"Ici, on vend même des Canapi."

Musique !

Partenaire : Mertle
Intrigue/Objectif : Deccio et Mertle (le binôme idéal) se rencontrent par hasard lors d'une magouille pour répondre aux besoins de cette dernière.


« Bienvenue au chapiteau, à la tente de Monsieur Trouvetout. Ici, vous trouverez tout ce que vous désirez. Même ce que vous ne désirez pas d’ailleurs. Vous voulez gagner de l’argent sans vous salir les mains ? Alors entrez ! Vous souhaitez faire une surprise à votre enfant, à votre petit-fils, à vos frères ou à vos sœurs ? Alors vous êtes à la bonne porte ! Tuez quelqu’un en l’empoisonnant de la plus vile des manières ? Noooon. Pas bien. Ici, tout est égal ou presque. On peut certes vous débarrasser des importuns, mais avec élégance et sans tracas. Qu’importe ce que votre cœur vous supplie, il suffit de passer le seuil de cet enfer de ce paradis et il y a de fortes chances que vous soyez comblés en vous entretenant avec son propriétaire ; c’est-à-dire moi. Évidement, je ne réclamerais ni votre argent ni vos possessions. Juste de votre temps. Soyez sans crainte, si vous n'êtes pas satisfait(e) je promets de vous rembourser selon les modalités visibles au dos de la carte accroché sur le panneau. » Pouvait-on lire sur le message qu’avait affiché Deccio sur une imposante pancarte disposée à l’entrée de son royaume. Il avait aussi fait parvenir quelques prospectus ici et là afin de se faire un maximum de pub. C’est ainsi qu’il espérait attirer toutes sortes de clients, qu’ils soient grands, petits, jeunes, vieux, difformes, chauves, tout ça dans l’intérêt d’enquêter sur de potentielles créations qu’il pourrait refourguer aux plus offrants. Cependant, une autre explication se cachait derrière ce marché juteux. Le blondinet avait besoin de main d’œuvre, pour plein de raisons, allant de la plus saugrenue à la plus banale.

En attendant de voir quelqu’un passer les rideaux de son charmant barnum commercial, le Démon s’était installé un beau comptoir pour l’occasion. Il était sobre, si ce n’est qu’une petite statue à l’effigie d’un renard était disposée en coin, la patte levée tel un matou faisant sa toilette. Il s’était dit que ça inspirerait confiance, en plus d’être à son goût. Un siège étant entreposé dans le fond, éclairé par une lumière tamisée au teint grenat, le maitre canin patienta avachi sur celui-ci, les jambes croisées. Ça faisait tout de même trois jours qu’il s’était implanté ici sans recevoir l’ombre d’une visite, alors afin de rendre l’emplacement plus guilleret, ce dernier eut la bonne idée d'investir quelques plantes à côté de la façade. Les gens aimaient ça, il parait. Si ça tenait qu’à lui, il aurait uriné dedans depuis belle lurette. Enfin bon, ce n’est qu’une fois qu’il perdit patience devant l’éternelle expectative d’une âme charitable qu’une silhouette élancée se profila derrière le tissu. Adoptant hâtivement une posture digne, l’homme abaissa légèrement son chapeau pour accueillir la demoi… « BIENVENUUUUUUUUE ! » En fait non, la réalité prit la forme d’une vieille bique au dos arqué. « Si je m’attendais à ça... Mais c’est bien aussi ! J’imagine que vous êtes là pour rédiger votre testament. Vous avez bien fait, je ne prends aucune commission. Et je peux même faire disparaitre l’héritier que vous aimez le moins. Installez-vous. » Les anciens aussi avaient le droit de s’entretenir avec le Diable.


