Orine n'avait pas le loisir de se lamenter sur son sort : il y avait d'autres inquiétudes plus immédiates. Pour commencer, comment se nourrir ? Elle réfléchit à un haiku. Pourrait-elle invoquer l'aide des oiseaux pour leur indiquer les sources de nourriture ? Chuan se garda de proposer cette solution à ses amis : ils n'étaient plus en état de réfléchir à quoi que ce soit. Déjà, Min s'était allongé sur sa branche, son corps se relâchant progressivement alors qu'il sombrait dans un sommeil agité.

Mais soudain, son sommeil fut interrompu par des gouttes de pluie atterrissant sur son visage. « Sérieusement ? Sérieusement ! » scanda soudain Min au ciel, comme s'il était responsable de tous ses malheurs. Chuan, quant à elle, leva la tête et ouvrit la bouche pour engloutir ce cadeau de la nature. Un crachin s'abattit sur la forêt, les gouttes faisant chanter la forêt. Cette douce musique contrastait d'une façon lugubre avec leur mauvaise posture. « Et moi qui allais proposer de faire un feu... » grogna Wao. En effet, le soleil avait été englouti par le crépuscule et la nuit recouvrait la terre inconnue de son manteau. Les nuages cachaient un clair de lune qui leur aurait été bien utile.

Wao et Chuan parvinrent à se motiver mutuellement et choisirent de descendre de l'arbre avant que le tronc soit trop glissant pour leur permettre d'œuvrer en toute sécurité. Min les suivit à contrecœur. Quand Chuan posa les pieds dans l'herbe, Wao se précipita vers elle et s'accrocha désespérément à son bras. Elle sentit qu'il tremblait de peur. Ce dernier avait une fâcheuse phobie du noir. « On fait quoi, maintenant ? » demanda Min en s'approchant. Wao balbutia aussitôt : « On va chercher un refuge ! » Alors, une idée traversa l'esprit de Chuan. Elle se concentra pour chercher une formule satisfaisante, puis chanta :

« Dans la nuit totale,
Le chemin est invisible.
Que volent les lucioles. »

Wao et Min se turent en comprenant son appel au pouvoir de l'Invocation Céleste. Ils répétèrent son haiku dans l'espoir de renforcer son appel puis patientèrent, tous les trois collés en bas de l'arbre. Les feuilles gouttaient au-dessus d'eux alors que le crachin se métamorphosait en pluie battante et faisait ressortir les effluves de la végétation. Dans la nuit grandissante, l'horizon était englouti par l'obscurité. Mais soudain, une faible lueur apparut au loin. « Wao ! Regarde. » Min le força à lever la tête. Ce dernier ouvrit un œil lentement, puis les deux en se concentrant sur les petites lumières dansantes.

Elles se rapprochèrent de plus en plus. « Les lucioles sont venues à notre secours ! » Ces dernières s'arrêtèrent en face des mains des Orines. Ils leurs tendirent leurs paumes, qu'ils refermèrent afin de protéger les lucioles de la pluie. « Tu es trop forte », s'exclama Min. Chuan ne releva pas le compliment : elle réfléchissait à la prochaine étape. « J'ai une idée. Allons chercher une grotte, ou tout autre type d'abri. » - « Ouais, mon idée mais reformulée, quoi », grommela Wao. Chuan soupira : son ami devenait acariâtre quand les événements n'allaient pas dans son sens. C'était insupportable. Déjà bien incapable de contrôler sa nervosité, cette dernière tonna : « Moi, je fais quelque chose au moins ! Je me cache pas derrière mes paupières fermées ! »

Elle se précipita dans une direction choisie au hasard, n'attendant pas que ses amis la suivent. Elle en avait assez. S'ils n'étaient pas capables de veiller à leur survie, qu'ils restent dans leur cocon d'incompétence sans la ralentir ! « Chuan, attends ! » cria Min au loin. Elle les entendit courir derrière elle pour la rattraper. Mais la jeune adolescente ne ralentit pas. « Je m'excuse, c'est bon ! » insista son ami. La Ming ravala sa colère et s'immobilisa, sans prendre la peine de se retourner. C'est alors qu'un événement étrange se produisit. Soudain, les bruits de la forêt s'amenuisèrent, comme à moitié masqués par un voile.

Et quand Chuan se retourna, elle ne vit personne derrière elle -ni quoi que ce soit d'autre. Elle était engloutie dans l'obscurité la plus totale. Son pouls s'accéléra une nouvelle fois et elle commença à haleter, égarée dans une nuit absolue. « Chuan ! Où es-tu ? » Entendit-elle. L'Orine voulut répondre, mais plus un son ne sortait de sa bouche. Instinctivement, elle porta sa main à son cou. La lumière de sa luciole s'évanouit et quand elle baissa les yeux sur sa paume, elle découvrit avec effroi le corps sans vie du petit insecte. Chuan s'agenouilla au sol, tremblante, les yeux rivés sur l'insecte dont elle avait causé indirectement la perte. L'Orine regarda autour d'elle une nouvelle fois, mais ne distingua rien du vide béant qui l'entourait.

Elle était perdue et seule. « Chuan ! C'est pas drôle ! » Répéta Wao en jetant des coups d'œil désespérés autour de lui. Min se recula et la chercha à son tour, en vérifiant qu'elle n'avait pas grimpé sur une branche histoire de leur faire une mauvaise blague. Mais il subit la même mésaventure que Chuan. Puis vint le tour de Wao. Tous les trois se retrouvèrent isolés et engloutis par un épais manteau d'obscurité. Ils étaient chacun plus vulnérables que jamais, à la merci d'un démon sans visage. Soudain, une voix féminine résonna dans le noir. « Des adolescents perdus dans la forêt... quel agréable présent ! » Cette voix était espiègle, annonciatrice d'un jeu imminent auquel les Orines allaient se prêter contre leur gré. « Votre maman ne vous a jamais dit de ne pas sortir la nuit ? » Elle émit un rire qui glaça le sang de ses victimes. « La mort est à vos trousses. Fuyez ! »

Quand la voix se tut, le voile d'obscurité se dissipa. En réalité, ils n'avaient pas été emmenés ailleurs : un maléfice avait obscurci leurs sens. Mais Chuan, Min et Wao avaient commencé à courir pour essayer de retrouver leur chemin et s'étaient dispersés dans la forêt. Ils essayèrent d'appeler leurs amis, mais les sinistres cris d'une nuée de corbeaux, apparue comme par magie, étouffait leur voix. Chacun avait perdu la trace de l'autre : pour la première fois depuis leur arrivée dans ce sombre lieu, ils étaient réellement seuls. Il n'y avait plus qu'une seule chose qui comptait : fuir.


Mots : 1938

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Min Shào
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Min Shào
Mer 26 Oct 2022, 22:36


Image par Armin Rangani

Les mémoires oubliées d'Alouine

Chapitre II.

Horrifiés par la voix qui avait résonné dans le plus profond de leurs entrailles, ils lui obéirent. Quelque chose avait commencé à les poursuivre et ils devaient courir pour leur vie. Les trois amis se séparèrent et détalèrent, essayant de percevoir dans l'obscurité l'origine du mal qui les poursuivait. Mais ils ne voyaient rien. Seule une présence maléfique les observait à travers les ombres. Une présence indicible, impossible à vaincre.

Min était à bout de souffle. Le cœur tambourinait dans sa poitrine et sa gorge le brûlait à chaque inspiration. La morsure du froid nocturne asséchait ses lèvres ; les gouttes de pluie s'étaient gelées en flocons de neige. La forêt était silencieuse, désormais. Mais il entendait des pas précipités derrière lui. Il savait que quelque chose le poursuivait et il n'osait se retourner. *Plus vite, Min ! Va plus vite !* Le paysage défilait autour de lui. Les arbres se succédaient sans fin. Au-dessus des branchages, les montagnes le dominaient de leur ombre majestueuse. Il ne savait pas où il pouvait aller. Il n'avait même pas le temps de penser à des haiku pour sommer à la nature de le tirer de la situation. Ses pensées s'entrechoquaient, rapides, précipitées et incompréhensibles. Une seule faisait assez de sens pour qu'il la suive : courir. Courir plus longtemps. Courir plus vite.

L'Orine entendait les pas étouffés de ses prédateurs se rapprocher de lui progressivement. Parfois, ils étaient ponctués de rires machiavéliques, ce qui avait pour effet de redoubler sa vitesse. L'adrénaline électrisait son corps et le forçait à puiser dans ses dernières forces. Mais chaque foulée de plus était une souffrance. *Je n'en peux plus.* Min essayait d'insuffler autant de forces qu'il le pouvait dans ses jambes. Mais elles devenaient molles à mesure que ses muscles se tétanisaient. Il manquait d'air. Il avait chaud. Il avait froid. Il était fatigué. *Je veux juste que ça s'arrête.*

Soudain, l'un de ses prédateurs atterrit juste à côté de lui. L'Orine eut le temps d'apercevoir qu'il s'agissait d'un humain à l'attitude bestiale. Il courait à quatre pattes, les yeux rouges, les ongles remplacés par des griffes et des crocs saillant devant ses lèvres. Il se comportait comme un loup affamé. A moins que ce ne soit une femme ? Il discernait des cheveux longs. Peu lui importait. *Je suis leur repas.* Min comprenait maintenant par qui, et pourquoi il était chassé. Cela lui conféra une dernière impulsion et ses jambes se mirent à courir presque toutes seules. Il plongea au plus profond de son être pour trouver la force de continuer.

