Les amis de mes ennemis

☙ Grimes - Genesis

« Reste là, je vais chercher ce qu'il me manque. » Abrutie par la potion administrée pour atténuer la douleur, Susannah acquiesça en grommelant. La porte se referma en douceur et la bleue glissa un peu plus dans une position allongée, combattant la lassitude qui attrapait ses paupières pour les tirer vers le bas. Un rideau l'isolait à moitié du reste de la pièce et le seul bruit provenait du caquètement régulier d'une étrange plante dotée de deux pétales formant un bec orange perchée sur une étagère en hauteur.

La blessée trompa l'ennui en jouant avec les grelots en coton bordant les draps puis sa main s'avança jusqu'à la jambe redressée par l'infirmière. L'angle inquiétant n'était plus qu'un mauvais souvenir mais son épiderme était marbré d'hématomes et de griffures occasionnées par les branches qui l'avaient giflée dans sa chute. Curieuse, elle palpa le membre gonflé, appuyant jusqu'à éveiller une pointe de souffrance malgré la potion. Elle cessa, puis recommença comme si elle tâchait d'apprivoiser la douleur avant de sursauter quand elle entendit la porte s'ouvrir et se refermer. Susannah se reprocha l'élan de culpabilité qu'elle avait éprouvé pendant une seconde. Elle ne faisait rien de mal. Au vu de l'hésitation dans les pas qu'elle entendit, elle devina qu'il ne s'agissait pas du retour de l'infirmière. « Hé ! » Héla-t-elle le nouveau venu d'une voix impérieuse. La nouvelle venue, corrigea-t-elle en voyant le visage aux traits délicats de l'étudiante qui tira le rideau. « Va me chercher un autre oreiller, celui-ci est trop plat. » Lui ordonna-t-elle comme s'il était naturel qu'elle lui obéisse. Elle tâchait de se redresser en position assise et grimaça quand un vertige fit valser le monde autour d'elle. Machinalement, Susannah passa sa main sur la bosse à l'arrière de sa tête puis releva les yeux sur l'étudiante. Comme une reine observe l'un de ses sujets, la Næphina l'inspecta des pieds à la tête d'un long regard. « Tu es toute blanche. Tu ne vas pas t'évanouir, hein ? Assieds-toi. » Sa jambe valide se décala pour laisser un espace libre qu'elle tapota impatiemment de la main pour l'inciter à la rejoindre.

Quand elle fut plus près, la Lyrium fronça les sourcils. Où avait-elle déjà vu ce visage ? Soudain, sa bouche s'ouvrit en un Oh de compréhension. Les Vampires n'étaient pas si courants dans l'école, mais c'était surtout l'obsession que la bleue vouait pour tout ce qui touchait de près ou de loin à Johannês qui lui avait fait reconnaître l'Enfant de la Nuit. Il était l'étrange garçon qui partageait la chambre de l'insupportable Magicien. De près, elle nota l'ossature fine qui se dessinait sous la peau crayeuse, troublée par ses traits aussi féminins que les siens. Sans s'inquiéter que cela soit malpoli, elle continua de le dévisager avec attention. C'était la première fois qu'elle en voyait un d'aussi près et son regard tomba sur sa bouche. « Tu as faim ? »

Les amis de mes ennemis

Musique

« Hum ? » Pieris se retourna, comme s’il s’attendait à ce que la malade s’adressât à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui aurait été derrière lui. Néanmoins, à part si la personne était douée d’invisibilité, il lui sembla être seul. Il tourna de nouveau les yeux vers elle et pencha la tête sur le côté, ce qui conféra à sa coiffure une asymétrie sur son torse. Il ne répondit pas. Il avait faim et, lorsqu’il avait faim, il n’était pas des plus affables. Il avait passé la journée à dormir dans le lit de Johannês. Il avait son propre lit mais il aimait emprunter celui du Magicien. Il trouvait qu’il sentait bon et il adorait perdre son nez dans son oreiller. Ça lui rappelait lorsqu’il arrivait à lui ponctionner du sang la nuit, sans que ce dernier ne s’en aperçût. Il n’avait jamais vu un homme – ni même une femme – avoir un sommeil si lourd. Bien sûr, il n’était pas le seul à en profiter mais il avait vite jugé que ça ne le regardait pas.

