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Siruu Belhades
~ Sorcier ~ Niveau III ~

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◈ Parchemins usagés : 2340
◈ YinYanisé(e) le : 06/12/2015
Siruu Belhades
Dim 31 Juil 2022, 20:26


Siruu venait de terminer son rituel de catoptromancie. La divination au travers des surfaces réfléchissantes était un art simple, à la portée du plus sot des mages. Il suffisait de tracer la bonne rune, et de fixer un point de son miroir. Une célèbre légende magicienne voulait qu’une femme monstrueuse — partageant son nom avec une boisson à base de jus de tomate — apparaisse à qui faisait ce rituel à minuit, pour tuer les imprudents qui osaient l’invoquer. Le journaliste était sur le point de vérifier si la rumeur était vraie. Bien évidemment, il ne croyait pas en ces fadaises, mais il était bien forcé d’avouer que fixer son reflet armé d’une simple bougie avait de quoi faire frémir. La vision qu’il eut termina d’achever sa tranquillité.

C’était terrible. Bien plus effrayant qu’une jouvencelle couverte de sang. Siruu faisait face à sa vraie apparence. Quoique… « Vraie » n’est peut-être pas l’adjectif approprié. Disons plutôt qu’il s’agissait de ce à quoi son corps ressemblerait, s’il ne le rajeunissait pas à coup de potions et de runes. Le mage noir avait souvent l’occasion de contempler son reflet, après avoir mis fin à l’illusion qui modifiait sa physionomie. Ce n’était pas une figure très fraîche, mais avoir altéré définitivement son corps au travers de rituels lui permettait de croire qu’il était encore relativement jeune. Cependant, cette fois-ci, il faisait face à une dure réalité qu’il soupçonnait depuis longtemps déjà : s’il n’avait jamais utilisé d’artifices, il serait un vieillard. S’il s’était contenté de laisser les années avancer sans chercher à déjouer le processus naturel de décrépitude qu’était la Vie, il serait certainement mort à l’heure qu’il était.

Siruu souffla sur la bougie, pour ne plus avoir à regarder le fossile qui lui apparaissait sur le miroir. Il était trop immature et pas assez sage pour vivre la vie d’un doyen. Il ne voulait pas que la fin soit proche. Sa vie devait être une suite infinie de commencements, et un jour peut-être atteindrait-il l’état de grâce. Non, le sorcier n’acceptait pas la mort : ce serait plier le genou face au destin. Ezechyel pouvait aller s’étouffer avec une poire, car Siruu ne le rejoindrait pas de sitôt.

« Vous savez comment atteindre l’éternité ? » Le chaman qui gardait sa porte mit un certain temps, avant de répondre. « Non, enfin… si. Mais non. » – « En voilà une réponse claire. » Siruu invita l’étranger d’un signe de la main. « Tout le monde est éternel. » À l’exception d’un certain roi chaman, qui avait disparu en emportant avec lui les esprits qu’il avait ingérés. « Et pour être éternellement vivant ? » – « Il y a beaucoup de méthodes, mais vous vous en doutez, elles ne sont pas forcément accessibles. » – « À quoi pensez-vous ? » – « Les Vinr sont éternels, par exemple. » Le sorcier ne prit pas le temps de considérer cette option : c’était ridicule. Feu Devaraj l’avait dit lui-même, il y a bien longtemps de cela : grimper la hiérarchie chamane nécessitait de sacrifier sa santé mentale. « Quoi d’autre ? » – « La relique de Mynos. » – « Elle existe encore ? » Son interlocuteur n’en était pas certain. « Dans tous les cas, vous pourriez mourir en allant la chercher, ce qui serait dommage. » – « Très juste. Y a-t-il d’autres options ? » – « Je ne suis pas une encyclopédie. » — « Désolé. » – « Mais je sais où vous pourriez en trouver une, d’encyclopédie. » – « Je pense que si j’ai envie d’aller à la bibliothèque je saurai trouver mon chemin. » – « Je ne parle pas de ça. Je pense au Sanctuaire Noir. Là, il y a quelques bouquins qui pourraient vous aider. » – « Je ne sais pas où il se trouve. Et même si je le savais, je n’y ai pas accès. » C’était surprenant, au vu de son âge. Siruu cumulait ce qu’il appelait des particularités, et que d’autres considéraient comme des tares. « Ah bon ? Mais peu importe. Vous connaissez des sorciers qui ont accès aux connaissances qu’il recèle, non ? » Pour cela, il faudrait rentrer chez lui. Amestris avait changé, depuis son départ.