Sa prédatrice continuait à galoper à ses côtés : il n'arrivait plus à la distancer. Il comprit qu'il était à sa merci. Elle attendait seulement de décider de lui sauter dessus. « Tu fatigues déjà ? Va plus vite ! Amuse-nous ! » Min fut surpris de l'entendre parler, certainement car il la voyait comme une bête sanguinaire. En croisant son regard, surpris, il fut happé par ses pupilles rouges comme la braise. Il était captivé et son visage refusait de se tourner vers l'horizon. Et soudain, ses yeux disparurent. Les pieds de Min quittèrent le sol. Il fit face au ciel un court instant, puis fut englouti par le vide. Min avait trébuché. Il était tombé et, sous le choc, ou peut-être fut-ce à cause de son épuisement, il s'évanouit. Son esprit s'échappa à son tour et s'engouffra dans un monde de cauchemars.


*


Chuan était habituée à l'exercice. Elle courait tous les matins pendant des kilomètres. L'Orine était endurante et agile. Seulement, cette course n'était pas comme les autres. Ce n'était pas seulement un duel contre elle-même : des ennemis la poursuivaient et elle courait pour survivre. La peur de se faire rattraper lui avait donné des ailes. Elle volait presque à travers les feuillages. Derrière elle, les pas de ses ennemis s'éloignaient petit à petit. *Je vais les semer ! Je vais y arriver !* pensait-elle en soufflant comme son mentor lui avait appris. L'Orine se sentait telle une féline, ses bras entraînant son corps plus loin à chaque foulée, ses pieds évitant agilement les obstacles et sautant toujours plus loin. Son corps était son allié dans son combat pour la vie. Et au bout de presque une heure de course, les bruits de pas environnants finirent par s'évanouir. Chuan s'autorisa alors à se retourner pour vérifier qu'elle était hors d'atteinte, le souffle court. *Je n'entends plus rien.*

Dans un dernier effort, Chuan sauta sur un tronc d'arbre puis se jeta sur une branche. Elle pris son élan puis se balança pardessus elle pour y grimper. Etait-elle hors de danger ? En tous cas, elle ne pouvait plus continuer. Chuan connaissait les limites de son corps pour les avoir bravées. L'Orine essayait de ne pas faire de bruit, mais ses poumons avaient besoin d'air. Elle inspira profondément et essaya de contrôler ses expirations. Autour d'elle, le bruit de la pluie avait cessé : des flocons de neige descendaient calmement, pour venir fondre sur sa peau humide. Le froid apaisait autant sa douleur qu'elle la décuplait.

Jamais Chuan n'avait couru aussi vite pendant aussi longtemps. Ses jambes tremblaient et sa tenue était presque entièrement couverte de sueur. Le froid était en train de la transformer en glaçon vivant. Mais tout était dans ce dernier mot : vivante. Elle avait survécu et semé ses ennemis. Chuan se recroquevilla sur sa branche en essayant de préserver le peu de chaleur qui lui restait. Elle frissonnait et claquait des dents, à cause du froid et de la peur. L'Orine n'eût même pas une pensée pour ses amis : penser à sa survie lui prenait toute son énergie. « Te voilà. »

Soudain, une voix avait résonné juste derrière elle. L'Orine sursauta et perdit l'équilibre. Elle glissa de la branche et tomba de l'arbre. Chuan eut juste le temps de se rattraper sur une branche avant de tomber au sol, les fesses la première. « Quelle grâce ! Tu ferais une bien belle mascotte... si tu n'avais pas l'air si délicieuse. » Chuan se releva avec difficulté et ses yeux se plantèrent dans ceux de son prédateur. Il s'agissait d'un garçon qui faisait à moitié sa taille. Mais elle ne se laissa pas berner par son apparence : l'aura qu'il dégageait semblait très puissante. Seulement, ni elle ne s'imaginait pas le combattre, elle ne pouvait plus fuir non plus. Elle était prise au piège. Chuan n'avait jamais semé son ennemi : il s'était simplement dissimulé.

Sans attendre, le garçon se jeta sur elle et la plaqua au sol avec une force qui dépassait largement son gabarit. Même dans l'obscurité, Chuan put déceler la sauvagerie qui s'enflammait dans son regard. « Tu vas faire un bon repas. » Il approcha sa bouche près de son cou. L'Orine était en état de choc face à la violence de l'agression : elle ne pouvait rien faire. Chuan était comme spectatrice de son propre corps. Elle connaissait des douzaines de techniques de combat pour repousser un assaut. Et pourtant, aucune ne s'imposait à son esprit. Il essayait inutilement de nier la réalité effroyable à laquelle il était confronté. Ce n'était pas possible. Cela ne pouvait pas être possible. C'était un cauchemar et rien de plus... « Arrête ça tout de suite ! »

Le mouvement de son prédateur fut stoppé d'un seul ordre. La voix de l'inconnue était autoritaire, voire acerbe. Le garçon se retourna en maintenant sa prise sur Chuan. *Je suis vivante.* Cette pensée tournoyait dans son esprit alors qu'elle restait allongée contre l'herbe humide, écrasée par le garçon. « Elle est à moi, je l'ai chassée moi-même ! » L'inconnu parlait d'elle comme d'un dessert. En guise de réponse, Chuan entendit un bruit sourd. Elle venait de frapper son agresseur et l'avait agrippé par le cou. La grande femme l'envoya valser puis s'empara d'elle comme d'un sac de légumes. « T'es aveugle ou quoi ? » Elle soupira. « C'est une Orine ! On touche pas aux Orines. » Ce dernier se releva et tenta de se jeter sur elle une nouvelle fois en grognant, aveuglé par sa soif, mais l'adulte l'envoya s'écraser sur un tronc d'arbre, ce qui l'assomma. « Désormais, son sort est entre les mains du geôlier. »

La dame se tourna vers Chuan, lui dévoilant son visage. Dans l'obscurité, Chuan distinguait à peine ses traits, même d'aussi près. Mais deux choses ressortaient : ses yeux, d'un rouge cramoisi, et sa bouche. Ses lèvres étaient humides et dévoilaient des crocs brillants, acérés, tâchés de sang. Elle s'était déjà nourrie. S'agissait-il du sang de...? Non, ce n'était pas possible. Elle refusait d'envisager le destin funèbre de ses amis. « G... Gagabaya ? » balbutia enfin l'Orine. Entre cauchemar et réalité, elle ne pouvait rattacher la situation qu'à ce qu'elle connaissait : l'antagoniste de son imagination. « Pardon ? » La prédatrice s'arqua et rigola, en relâchant sa prise sur Chuan. Dès que sa main quitta son épaule, l'Orine réussit enfin à réagir. Elle se tourna, doucement au début, puis accéléra dès qu'elle se fut assez éloignée. Sans le vouloir, elle avait créé une ouverture pour fuir encore.

Avant même qu'elle ne commence à courir, son cœur tambourinait dans sa poitrine. Chuan se décala de l'arbre qui lui faisait face puis courut le plus vite possible. « Tu ne t'échapperas pas ! » entendit-elle tonner derrière. Mais Chuan était une guerrière. Elle n'abandonnerait pas. Le vent glacial lui lacérait les yeux. Mais elle ne ralentit pas. L'Orine était réduite à l'état de bétail : plus rien d'autre ne comptait. Elle devait se saisir de sa dernière chance de survie, même infinitésimale. Sa prédatrice la suivait-elle ? Chuan n'entendait plus rien excepté un violent sifflement dans sa tempe.

Soudain, elle entendit ses pieds plonger dans un liquide. Peu lui importait : il ne fallait pas qu'elle ralentisse. Mais à chaque pas, la flaque devenait de plus en plus profonde. Et Chuan comprit. Elle s'enfonçait dans un lac. L'eau glaciale mordit ses pieds. L'Orine serra les dents mais continua à avancer. « Tu as du courage. » La voix venait de résonner juste à côté de l'Orine. Elle sursauta et perdit pied. Son ventre s'enfonça dans l'eau gelée alors qu'elle se retournait vers la femme. « Mais il ne te sera d'aucune utilité contre nous. » Chuan était effrayée. Epuisée. Glacée. Ses jambes lâchèrent et elle laissa son corps sombrer dans le lac.


Mots : 1808

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Min Shào
Sam 29 Oct 2022, 19:16


Image par Armin Rangani

Les mémoires oubliées d'Alouine

Wao jeta un rapide coup d'œil vers le ciel afin de repérer la lune, dont les rayons perçaient à peine sous l'épais manteau de nuages. Alors ils étaient venus de cette direction... dès qu'il l'a détermina, le brun s'élança dans la direction du manoir. Il se figura que, peut-être, Min et Chuan allaient faire de même. Ainsi, ils pourraient se retrouver et faire équipe contre les assauts de leur ennemi sans visage. Isolés, leurs chances de survie s'amenuisaient dangereusement. Soudain, une nuée de corbeaux apparut dans le noir et le désorienta. Il sentit leurs pattes tirer son tissu et leurs ailes baffaient son visage. Ce dernier se démena en secouant les bras, son tissu lacéré par leurs becs et leurs griffes.