540 mots | Post I

Vieux vaut prévenir que guérir
Plaire à la mégère

« Et bien puisque c‘est ça, je m’en vais ! » cria Mertle en pointant un doigt accusateur en direction de son mari. « Enfin ! Bon vent ! » répliqua monsieur Boffin. Piquée par cette réaction, la vieille bique croisa les bras sur sa poitrine en relevant le menton d’un air dédaigneux. « Mmph ! Et ne compte pas sur moi pour revenir m’occuper de tes vieilles chaussettes trouées, le troll ! » « J’ai pas besoin de toi, la mégère ! » Courroucée, la vieillarde quitta la charrette que conduisait Sefus. Elle se mit à claudiquer avec sa canne vers la seule destination aux alentours : une étrange tente perdue au milieu de ce désert de cendres. Une nouvelle querelle avait éclaté entre les deux époux. Ca avait commencé dès l’instant où Mertle avait décidé d’accompagner son mari en voyage professionnel : elle voulait le surveiller pour s’assurer qu’il n’irait pas engrosser une autre débile sans cervelle. Il avait déjà mis en cloque leur servante, Mertle ne désirait pas qu’il conçoive d’autres héritiers illégitimes qui risqueraient un jour de venir se pointer en réclamant une partie de son héritage. Leur fortune n’avait jamais existé mais était devenue dangereusement basse, un consta qui déplaisait à la mage noire : elle comptait bien récupérer le peu de sous qu’avait caché quelque part son gredin d’époux et pour cela, elle devait s’assurer de limiter les bénéficiaires possibles. Elle avait déjà fait en sorte que Sefus coupe les ponts avec leur ainé. Ne restait plus que deux autres indésirables – trois, si on comptait l’enfant de la blondasse qui passait le balai chez eux. La vieille bique s’était donc montrée particulièrement enquiquinante sur la question de l’infidélité ; ce à quoi le concerné répliquait sans cesse qu’il n’était pas responsable pour la grossesse d’Odette. Odieux mensonge qui ne faisait qu’augmenter les caquetages de la vieille oie ! Comme toujours, la dispute dégénérait et à ces considérations venaient s’ajouter tous les soucis qu’ils n’avaient jamais pris le temps de résoudre et qui envenimait un peu plus chaque querelle – la liste devenait de plus en plus longue avec le temps.

La vieillarde entra dans la tente ; aussitôt, elle avisa la décoration de mauvais goût : quel espèce de drôle d’oiseau avait l’idée d’exhiber un satané renard ? Avait-elle atterri dans le terrier de l’un de ces satanés Eversha ? Si c’était cela, elle lui concocterait quelques mauvais rêves avant de repartir aussi sec ! « Eh parle moins fort sac à puce ! T'crois qu'j't’entends pas ? B't’as tout faux alors fe'me ton bec ! » houspilla-t-elle en menaçant de sa canne l’excité qui s'était trop approché d'elle. Tout en lui lançant un regard mauvais, elle s’installa sur le siège qui lui était destiné – elle lorgnait jalousement sur le fauteuil destiné à son hôte : où avait-il reçu ses manières ? Ne lui avait-on jamais dit que les personnes âgées méritaient la place de premier choix ? Aucun doute, ce pouilleux était indéniablement l’un de ces hommes bêtes répugnant. Mertle retroussa la peau pendante qui lui servait de lèvres en une mine dégoutée. « S'tu crois qu'j'vais faire mon testament chez'bon à rien com'toi qu'sait même pas lire, t’as trop bouffé d’herbe à chat ! » Indéniablement, il avait abusé sur la consommation. « Bon mais par contre, tes manières d'sauvage peuvent m'servir ! Y’a un mioche qu’i'faudrait mieux faire disparaître avant qu'c't'bonn'à rien l’expulse de sur mon parquet ! »

554 mots

"Ici, on vend même des Canapi."

MOUHAHAH !

Mais… cette vieille canaille lui ravivait d'effroyables cauchemars ! Où donc avait-il déjà pu croiser cette hideuse sorcière auparavant ? Ces traits fripés comme du jambonneau premier prix - et ses pattes velues jusqu’aux mollets - ne passèrent pourtant pas inaperçus. Elle ressemblait à Grand-Mère Brossard, sauf que celle-ci apportait toujours de très bons gâteaux avant de l’abreuver d’injures comme un bon à rien. Un peu plus teigneuse que Mémé Granola, elle n’en demeurait pas moins aussi fétide. Elle puait la vinasse à des kilomètres à la ronde. Oh. Mais non ! Cette voix nasillarde, il était persuadé de l’avoir entendue lors d’un évènement auquel il avait assisté. Certainement pas caritatif du coup. En tout cas, elle en avait sous le capot, ce qui était plutôt rigolo avec du recul. Ce type de personnes se manipulait plus aisément, car toujours apte à s’emporter pour un oui ou pour un non. Pour la première fois de sa vie, Deccio savait que s’il abusait de la Tentation du Diable, trop de vices seraient incantés. Même s’il était enclin à la boucherie et au chaos, même lui ne souhaitait pas faire subir ça au monde dans le contexte actuel. Pas maintenant. Ce serait beaucoup trop tôt. Et sacrément barbare. Et si ça se trouve, le pouvoir en action s’autodétruirait devant la sévérité de ses péchés. Une goutte de sueur perla sur sa tempe à cette pensée. JA-MAIS.