« Je vais me répéter une dernière fois : qui es-tu ? » Le double ne répondait pas. Ses membres étaient encore endoloris par les derniers sévices qu’elle avait subis, mais elle essayait encore d’analyser la situation. Elle voulait connaître toutes les issues possibles. Puisqu’une malédiction prédisait sa mort dès lors qu’elle se téléporterait, il n’y en avait qu’une : la porte de cette fichue cave. Si Siruu voulait bien gentiment tourner le dos et présenter sa nuque, l’échappatoire serait toute trouvée pour l’usurpateur. Ce n’était malheureusement pas près d’arriver.

« Très bien. Puisque tu ne sembles pas disposé à collaborer… » La gorge de l’alfar se nouait. Elle avait été transformée en crapaud, il y a quelques minutes de cela. Changer d’apparences fréquemment était habituel, mais il n’y avait rien de plus pénible que d’être métamorphosé de force. Elle était prête à tout pour Dothasi, mais sa dévotion avait des limites : mourir, oui, mais mourir en ressemblant à un amphibien dégoûtant, c’était trop.

« Léandre Vetrabiel. » La Nerethi essayait d’abord la ruse, par prudence. Le sorcier abaissa sa main. « Menteur. Ou menteuse, peut-être ? Deiliath Bheadh c’est féminin, non ? » À vrai dire, il était réjoui de voir que son captif avait une langue. C’était assez pour ne pas le — ou la — punir de nouveau. De toute manière, il avait déjà lancé bien assez de sorts, et ne comptait pas puiser jusqu’au fond de ses réserves. Il était déjà suffisamment embarrassant d’admettre que, après deux heures ponctuées de lecture de pensée et de malédictions, il avait simplement envie de dormir. La méditation avait dû rouiller sa pratique de la magie.

« Oui. Si vous connaissez la réponse, pourquoi me poser la question ? » Elle était capable de résister aux sorts mentaux, mais ses défenses demeuraient trop faibles. Siruu avait sans peine accès à la surface de son esprit. Cela ne lui donnait pas accès à toutes les informations, cependant. « Contente-toi de répondre. Sinon, puisque tu tiens tant que ça à partir… je peux te transformer en limace et te jeter sur les pavés de la rue voisine. » Il s’agissait plus d’esbroufe que de réalité, mais cela suffisait à intimider ceux qui ne connaissaient pas ses capacités. L’expression qui se lisait sur le visage du double pouvait être lue comme du désespoir, de la colère et de la déception. Ses yeux soufflaient « ne me fais pas pleurer », sa bouche semblait dire « comment ai-je pu échouer », mais sa posture, elle, criait toujours « je vais t’assassiner ».

« Drosera. Je peux savoir comment tu en es venu à me suspecter ? » La tâche avait été difficile. Elle avait dû observer la vieillarde en secret, la tuer et, tel le loup des contes, se faire passer pour elle. Le petit chaperon rouge aurait pu se faire attraper au piège, mais, dans cette version de l’histoire, Mère-Grand ne vivait pas seule. Elle était censée s’occuper de Jorderunn. Elle l’imprégnait de son vocabulaire. Autant dire que Siruu, malgré ses visites sporadiques, avait remarqué que le sac à sang n’apprenait plus autant. Au départ, il n’avait rien suspecté : il ne se préoccupait que peu de ce qu’il pouvait bien se passer à Amestris, et le jeu d’acteur du loup de Drosera était trop bon. Toutefois, les détails s’accumulant, il n’avait pu s’empêcher de remarquer la vérité.

« Ce n’est pas à toi de poser des questions. Tu comptais m’observer pour me remplacer, c’est une évidence… mais pourquoi ? Pour la gloire ? » L’usurpatrice soupirait. Chaque seconde gagnée lui apportait un peu de réconfort. « En quelques sortes, oui. » Les voies de Dothasi demeuraient impénétrables, et elle ne savait pas exactement pourquoi prendre la position de ce sorcier était nécessaire. Elle ne pouvait pas fournir de réponses à ses questions : ses supérieurs s’assuraient que les informations ne circulent pas et chaque agent évitait de poser trop de questions.

« Soit. Et pourquoi ça ? » Siruu ouvrit quelques parchemins, qu’il avait trouvés dans les effets personnels de sa soi-disant domestique. Il s’agissait de premiers jets d’articles, signés de son nom. Sauf qu’il ne les avait pas écrits. Quelqu’un avait fait un pastiche de son style, et il ne pouvait s’agir que de Deiliath. « Je devais pratiquer, pour que mon jeu paraisse vraisemblable. Ce sont des faits réels, si tu veux tout savoir. » Elle prit une pause, ravie de tenir un récit qui devrait lui éviter la torture pour quelques minutes. « Le Charbonnier est intéressé par les affaires de meurtres du monde entier. » Ces potins étaient satisfaisants à lire, pour un public sorcier autrement peu investi dans les faits divers des autres peuples.