Et tout aussi soudainement, ils disparurent. Libéré, Wao recommença à courir à pleine vitesse. Il ne sentait pas la douleur : son esprit était obscurci par la panique. Sans les corbeaux, un silence lourd venait de tomber sur la forêt. Le vent était tombé et une neige molle se fondait dans l'herbe humide. Ce dernier n'entendait plus que son souffle puissant et la course effrénée de son cœur. Il ralentit et se retourna afin de vérifier s'il était poursuivi, mais il n'y avait personne. Du moins, personne qu'il ne puisse distinguer dans l'obscurité. Le noir béant le happait et l'affolait en même temps. C'était l'une des choses qu'il abhorrait le plus au monde. Wao se pétrifia soudainement. Ses jambes refusaient de continuer à avancer : il voulait se recroqueviller au sol et d'enfouir son visage dans ses genoux. Il se persuadait que peut-être, s'il se cachait du danger, il disparaîtrait. Peut-être pourrait-il invoquer la mousse pour qu'elle le recouvre ? Il se ferait alors passer pour un rocher. Un vulgaire rocher sans intérêt. *Wao ! Reprends-toi. Ce n'est pas possible.* L'Orine ne céda pas à sa tentation.

Il reprit sa course. Au bout de quelques minutes, il aperçut une vitre refléter la faible lumière sélénite. Il s'en approcha et la forme du manoir se détacha enfin de la cime des arbres. Alors il avait bien réussi à s'orienter... aussitôt que Wao passa dans l’entrée du manoir, l’odeur putride du cadavre étalé devant piqua ses narines, quoiqu’amenuisée par la fraîcheur nocturne. Soudain, une idée morbide lui vint à l’esprit. Elle ne lui plaisait pas le moins du monde… mais c’était une question de survie. *Courage, Wao. Courage.* Avant d’aller se cacher, l’Orine se baissa vers le cadavre. Il eut le réflexe de se boucher le nez, mais il avait besoin de ses deux mains. *Courage.* Il posa les mains sur le cadavre et en tira le tissu. La peau desséchée s’y était collée, si bien que la chair décomposée se détacha de ses os pour coller au tissu. *C’est… dégoûtant…* pensa-t-il en toussant.

Wao eut une seconde d’hésitation. Il se retourna, hésitant, mais la vue de la forêt engloutie par l’obscurité lui redonna du courage. Il ne voulait pas retourner dehors : il voulait se cacher le plus vite possible, se recroqueviller et attendre jusqu’à ce que l’aube arrache cette nuit horrible de ces terres. Alors il tira le tissu de la veste puis le glissa pardessus les siens. Il voulait faire disparaître son odeur, afin de ne laisser aucune trace à ses prédateurs. Se cacher, il savait faire. Lui, Chuan et Min jouaient souvent à ce jeu et Wao était le plus fort des trois.

De toute façon, il n’avait plus le choix. L’odeur de cadavre avait maintenant pourri tous ses sens. Heureusement, il avait l’estomac accroché : sa mère l’avait déjà exposé à un tel spectacle. C’était la pire toile qu’il avait peinte de sa vie. Ce jour-là, il avait vomi plusieurs fois. Mais aujourd’hui, cela lui permettait de tenir le coup. Wao ne s’arrêta pas là : il enleva ses chaussures, qu’il enfouit sous le corps, puis tira celles du cadavre en exposant ses os. L’un d’eux se décrocha sous l’impulsion et se coinça dans sa chaussure. Mais il ne prit pas la peine de le retirer. Il les enfila et monta les escaliers à toute allure. Tous les sens en alerte, il épiait le moindre bruit anormal. Si ses prédateurs maîtrisaient la magie, ils pouvaient apparaître n’importe où, à n’importe quel moment.

Wao monta jusqu’au grenier, haletant. Il regarda autour de lui : de nombreuses cachettes étaient possibles. Il pouvait s’engouffrer sous la table drapée, à l’intérieur de meubles ou même derrière la trappe. Mais son regard finit par se porter sur le cercueil. Il s’en approcha et l’odeur qui parvint à ses narines provoqua un mouvement de recul. *Par les Aetheri ! Que s’est-il passé là-dedans ?* Il en sortait une odeur de cadavre doublée d’un soupçon de sang séché et de sel marin, plus horrible que ce qu’il avait connu jusqu’ici. *Personne ne s’attendra à me trouver à l'intérieur…* Son regard s’attarda sur une penderie. Sa cachette devait être parfaite. Il s’avança pour s’emparer de vêtements afin de se dissimuler sous leur couche, mais il entendit soudain un bruit de talon qui résonna contre le carrelage au rez-de-chaussée.

Son corps fut parcouru d’un électrochoc. Il empoigna les vêtements et se précipita dans le cercueil, puis éparpilla les vêtements pardessus son corps. Enfin, il le referma presque complètement, en ne laissant qu’une discrète fente libre pour lui permettre de respirer. Puis il attendit en essayant de se faire oublier. Son cœur battait tellement fort qu’il avait peur que son prédateur l’entende. Il se retenait aussi de respirer fort, alors que ses poumons manquaient encore d’air. De toute façon, respirer l’air putride du cercueil, doublé des vêtements mêlés à la chair du cadavre, était un effort en soi. Wao souffrait, mais il était en sécurité. C’était ce seul sentiment qui le clouait à sa cachette.

Il entendit les pas s’immobiliser au rez-de-chaussée. Visiblement, il avait réussi à disperser son odeur. Son prédateur ne savait plus où chercher. Il décela une voix féminine parler à quelqu’un, mais il ne put en distinguer les mots. Son angoisse le paralysa alors qu’il distingua plusieurs paires de pas explorer la bâtisse. Ils étaient donc plusieurs à le chercher… cela remettait sérieusement en perspective ses chances de rester dissimulé… mais il y avait encore de l’espoir. Wao ferma enfin les yeux, s’assurant que les bruits de pas n’arrivaient pas à son étage. Il réfléchit à toute vitesse. Une diversion ? Cela lui permettrait de détourner ses ennemis de sa trace. Mais comment faire ?

L’Orine réfléchit. Les enseignements de ses mentors et des membres de sa famille défilaient dans son esprit. Il se remémorait des leçons de l’Art de la Guerre, ce livre qui l’avait tant ennuyé. Mais rien ne pouvait s’appliquer dans son cas. Rien, car dans sa situation, Wao était une proie frêle prise au piège. Il ne faisait pas figure d’adversaire de taille : ce n’était qu’un vulgaire faon face à une meute de loups. Wao jura intérieurement. Il y avait pourtant quelque chose à faire, non ? Etait-ce vraiment sans issue ? *Il n’y a pas de problèmes, mais que des solutions.* Min lui avait dit cela hier encore. D'ailleurs, où était-il maintenant ? Sa gorge se noua en imaginant le sort de ses amis.

Face au vide qui s’imposait dans son avenir, Wao ne put retenir son désespoir. Des larmes roulaient sur ses joues alors qu’il pensait à tout ce qu’il ne reverrait peut-être plus jamais. Toutes les beautés du monde. Les visages de ses proches. Wao allait mourir seul sur une terre lointaine. *Mourir.* Quelle pensée étrangère. Éloigné de l’âge de la vieillesse, cette possibilité ne lui avait auparavant jamais effleurée l’esprit. Wao ouvrit grand les yeux, comme s’il pensait y voir déjà la lumière d’un autre monde. Il était condamné. « Où te cache-tu…? Je vais te trouver. » La voix féminine venait de résonner près de lui. Sa prédatrice était montée jusqu’au grenier. Sa dernière épreuve venait de commencer. Wao réalisa amèrement qu’il n’avait pas pensé à prendre d’arme. Si elle le découvrait, il n’aurait aucun moyen de se défendre. Et il était trop tard pour invoquer les forces de la nature. « Je vais te trouver, tu sais. Je ne manque jamais mes proies. » Il entendait ses talons se rapprocher de lui. Elle farfouillait dans la pièce à sa recherche.

Elle était méticuleuse. Il n'avait aucune chance. « Ecoute-moi bien. Si tu te dévoiles à trois, alors je t'épargnerai. Je te le promets. » Wao fronça les sourcils. Dans sa situation, il ne pouvait pas lui faire confiance. Si elle voulait le tuer sur place, rien ne lui en empêchait. D'un autre côté, ses chances de rester cacher s'amenuisaient à chaque pas qu'elle faisait vers le cercueil. Mais il avait pourtant caché son odeur... l'inconnue parlait comme si elle l'avait déjà trouvé. C'était cette assurance dans sa voix qui le faisait douter. « D’ailleurs, tes deux amis ont été très sages. Ils sont en sécurité. Veux-tu les rejoindre ? Un… » Elle s’avança vers lui. « Deux… » un pas de plus. Elle pouvait mentir.