Dès lors dégagé de ses délires détraqués, le Démon monopolisa son attention à l’essentiel. Les fesses confortablement enlisées dans son siège douillet, il soutint le sourire en toutes circonstances malgré les invectives de Mamie Samovar. « Loin de moi l’idée de vous offenser, mais souhaitez-vous une infusion agrémentée de quelques biscuits ? Les feuilles que je me procure sont d’excellente facture en plus de… décrisper les nerfs. » Insistant sur les dernières syllabes en diminuant son timbre au fur et à mesure, Deccio préserva contre toute attente ce qui fit le sel de toutes les grandes sociétés ; la satisfaction du client. En caressant machinalement son menton, il jeta un rapide coup d’œil à l’accoutrement de la vieille peau. Définir la classe sociale d’une personne relevait aussi de ses fonctions en tant qu’extorqueur. D’après son examen, elle vivait modestement, probablement juste assez pour offrir des cadeaux intoxiqués à ses arrières petits-enfants.

Bon, mais de toute façon, elle serait facile à dépecer avec le matériel adéquat. Une lame de catégorie six devrait amplement suffire pour ne pas ternir le goût de la carcasse. « Avant de conclure quoique ce soit, nous devons convenir d’un accord tacite. C’est pourquoi je vous recommande chaudement de signer ces feuilles. » Il glissa trois parchemins sur le comptoir ; des contrats dont les écritures étaient de plus en plus petites à mesure qu’on parcourait les lignes. La vision d’un Eversha rapace n’aurait pas suffi à en  capturer tout le sens. Alors celui d’une mégère à l’acuité amoindrie... « Excusez mon indiscrétion, mais vous arrivez tout droit des régions du Nord, non ? » Demanda-t-il à l’égard de son dialecte par moments incompréhensible. « Enfin bref, ça n’a guère d’importances. Dites m’en plus sur ce “mioche”. Plus vous me donnerez d’informations à son sujet, plus je pourrais défaire le mal par la racine. Les bons samaritains dans mon genre savent comment s’y prendre avec les acariâtres. » Prenant note sur son calepin fétiche, Deccio notifia l’achat d’une pelle et d’une pioche. Une belle réactivité de sa part.  



583 mots | Post II

Vieux vaut prévenir que guérir
Plaire à la mégère

Evil like me

Mertle grimaça. « Du thé ? » s'insurgea-t-elle. « C'est tout ce que tu as à me proposer ? Du pipi de chat ?! » Elle avant ouï dire que les Béluas possédaient effectivement les meilleurs plantations de thé que l'on puisse goûter. Peu importait : pour la vieillarde, il ne s'agissait là que d'une boisson faisant ressurgir des moments écœurant de son passés, lorsqu'elle vivait encore dans la chaumière de ses parents, avec ses crétines de sœurs. Plutôt que d'affronter ces éclats de tendresse qui semblaient irriter son cœur, la vilaine sorcière préférait sortir les crocs et contrattaquer avec quelques commentaires désagréables sur l'odieux qui troublait ses pensées. « S'tu veux calmer mes nerfs, sers moi p'tôt un verre d'whisky ! Ou b'en est-c'qu'c'est trop fort pour tes moustaches ? » se moqua-t-elle dans un rire rauque. A sa surprise, son désir fut exhaussé. Bien sûr, la boisson était de piètre qualité - ou du moins, la mauvaise foi qui l'étouffait l'empêchait de reconnaitre quoi que ce soit d'autre - mais elle restait impressionnée par le simple fait que le renard fut capable de lui fournir ce qu'elle avait commandé.

« D'puis quand ceux d'ton espèce perdent leur temps dans la pap'rasse ? » râla la cliente lorsque le malhonnête lui glissa une plume entre les mains - elle espérait que la plume ne provenait pas de son derrière plumeux. Quitte à choisir, elle préférait encore se servir d'une plume arrachée sur les ailes d'un de ces pisseux d'angelot à la mord-moi-le-nœud. « D'plus en plus crétins. » souligna-t-elle entre deux crissements de dents. La biquette poussa un long soupire. Elle détestait lire tous ces trucs inutiles. Sans doute était-ce simplement des garanties pour qu'elle ne puisse pas venir lui taper sur le croupion s'il faisait mal son travail. S'il croyait que ces prospectus suffiraient à l'arrêter si elle décidait de se venger, il avait encore beaucoup de choses à apprendre ! Elle était Mertle Boffin, la plus sournoise des vilaines sorcières - même cette vieille peau de Réta Paiberym avait fini par l'admettre, en disparaissant de la circulation. Si elle n'était pas satisfaite, elle viendrait régler ses comptes à la mode sorcière ! Elle lui donnerait sans doute de l'herpès et quelques coliques, puis l'empêcherait de dormir en venant tourmenter ses nuits ! Contrat ou non, elle s'assurerait qu'il effectue sa besogne comme il faut ! « Rien dans l'pantalon. A mon époque, on savait prendre des risques. » dit-elle en signant sans s'embêter en lecture inutile et fastidieuse - sans doute regretterait-elle son orgueil et son empressement, mais elle ne s'en tracassait pas le moins du monde en cet instant.