« Les médecins la détestent ! Grâce à cette astuce simple, cette femme traque et assassine les docteurs de Megido depuis trois mois.

Armée d’un couteau de cuisine, cette tueuse en série anonyme semble déterminée à mettre fin aux vies de chaque médecin de Megido. L’enquête des autorités compétentes est encore en cours, mais Le Charbonnier vous informera de toute nouvelle information dans nos futures parutions. Toutefois, à force de recouper les témoignages, un mode opératoire a pu être identifié par les forces de l’ordre.

Cette femme, d’âge mûr selon un concierge interrogé par nos équipes, semble s’infiltrer dans les cabinets la nuit pour noter les horaires des différents docteurs. Une ruse simple, mais efficace ! Quelques minutes après que sa cible ait dit au revoir à son dernier patient, l’assassin surgit et poignarde sa victime avant qu’elle n’ait le temps de réaliser sa présence. Enfin, avant de s’évaporer dans la nuit, la meurtrière prend soin de toujours laisser un flacon d’huile essentielle et un mot provocateur sur la scène de crime. Une équipe d’experts en graphie ont analysé les messages de la criminelle, et ont conclu que son tracé délicat n’était pas celui d’un médecin : la piste d’un professionnel de santé pourchassant ses concurrents est donc exclue.

Nous nous sommes enquis du point de vue d’un cardiologue, qui souhaita rester anonyme. Son opinion sur cette tueuse en série était tranchée : “moi, je ne l’aime pas” nous confia-t-il, vérifiant aux alentours que la concernée ne surgisse pas pour l’attaquer. “Et tous mes confrères pensent pareil ! Après je ne la connais pas : peut-être qu’elle est tout à fait agréable et que je me méprends, mais ce qu’elle a fait ne me donne pas envie de la rencontrer.” Notre enquêteur lui demanda ensuite si ces crimes avaient impacté son activité. “L’hystérie est vraiment massive… un patient régulier est venu m’offrir un bouclier au cas où j’en aie besoin. Je mets beaucoup de cœur dans mon métier, donc je ne compte pas prendre de vacances, mais il faut bien avouer que ça a terni l’ambiance au cabinet.” Il semble donc que les médecins haïssent vraiment cette femme. »


Siruu avait décidé de lire l’article à voix haute. « C’est un torchon. » – « C’est ton style, je n’y peux rien. » Sa répartie avait été instinctive. Elle ne se sentait pourtant pas d’humeur provocatrice. « Il faut éditer ça avant de l’envoyer au Charbonnier, sinon ils le refuseront directement. » L’alfar séquestrée leva les yeux au ciel. « Il faut mettre en avant le fil conducteur. Ensuite, il faut modifier la partie où tu interroges le médecin. » Il s’agissait bien évidemment d’un docteur fictif : les publications écrites portant sur les affaires étrangères n’avaient jamais trop de scrupules lorsqu’il s’agissait de mentir sur les détails. « Pourquoi ? » – « Tu écris au tout début que les médecins la haïssent, donc il faut qu’ils aient vraiment l’air d’être en colère. Là, on dirait qu’elle leur a simplement volé des petits pains. » – « Comment ? » Siruu soupira, sachant pertinemment que son usurpatrice n’avait pas la passion du journalisme. « Je vais te montrer comment je le retravaillerais. Tu vas comprendre. » Il devrait se débarrasser d’elle après cet atelier : les gens avaient une étrange tendance à terminer dans sa cave, et il faudrait libérer de la place pour le prochain arrivant. Peut-être devrait-il accrocher une banderole de bienvenue aux pierres, pour rendre l’ambiance plus chaleureuse.

1981 mots.


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Siruu Belhades
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Siruu Belhades
Dim 31 Juil 2022, 20:28


La plume est plus forte que l’épée, mais le crayon est bien plus pratique que la plume. Pourtant, il ne l’a pas remplacée : il faut dire qu’il est plus onéreux, moins accessible, peu conventionnel. Surtout, il s’agit d’une invention relativement récente, et les mœurs ne se sont pas encore adaptées pour lui laisser une place dans la vie des petites gens. L’utilisation que l’individu lambda fait de la plume la rend amplement satisfaisante. Elle remplit son rôle, et c’est sans doute tout ce qu’ils cherchent. Siruu aimait penser qu’il voyait au-delà du bout de son nez, et sa profession reposait sur l’écriture. Alors, le crayon qu’il avait réussi à acquérir lui plaisait. Il se demandait quelles autres innovations viendraient remuer le milieu journalistique. Surtout, il se demandait s’il aurait l’occasion de les voir tant que le sang coulait encore dans ses veines.