Pourquoi s’obstinait-elle à se rapprocher de sa cachette ? Son esprit tentait de nier l’évidence, mais il dût s’y résoudre. Elle avait déjà deviné où il se terrait. Il devait se rendre. *Mère voudrait que je me montre.* Cela le décida. Wao inspira un coup puis, d’un seul coup, fit glisser l’ouverture du cercueil et se tint tout droit. « Trois. » Une femme planta ses yeux rouges dans le regard de Wao. Cette vision lui glaça le sang. Mais il rassembla toutes ses forces afin de garder sa contenance. « Bon garçon. » Elle s’approcha de lui. Soudain, deux personnes accoururent et se tinrent à ses côtés. Alors qu’une cruauté froide brillait dans le regard de la femme, les leur rejetaient une flamme sanguinaire. Wao frissonna.

Un trait d’esprit était la dernière carte qu’il pouvait jouer. « N’appréciez-vous pas l’ironie de ma cachette ? Je m’étais déjà résigné à mon sort », réussit-il à balbutier avec toute l’assurance dont il était capable. La femme pouffa. Les deux ne réagirent pas : ils semblaient se retenir de lui sauter dessus. Wao tenta de les oublier et plongea son regard dans celle qui, de toute évidence, détenait l’autorité sur eux.  « Tu es un petit blagueur. Un blagueur très mignon. » Elle se rapprocha de lui si près qu’il pouvait détailler les traits de son visage, même dans l’obscurité du grenier. « L’ironie n’est pas celle à laquelle tu fais référence. Ce cercueil est mon lieu de détente. » Elle sourit. Wao pencha la tête sur le côté, en commençant à recoller les morceaux. Alors c’était elle, cette présence qu’ils avaient senti ? Min l'avait-il réveillée en montant dans le grenier…? Il aurait causé leur propre trépas.

Wao voulait plaider sa cause. Il voulait expliquer à quel point le monde allait souffrir de sa perte. Lui expliquer comment les Aetheri s’abattraient sur son peuple et feraient déserter toute trace d’art et d’inspiration si elle portait la main sur lui. Mais il décela en elle une lueur qui l’y découragea. De toute évidence, elle n’avait aucune pitié pour ses proies. « Je m’excuse à mon nom et à celui de mes amis d’avoir dérangé votre sommeil. » Il s’inclina à la façon d’une Orine en essayant d’être le plus élégant possible -un doux rêve alors qu’il était habillé de loques qui empestaient la mort.

« Oh, je ne dors pas la nuit. J’attendais simplement qu’une opportunité se présente. » Elle se rapprocha encore de lui. Désormais, il sentait son souffle glacé sur sa joue. « Et quelle belle opportunité vous faites. » Sa main empoigna l’Orine par l’épaule. Il ne se débattit pas. Il garda ses yeux plongés dans les siens, comme s’il la mettait au défi. « As-tu envie d’un bon lit ? J’ai ce qu’il te faut. Viens avec moi. » Elle se recula et ouvrit les bras. L’un de ses sbires tenta d’avancer vers lui, mais elle le frappa d’un coup sec pour l’en dissuader. « Rejoignez-moi à la ville. Nourrissez-vous de ce que vous trouverez. Lui aussi est à moi. » Ils couinèrent à la façon de chiens frustrés mais lui obéirent.

Quand ils disparurent dans l’entrebâillement de la trappe, Wao se détendit légèrement. Il sécha ses joues et se défit des loques du cadavre. « Sur mes ordres, ils ne te feront aucun mal. » Sa voix se voulait douce et rassurante, mais elle contrastait avec son regard glacial. Néanmoins, Wao n’avait pas le choix. Il devait se soumettre. « J’aurais fait un piètre repas. Comme vous le voyez, je suis bien maigrelet. » Elle pouffa une nouvelle fois. « Ce n'est pas la corpulence qui décide de la qualité d'un repas. » Visiblement, elle s’amusait de la situation. Ce n’était pas son cas. Wao tremblait comme une feuille. Son corps entier lui criait de fuir, mais elle lui demandait de se plonger dans son étreinte. Elle testait son courage. *Je n’ai pas le choix.*

Wao avança et garda ses yeux plongés dans les siens. Et soudain, quelque chose changea. Une nouvelle voix dans son esprit le chuchota de continuer. Toutes les autres se turent. Il fut épousé par une tranquillité inattendue. Il voulait entrer dans son étreinte. Il voulait être sous son emprise et devenir sa chose. « Emmenez-moi. » Wao l’enlaça de ses bras, comme spectateur des gestes de son propre corps, et enfouit son visage dans le ventre de la femme plantureuse. Sa longue chevelure chatouilla ses oreilles. « Bon garçon. » Wao et elle se téléportèrent et disparurent du grenier. Le piège s’était refermé sur lui.


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Min Shào
Mer 14 Déc 2022, 22:33


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Les mémoires oubliées d'Alouine

Chapitre III.


Wao ouvrit les yeux. Il était perché sur un lit sans draps. Devant lui, des barreaux séparaient sa pièce du couloir. « Tu vois ? Je tiens mes promesses. » La femme lui sourit. L'Orine prit le temps de s'habituer à la lumière faiblarde des torches. Cette dernière était aussi élégante que féroce. Son sourire dévoilait des crocs acérés et ses ongles semblaient tranchants comme des griffes. Son visage rond était encadré par une chevelure ondulée. « Où... où sommes-nous ? Où sont mes amis ? » Il ne comprenait pas. Il ne voulait pas comprendre.

Avant que la prédatrice ne puisse répondre, un cri de souffrance terrifiant retentit dans les murs de pierre. « Ils ne sont pas loin. Vois-tu, nous avons été obligés de vous séparer... ils essayaient de soudoyer les geôliers. Tes amis sont de petits malins. » Elle afficha un sourire sans joie et se recula. « Prends tes aises. Il se pourrait que tu restes ici quelques jours... le temps qu'ils décident de quoi faire de vous. Ce n'est pas tous les jours que l'on met les mains sur des Orines. » Un rictus déforma son visage.  « Comment êtes-vous arrivées ici, d'ailleurs...? » Quelque chose dans son regard fit fondre toute résistance. « Je... nous avons pris un portail. Nous ne voulions pas venir... je vous le jure ! Nous voulons juste rentrer chez nous. » L'Orine sentit ses jambes faiblir. Il se laissa tomber sur le lit et baissa la tête. Il était vidé. Encore sous l'emprise du pouvoir de la vampire, il se détendit et sentit son esprit glisser dans un sommeil profond. Elle avait obtenu l'information qu'elle voulait.


*


Quand il se réveilla, il fallut quelques secondes à Wao pour comprendre où il se trouvait. L'Orine cherchait les meubles de sa chambre, mais quand il se tourna vers les barreaux, il comprit. Il était dans une cellule. « Wao ! » Soudain, une tornade d'ébène envahit son champ de vision. Chuan se précipita sur lui et l'enlaça de ses bras. « Tu es réveillé ! » Eveillé, oui. Conscient, c'était en cours. Voir ses deux amis l'avait ramené à Onikareni l'espace d'une glorieuse seconde. Mais alors qu'il décelait leurs traits fatigués et la terre parsemant leurs vêtements, les souvenirs de leurs dernières horreurs s'imposaient cruellement à son esprit.

Le manoir... la forêt. Le cadavre. La prédatrice. Les prunelles de Wao se tournèrent vers le couloir, à moitié caché par les barreaux. Un garde était assis et les fixait. Ses yeux ne clignaient pas. Son regard n'exprimait rien. Un frisson lui parcourut le dos. « La prison... » fut tout ce qu'il eut la force de murmurer à ses amis. Le regard de Chuan se ferma. Min, quant à lui, s'était accroupi sous son lit et leur tournait le dos en gémissant faiblement. « Qu'est-il arrivé à Min ? » demanda-t-il en agrippant Chuan par le bras si fort que sa peau rougissait. Il réalisa que son corps tremblait. « Il survit. Il doit être fort.  » Elle soupira longuement. « Mais toi ? Que t'as-t-elle dit » Son amie examina son corps pour déceler une quelconque blessure à soigner.

Le contact chaud de sa peau le rassura. « Ne t'inquiète pas... ça va. » Son ton n'était pas très convainquant. En touchant son tissu, Chuan se pinça le nez. « Enlève ces guenilles ! Tu pues ! » Elle n'attendit pas sa réaction et s'en chargea à sa place. Elle jeta négligemment le tissu que Wao avait volé au cadavre pour se dissimuler. Une loque atterrit sur la tête du garde, qui grogna si fort qu'il fit sursauter Min. Sa tête se cogna violemment contre son lit, faisant tomber son oreiller. « J'vous interdits de refaire ça ! Bande de sagouins ! » Ce dernier envoya valser la loque et asséna un coup violent sur les barreaux, qui résonnèrent brutalement dans leurs oreilles. Quand son visage fut illuminé par la lanterne, Wao se rendit compte qu'il avait le regard vaseux. Ses gestes étaient mous. Avait-il... bu ? Wao n'avait jamais vu de personne ivre dans sa vie, mais il en présentait tous les symptômes. Une fois le choc passé, son cerveau s'était mis à fonctionner à grande vitesse, dopé par son instinct de survie. Il décela une opportunité dans un océan de désespoir.