« C'pas tes oignons, l'moche ! » répliqua-t-elle lorsqu'il chercha à connaître ses origines. « Ma servante est gonflée comme un ballon, à cause d'c'parasite. J'ai b'soin qu'tu fasses l'ménage, sans tuer ma bonniche - à moins qu'tu décides d'faire l'ménage quotidiennement à sa place. » Quoi que. Mauvaise idée. C'était un coup à ce qu'il fasse pipi sur son coussin pour marquer son territoire. Et puis, Minou n'aimerait sans doute pas cette intrusion. Sans oublier que si Odette était empotée, elle savait passer la serpillère, ce qui n'était visiblement pas le cas de ce sauvageon. Et puis, s'il se mettait à perdre ses poils et ses plumes dans son appartement... Non vraiment. Il n'avait pas intérêt à abîmer son Odette. « Il va pas tarder... B'en qu'ce soit un peu tôt, sa grossesse a l'air rapide... M'enfin, on dit t'jours qu'c'sont les mauvaises graines qui grandissent l'mieux. » Elle donna un mauvais regard à son interlocuteur, comme pour appuyer son propos. « Oh et puis, j'ai b'soin d'sous aussi. P't-être qu'on pourra revendre sa carcasse à des scientifiques ? Ou alors des vampires ? J'ai entendu dire qu'ils aimaient bien l'sang des innocents. Quoi que vu ses origines, j'sais pas trop si on peut dire qu'il soit innocent. » Le péché du père semblait être héréditaire dans l'esprit de l'aigrie.

709 mots

"Ici, on vend même des Canapi."

Je te survivrais (j'espère T_T)!

Malgré son attitude pas très débonnaire, Deccio s’assura de garder le sourire. S’il commençait doucement, mais sûrement par perdre patience, il essayait de ne pas le laisser transparaître. Comme la plupart de ses congénères, il pouvait démarrer au quart de tour lorsqu’on mettait ses nerfs à rude épreuve. Un petit coup bien placé derrière la nuque et s’en serait terminé ce ses ruineux caprices. Avant d’en arriver à de telles extrémités, le blondinet fit appel à son domestique. D’un sifflement, celui-ci se révéla disponible en quelques secondes, apparaissant de nulle part, ce dernier lui ramenant la boisson qu’elle eut réclamée. En plus d'incarner la précellence professionnelle, il s’agissait d’un vieillard sexy. Ses pecs en avaient comblé plus d’une. « Je vous présente Valmont, mon plus humble serviteur. Disons que notre entente est basée sur une clause qu’aucun de nous ne peut briser. S’il vous faut quoique ce soit, un massage, une tape dans le dos, un cigare, de la mort aux rats. Bref n’importe quoi. Cet homme exaucera tous vos désirs, n’importe quand, qu’il pleuve ou qu’il vente. » D’une, ça l’empêcherait de l’emmerder lui, et de deux, il pourrait essentiellement se focaliser sur les termes de leurs accords. Ce qu’elle ignorait, c’est que ce contrat n’était pas destiné à le mettre à l’abri d’éventuelles plaintes ou de poursuites judiciaires, mais à sceller sa destinée ; avec, il pouvait la localiser, n’importe où, à condition que la magie soit effective. Dans tous les cas, il sortait gagnant de cet engagement. C’est la raison pour laquelle il adorait traiter avec les anciens ; trop gâteux pour sentir l’espièglerie des plus jeunes.

Quoiqu’il en soit, la demande exigée était un jeu d’enfants pour le locataire des Enfers. Certes, il avait la sale habitude de liquider tous ceux qui le gênaient par réflexe, mais il était néanmoins capable d’accomplir les corvées proprement. Il existait mille et une façons de se débarrasser d’un opportun, et l’une d’entre elles, la peur, était sans conteste sa préférée. Enfin, à supposer qu’elle fût moins teigne que la cliente qui se tenait stoïquement en face de lui. Retirant le bouchon de son stylo fétiche plaqué or — une offrande d’un riche cellulaire —, le Démon nota quelques lignes sur son carnet. Rien qui ne soit directement impliqué à l’affaire, mais davantage à ses multiples observations sur la contenance et les tiques de la vieille dame. Après tout, le but de cet entretien n’avait foutrement rien à voir avec l’incompétence de sa gouvernante. Ça, il s’en fichait comme de son premier poignard. « Il parait que je suis très… persuasif. Puis les bébés prennent souvent peur devant moi, allez savoir pourquoi. Admettez que je ferais un très bon père pourtant. Je suis autoritaire, excessif, quelquefois impulsif, élitiste, oppressant, impatient et surtout exigeant. Tout ce qu’il faut pour leur assurer un brillant avenir. » C’est vrai. À quoi bon être doux et bienveillant avec eux ? Ils ne comprenaient rien à rien de toute façon. Ils répondaient bien mieux aux coups de lattes et au harcèlement psychologique. C’est ainsi qu’on formait de vigoureux gaillards, qu’on devenait le meilleur parmi les meilleurs. Aaaah, vivement qu’il puisse éduquer ses progénitures. Il avait hâte.