Le Vampire s’avança et s’assit à côté d’elle. Plus il observait son état, plus il avait envie d’en profiter. Il sourit lorsqu’il lui sembla qu’elle venait de deviner ce qu’il était avant de mordre sa lèvre inférieure. Tranquillement, il prit ses cheveux dans ses mains et commença à les séparer, comme s’il avait eu l’intention de les coiffer, en s’aidant de ses doigts. Il savait qu’il ressemblait à une fille. Il ne faisait rien pour se rendre plus masculin. Ça l’amusait un peu, à vrai dire, de constater qu’il faisait de l’effet à certains garçons qui n’étaient pas au courant de son sexe. Lui ne ressentait pas de désir. Il était néanmoins habitué à être désiré. Avant de se faire transformer, il avait été modèle. Le gros de sa carrière avait consisté à faire saliver les adolescentes fanatiques de jeunes hommes efféminés. Il aurait pu continuer, s’il n’avait pas été repéré par son Créateur. Depuis, il avait perdu de sa superbe. Il ne savait pas s’il désirait la retrouver.

Doucement, il réunit sa chevelure sur son épaule droite et replongea son regard sur la bleue. « Hum… » fit-il. Oui, il avait faim. Elle lui semblait appétissante. Il s’approcha un peu, profitant du fait qu’elle ne pourrait pas fuir. Sa jambe semblait dans un bien triste état. « Pourquoi ? Tu as envie que je te morde ? » demanda-t-il, avec sa voix plus masculine que le reste de sa personne. Elle n’était pas si grave. Elle était particulière, assez sensuelle. Il roulait les r. Il lui sourit, comme il avait dû le faire longtemps avec ses fans. Il avait été habitué à leur faire croire qu’elles auraient ce qu’elles voulaient. Elles doivent en avoir pour leur argent mais pas trop non plus, sinon tu perdras de la valeur. Il n’avait d’ailleurs pas pu avoir de copine. Ça lui avait été interdit. Un modèle en couple attirait moins. Chaque fille devait pouvoir penser avoir une chance ; être l'élue. « Si oui… Tu préfères que je te morde où ? »

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☙ Grimes - Genesis

Le regard suivit le mouvement des doigts de l'efféminé dans ses cheveux qui retombaient souplement sur son épaule. Il aurait fait une belle Ondine, se surprit-elle à songer avant de secouer la tête pour s'éclaircir les idées. La tentation était une arme qu'ils étaient deux à posséder naturellement, même si les tentatives de Susannah s'étaient souvent soldées par des échecs. « Je ne sais pas. Peut-être. » Pour une fois, ce n'était pas les mensonges qui agitaient sa langue. Elle était curieuse de cette fameuse morsure. Par pur intérêt social, bien entendu. Il était un prédateur nocturne, elle était une prédatrice aquatique. Même s'il était évident qui était supérieur sur l'autre, il fallait parfois essayer pour s'en assurer. Et si ça tournait mal, elle était déjà sur place pour se faire soigner. Ce n'était pas une si mauvaise idée, si ?

Elle pencha la tête et ses doigts rampèrent jusqu'à ceux de l'adolescent qui conserverait cette jeunesse éternellement et elle commença à caresser les phalanges sans le quitter du regard. « Tu en as envie ? Je peux comprendre que je t'attire. » Être l'objet d'attention était enivrant et l'intérêt qu'elle lisait dans ses prunelles flattait son égo qui s'amplifia un peu plus, si c'était possible. Pouvait-elle l'asservir à sa volonté, en faire son petit chien en échange d'un peu de son sang ? C'était une idée qui lui plaisait, qui lui plaisait même beaucoup.