L'Orine regarda Chuan du coin de l'œil. Les deux amis avaient une telle complicité qu'ils n'avaient pas besoin d'échanger des mots pour se comprendre. Il hocha la tête imperceptiblement et se lança soudainement contre les barreaux. « Hé ! C'était ma tunique. Rendez-la moi ! » Le brun porta ses mains à son col et tira le garde vers les barreaux. Min, qui ne comprenait pas l'entourloupe, se leva d'un bond et porta les mains à sa bouche, horrifié. Mais sa cousine, elle, avait compris. Elle tira Min par le bras et se rapprocha du garde avec lui, plaçant sa main sur son veston. « Libérez-nous ! » cria-t-elle désespérément en imitant Wao. Ce dernier se débattit difficilement, ses gestes entravés son état altéré. Mais il finit par se défaire de leurs menottes et retomba en arrière, emporté par son élan. Les trois Orines allèrent se prostrer au fond de la cellule en se tenant les mains. « Sales petits morveux... pas un mot ou je vous ferai regretter d'être né ! »

Il resta assis parterre et recommença à les fixer de façon imperturbable. Les trois Orines tremblaient. Mais d'un regard entendu, Chuan lui fit comprendre qu'elle avait réussi son entreprise. Wao brûlait de prévenir Min qu'ils avaient un plan pour se sortir de là. Mais ils ne pouvaient plus parler et il ne voulait pas éveiller les doutes du garde. Il évitait ainsi de jeter un coup d'œil au niveau de sa ceinture, afin de vérifier que Chuan avait bien réussi à lui dérober ses clés. La tentation était pourtant brûlante... mais il fallait qu'il rassemble toute la patience dont il pouvait faire preuve. Désormais, ils ne pouvaient qu'attendre et espérer que le garde s'endorme.


*


Le temps passa et la fatigue embrumait l'esprit des Orines. Min s'était endormi : il ronflait doucement sur l'épaule de Chuan. Elle et Wao se passaient le relai pour ne pas s'endormir, mais feignaient la somnolence. Et bientôt, le garde craqua. Son visage se pencha lentement sur le côté. Il s'endormait petit à petit. Les captifs ne voulaient prendre aucun risque et attendaient qu'il semble être dans un sommeil profond. Parfois, il sursautait et se réveillait au moment où il allait tomber au sol. Wao comptait les minutes. C'était le genre de combats pernicieux où l'impuissance se mêlait à la frustration. Wao ne pouvait seulement rien faire, mais ne devait rien faire. Le temps s'écoulait, grain par grain, inéluctable. Les paupières de l'Orine s'alourdissaient. La lumière des torches l'éblouissait. Sa tête tambourinait. S'il fermait les yeux juste quelques minutes... juste pour se reposer un peu. Pour mieux le surveiller... *Non ! Le danger est encore là.* Soudain, Min se réveilla en grognant. Le garde se réveilla. Wao jura intérieurement, mais gardait les yeux à moitié clos. *Tais-toi, bon sang !*

Chuan roula des yeux. « Gn... » Min avait l'esprit embrumé et le corps ramolli par le sommeil, à moitié réveillé. « Va dans le lit » , lui indiqua Chuan faiblement. « T'es sûre ? Je ne veux pas prendre le confort d'une dame. » Il commença à tirer ses bras faiblement pour la lever, encore à moitié endormi. Une flamme s'embrasa dans le regard de la brune. Wao entendit un faible cliquetis dans son dos. Il allait tout faire rater ! « Non, j'ai besoin de rester avec elle. J'ai peur... » feignit-il en l'agrippant par le bras, ramenant son corps au sol. Ses mains tremblantes trahissaient sa fébrilité, mais Min ne remarqua rien. « D... d'accord... » Le blond la lâcha et se dirigea enfin vers le lit. Chuan laissa un soupir passer ses lèvres. Wao se retint de regarder le garde : s'ils se tournaient vers lui, ils risquaient d'éveiller ses doutes. Avait-il entendu le bruit des clés volées par Chuan ? Il suffisait d'un simple indice pour qu'il pense à vérifier que son trousseau était toujours en place. Et s'il le faisait, ils étaient cuits.

Le garde s'immobilisa et fouilla le regard des trois prisonniers. Wao dut se retenir de toutes ses forces pour ne rien laisser paraître. Avait-il deviné ? ... soudain, la lumière lui brûla la rétine. Wao secoua la tête. Que s'était-il passé ? En face de lui, un mouvement venait d'attirer son attention. Chuan était en train de bricoler quelque chose au niveau des barreaux de la cellule. Avec horreur, le brun se rendit compte qu'il venait de s'assoupir. Il avait l'impression qu'une seule seconde était passée, mais qu'en était-il réellement ? Des ronflements sonores rebondissaient sur les murs : le garde était plongé dans un sommeil profond d'ivrogne. Un cliquetis retentit. Un grincement de métal résonna. Wao se leva d'un coup sec, l'air horrifié. Il lui semblât que ces bruits auraient pu réveiller un Oniyumi plongé dans un sommeil ancestral. Min, à ses côtés, s'était mis à ramper contre le mur pour se rapprocher de la voleuse.

Mais le garde ne bougea pas. Chuan leur fit signe d'être silencieux et se glissa dans la minuscule ouverture des barreaux. En la voyant faire un pas vers la liberté, ses deux amis se retinrent de ne pas courir et passèrent les barreaux à leur tour. Leur cœur s'affolait à l'idée de s'échapper. La brune les dirigea dans le couloir. Wao et Min ne savait pas où elle les emmenait, mais rien d'autre que de s'éloigner de leur bourreau n'importait. « L'air est plus frais par là », leur chuchota-t-elle. En passant devant les cellules, Wao s'aperçut que la prison était vide. Ils étaient les seuls prisonniers... ou plutôt, fugitifs. D'où était venu ce cri horrible qu'il avait entendu ?


*


Une fois à l'extérieur, la bouffée d'air glacial qui s'engouffra dans les poumons de Chuan lui parut salvatrice. Elle leva les bras vers le ciel et joignit les mains. « Les Aetheri sont enfin avec nous ! » s'exclama-t-elle, ne pouvant contenir son soulagement. Mais Wao porta la main à sa bouche. « Chut ! On est pas encore tirés d'affaire. » En effet, une muraille semblait s'étendre à l'infini au-dessus d'eux. Elle les jugeait de son regard de pierre. Un frisson parcourut l'échine des Orines. Ils se sentaient riquiquis au pied de ce monstre et s'en éloignèrent en courant le plus vite possible malgré leur épuisement, comme si elle menaçait de s'écraser sur eux. Min, à côté d'eux, rigolait et pleurait en même temps. Il devenait fou.

Le crépuscule jetait ses ultimes flammes oranges dans le ciel. Le trio était resté presque une journée entière dans ces cachots. Leur sommeil avait été de piètre qualité, mais ils puisaient leur énergie dans une nouvelle source, jusqu'ici inexploitée. L'adrénaline leur donnait des ailes. « Regardez, là-bas ! » s'étonna soudain Wao. Enfouie derrière les branchages, une petite maisonnée était éclairée par les derniers rayons du soleil. Un fumet s'échappait de la cheminée. En remarquant que la demeure était habitée, le cœur de Min fit un bond. « Venez ! Quelqu'un pourra nous aider ! » Mais Wao et Chuan interrompirent son élan. Il manqua de tomber en arrière. « Attends ! On sait pas qui est à l'intérieur. Et si c'est des méchants ? » s'inquiéta Chuan. Wao acquiesça. « Allons ! Une mauvaise rencontre et vous perdez tour optimisme ? On peut rien nous faire. Les Dieux nous protègent ! » Il avait à moitié chanté sa dernière phrase. Wao eut un rire sans joie. « Ah oui ? Et comment on a pu se retrouver à croupir dans un cachot ? J'ai cru mourir ! Je l'ai vraiment cru ! » A cette dernière phrase, l'adolescent avait serré ses mains sur la tenue boueuse de son ami. La nuit dissimulait son expression terrifiée, mais Min sentait sa peur faire trembler ses mains.

Le blond se défit de son emprise. Il resta silencieux quelques secondes, incertain. « Même. » Il enfouit ses bras dans le tissu. « J'ai faim, j'ai froid et je suis fatigué. Je préfère croupir dans une maison, au chaud, plutôt que rester dans cette forêt maudite. On va geler jusqu'aux os ! » Chuan secoua la tête. « On peut trouver quelque chose ! Une grotte. Implorer l'aide des ours. Sois créatif ! La nature nous protégera mieux que les humains. » Et en disant cela, elle frissonnait de froid. « Non ! J'en ai marre de vous obéir tout le temps. Je vais entrer et vous m'y empêcherez pas. » Min se retourna. Wao était désormais persuadé qu'il avait perdu toute once de raison. « Tu veux vraiment qu'on se sépare ? Encore ? » Lui dit Wao. Il y avait un ton de défi dans sa voix. Min le connaissait par cœur : son ami n'allait pas lâcher le morceau. Si Chuan était de son avis, ils le retiendraient par la force.