Mais pour en revenir aux tracas de Mère-Grand, Deccio frappa des mains pour appeler un autre serviteur à comparaitre. Décidément, cette tente renfermait plus d’individus qu’un palais royal. À se demander comment ils s’organisaient. « Celui-ci, c’est Macaron. Un type que j’ai recruté au coin d’une rue, mais qui fait de l’excellent taf. Toutefois, avant de l’envoyer en mission, j’ai besoin de vous poser quelques questions. Voyez ça comme un entretien d’embauche inversé. » Des concepts comme ça, il en inventait tous les matins. Le revers de la médaille des génies. Appuyant la pointe de son stylo contre la page blanche, il procéda aux interrogations. « Selon vous, est-ce qu’il faudrait faire une ristourne aux manchots lorsqu’ils achètent des vêtements ? Un stéréotype a-t-il une fonction mono ? Et surtout, est-ce qu’un droitier peut passer l’arme à gauche ? » Toutes ces questions n’avaient probablement aucun sens pour la mégère. Pas tout à fait, car premièrement ça l’amusait. Et secondement…



702 mots | Post III (là ça commence à partir en nawak /sbaff)

Vieux vaut prévenir que guérir
Plaire à la mégère

Teamwork MakesThe Scheme Work

« C’est sûr qu’en voyant ta trogne, y’a de quoi pleurer » pensa la mégère. Trop occupée à siroter l’alcool de son verre, elle garda cependant ce commentaire pour elle-même. Elle opina de la tête lorsque le blondinet lui exposa ses qualités de parent. « Mmh, c’est sûr ! Faut b'en les forger ces merdeux ! » L’acariâtre était étonnée de voir que ces rustres en peau de bête pouvaient faire preuve de bon sens. Peut-être cet hurluberlu était-il du signe d’un animal noble et respectable. Comme un serpent ou une araignée. Encore mieux : un corbeau, ou bien un CHAT ! « Des coups d'cannes pour les faire filer droit, et des punitions pour leur faire expier leurs torts ! Mais il faut toujours ce méfier. Regardez-moi : malgré l’amour et l’éducation droite qu'j'leur ai donné, ces ingrats trouvent encore l'moyen d'm' faire r'gretter d'les avoir porté ! Oui, j’étais encore naïve à l’époque. J’ai été trop gentille avec eux. N'faites pas la même erreur que moi ! » La liqueur devait lui monter à la tête plus rapidement que prévu : il n’était pas dans son caractère d’admettre ses erreurs, encore moins devant un sous-être comme un bélua. Néanmoins, ses quelques traits de présentation l’avaient charmé et elle s’était laissée amadouer.

« Qu’c'que ? » Mertle grimaça en voyant un autre employé apparaître. Elle cligna des yeux, stupéfaite, puis glissa un regard sous le bureau. A ce train-là, elle s’attendait presque à voir quelqu’un en sortir. « Mmh, j’pas b'soin d'connait' leur vie à chaque fois. » maugréa la vieillarde, de nouveau renfrognée. Elle jeta un mauvais regard au serviteur. Macaron ? Qu’est ce que c’était que ce nom ridicule ? A croire qu’il était issu d’une famille de magiciens ! Mertle décida qu’elle ne l’appréciait pas. « Z'êtes sûr qu’il est efficace votre guignol ? J’veux pas qu’il abime mon Odette. » S’il venait vraiment de la rue, il était possible qu’il ait attrapé une cochonnerie qui lui aurait grignoté les neurones. Exigeante, la cliente ne tolèrerait pas qu’un gorille aille mettre le bazar chez elle.