Il n’en avait pas l’air, mais comme la plupart des individus foulant ces Terres, Siruu moisissait un peu plus chaque jour. Son vieillissement était lourdement ralenti par la magie et, en plus de revêtir une apparence factice, il avait pu atteindre un âge qu’un humain ne saurait espérer. Néanmoins, vient un moment où les runes, rituels et autres potions à base de moelle osseuse d’orphelin ne suffisent plus. Le sorcier était vieux, physiologiquement parlant. Avant, l’idée de mourir dans son sommeil d’une attaque cardiaque était si invraisemblable qu’il n’y songeait même pas. Maintenant, cela traversait son esprit à des moments inopportuns comme celui-ci.

Il est désagréable de s’imaginer quitter un monde en pleine évolution : c’est comme perdre un roman avant d’avoir pu en connaître la fin. Malheureusement, l’univers n’offre pas un troisième acte pour nouer délicatement votre vie. Chaque période est transitoire, chaque heure est une préparation pour celle qui suit et, finalement, il n’existe aucun bon moment pour mourir. Bien évidemment, cela vaut pour tout être vivant à l’exception des Dieux, et les gens s’accommodent du caractère éphémère de leur existence en l’oubliant. Si, comme un certain journaliste, un crayon suffit à vous plonger dans une spirale existentielle, vous savez que la situation est grave. Il aurait préféré partir du principe que les recours qu’il avait pris jusqu’ici fonctionnaient encore, mais tomber dans le déni volontairement n’est pas aussi simple. Il ne pouvait plus échapper à la réalité des faits, mais il comptait encore échapper à la mort.

Le sorcier porta la tasse à sa bouche. Ce café était froid : il n’avait même pas remarqué qu’on l’avait servi. Le sentiment d’urgence qui l’animait l’empêchait de penser à autre chose que sa propre mortalité. Il devait trouver une solution. Ce problème dépassait de loin ses compétences. Les mages noirs n’avaient pas manqué de chercheurs d’éternité : la plupart n’avaient trouvé que la mort, ou des handicaps défigurants. Au cours des siècles, certains scientifiques avaient réussi à ouvrir des pistes prometteuses. Il y avait quelques cas d’individus ayant réussi à décrocher artificiellement cette éternité tant désirée, mais le taux de succès restait faible. Peut-être que certaines expériences secrètes garantissaient un résultat, mais Siruu n’en connaissait pas. De toute évidence, Ezechyel ne voulait pas qu’une méthode permettant d’obtenir l’éternité ne devienne accessible à tous.


Morgana ne faisait pas face au revenant, préférant regarder au travers de sa fenêtre. Ou, plus exactement, de la fenêtre de la maison de poupée dans laquelle ils se trouvaient, miniaturisés. « Mon frère a racheté votre parcelle sur Orahza. » – « Qui aurait cru qu’un sorcier puisse autant aimer le sable. » L’un comme l’autre savait pourquoi ce terrain avait été réquisitionné par le parasitologue. Ils ne voulaient pas s’étendre sur le sujet. « Est-ce que vous avez gagné sa confiance ? » – « Son respect, oui. Sa confiance… pas vraiment. » – « Ce qui n’est pas aidé par votre propension à disparaître comme un mirage. » Elle se tourna vers le journaliste. « Vous n’êtes pas publié bien souvent. Je me demande parfois d’où viennent vos revenus. » Il n’en avait guère. « Lagherta. J’ai aussi quelques économies. Cela ne devrait pas vous importer. » Il était nourri et logé par les chamans, lorsqu’il travaillait dans le Domaine des digitales. Si l’éditrice venait à apprendre quelques-uns de ses secrets, il devrait alors contre-attaquer. « Votre mari vous a dit que j’étais au courant, pour Le Fétide ? » Morgana sentit ses muscles se tendre : ils étaient ici à l’abri des regards indiscrets et des oreilles invisibles, mais elle n’aimait pas d’entendre le nom de cette gazette. Elle aurait souhaité pouvoir faire semblant de ne pas être au courant des activités de Staurakios, mais savait que ce mensonge ne convaincrait personne. « Oui. Que me vaut cette menace ? » Morgana semblait impassible, mais était furieuse à l’idée que cette information ait pu fuiter. Sa curiosité était piquée : comment s’y était-il pris ? Son mari n’était pas du genre à avoir la langue trop pendue, et semblait lui-même ne pas connaître les méthodes de Siruu. « Vous vous méprenez, ce n’est pas une menace. » C’en était une. « J’aimerais vous demander un service. » C’était culotté. « Dites-moi donc. » Elle ne comptait pas se laisser extorquer, mais savait qu’il valait mieux écouter son offre.