Le blond chercha ses mots mais s'immobilisa. Il regarda les lumières vacillantes à travers les fenêtres avec envie. Il devait faire si bon à l'intérieur... « D'accord. C'est quoi votre plan de génie ? » Min était amer. Il comptait bien pointer du doigt la faiblesse de leurs solutions juste pour qu'ils puissent se rendre d'eux mêmes à l'évidence. Les Orines n'étaient pas des survivantes. Elles avaient déjà campé seules dans les montagnes d'Onikareni, mais ça n'avait rien à voir. Ce climat, pour commencer, était mortel. Leur peau n'était pas assez dure pour le supporter et ils n'avaient pas de fourrure pour les protéger. Ils ne passeraient pas la nuit. « On pourrait... » entama Chuan. Mais elle ne termina jamais sa phrase. Soudain, des cris de loup retentirent derrière eux. Ce c'était pas proche, mais assez pour annoncer un danger. Le visage de la brune perdit tout éclat et devint livide. Il ne lui en fallut pas plus : son courage à elle aussi avait des limites. Sans prendre la peine de dire un mot, elle fuit vers la maison comme si la mort était à ses trousses. Et elle n'était peut-être pas si loin de la vérité.

La résistance de Wao ne survit pas plus longtemps que celle de Chuan : il la talonna et Min s'élança avec eux. Mentalement, il en vint à remercier les prédateurs d'avoir fait entendre leur présence. Les Orines pouvaient apprivoiser les plus terribles des animaux, mais aucun d'entre eux n'en avait déjà fait l'expérience. Et un loup affamé dans une nuit d'hiver posait une toute autre menace qu'un Oniyumi satisfait. Le trio manqua de s'effondrer contre la porte tant l'élan avait effacé leur raison. Ils se regardèrent une seconde, chacun jugeant l'autre. Qui ferait le premier pas ? Silencieusement, Wao et Chuan fixèrent Min du regard, l'air de dire : tu as voulu venir ? Assume. Le blond ravala sa salive. Il ne pouvait plus se défiler. En vérité, lui aussi avait peur de plonger la tête la première dans un nouveau piège. Mais il lui faisait barrage avec toute l'optimisme dont il pouvait faire preuve. Maintenant, c'était à lui d'être courageux.


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Min Shào
Sam 17 Déc 2022, 10:55


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Les mémoires oubliées d'Alouine

Toc toc toc. Min frappa trois fois, la main tremblante. Chuan sondait l'obscurité derrière eux à la recherche de deux yeux sanguinaires. Les loups s'approchaient-ils ? Un bruit de grincement lui fit tourner la tête. La porte s'était ouverte toute seule, comme contrôlée par une personne invisible. Min hésita. Un doux fumet d'origan vint lui chatouiller les narines et une chaleur l'enveloppa. Ses jambes entrèrent toutes seules dans la demeure : Min ne pouvait pas y résister. Quand il fouilla la pièce du regard, il s'arrêta sur la silhouette d'une vieille femme qui leur tournait le dos. Elle s'attelait à remuer quelque chose dans une cuisine de pierre. Un feu de cheminée illuminait le centre de la pièce, alors que le reste du salon était enfoui dans l'obscurité. « Madame ! Pardonnez notre intrusion », s'écria-t-il, sans savoir si son ouïe était diminuée ou non.

Cette dernière secoua les épaules et se retourna vers les trois Orines. « Je ne suis pas sourde ! » d'un geste, elle commanda à la porte d'entrée de se refermer. Chuan regarda la forêt disparaître derrière les planches de bois, ne sachant que ressentir. Etaient-ils en sécurité ? « Et j'peux savoir ce qui vous amène dans cet endroit abandonné des cieux ? » Elle fronça ses sourcils. Min admira la couleur de sa chevelure. Elle n'était pas grisonnante, mais blanche comme la lune. Wao, quant à lui, était plus préoccupé par ce qu'il l'entourait. A côté d'elle, des animaux picoraient dans des gamelles, en faisant tomber des graines un peu partout autour. Il y avait un coq et trois poules. Il lui semblât curieux que des animaux de basse-cour vaquent à l'intérieur. « Il fait frisquet en ce moment et ils sont frileux », répondit la vieille dame à la question silencieuse du brun. « Voici Mireille, Louna et Mina. Et voici Gérard », termina-t-elle en montrant le coq du doigt. Min alla s'accroupir et caressa une poule en se présentant à elle. Mireille leva la tête et le regarda de ses gros yeux globuleux. Quelle curieuse maison... « Quant à moi, je me nomme Eleanor de la Bruie. »

Elle croisa les bras et attendit. « Oh... euh... je suis Chuan », répondit la brune, hésitante. « Et voici Wao. Et Min. Je vous remercie de nous accueillir dans... » elle jeta un regard inquiet vers le salon poussiéreux. « ...votre charmante demeure. » Une fois les introductions faites, les Orines posèrent une tonne de questions à l'inconnue. Que faisait-elle dans un lieu aussi dangereux ? Pourquoi accepter des étrangers à sa table dans ces conditions ? C'était tout de même louche. Néanmoins, au fil des réponses, la vigilance des adolescents s'endormait. Min était, pour sa part, prêt à tout croire : il gobait ses dires comme un enfant affamé gobait des bonbons. Mais Wao, lui, combattait la vérité qui s'imposait à lui. C'était trop beau pour être réel. « Vous voulez de la soupe ? J'étais en train de m'en faire pour la semaine. Vous me paraissez affamés ! » Min et Chuan hochèrent la tête frénétiquement.

Eleanor leur servit un bol généreux chacun. Ces derniers l'engloutirent à une vitesse folle, mais Wao hésitait. Il jeta un regard inquiet à ses compagnons pour déceler le moindre symptôme étrange. « Tu n'as pas faim, mon petit ? » La vieille dame lui souriait en caressant sa poule. Il secoua la tête, incapable de verbaliser sa méfiance. Malgré tout... il ne voulait pas la vexer. « Je comprends. Moi aussi, la fatigue me coupe la faim. » Wao ravala sa salive et fixa le mets qui promettait tant. Il devait être fort. « Exactement. C'est ça. Je suis épuisé. » Chuan posa une main réconfortante sur son épaule pendant que Min prenait une miche de pain, peu attentif à ce qui s'éloignait de la table. « J'ai des draps propres. Je peux vous faire loger dans le grenier, mes chéris. Ce n'est guère luxueux, à même le sol, mais la chaleur monte et il y fait bon. » Chuan secoua la tête. « On ne voudrait pas abuser de votre hospitalité ! » Ses yeux criaient le contraire. « Pas du tout, pas du tout ! J'aime avoir un peu de compagnie. Que je suis curieuse d'en apprendre plus sur votre peuple ! Vous me raconterez tout demain. » Elle se tourna vers Wao et leva sa main fripée. « Tu veux aller dormir, mon chéri ? Allons préparer les draps. »

Wao la suivit silencieusement, en observant sa maison dans les moindres détails. Il y avait tellement de poussière ! La cuisine semblait être sa seule pièce qui était réellement nettoyée. Nanmoins, être sale ne signifiait pas forcément être mauvais. Il ne pouvait décemment lui en tenir rigueur. Le bois grinça alors que leurs pas les conduisaient dans les étages. Une fois dans le grenier, la vieille dame posa la torche sur une commode. Etrangement, cette pièce-là ne sentait pas la poussière. « Prends donc ces draps. Demain, vous me direz tout sur votre village ! Il me semble si beau, si paisible. » Wao songea qu'en comparaison de cette terre, l'enfer lui-même semblerait être accueillant. Mais il garda sa réflexion au chaud dans son esprit. « Madame... Eleanor. » commença-t-il en dépliant le tissu. « Je ne suis pas sûr que nous pourrons tout vous raconter. Nous partirons dès l'aube. » Ils n'avaient pas pris la décision de concert, mais cela lui semblait clair. « Nous avons beaucoup de chemin à faire pour rentrer chez nous », mentit-il. Soudain, la vieille dame écourta la distance qui les séparait et posa une main qui se voulait rassurante sur son épaule. « Loin de chez vous ? Que vous est-il donc arrivé, mes pauvres enfants ? »

Une chaleur maternelle se déversa dans le corps de Wao. Il lui semblât que son anxiété s'envola quand elle s'était rapprochée de lui. Soudain, il lui apparut clair qu'il s'entêtait à rejeter une précieuse aide. En vérité, ils étaient perdus et ils avaient besoin de toute l'aide disponible. Cette mamie les avait nourris et ses amis n'étaient pas tombés raides morts. Elle ne les avait pas jugés et prenait soin d'eux comme de ses petits animaux. Cette occasion ne se représenterait peut-être pas plus tard. Et en attendant, ils étaient devenus des fugitifs. Quand l'alerte serait donnée aux cachots ? « On n'a pas fait exprès de venir... on... » en se remémorant leurs mésaventures, sa voix se brisa. Il enfouit son visage dans ses mains, honteux de laisser ses émotions le submerger en face d'une inconnue. Mais elle ne s'en formalisa pas. Eleanor l'encercla d'une étreinte maternelle et caressa ses cheveux. « Allons, allons, c'est fini », répéta-t-elle jusqu'à ce qu'il se calme. Wao retrouva la force de dire les mots. « On a passé un portail dans une maison hantée. On savait pas qu'il menait ici. On veut juste retourner chez nous. » L'Orine sanglota et enfouit ses bras dans le dos de la grand-mère. Les caresses sur ses cheveux adoucirent son mal-être. Il se sentait enfin en sécurité. « Un portail ? Comme c'est étrange ! » S'étonna-t-elle.