« Allons bon, et d'p'is quand c’est à vous d'm'faire passer un interrogatoire ? » s’insurgea la gueularde, sa voix déraillant de l’aigue au grave. Cependant, quand les questions fusèrent, elle y répondit avec une étrange collaboration. « Une ristourne ? E'p'quoi encore ! S’i'veulent pas s'faire arnaquer, z'avaient qu’à pas s'faire couper les bras d’abord. » C’était vrai : on voyait trop d’enquiquineurs exiger des dédommagements pour des raisons invalides comme celle-ci. Qu’est ce que le marchand en avait à faire, qu’il n’eut pas de bras ? Si c’était un problème, le concerné n’avait qu’à s’en faire repousser. « Plus qu'ça même, j'dirais qu’i'sont au minimum trivalent, ou tout simplement polyvalent. » Elle n’avait rien compris à la question et répondait donc la première chose qui lui passait par la tête : elle refusait de perdre la face devant un analphabète d’homme-bête. « S’il est ambidextre seulement, quelle question. Même un mioche sait ça. » La bêtise n’avait pas de limite et son âge avancé lui avait ôté toute honte. Si l’on osait la contredire, on était sot et ignorant, si l’on se moquait d’elle : on manquait de respect pour ses aînés. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas remise en question. « Bien p'isqu’on parle d'choses sérieuses : qu'pensez-vous des gueux qui lancent des langoustes ? Et avez-vous déjà fricoté avec la poiscaille ? J'sais qu'vous êtes un peu cousin mais j'traite pas avec la vermine. Et p'is, c'qu’il est possible d'voler les culottes de la comtesse Vaughan ? Avec ça, j'pourrais la faire chanter et gagner tout plein d’argent ! »

610 mots

"Ici, on vend même des Canapi."

La musette

What the hell?! Voilà t’y pas que le narrateur — c’est-à-dire votre chevalier servant — parla une autre langue à cause des cinglantes réparties de la vielle dame. Deccio ne s’y attendait pas non plus, mais elle avait parfaitement réussi le test d’entrée, et ceci sans bégayer à une seule reprise. D’un recul prononcé, l’étonnement sur son visage de lisait comme dans un livre ouvert. Bon Dieu que cette vieille était bonne. Que les Aetheri le pardonnent si des pensées impures lui traversaient l’esprit. Si jusqu’alors le Démon n’avait jamais changé de bord contre vents et marées cette Mertle mettait ses convictions à rude épreuve. L’espace d’un instant, il s'interrogea sur les sensations que pourrait lui procurer une telle expérience. Peut-être maîtrisait-elle des arcanes sexuels si anciens qu’elle pourrait le faire grimper au rideau comme jamais auparavant. Le renard secoua sa tête pour chasser ces idées noires. Que la foudre l’abatte sur place si l’obsession de cette sordide curiosité se répétait. Mais tout de même, il n’était pas donné à tout le monde de ne pas se laisser déconcerter par ses questions idiotes. Ils étaient deux à avoir passé l'examen avec succès ; la mère Polichinelle et Rii Ha’na. Autant dire qu’elles n’avaient rien à voir avec les fermières du coin. Quoiqu’il en soit, le secrétaire d’État du royaume des flammes répondit calmement à son tour. « Selon moi, les homards rebondissent mieux. Il faut donc les privilégier. Seulement lorsqu’elle est fraiche, sinon c’est dégoutant. En ce qui concerne l’extorsion de sous-vêtements, c’est une activité que nous pratiquons régulièrement chez nous. J’ai bon ? » Il n’avait pas pour habitude d’être interrogé en retour. Sauf quand ses plans foiraient et qu’il oubliait d’effacer les preuves. Depuis qu’il était devenu enquêteur, il avait appris à s’en débarrasser sans effort.

Parfois, le majordome se glissa aux côtés de son maître ni vu ni connu. Il gonflait ses joues, la bouche en cœur, et usait d’une palette d’expressions toutes plus incroyables les unes que les autres pour attirer l’attention de la cliente. Probablement une parade amoureuse propre aux vieux. Ou les prémices d’une crise d’épilepsie. Allez savoir avec eux. Deccio, quant à lui, avait complété sa page de petits dessins tous mignons. On pouvait apercevoir des esquisses de chamois ou encore d’hirondelles. De vrais œuvres d’art qui mettaient en selle l’émotion du Démon au travers de la nature. Bien sûr, tous ces animaux baignaient dans le sang, c’est pourquoi il devait s’agir d’une ode à l’amour. Lorsqu’il haussa les sourcils pour se confronter de nouveau à la grand-mère, Deccio fit la moue. « Sans vouloir vous commander, j’aimerais que vous passiez sous le bureau, chère madame. Ne vous méprenez pas, il y a une petite trappe qui vous fera passer de l’autre côté. Mon ami vous y aidera. » Depuis le début de sa carrière sous les ordres du Vil, c’est bien la première fois qu’il s’empressait de répondre à ses besoins. D’ores et déjà derrière la grincheuse, ses longs bras se nouèrent autour de sa taille.

