Le rencard de Grognon et Grognasse
Faust & Susannah

☙ Bea Miller - That Bitch

« Ne t'avise même pas de me tourner le dos ! Hé ! » Sans réponse de la part de Titouan qui s'éloignait, l'extrémité de ses oreilles rouges d'une colère contenue, Susannah serra les poings. « Je vais te le faire regretter ! » Le menaça-t-elle, outrée qu'il ose l'ignorer. « Très bien ! Je m'en fiche ! » Lança-t-il par dessus son épaule. « Parfait ! » « C'est ça ! » Susannah tourna les talons à son tour, frémissante de rage.

Le lendemain, la Sirène pénétra dans la grande salle. Ses mâchoires ne s'étaient pas desserrées depuis la veille mais une lueur vicieuse brillait au fond de ses yeux. Cet imbécile n'allait pas lui tourner le dos deux fois. Il paierait au centuple son insolence.

Une blonde l'aborda aussitôt. « Bonjour ! C'est pour le Speed-Dating ? Suis-moi ! On te fera remplir un questionnaire à la fin. Voilà, c'est ici ! Amusez-vous bien ! » Pressée d'aller réunir d'autres futurs couples, elle s'engouffra derrière le rideau, la laissant avec le garçon qui tirait la tronche à l'intérieur.

« Bonjour. » Répondit la bleue en s'asseyant, passant outre l'animosité manifeste du brun. Sans doute voulait-il se donner un air, comme la majorité des adolescents ici, elle y compris. Son visage lui disait vaguement quelque chose, sans plus. Elle l'étudia prendre ses aises même si cela ne changea rien à son air constipé. Le message était clair, il n'était pas heureux de la voir assis à cette table.

Son sourcil s'arqua légèrement à la question. « Oui. » À l'inverse de l'autre qui s'avachissait sur sa chaise comme s'il était dans son lit, Susannah se tenait le dos droit. Pourquoi l'avait-on associée à un crétin pareil ? Se sentant insultée plus par l'association que par son binôme désagréable, elle roula des yeux et croisa les bras sous sa poitrine. « Je ne vois pas en quoi ça te regarde. Mais non. » Titouan était un idiot, mais pas suffisamment pour être celui qui la quitterait, du moins s'en persuadait-elle. Ses doigts pianotèrent sur son bras. « Qu'est-ce qui m'empêche d'en avoir plusieurs ? Ça te pose un problème ? » Elle fronça les sourcils puis, sans prévenir, envoya ses pieds cogner contre ses jambes étendues. « Tu peux pas t'asseoir correctement ? C'est comme ça que tu comptes plaire aux filles ? » Se moqua-t-elle. « D'ailleurs, tu t'appelles comment ? Je l'ai sur le bout de la langue... Quelque chose comme... Oh. » Un sourire narquois découvrit ses dents. « Mais oui. Faustine. J'ai entendu parler de toi récemment parce que tu ressembles à ce type immonde dans le Conte dernièrement paru. » Depuis que les étudiants avaient remarqué les similitudes physiques entre certains camarades et les protagonistes de l'intrigue, Susannah s'était aussi prise au jeu, notamment car ses propres colocataires ressemblaient presque traits pour traits aux portraits dessinés dans le livre. « Alors, Faustine... » Son surnom était susurré d'une voix sucrée à chaque fois. « Tu te cherches une copine ? »

Le rencard de Grognon et Grognasse
Faust & Susannah

☙ Bea Miller - That Bitch

Un muscle tressauta sur sa tempe quand Faust s'affala encore plus dans sa chaise. Certains étaient écorchés pour moins que ça par chez elle. Les Gælyan n'avaient pas conscience de leur chance dans cette école. Néanmoins, il n'était pas le premier à se montrer si insolent et elle puisa dans une réserve limitée de patience pour laisser passer. De toute façon, elle avait trouvé où appuyer pour le faire réagir. Ravie, elle appuya ses coudes sur la table et installa son menton dans le creux formé par ses mains. « Quoi ? Tu veux dire que t'en as même pas entendu parler ? C'est trop drôle ! » Elle pouffa sans que l'hilarité n'atteigne jamais ses yeux. En vérité, cela ne faisait que quelques jours qu'elle avait pris connaissance de l'ouvrage mais cet abruti n'avait pas besoin de le savoir. « Remarque, c'est certainement mieux que tu restes dans l'ignorance. Ce n'est pas joli joli. Enfin, si, je dois admettre que, physiquement, ça assure. Même si tu es moins bien en vrai. » Son regard glissa sur la silhouette de l'adolescent, bien loin du bel homme musclé décrit dans le Conte. Un nouveau rire moqueur secoua ses épaules.

La conversation glissa sur un sujet plus actuel, mais toucha vite à son terme. Elle recula au fond de sa chaise quand il se releva, prise de court. « Qu'est-ce que tu fais ? » Le héla-t-elle en mettant dans sa voix toute l'autorité dont elle se sentait investie. Pour récompense, elle se récolta l'insulte doublée d'une vulgarité. Un voile rouge l'aveugla et elle l'imita avec une fureur qui envoya sa chaise chuter en arrière dans un fracas épouvantable sur le sol. « Pardon ?! » Il n'allait pas s'en tirer comme ça. Sur ses talons, elle fonça dans le rideau qu'elle arracha à moitié en voulant passer et ignora les deux étudiants de l'association qui fondaient sur eux. Les yeux exorbités, les veines ressortant le long de son cou, Susannah ne lâchait pas sa proie du regard. « Hé, connard ! » Scanda-t-elle d'une voix forte au beau milieu des autres. Comme il ne se retournait pas, elle gonfla ses poumons. « Faustine ! » Elle était prête à se défaire de sa chaussure pour la lui envoyer sur l'arrière de la tête. « Tu devrais te toucher la nouille un peu, ça te détendra ! » Lui lança la bleue. « Chut, chut ! Calmez-vous ! » Répétait Blondie près d'elle, à la fois scandalisée de la perte de contrôle de la Sirène devant tout le monde et déçue de ce cuisant échec de couple. « Silence ! » Car Susannah avait reconnu de qui parlait Faust plus tôt et elle l'assassina du regard. « Ce speed-dating est ridicule. Le prochain a intérêt à être mieux. » La blonde ne se laissa pas impressionner et la considéra froidement. « Non. Si tu ne te calmes pas immédiatement, on va devoir te demander de partir. Je suis navrée si ça s'est mal passé mais tu pourras faire un état de tes plaintes sur le questionnaire à la fin. Maintenant, attend ici, le temps qu'on t'associe à un nouveau partenaire. » Mais Susannah l'écoutait à peine. Elle suivait d'une pupille mauvaise le Démon se déplacer dans la salle. Elle irait s'occuper de son cas quand il y aurait moins de monde autour d'eux.