« C’est quelque chose qui pourrait vous intéresser. J’ai quelque chose en ma possession. Quelqu’un, en fait. Une alfar. Elle a usurpé mon identité en secret. Il se peut même vous que vous lui ayez parlé sans en être consciente. » Elle le coupa sèchement. « Je l’aurais senti. » – « Non, justement. Elle semble avoir la capacité de copier l’essence d’une personne avec une précision assez effrayante. » Siruu prit un moment pour réfléchir à la manière dont il allait formuler son discours. Il valait mieux éviter de se mettre madame Tolshem à dos. « Je peux m’en débarrasser, mais je pense qu’elle pourrait vous intéresser. Vous pourriez l’utiliser, après sa rééducation. » Morgana se rapprocha du blond, tout en le dévisageant. « Ce n’est pas un service, ça. C’est un cadeau. » – « Une compensation. J’ai besoin de votre aide pour quelque chose d’assez pointu. » Il prit une pause. « Je souhaiterais extraire l’éternité d’une personne. » Jorderunn, l’esclave illettré incapable de mourir. Cela faisait des années que le sorcier essayait de trouver une manière de lui voler ce don, sans succès. Il fallait donc s’en remettre à ses aînés. Morgana n’était pas connue pour cultiver un profond savoir occulte, mais elle avait des connaissances. Ou, plus exactement, un réseau d’individus. Avoir le bras long est une forme de magie. « Tu ne peux pas reproduire ce don aussi simplement. » Elle arrêta de le vouvoyer. « Néanmoins, je peux t’aider à explorer certaines pistes. Montre-moi l’elfe. » Siruu était un étrange personnage. Il était intéressant de le garder à proximité. Bien évidemment, s’il venait à se révéler dangereux, elle l’éliminerait.



Affectée par un philtre de sommeil, l’usurpatrice était allongée sur les genoux de Morgana, qui lui caressait lentement les cheveux. Elle n’était pas sûre de savoir quoi faire d’un espion commandité par une autre nation. « Est-ce qu’elle a eu accès à tes effets personnels ? » — « Oui. » – « Et est-ce que cela comprend des documents me concernant de près ou de loin ? » Il était dans la confidence de nombreux secrets, qui avaient tout intérêt à ne pas s’échapper. « J’ai un journal, oui. » La sorcière plaça une main crispée sur la gorge de l’alfar. « On ne peut pas se permettre de courir le risque que ça soit révélé. » Si la trahison de Staurakios venait aux oreilles d’une mauvaise personne, c’en serait fini de sa carrière. Morgana serait suspectée de partager les idéaux politiques de son mari. Siruu ne serait pas autant impacté, mais sa réputation se retrouverait tout de même entachée : s’associer aux mauvaises personnes est signe de bêtise.

« Bon, je trouverais quoi faire d’elle. En ce qui te concerne… t’es-tu intéressé à Léopold d’Inoltris ? » Elle poussa l’alfar inconsciente et se leva brusquement, peu emballée par le décor lugubre de cette cave. « Ce n’est pas celui qui a étudié les Béluas ? » Au sens propre du terme : il avait analysé les capacités de ceux qui changeaient de forme, quelle que soit leur race. « Oui. Il a aussi développé une méthode d’extraction d’essence de phénix plus efficace, ce qui a ouvert la voie aux alchimistes qui s’intéressaient à ses propriétés régénératrices, mais dont les travaux étaient ralentis à cause de la rareté de cet ingrédient. » – « J’ai déjà exploré cette piste. Un sujet de test sur trente développait l’éternité du phénix. Les autres mourraient. » – « Au début, oui. Mais un des élèves de Léopold a découvert un solvant qui permet d’extraire une partie des composants de l’essence de phénix. Lorsqu’une potion était réalisée avec, le taux de succès s’est élevé à vingt pour cent. » Voilà une information dont il n’avait pas connaissance. Toutefois, ce n’était pas satisfaisant. « C’est trop peu. » – « C’est une option. » – « Je me la réserve en dernier choix, et encore. D’autres idées ? »

« Tu as éliminé le maléfice Ergotherum de ta liste de possibilités, je suppose. » Un nom raffiné, pour un rituel runique qui consistait plus ou moins à voler le corps de quelqu’un d’autre. « Je n’ai pas envie de perdre mes capacités et mon identité. » Le risque était trop grand et la récompense, trop faible. « C’est compréhensible… tu as entendu parler de Thérèse Petracillus ? » – « Oui, mais je pensais qu’elle ne faisait que des élixirs de longue vie. » – « Non… ça, c’est une de ses descendantes. Thérèse, c’est celle qui a conçu l’armoire à chair, où une version plus jeune d’elle grandissait, prête à l’emploi si son enveloppe actuelle venait à décéder. » – « Intéressant. Quel est l’aspect négatif ? » S’il n’y en avait pas, il aurait entendu parler de cette méthode. « Son armoire a été brûlée, et elle est morte avec. C’est pour ça que ceux qui l’ont suivie se sont intéressés aux élixirs de longue vie : ils ne laissent pas de vulnérabilité, même si leur efficacité diminue. » Cela suffisait à la plupart des sorciers, qui avaient de grandes chances de rejoindre la tombe avant de fêter leur premier siècle.