Susannah fit mine de réfléchir, mais un sourire diabolique dévoilait toutes ses dents en elle. « C'est d'accord. Mais à un endroit qui ne se verrait pas trop. Ici par exemple. » D'un geste, elle souleva sa jupe pour dénuder sa cuisse valide et le défia d'y approcher le nez. Elle patienta et dès qu'il amorçât un mouvement vers l'avant, sa main jaillit comme un serpent et elle attrapa une poignée de cheveux. Sèchement, elle tira en arrière pour exhiber la gorge blanche de l'Enfant de la Nuit. Un gloussement traversa ses lippes moqueuses. « Tu n'as quand même pas cru que ce serait gratuit ? » Elle rit, plus franchement. « Ce doit être parce que tu ressembles tant à une fille, mais j'ai oublié à quel point les garçons peuvent être idiots. » Elle tira à nouveau sur ses cheveux pour le punir d'être doté d'un si pauvre intellect et tira du plaisir de ce qu'elle lut sur son visage. C'était ça qu'elle aimait. Jouer avec eux. « Je te laisse me mordre, mais tu me seras redevable. Tu comprends ? Je veux t'entendre le dire. Tu es dans le même dortoir que Johannês, non ? Bien. Je viendrai te voir bientôt, pour que tu payes ta dette. » Il serait son agent double qui opérerait directement sur place. Il placerait un somnifère dans leur verre d'eau, à tous sauf au Magicien, puis il la ferait entrer en douce dans la chambre. Sa vengeance serait douce, et plus jamais il ne lui parlerait de façon aussi insolente. Il méritait une bonne leçon. Ses yeux brillaient d'avance en imaginant la scène. Lentement, la bleue desserra sa prise sur le Vampire et lui sourit avec chaleur, l'autorisant en silence à la mordre.

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Musique

Le regard de Pieris se posa sur leurs doigts liés, avant de remonter vers elle doucement. « Oui, j’en ai envie et tu m’attires. » confirma-t-il. Il avait l’habitude de se montrer docile avec son public. Il valait mieux conforter les autres dans leurs idées, même si le faire pour tout pouvait être dangereux. Son Aisuru l’avait protégé de bien des dangers, bien qu’il l’eût mis dans des situations peu enviables également. Parfois, quand il y songeait, il lui manquait. D’autres fois, il ne ressentait rien, que le vide du déni. « Là ? » demanda-t-il. Sa langue passa sur sa lèvre supérieure, alors qu’il fixait la cuisse de la jeune fille. Il ne connaissait même pas son nom mais s’imaginer planter ses dents en elle et sentir son sang couler dans sa gorge lui donnait l’eau à la bouche. Il se pencha et avança son visage vers sa peau.

Il émit un râle lorsqu’il sentit ses cheveux se tendre. Il la regarda alors que son haut glissait pour dénuder son épaule droite. Il aimait bien porter des vêtements amples mais ils ne tenaient jamais en place. Soit le tissu se promenait sur ses bras, soit il dévoilait la totalité de son torse lorsqu’il se penchait en avant. Il la fixa, la tête en arrière, la bouche entrouverte et dévoilant ses dents pointues. Il pensa qu’elle était difficile. Il n’aimait pas qu’on lui tirât les cheveux. Néanmoins, il n’aimait pas non plus se débattre. Il était habitué à subir la volonté d’autrui et il avait faim. Facile ou difficile, il voulait mordre dans sa cuisse et la boire. Il acquiesça. « Je comprends. » répéta-t-il, comme soumis. Elle était plus forte que lui, dans tous les cas. « Je te serai redevable. » continua-t-il, de sa voix chaude. « Oui. » confirma-t-il, tout en se demandant s’il n’avait pas raté quelque chose. Il n’était pas trop dans les confidences du Magicien. Il se contentait de dormir dans ses draps et de prendre son sang, tout en reniflant son odeur dans une forme d'obsession. Il pensait aussi que Johannês pourrait également devenir modèle : un modèle grognon. Il y avait un public pour ça. « D’accord. » De toute façon, il aurait fait n’importe quoi pour du sang.

Lorsqu’il sentit les doigts de la Sirène se desserrer, il la regarda et baissa son visage jusqu’à sa cuisse avec la même lenteur. Sa main vint saisir sa peau sans qu’il ne la quittât des yeux. Il ouvrit la bouche et finit par s’enfoncer en elle. Rien n’était gratuit et il espérait qu’elle en redemanderait très vite. Le sang était vital pour les Vampires mais la morsure pouvait rapidement devenir addictive pour les victimes qui la subissaient. Il but avec un délice certain avant de se redresser, un mince filet coulant jusqu’à son menton. Il l'essuya d'un geste délicat. « Je t’obéirai mais il faudra m’en donner plus. » décréta-t-il, après s’être relevé du lit, là où elle ne pouvait ni le suivre ni lui tirer les cheveux. Il fit demi-tour et partit quérir la poche de sang qu’il était venu chercher à la base.