Loin des rêves
Bellone

Intrigue ; De retour dans le monde réel, Bellone refuse de s'endormir, craignant de rester de nouveau coincé dans le monde des songes. Elle va donc se procurer une potion d'insomnie pour ne pas subir les effets du sommeil. Ne souhaitant pas alerter Jämiel, elle le fait de façon détournée.
RP lié ; Les livres reflètent la beauté du ciel

Dreamer in the Dark - Marika Takeuchi

Bellone tenait le miroir à main légèrement décalé, de façon à pouvoir observer son profil. Elle fixa son attention sur son oreille. Là, un fourmillement commença à se répandre. Ce n'était pas douloureux, mais cela restait désagréable. Elle n'y était pas encore habituée à cette sensation. Concentrée, elle observa sa magie opérer jusqu'à modeler une pointe au dessus de son hélix. Elle la vit s'allonger et, lorsque la forme lui sembla correcte, elle s'arrêta. Là, légèrement tremblante, elle passa sa main sur son oreille, comme pour s'assurer du résultat. C'était étrange - elle avait l'impression de redécouvrir son corp. Après quelques secondes, elle tourna la tête pour pouvoir observer l'autre oreille. La métamorphe fit la moue, en constatant qu'elles n'étaient pas parfaitement symétrique. Il lui semblait que celle-là était légèrement plus allongée. Pourtant, rester ainsi lui demandait déjà beaucoup d'effort, elle n'était pas certaine de pouvoir tenir longtemps si elle altérait davantage son anatomie. Non, mieux valait rester ainsi. Ce ne serait qu'un détail, qui serait au pire pris pour une simple anomalie génétique - on la trouverait disgracieuse, et puis voilà. L'adolescente posa son miroir à main pour observer son reflet dans la grande glace face à elle. Ses raits avaient été falsifiés également. Elle ne se ressemblait plus, sans pour autant être tout à fait différente. De toute manière, elle doutait que là où elle se rendrait, on la reconnaîtrait. Tout cela n'était qu'une précaution supplémentaire, pour s'en assurer. Elle ne voulait pas que quelqu'un aille raconter à Jämiel qu'on l'avait vu rôder par là-bas : de la sorte, on ne pourrait pas assurer avec conviction qu'il s'agissait d'elle, et s'il lui posait la question, elle pourrait toujours nier pour en pas l'inquiéter.

Quittant son reflet, la brune se détourna de sa coiffeuse après avoir détaché ses longs cheveux d'ébène puis se redressa pour s'approcher d'une robé élégante. Il s'agissait de l'une des tenues qu'elle avait emprunté à Aillil. Elle lui était légèrement trop grande, mais cela serait suffisant : elle comptait lui rendre son vêtement dès qu'elle aurait terminé son aventure en dehors du manoir Arcesi. Frémissant d'excitation, la blonde quitta son kimono, qu'elle replia soigneusement avant de le déposer sur le bord de son lit. Puis, avec des gestes délicats , elle enfila son costume. Le tissu lui faisait une sensation nouvelle sur la peau. De la sorte, elle avait l'impression que le subterfuge était parfait. Elle avait l'impression d'avoir gommé tout ce qui faisait d'elle une Orine pour incarner une Alfare, hautaine et dédaigneuse. Satisfaite, l'adolescente tourna les talons : elle devait s'échapper discrètement, sans attirer l'attention de l'Hère qui rodait dans la demeure.