« Et votre méthode à vous, c’est quoi ? » Elle était plus âgée que ce que son apparence indiquait, à l’instar de nombreux mages chevronnés. « Je suis née comme ça. » Un privilège qu’il ne partageait pas. « Mais je connais des sorciers éternels pour qui ça n’est pas le cas. » – « Pourquoi est-ce que vous ne m’en avez pas parlé ? » – « Les méthodes employées sont peu orthodoxes. Je préfère étudier les possibilités pour lesquelles on a des résultats long-terme. » Sa réticence était feinte : elle savait dans quelle direction leur conversation allait. « Je ne pense pas qu’on en trouvera, donc dites toujours. » Morgana posa sa tasse dans un mouvement indélicat, laissant résonner le bruit si caractéristique de la porcelaine qui s’entrechoque. Elle ne savait pas comment le mettre sur la bonne piste. « Cela implique de parler à quelqu’un qui n’est pas enclin à laisser fuiter des informations. »« Je peux le faire. Est-ce que vous savez en quoi consiste la méthode ? » Elle prit un instant pour amorcer le sujet de manière adéquate. « Pour commencer… quand est-ce que vous êtes allé cueillir des champignons pour la dernière fois ? »

1833 mots.


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Siruu Belhades
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Siruu Belhades
Dim 31 Juil 2022, 20:33


Sa démarche était timide, comme si elle avait peur que le sol ne soit blessé par ses pas. La jeune Elena tenait à venir en avance, quand bien même on lui avait dit que son contact était de ceux qui n’arrivaient jamais à l’heure. Elle ne voulait pas le rater : c’était sa seule chance d’obtenir le traitement tant rêvé. Peut-être qu’elle n’y survivrait pas, mais elle aurait plus de valeur en mourant pour la science qu’en devenant un énième cadavre entassé parmi les autres malades. Sa famille le lui avait fait comprendre, en la jetant de la maison sans lui donner de quoi survivre.

« Et vous êtes ? » Une voix douce venait à ses oreilles. Quelques mètres devant elle se trouvait un homme tout à fait charmant pour son âge. Une vitre de protection sale se trouvait entre eux, mais il était toujours possible de discerner la flamme de son regard. Il avait cette adorable expression enfantine qu’ont les doyens passionnés par leur métier. « Elena Irestris. Je viens pour une expérience du docteur Arsapir. Est-il disponible à cette heure-ci ? » L’inconnu sourit calmement. « Vous l’avez devant vous. » On lui avait dit qu’il était toujours en retard, mais, visiblement, aujourd’hui était une exception. Ce n’était pas comme cela qu’elle se l’était imaginé, mais elle préférait avoir affaire à quelqu’un d’enthousiaste.

« Bon, si vous le voulez bien, je peux vous emmener en avance. » Elena manqua de sursauter. Ce genre de petites bonnes nouvelles avait manqué, durant ces derniers mois. Elle avait été amère et désespérée trop longtemps. « C’est… oui, c’est parfait. » Le scientifique sortit un carnet de sa poche. « Superbe, alors ! Par contre, je vous prie de m’excuser, mais je vais avoir besoin de vous poser quelques questions préliminaires. Le nouveau protocole l’exige. » Pestiférés, lépreux et syphilitiques étaient mieux traités qu’une personne atteinte de la Narcirra. La peur entourant ce fléau était trop forte pour que quiconque ose parler à un malade qui ne se dissimule pas. Les sorciers préféraient propager des maladies dans d’autres nations et garder leurs rues propres : les porteurs de peste étaient couverts de honte, et finissaient bien souvent tués par prévention. La plupart du temps, les familles ne prenaient pas la peine d’enterrer un proche malade : il était simplement jeté dans la fosse publique.