Les yeux exorbités, pourvu qu’ils ne coïtent devant lui pensa le Démon. Il était bien trop jeune pour être marqué d’un tel traumatisme. Heureusement, il n’en fut rien. « Voyez-vous, d’habitude j’use de mon charme pour parvenir à mes fins. Mais cette fois… cette fois je vais la jouer réglo. » En dézippant une grosse fermeture présente sur un côté du chapiteau, Deccio débloqua l’accès à une seconde tente, bien plus spacieuse. Hormis la variété impressionnante de renards et autres rapaces qui s’y trouvaient, un autel sur lequel reposait un épais ouvrage se tenait en son sein. « C’est surprenant la première fois, mais on s’y fait assez rapidement vous verrez. Quoiqu’il en soit, vous pouvez jeter un œil à ceci. Il renferme toutes mes activités passées, mes faits d’armes, et même mes œuvres d’art. C’est à partir de ça que vous pourrez décider oui ou non de me faire confiance. » Parmi les articles, elle pourrait même entrevoir quelques photos de lui dénudées ; son patrimoine d’une certaine façon. Les bras croisés, il se tourna vers elle. « Aussi, j’aimerais que nous marchions un peu pour discuter ensemble. Au plus je vous connaitrais dans les moindres détails, au mieux je saurais vous aider. » Ou un simple prétexte pour approfondir leurs relations.




716 mots | Post IV

Vieux vaut prévenir que guérir

In the Navy - Village People

Mertle se pencha en avant, la mine défigurée par une grimace qui lui aurait fait gagner tous les tournois de laideur de l'univers. Elle était à la fois offusquée et curieuse par l'existence de cette fameuse trappe : était-ce un piège pour l'attirer genoux à terre - une position de soumission dans laquelle une sorcière de son rang ne devrait jamais être surprise - ou bien ce saugrenu personnage avait-il simplement manqué de l'intelligence minimale demandée à tout bon décorateur d'intérieur ? Si c'était la dernière hypothèse, il avait d'autant plus intérêt à ne pas abîmer son Odette ! Lorsque la face de gâteau commença à l'enserrer, la mégère commença à ventiler et à se démener : elle resserra la prise sur sa canne et en asséna un vigoureux coup sur la caboche du malotru. « Bas les pâtes, l'ramollo ! » cria-t-elle de sa voix nasillarde. « J'peux m'débrouiller tout'seule, pas b'soin d'l'aide d'un sal'té d'mage blanc ! » pesta-t-elle en s'échappant de l'emprise du serviteur. Elle se tourna fasse à lui, lui enfonça l'embout de son bâton sur le tibia puis sur les orteils. « Humph ! » Une fois certaine que le gredin ne viendrait plus l'importuner, la vieille dame entreprit de passer sous le bureau : une tâche bien plus complexe qu'elle ne l'avait imaginé - la faute à ses vieux os et à son arthrite. « Mmh, réglo... P'is moi j'suis la reine d'Magiciens, p'dant qu't'y es. » commenta-t-elle, signe qu'elle n'y croyait pas pour un sous : c'était ça de vivre entourée de sorciers, il devenait compliqué voire impossible d'accorder sa confiance, d'autant plus à un étrange hurluberlu sorti de nulle part.

Une fois de l'autre côté, elle s'engouffra dans la seconde tente. « Mmh... C'tanière l'est 'core pire qu'la première. » râla la vieille biquette. « Et qui vous dit qu'j'ai l'intention d'traîner suffisamment longtemps 'ci pour m'y habituer ? Et p'is qui voudrais s'habituer à vivre dans c'dépotoir, hein ? » Elle ne développa pas tous les points négatifs qu'elle avait déjà remarqué dans cette tente et s'approcha de l'épais grimoire. Elle en feuilleta les premières pages. Son regard s'attarda quelques secondes sur les attributs avantageux de son futur collaborateur. Une part de son esprit pensa qu'elle aurait aimé pouvoir jouer avec, mais le crainte d'essuyer un nouveau refus lui fit adopter un comportement contre-productif : « Pff, c'bestiaux, ça pense qu'avec leur queue. D'vraies bêtes. » De sa bouche, cela sonnait comme une insulte. Elle n'essayait même pas de se cacher.