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« Je cherche Mardogh Wudrul. » Bellone venait d'interpeler une étudiante en se postant devant elle. Elle essaya de ne pas vaciller sous la pression de son regard assassin. « Savez-vous où le trouver ? » La véritable Alfar toisa son interlocutrice avec une pointe de suspicion. L'actrice sentit son cœur battre la chamade. Allait-elle percer son déguisement ? Devinerait-elle sa véritable nature et, si oui, comment réagirait-elle ? « Mardogh traine généralement du côté de la bibliothèque. » informa l'Alfar. Elle s'était parée d'un sourire ravissant qui, au contraire d'apaiser l'inquiétude de la brune, ne fit que la renforcer. Elle sentit son corps tout entier se tendre tandis que l'étudiante se rapprochait d'elle et passait son bras sous le sien. « Je vais t'accompagner. » proposa-t-elle, d'un ton sans appel : même si elle prétendait se montrer serviable, elle ne l'était pas vraiment. La Blaise se retrouvait coincée à son propre jeu. Elle ne pouvait plus reculer : elle n'avait pas la moindre idée d'où se trouvait la bibliothèque et si elle se mettait à poser la question, elle paraîtrait suspecte. Elle espérait qu'elle n'aurait pas besoin de s'aventurer davantage dans l'enceinte de l'école - elle avait déjà pris des risques en passant le portail. « Merci. » fit-elle, avant de suivre le pas de sa nouvelle camarade.

« Je ne t'ai jamais vu. » minauda la blonde. L'art de poser des questions anodines, l'air de rien, était un talent que tous les Alfars semblaient posséder. Pourtant toute réponse était méticuleusement étudiée, décortiquée, analysée. Bellone ne pouvait pas se permettre de répondre n'importe quoi. Elle se para d'un masque pareillement hypocrite - elle l'avait travaillé longuement devant son miroir ce matin là. « J'imagine que tu ne dois pas passez assez de temps à la bibliothèque. » répliqua-t-elle sur un ton pareillement léger à celui de son interlocutrice. Cette dernière se lança dans un rire éclatant. Bellone sentit cependant sa prise se faire plus serrée et les ongles s'enfoncer dans sa chaire malgré le tissu de sa manche. « La concurrence est rude, chacun se prépare du mieux qu'il le peut. » L'orgueil blessé était redoutable et l'Orine se demanda si elle avait bien fait de la lancer sur cette voie. « Quelle matière étudies-tu ? » « Aucune qui t'intéresse, puisque nous n'avons pas de classe en commun. » « Mmh... J'imagine que oui. » L'inconnue toisa sa cible avec un regard affamé. Jouer sur la défensive ne faisait qu'éveiller sa curiosité.

« Le voilà. » L'étudiante désigna un garçon perdu dans une lecture, adossé au mur du bâtiment. « J'espère que tes examens se passeront bien. » persiffla la curieuse avant de la lâcher et de s'en aller. Bellone l'observa partir et, une fois certaine qu'elle ne la suivrait pas, elle s'élança en direction de l'adolescent qu'on lui avait désigné. « Mardogh ? » Le concerné releva la tête. Il toisa celle qui l'avait appelé avant d'acquiescer. « Ullaha Zovninat. » La Soerei avait jugé plus prudent d'utiliser un pseudonyme pour qu'on ne fasse pas le lien avec Jämiel. Elle ne souhaitait pas qu'on l'incombe d'un vice qu'il ne possédait pas. «[color:d574=#seagreen] Tu as ce que je t'ai demandé ? » « Tu as l'argent ? » Bellone passa la main dans une poche et en sortit une bourse qu'elle fit passer discrètement dans la main de son voisin - elle était venue s'adosser au bâtiment pour faciliter la transaction. L'adolescent récupéra son dû puis fit à son tour passer un petit sachet contenant deux fioles qui s'entrechoquèrent. « N'en mets qu'une goutte ou deux dans ta boisson. Evite de le mélanger avec trop d'infusion, qu'il n'y ait pas de mélange entre les herbes. Et n'oublies pas : je ne garantis pas qu'il n'y ait pas d'effet secondaire sur une consommation à longue durée. » L'Orine acquiesça pour signifier qu'elle l'avait bien entendu et qu'elle avait entendu sa mise en garde. Elle n'avait plus d'autre choix, cependant. Si elle voulait échapper au sommeil, elle devrait passer par ce genre d'artifices. Elle prenait des risques, mais elle aviserait une fois le moment venu. « Je vous recontacterai le moment venu. » se contenta-t-elle de répondre avant de s'éloigner.