« Nom, prénom… Elena Irestris, donc. Vous vous étiez inscrite ? » – « C’est cela. » – « Votre âge ? » – « Vingt-huit ans. » – « Occupation ? » – « Je supervise le boisage des mines, ici à Valera Morguis. » – « Situation maritale ? » — « Célibataire. J’étais censée me marier, mais… enfin, voilà. » – « Quand est-ce que vous avez remarqué les premiers symptômes ? » – « Il y a un peu moins d’un an. Je pense que je l’ai attrapé durant un entretien, ou à la cérémonie de mariage de ma sœur. » – « Connaissez-vous d’autres malades ? » — « Oui. Il n’y a qu’à eux que je parle vraiment, vu que… enfin, vous comprenez. » – « Avez-vous essayé d’utiliser des remèdes ? » – « Bien sûr. J’ai essayé à peu près toutes les potions de soin, et plus encore. Je suis même allé quérir l’aide de magiciens, sans succès. » – « Avez-vous été suivie par un médecin ? » – « Oui, ici au Vaxauru. Puis… plus rien. Ils m’ont dit que la Narcirra progressait trop vite. »

Le docteur Arsapir abaissa le calepin sur lequel il avait inscrit quelques notes. « J’admets qu’arriver à un tel stade de l’infection après seulement une année est peu commun. » Elena craignait ce moment. « S’il vous plaît, laissez-moi faire partie de l’expérience. Je veux une chance. » A ce stade, supplier était la seule option. « Je suis navré, mais je dois isoler les variables et vous n’êtes pas une candidate idéale pour ce protocole. Nous vous recontacterons peut-être. » C’était bien évidemment un mensonge : il y avait trop de patients malades pour qu’elle ait ce privilège. « Je ne comprends pas, sur l’annonce vous disiez que vos critères étaient ouverts. » – « Oui, et bien… j’ai tout de même dû définir des limites. Éventuellement, je peux prendre votre dossier, si vous l’avez amené, et le transférer à un collègue. » De sa main gantée, la patiente tendit les documents. « Est-ce que de l’argent suffirait à vous… » — « Non. » Soudoyer un docteur est une manœuvre risquée, mais elle valait le coup d’être essayée. « Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé, mais il vaudrait mieux que vous vous en alliez. »

Le docteur regardait Elena partir. Il la trouvait trop lente, ou alors peut-être était-ce lui qui était trop pressé. Dès qu’elle ne fut plus dans son champ de vision, son expression changea. Il se transformait. Ses veines se noircirent, si bien qu’il donnait l’impression d’avoir changé son sang en encre. Ses traits devinrent plus fins, pour reproduire ceux de la jeune femme. Les tissus dont il était vêtu s’animaient par magie, de façon à correspondre à sa nouvelle morphologie. Il était devenu Elena Irestris. Siruu n’avait pas les compétences d’un médecin, mais il n’était pas bien compliqué d’usurper le docteur Asarpir l’espace de quelques minutes. Ce dernier était un retardataire chronique : il avait suffi d’arriver en avance.

« Bonjour. » Le vrai docteur arrivait, le pas hâtif, ne prenant pas la peine de saluer en retour. « Vous êtes là pour le traitement ? » — « Oui. »« Bien. Installez-vous ici. » Elena était le profil idéal pour cette expérience, et n’avait donc aucune raison de se voir décliner la participation au dernier moment : Siruu n’avait pas eu le choix d’employer cette ruse. Il devait prendre sa place, toucher le docteur afin d'obtenir ses souvenirs. Ensuite, il faudrait trouver une excuse pour partir avant qu’on ne lui injecte un remède contre la Narcirra. Il n’allait pas se guérir d’une maladie qu’il n’avait pas contractée.


Quelques heures plus tard, dans une maison de poupées, deux âmes se retrouvaient. « En dix ans de collaboration, il ne m’a jamais dit où poussait cette espèce de champignon, et il te donnerait cette information comme ça, après un seul entretien ? » — « Oui. » – « Sais-tu où il les a trouvés ? » — « Oui. » Cela confirmait l’hypothèse de Morgana : il avait un pouvoir qui permettait d’accéder à l’histoire d’autrui. L’avait-il utilisé sur elle ? C’était peu probable : la sorcière avait mis en place de nombreuses défenses contre les sorts mentaux. Néanmoins, elle préférait faire preuve de prudence et postulait que si le journaliste avait pu sonder l’esprit du docteur Arsapir, il avait certainement essayé de faire de même avec elle. « Bon, et bien il ne reste plus qu’à nous y rendre. »



« Tu n’as pas vraiment le choix. Le docteur l’a fait aussi. » Siruu traçait de ses doigts les contours du puits, l’air pensif. Pourtant, il avait déjà pris sa décision. « Hors de question. » Il ne comptait pas frôler la mort pour obtenir l’éternité. Son esprit était encore embrumé, après avoir acquis les souvenirs du docteur, mais il lui restait encore assez de clarté pour savoir que le risque était trop grand.  « Comme tu voudras. » La sorcière ne cachait pas sa déception. En vérité, elle était curieuse de savoir si cette méthode aurait abouti. En cas d’échec, eh bien… cela éliminerait un témoin par la même occasion.