« Mmh... L'est b'en curieux l'asticot. » pensa Mertle à voix haute lorsque le blondinet demanda des informations supplémentaires. Elle ne savait pas exactement ce dont il avait besoin de savoir. Sans doute des informations à propos d'Odette, puisque c'était de son marmot qu'il devrait se débarrasser. « Odette est ma potiche. C'è'une fichue magicienne, com'ton Macaron, là. » Un nouveau rictus répugné traversa sa face. « L'a pas toutes les bougies allumées à tous les étages, et l'est persuadée d'êt'e l'héroïne d'un conte d'Fae. » Un conte que la vilaine sorcière connaissait par cœur : elle l'avait entendu en boucle lorsque Bellada la lisait chaque soir avant de s'endormir, puis plus récemment, lorsque son Odette lui racontait des épopées qu'elle pensait être les siennes - mais qui étaient en fait tout droit sortis du conte. « Elle m'fait les corvées et, 'paremment, e' plait à m'salopiaud d'mari p'isqu'il l'a culbuté ! Et la v'là gonflée comme un ballon ! » De colère, elle fouetta l'air devant elle à l'aide de sa canne.

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"Ici, on vend même des Canapi."

Richard Gotainer - J'veux pas aller au Paradis

Qu’elle digresse compte tenu de son grand âge, c’était une chose, mais de là à usurper l'identité de quelqu’un d’autre, un chef suprême qui plus est, ça dépassait l'insolence. Comment pouvait-il tolérer une telle conduite sans enfreindre la déontologie qu’il s’évertuait tant à défendre ? Deccio secoua la tête, la consternation se reflétant dans ses prunelles. « Vous seriez l’Ultimage ? Écoutez, sans vouloir vous vexer, je n’ai rien contre les théories du complot, mais qu'un accident de cette envergure soit survenu et passé sous silence, je peine à le croire. Dans mes souvenirs, son faciès fut jadis harmonieux, et ses formes pour le moins extravagantes. Non, ce n’est pas vous, grand-mère. Contentez-vous d’incarner le café, c'est déjà bien. » Lui dit-il le plus spontanément du monde en tapotant amicalement son crâne. Ce n’est pas parce qu’il jouait dans la cour des Démons qu’on lui refusait le droit d’être honnête pour autant. Deccio privilégiait la confiance et le pourparler avec ses clients, c’est pourquoi il exprimait sans relâche le fond de ses pensées.

Le temps s’acharnait parfois, et pas toujours sur les plus vivaces. Cette Merlte lui rappelait sa première tortue. Flasque et pâteuse, elle avait tenu deux jours avant de se noyer dans ses excréments. En priant pour que le parallèle s’arrête là, le blondinet arqua un sourire. Bien entendu, ses qualités étaient dissociables. « Vous êtes une femme de caractère. Vous deviez tous les matez quand vous étiez… disons, consommable. » Avoua le Saraṇi en toute sincérité. S’il comprenait la moitié de ses invectives, il n’en appréciait pas moins les individus au tempérament exécrable comme le sien, aussi car ils étaient plus influençables. Enfin, en théorie. Cette mégère, en plus d’être soupe au lait, lui compliquait la tâche en agitant sa méfiance sur tous les fronts. Malgré ce qu’il prenait pour de la sénilité, cette Sorcière ne se laissait pas facilement flouer. Elle parlait beaucoup. Et trop en plus.

Ne lâchant aucune miette de ses élocutions édifiantes, l’homme frappa dans ses paumes ; un bruit perceptible qui fit apparaitre un premier vieillard. Puis un second. Puis un troisième. Tous se rangèrent en ligne les uns derrière les autres, les mains dans le dos et la posture droite. Le renard leva l’index. « Vos préoccupations sont les miennes, madame. Voyez, c’est écrit sur la devanture. » Quelqu’un — en équilibre sur un escabeau bancal — s’efforçait effectivement de placer une banderole au sommet du chapiteau, cette réplique figurant sur l’inscription. Il frappa une seconde fois dans ses paumes, à deux reprises. Le premier majordome faucha les affaires de Deccio et celles de Mertle, le second porta directement cette dernière en la stabilisant dans un harnais dans son dos et le troisième prit son employeur entre ses bras rigoureux en faisant office de chaise. Ce moyen de locomotion s’appelait le transjor-dôme. Il en était le digne créateur. Doués d’une vélocité à faire vibrer les pucelles, les anciens galopèrent sans ménagement ; de vrais étalons de compétition élevés au grain. Le poing serré contra sa mâchoire, le bellâtre interpella Mertle. « Hey, mamie ! Indiquez-moi la piaule de votre bonniche. Nous allons trancher la question dès à présent. » Qu’il vente ou qu’il neige, qu’ils dussent gravir des montagnes ou franchir des océans, rien n’entraverait leur progression.






530 mots | Post V C'est n'imp, mais j'avais prévenu /sbaff