Eleanor plongea les yeux dans les siens. « Mais c'est aussi une bonne nouvelle, Monsieur Wao. Cela signifie que je peux retracer votre chemin jusque-là d'où vous venez. » Son visage s'illumina. « Quoi ?! Vraiment ? Mais comment ?! » La grand-mère ferma les yeux et abaissa ses mains pour tempérer ses ardeurs. « Attendez, ce n'est pas une chose facile. Ni pour moi, ni pour vous », ajouta-t-elle en rouvrant les yeux. Le sourire de Wao disparut. Il s'écarta d'elle et alla étaler un autre drap au sol silencieusement. Il se retint de gémir en se pliant. Tous ses membres étaient ramollis par la chaleur et désormais, il sentait la fatigue entraver tous ses mouvements. « Je comprends enfin pourquoi vous avez eu si peu de remords à frapper à la porte d'une inconnue. » Wao se releva et la regarda. Elle lui donna un oreiller et une taie à enfiler. « Sur ces terres, des êtres comme vous ont plus de valeur que vous croyez... » Désormais, il était pendu à ses lèvres. En bras, il entendait les poules caqueter au milieu des rires de Min. « Il n'y a qu'une seule économie dans cette région. Une seule ressource qui peut être monnayée et consommée pour utiliser la magie. » Elle attendait que Wao la pousse à continuer. « Quoi donc ? »

Eleanor s'approcha de Wao et lui chuchota, sur un air de confession : « Le sang. » Wao fronça les sourcils. Mais où avaient-ils atterri ?! Sans s'en apercevoir, il eut le réflexe de s'éloigner de l'inconnue. Elle laissa échapper un rire. « Enfin, ne t'inquiète pas ! Je ne vais pas vous vider de votre sang dans votre sommeil ! » Elle retrouva son sérieux aussitôt. « Vous pourriez même rentrer là, ce soir. Mais il y aura un prix à payer : quelques gouttes de sang, pas plus. » Wao fouilla ses souvenirs à la recherche de la mention d'une telle magie. Etaient-ils tombés sur un territoire sorcier ? Selon sa mère, les Orines étaient à l'abri malgré leurs pratiques, car ce peuple était éduqué et connaissait le sort qui attendait ceux qui leur portaient atteinte. Mais peut-être n'était-ce pas le cas de tous les sorciers. Le monde était vaste. La méfiance revint obscurcir son jugement. Il n'était pas révulsé à l'idée de devoir donner quelques gouttes. Mais était-ce un mensonge pour les piéger ? En soi, ils étaient déjà sur son territoire. Pourquoi aurait-elle besoin d'user d'un tel stratagème ? Cela n'avait pas de logique. L'esprit méthodique de Wao était contrarié.

Il ne parvenait pas à faire des connexions et cela l'obligeait à réfléchir par instinct. « Bien, le grenier est préparé... mais finalement, vous ne l'utiliserez peut-être pas ! Redescendons et je leur expliquerai tout ce que je t'ai dit. Si vous prenez peur, vous pourrez repartir. Si l'un de vous se dévoue, je pourrai tous vous téléporter là où vous étiez encore hier », déclara-t-elle. Eleanor s'empara d'une cane posée dans un coin et entreprit de sortir du grenier. « Attendez. » Elle s'immobilisa puis se retourna vers lui. « Il vous faut que quelques gouttes, c'est ça ? ... prenez dans le mien. Je veux pas imposer ça à mes amis. » La mamie eut un hoquet de surprise et se rapprocha de lui en laissant tomber sa canne. « Je ne vous force à rien. » Mais dans son regard, il détecta qu'elle était prête à poursuivre. « J'en prends la responsabilité. » Elle hocha la tête et tendit le bras en cherchant son consentement. Il acquiesça en ravalant sa salive. Elle s'empara doucement de son bras. « Ce sera douloureux ? » Cette dernière le sonda d'un regard brillant. « Je ferai en sorte que non. Mais vous ne devez pas regarder, alors. »

Il ne fallut pas lui redemander : Wao tourna la tête vers des vieilles poêles entreposées dans un coin et se concentra sur les objets. Au bout de quelques instants, la grand-mère bougea. « C'est fait. » L'Orine rapprocha son bras et l'observa : deux petits points perçaient le creux du membre, comme si un insecte l'avait piqué. Il n'avait rien senti. Il leva les yeux vers elle. Cette dernière avait fermé les yeux et faisait mine de se concentrer en se léchant les lèvres. C'était peut-être un tic. Au bout de quelques instants, elle les rouvrit et le regarda comme si elle revenait de très loin. « C'est fait », chuchota-t-elle. Elle lui tendit la main et l'entraîna jusqu'au rez-de-chaussée. Ils ne pipèrent mot. Une tonne de questions tournoyait dans l'esprit de Wao. Il se demandait encore s'il avait pris la bonne décision. Mais quand ses yeux se posèrent sur ses deux amis, le doute se dissipa aussitôt. Il sourit en les voyant accroupis dans le salon, en train de caresser les animaux. Il serait prêt à tout pour aider ses amis. En tant qu'aîné, c'était son rôle. « Min, Chuan ? » Ils relevèrent la tête. « Bah alors, tu dors pas ? Regarde ! On s'est faits de nouveaux amis », s'exclama Min. Il avait repris toute son énergie comme par magie. Wao se rapprocha d'eux sans détacher sa main de la grand-mère. « Prenez ma main et rentrons chez nous. »

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Min Shào
~ Orine ~ Niveau II ~

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◈ Âme(s) Soeur(s) : Elle m'attend quelque part.
Min Shào
Mar 03 Jan 2023, 23:00


Image par Armin Rangani

Les mémoires oubliées d'Alouine

La neige et le froid disparurent. Les loups ne hurlaient plus. Le sommet de l'horrible forteresse n'était plus. A la place, une douce brise nocturne caressait la peau des trois Orines. Ils entendaient de doux bruissements de feuilles non loin d'eux. En ouvrant les yeux, ils découvrirent une colline en contrebas de grandes montagnes. Wao aurait reconnu la ligne tracée par les rocailles entre mille : Onikareni. Et à leurs pieds s'étalait un champ d'herbes rouges. Cette vieille dame n'avait pas menti ! Elle les avait ramenés chez eux. A sa gauche, la main de Min s'éloigna et il l'entendit tousser violemment, certainement accusant les effets de la téléportation. De l'autre côté, Chuan avait bondi dans les bras d'Eleanor.

Elle aurait dû la faire tomber par sa violente étreinte, mais la vieille dame était d'une robustesse impressionnante pour son âge et vacilla à peine. La poule qu'elle tenait dans ses bras, en revanche, émit une plainte sous le choc. « Merci, oh, merci ! ... pardon, Mireille », cria Chuan en la caressant doucement. Wao remarqua que des larmes scintillaient sur les joues de son amie, à la lumière de la lune. A côté, une autre poule avait sauté des bras de Min et trottinait autour de sa maîtresse en signe d'impatience. Wao s'emplit les poumons de l'air pur de sa région d'enfance, régénéré par les odeurs. « On est chez nous », murmura-t-il en serrant le bras de Min, qui se remettait doucement du voyage. Le blond se releva et serra les mains de Wao dans les siennes. Il sautilla en vacillant et entraîna son ami dans la danse. Malgré leurs disputes, toute animosité avait disparu entre eux. Chuan se joignit à eux et les Orines dansèrent en cercle, en faisant tournoyer les hautes herbes autour d'eux.

Mais soudain, une voix résonna à leurs côtés et interrompit leur vortex de joie. « Enfin ! C'était pas gentil, Maîtresse ! Pas gentil du tout. » La voix était stridente. Chuan s'était pétrifiée en la reconnaissant : c'était cet enfant qui l'avait chassée dans le bois. Les trois Orines se retournèrent d'un coup et découvrirent que les poules avaient disparu. A leur place se tenaient des bipèdes à l'allure humaine et au comportement bestial. « Silence ! Allez me trouver la vierge. Toi, Laena, reste avec moi. Et que ça saute ! » Tonna-t-elle.

