Un câlin pour Bernard

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Aäron avait préféré ne pas aller au Fessetival durant la journée. Il était resté à l’auberge. Celle-ci s’était vidée. Les rares étudiants à avoir choisi de ne pas aller au Fessetival avaient décidé de sortir marcher dans la neige ou avaient organisé d’autres activités. Il était donc resté seul, avec le silence. Ça le changeait de l’Antre de la Dame. Son père préparait toujours des événements pour lui, bien trop à son goût d’ailleurs. Durant la journée, il avait beaucoup pensé à Alcide et à ses paroles. Était-il malheureux ? La question ne voulait pas disparaître de son esprit. Le blond avait l’air heureux, lui. Ses parents devaient beaucoup l’aimer. Il voyait les choses avec positivité. Il était juste encore naïf, d’après l’Alfar. Le monde, ce n’était pas un endroit rose bonbon, dans lequel chacun était joyeux. Il ne savait pas comment le lui faire comprendre. Il n’était même pas sûr de vouloir l’aider.

À un moment, bien avant que tout le monde ne revînt, une lettre était apparue de nulle part. Aäron l’avait saisie, en pensant qu’elle lui était peut-être destinée. Visiblement, non.

« Mon fils,

J’espère que tu vas bien, malgré tes inquiétudes vis-à-vis de Laëth. Elle est actuellement au Fessetival mais tu ne la croiseras probablement pas. Après le Fessetival, elle logera à Avalon, chez Adam Pendragon. Tu pourras lui écrire là-bas. Je ne dirais pas qu’elle va bien. Elle est très affectée par les récents événements qui se sont déroulés dans sa vie. Tout ce que tu peux faire, c’est te rendre disponible pour elle et continuer à lui écrire. Elle te répondra quand elle ira mieux. Essaye de ne pas lui en vouloir si elle reste silencieuse longtemps. Je te le dis mais je pense que tu le comprends très bien. Les gens malheureux ont tendance à ne pas reconnaître la lumière et à préférer s’enfermer dans leurs ténèbres.

J’ai hâte de te revoir mon poupou.

Gros bisous,

Papa qui t’aime aussi. »  

Après sa lecture, Aäron n’avait pas su quoi faire de la lettre. Maintenant qu’elle était ouverte, qu’il en avait pris connaissance et qu’il s’était senti piqué, il hésitait. La jeter ou chercher son propriétaire ?

Le soir, comme l’auberge s’était depuis remplie d’abrutis qui parlaient fort, il sortit sur le porche. Un gros chien ne tarda pas à le rejoindre. L’Alfar l’observa sans oser l’approcher. La compagnie des chiens lui plaisait bien plus que celle de ses camarades. Au moins, l’animal ne cherchait pas à lui adresser la parole, encore moins à l’emmener dans des discussions métaphysiques sur le bonheur. « Salut. » répondit-il, lorsqu’un brun se pointa. Peut-être que ce dernier s’était en réalité adressé au chien. Il resta un instant silencieux, en observant le garçon caresser le canidé. « Dis voir… Est-ce que ton père t’appelle mon poupou ? » lui demanda-t-il. « J’ai ouvert par inadvertance une lettre qui ne m’était pas adressée. » précisa-t-il, en lui montrant le parchemin. « Elle parle d’une certaine Laëth et d’un certain Adam Pendragon… et d’Avalon ? Tu connais ? Je cherche le destinataire… »

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Un câlin pour Bernard

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« Ah. » émit Aäron, lorsque le garçon lui avoua qu’il ne connaissait pas son père. Lui connaissait le sien, un peu trop. C’était sa mère qu’il ne connaissait pas. Il ne l’avait jamais vue et, puisqu’elle était morte, il ne risquait pas de l’apercevoir un jour. Sa sœur ? Quelque part dans la nature, si elle existait seulement. Son frère ? Un crétin dégénéré qui souriait toujours. « Je vois. » rajouta-t-il, pour meubler. Il se demandait ce qui était arrivé à son père. Il avait dû n’être que de passage et ne pas assumer. Ou mort pendant la grossesse ? Aäron aurait pu se dire que ce qu’on ne connaît pas ne nous manque pas mais il savait que c’était faux. La seule possibilité suffisait à faire souffrir. « Ah bon… Jamais entendu parler. » dit-il, en essayant d’imaginer l’endroit. Bien sûr, il était très loin du compte. Lui n’avait connu que l’Antre de la Dame et Basphel. Comment aurait-il pu envisager une cité comme Avalon, construite à la verticale, dans laquelle des individus ailés allaient et venaient ? C’était impossible. De toute façon, il n’avait pas d’imagination. Son monde était terne et son cerveau éteint. « Adam Pendragon. » répéta-t-il, comme s’il cherchait à se souvenir ou à graver l’information dans sa mémoire. Franchement, ça ne lui disait rien du tout. « Ma forêt ? Je n’ai pas de forêt… Enfin, il y avait bien une forêt là où je vivais avant mais je n’y allais pas pour entendre parler de choses… » Il ne comprenait pas franchement où l’autre voulait en venir. Pensait-il qu’il parlait aux arbres ? Tout ça n’avait aucun sens.

Aäron regarda le garçon un instant puis rangea la lettre. « Non t’inquiètes, t’embête pas. » lui dit-il, après l’avoir pliée et glissée dans la poche de son pantalon. « De toute façon, j’ai froid. » fit-il, comme pour justifier le fait qu’il allait partir. Ses yeux descendirent sur le chien, puis remontèrent percuter Faust. « Moi c’est ma mère que je ne connais pas. » avoua-t-il, comme s’il avait à cœur d’établir une sorte d’égalité entre eux. Il n’avait pas été élevé à Drosera et, par conséquent, aucune dose de compétitivité n’existait dans son esprit étriqué. « T’écoutes de la musique parfois ? Moi j’aime bien quelques groupes… Genre Dance dans les Ténèbres, Murmures de la Lune Noire et Chaos et Mélancolie. J’aimerais bien aller les voir en concert un jour… » Il haussa les épaules. « Enfin bref. » Il se leva et se dirigea vers l’intérieur pour continuer sa longue et pénible tâche : sa vie.

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