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« Tu m'écoutes ? » La brune releva son visage vers Owen. Elle papillonna des yeux pour essayer de raviver sa conscience. « Je... Oui, je t'écoute. » mentit-elle. Elle avait cessé il y a plusieurs minutes déjà. La fatigue la faisait dangereusement tanguer avec le sommeil et elle sentait son corps s'alourdir de seconde en seconde. Ses paupières, en particulier, semblait attirée sous la force de la gravité. Le Mur soupira puis ferma son livre d'un geste brusque. « Non, tu dors à moitié. » « Je ne dors pas. » démentit la brune. « Mmh. Oui. Pas assez, en effet. Combien de temps as-tu dormi, cette nuit ? » Bellone fronça les sourcils et se redressa de son fauteuil avant de s'approcher de la fenêtre. Les bras croisés, elle passa un œil derrière le rideau, pour observer le monde extérieur. Ce monde qu'elle n'avait, officiellement, pas encore osé affronter. « Déjà trop. » répondit-elle d'un ton amer à la question de l'Hère. Elle savait que leurs avis divergeaient sur la question, et elle attendait déjà la réprimande. Celle-ci ne tarda pas à arriver. « Je te l'ai déjà dit : tu as besoin de sommeil. Ne t'en prive pas. Si cela te met dans cet état, ce n'est pas bon pour toi. Et cela causera nécessairement des problème au Jeune Maître. Je ne le permettrait pas. Si tu ne veux pas que je lui en parle, dors. » Bellone déglutit. Il était temps qu'elle se reprenne en main. Temps qu'elle cède au délice des potions qu'elle avait acheté. « J'ai trouvé une solution. » dit-elle. «[color:d574=#seagreen] Ne t'en fais pas, je ne causerai pas de tort à Jämiel. » Elle lui en avait déjà trop causé.

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Fébrile, la brune attrapa la potion. Elle avait une couleur bleutée, si faible qu'elle paraissait presque translucide. On aurai pu la confondre pour de l'eau. Bien sûr, personne dans la cité n'aurait été assez naïf ou sot pour s'y fier aveuglément, et personne n'aurait bu le contenu de la fiole sans la faire expertiser au préalable. Bellone, elle, n'avait pas les moyens de s'assurer du contenu de la petite bouteille. Elle devait se fier, malgré son instinct, à la promesse de Mardogh. Sa réputation, cependant, lui était sans doute trop précieuse pour qu'il se mette à empoisonner ses acheteurs. L'aventureuse se cramponnait à cette idée pour ne pas laisser le doute l'envahir et pour oser passer le cap. Son escapade remontait à plusieurs jours déjà et, malgré ses tentatives, elle s'était déjà endormie deux fois. Sept heures de sommeil en tout c'était trop. Malgré ses migraines, elle luttait mais seule, elle n'était pas assez forte pour repousser les effluves du monde qu'elle fuyait. « Bien. » murmura l'adolescente en s'emparant d'un verre rempli de café. Elle versa quelques gouttes de l'élixir puis touilla le tout, avant d'avaler son breuvage d'une traite. L'effet arriva presque instantanément. La pression accumulée dans ses muscles tendus se dissipa, sa migraine s'effilocha jusqu'à disparaitre totalement et ses yeux ne lui piquèrent plus. Elle avait la sensation d'avoir passé, pour la première fois depuis son retour, une bonne nuit de sommeil. Bellone soupira. Elle en aurait presque pleuré de joie. Satisfaite, elle alla ranger la fiole dans une petite boite en bois qu'elle avait acheté, des mois auparavant sa descente aux enfers. Elle verrouilla le coffret puis rangea la clé.

Maintenant qu'elle avait retrouvé un état normal, elle pourrait reprendre ses recherches.

1812 mots
Fin.