La voix d'Eleanor avait changé, autant que son apparence. Ses cheveux gris étaient devenus d'un rouge éclatant. Ses lèvres desséchées avaient retrouvé une jeunesse et dévoilaient des canines pointues. Avec horreur, Wao reconnut la prédatrice qui l'avait capturé et emmené dans la prison. Ils avaient été bernés. Min poussa un cri et entreprit de fuir, mais Chuan l'arrêta d'un geste. Son regard à elle ne trahissait aucune peur. « Attention ! Ici, vous n'avez aucun pouvoir pour nous faire du mal ! » Et la brune leva un doigt menaçant vers Laena, alors même que l'adolescente mesurait deux têtes de plus qu'elle. Wao se rendit compte qu'elle avait raison. Sur leurs Terres, ils n'étaient plus des fugitifs, mais des habitants bénis des Aetheri. Ils étaient intouchables. « Voyons ! Ne soyez pas si impolie envers ma progéniture. »

La rousse s'assit lourdement sur l'herbe et lissa sa robe noire, sans se presser. Un frisson parcourait l'échine de Wao. Son corps lui criait de courir aussi loin que possible, mais l'assurance de Chuan lui faisait l'effet d'un bouclier incassable. « Mettez-vous à l'aise, enfin ! » Insista-t-elle. Toute sauvagerie avait disparu. Elle se montrait civilisée. Mais pour combien de temps ? Wao avait vu sa véritable nature. Laena, sa "progéniture", était en proie à un conflit intérieur : elle brûlait Chuan du regard, la bouche entrouverte dévoilant ses canines de féline, le souffle court. L'Orine n'était plus effrayée : sous la protection de sa terre, elle se gonflait de fierté et levait le menton en soutenant bravement son regard.

Aucune des deux ne parlait, mais les menaces fusaient dans leurs yeux. Wao ne l'avait jamais vue comme ça. Elle était prête à bondir comme une tigresse. « Cela suffit, Laena. » L'ordre d'Eleanor eut un effet immédiat, comme si elle tirait les fils de l'adolescente telle une marionette. Elle ferma la bouche et s'assit en gémissant comme un petit chien. Chuan rigola et agita son doigt devant son front : « C'est ça, il suffit ! » Elle posa les poings sur les hanches et se tourna vers Eleanor, ou qui qu'elle soit. Min s'était posté derrière elle et les regardait avec inquiétude, craignant une nouvelle attaque. Il secouait le bras de Chuan, lui intimant de partir. Mais elle campait sur sa position.

Wao décida de prendre les choses en main. Il avait déjà parlé avec elle ; c'était dans l'ordre des choses. « Nous attendons vos explications... Eleanor ? Est-ce bien votre véritable nom ? Et savoir ce qu'étaient vos poules... ou... vos chiens. On sait plus trop. » Le ton de Wao était cordial, mais ferme. Il s'assit et plongea son regard dans le sien. Étrangement, ses traits semblaient plus flous qu'il y a une minute. Son visage se muait en une masse indistincte. Et soudain, il oublia la couleur de ses yeux. Puis la forme de son nez. « Mes poules...! Ha ! Que tu es éloquent. Je ne m'étais pas trompée sur toi. » Elle lui adressa un regard curieux, lourd de sous-entendus. « Qu'est-ce que vous voulez dire ? Trêve de mensonges ! » S'embrasa soudain Min derrière lui. Ses mains tremblaient. « Dites-nous tout ou je vais chercher maman ! » Cria-t-il. Chuan le prit par le bras avant qu'il ne s'élance vers le village, puis elle se tut en regardant Eleanor. Sa patience avait des limites : Wao voyait bien qu'elle se retenait de lui sauter à la gorge.

Après une seconde de silence qui sembla durer une éternité, le sourire d'Eleanor quitta son visage et elle prit la parole. « Bien. Moi, j'ai rempli ma part du marché : je vous ai ramenés chez vous. Comme ça, en un claquement de doigts ! En plus de vous laisser partir de notre prison. Vous croyez vraiment que le garde s'était endormi tout seul ? Tsss ! » Dit-elle en caressant la tête de Laen, toujours menaçante malgré sa position allongée. Elle continuait à lutter. « Mais qu'en était-il de mon dû à moi ? Eh bien, figurez-vous que le portail que vous avez pris hier a été généré par quelqu'un. » Elle renifla l'air, puis désigna le bosquet derrière elle. « Quelqu'un de très méchant qu'on a pu retrouver grâce à vous. » Un rictus déforma son visage. Pendant ce temps, le regard de Wao avait coulé au sol. Il se tenait la tête alors qu'un bruit gênant s'intensifiait. Il entendit Chuan et Min s'asseoir derrière lui. La tête leur tournait de plus en plus. Ils avaient du mal à se concentrer sur ce qu'elle disait. « La petite peste avait profité du jour pour s'échapper. » Elle se leva. D'autres bruits de pas s'approchèrent. En se retournant, les amis découvrirent deux personnes qui tenaient une inconnue, inconsciente, au bras. Chuan se leva d'un coup sec, mais elle fit aussitôt prise d'un étourdissement et elle retomba dans l'herbe, puis ferma les yeux.

Min et Wao se précipitèrent au-dessus d'elle et la secouèrent, mais leurs forces les quittaient à leur tour. « Maintenant, mon dernier service : vous allez vous assoupir et tout oublier. » Eleanor se leva. La victime enfuie maugréa faiblement quelque chose et tenta de se débattre en voyant la rousse, mais les Orines n'avaient plus la force d'ouvrir les yeux pour voir ce qu'il se passait. « C'est bon, on l'a eue dans un arbre ! Mais il faudra qu'elle mange un peu pour pas crever avant le rituel », entendit Wao par-dessus son épaule. Il n'avait plus la force de bouger. Les mots étaient flous, comme dans un rêve. « Ma potion d'oubli a fait effet, nous pouvons repartir », déclara Eleanor. Ses forces l'abandonnaient petit à petit. L'Orine entendit Eleanor se lever à côté de lui, puis lui prendre le visage. Il entrouvrit ses yeux, qui se perdirent dans le rouge carmin de ses pupilles. « Toi, un jour, tu n'auras plus peur du noir. A très bientôt, mon petit. » Elle lui embrassa le front et le monde disparut dans un océan de vide.


*


Vampyr. Ils sont si nombreux à avoir peur du noir. Croyez-vous réellement que cette crainte, presque innée, est le fruit d’un heureux hasard ? Vous seriez bien sot de le croire. Ces gens-là savent et ils sont bien avisés de redouter les choses qui vivent dans l’obscurité. Créatures à la peau blême qui fuient les rayons du soleil, les Buveurs de Sang sont les maîtres de la nuit.

À l'extérieur de la chaumière où les trois Orines fêtaient l'Ësse’Aellun, la neige avait recouvert toute trace de civilisation d'un manteau clair. Mais dans la nuit noire, elle était à peine visible. Pour combattre le froid de l'île de Boraür, un feu crépitait dans une énorme cheminée en fonte. Ses bruits étaient largement surpassés par les rires et les cris des enfants qui ouvraient leurs cadeaux. A chaque nouveau papier déchiré, un nouveau cri enthousiaste.

Wao, quant à lui, ne prenait plus part aux festivités. Il s'était assis au bord de la fenêtre et grignotait un pain d'épices en profitant de son cadeau d'Ësse’Aellun : une encyclopédie des créatures mythiques et réelles. En l'ouvrant, il était tombé sur une créature effrayante : le vampyr. Depuis, il s'était absorbé dans sa lecture. L'Orine songeait qu'une vie sans soleil et sans nourriture était plus triste encore que la mort. En même temps, il se demandait quel goût le sang pouvait bien avoir pour être aussi apprécié de ces créatures horribles. « Wao, regarde ! »

Soudain, Chuan s'empara de son bras et fit tomber son livre parterre. Min, qui était arrivé après elle, le ramassa alors qu'elle lui fourrait son cadeau dans les bras, nullement concernée par son méfait. « C'est le dernier Conte de Fae !! » Wao la repoussa, contrarié par son dérangement. Qu'est-ce qu'elle pouvait l'agacer, quand elle s'y mettait ! « Attention ! J'te préviens, si tu recommences, tu seras attaquée par des Vampires. » Elle eut une exclamation d'effroi, puis fronça les sourcils. « Oh non ! ... Attends, c'est quoi, un Vampire ? » Demanda-t-elle en se lovant sur la banquette, ses pieds froids s'enfouissant sous les siens. Il eut un mouvement de recul et se leva d'un coup. Il tendit les bras vers le ciel, puis les plia en écartant ses doigts comme des griffes. « Ils t'attaqueront et te videront de ton sang de fille pas sage ! Scrriii ! » Et il commença à la poursuivre dans le salon, à moitié pour le jeu et à moitié par contrariété.

Dehors, la neige continuait à tomber lentement et sans bruit. Comme les grains du temps qui s'écoulent dans le sablier. Les flocons tombaient au-dessus de la tête de Wao sans qu'il n'y songe. Et sur son bras, sa trace de morsure avait disparu. Mais la marque était encore là, à l'épreuve du temps. Et avec elle, une promesse. Celle d'embrasser l'obscurité, un jour lointain.

Mots : 1906
FIN.

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