« Je suppose qu’il ne te reste plus d’options, alors. Il faudra juste que tu continues à faire ce que tu fais déjà : inspecter le miroir pour confirmer chaque matin que tu es un peu plus putréfié que le soir précédent. » Il essuya la remarque sans y répondre, peu désireux de se disputer avec plus grand que soi. Les batailles d’ego sont la deuxième cause de mortalité chez les sorciers et les maladies, la première. Avoir passé des années en autarcie avant de rejoindre les mages noirs lui avait donné un léger avantage : son orgueil était plus compact, et il n’avait pas pris le réflexe d’adopter une posture défensive à la moindre insulte.

« Puisque nous avons tous les deux perdu notre temps, nous ferions mieux d’y aller. » Le choix de mot de Morgana l’interpellait. « Nous ? » – « J’ai un travail à te proposer. » Autant exploiter le vieillard avant qu’il ne fasse un infarctus dans son sommeil. « Concernant ton frère ? » Elle n’aimait pas l’importance que les médiocres affaires de Lans Sahntsor avaient prise sur sa vie. « Non. Un article. » – « Tu ne veux pas passer par mon agente ? » – « Tu tiens vraiment à ce qu’elle se récupère une commission ? Crois-moi, Zélie s’en sort assez bien comme ça. » Il n’était pas certain de comprendre pourquoi celle qui avait passé ces dernières heures à le critiquer venait soudainement de lui proposer une opportunité de travail. Cependant, aussi suspecte que soit cette offre, il savait que Morgana devait certainement ne pas savoir sur quel pied danser non plus. Après tout, il l’avait menacée à bas mot.



Curiosités était une gazette populaire, capable d’intéresser chaque classe sociale d’Amestris : c’était ce qui la rendait unique. Elle faisait partie de la presse ni prétentieuse ni vulgaire. Les nobles n’aimaient généralement pas s’intéresser aux mêmes histoires que la classe moyenne, qui elle-même cherchait à éviter de partager le moindre intérêt en commun avec les prolétaires, mais la science transcendait ces différences. Alors, Curiosités paraissait bimensuellement depuis plus d’un siècle, et ses nombreux articles passant en revue la faune et la flore de ce monde étaient lus à chaque recoin de la capitale. Paraitre dans ce journal était un honneur pour tout journaliste.

« Les Goled sont une race belliciste, à l’intelligence peu développée : en cela, ils s’apparentent aux réprouvés. Contrairement à ces derniers, qui ne peuvent mettre à bas que des anges ou des démons, les Goled sont en mesure de se reproduire entre eux. De plus, lorsque les spécimens mâles viennent à féconder les femmes d’autres races — souvent après les conflits, la gestation est accélérée, et les progénitures engendrées ne peuvent être que des Goled. Cette particularité leur confère un avantage démographique conséquent. Cela n’est pas sans nous rappeler certains onguents, que l’on dit utilisés par les déchus de luxure, et qui permettraient d’accélérer la grossesse. Il n’existe pour l’heure aucune potion reproduisant les effets de la reproduction par un Goled.

D’après les rapports qui nous sont parvenus, les tentatives de communication avec cette race semblent s’être toujours soldées par un échec. Leurs pratiques religieuses, si elles existent, tournent très certainement autour de la guerre. Primitifs, ils n’ont aucune valeur pour le commerce, mais certains chercheurs envisagent de les utiliser comme arme. Contrairement à d’autres espèces originaires de grottes, ils sont de grande taille : certains scientifiques suggèrent donc que leur imposante carrure se serait développée après qu’ils aient quitté les sols. Ce changement d’habitat s’est opéré peu après le passage à l’Ère de la Conciliation : il demeure inexpliqué. Il est possible qu’un prédateur plus important les ait chassés, ou qu’une pollution des sols les ait poussés à fuir.

Ces questions sont au centre du travail du professeur Dovanthes, chercheuse zoologue émérite. Des dizaines de rapports sont épluchés chaque mois par son équipe au Vaxauru, afin d’améliorer notre compréhension de ces créatures. Cependant, les témoignages indirects ne sont pas parfaits, et il serait souhaitable de pouvoir interroger un échantillon représentatif de ces monstres. Face à ce constat, le professeur Dovanthes a lancé un appel à contribution : quiconque amènera un ou plusieurs Goleds vivants à son laboratoire sera récompensé à hauteur de cent pièces d’or par tête rapportée*. Alors, chers lecteurs, si vous vous sentez l’âme d’un aventurier, n’hésitez pas à capturer un Goled dès demain !

*recouvrir un démon de peinture verte ne suffit pas à imiter l’apparence d’un Goled, et cette tentative d’entrave à la recherche vous vaudra une punition proportionnelle. »


1915 mots.


[Q] Mourir ou moisir 3v8q
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Siruu Belhades
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Siruu Belhades
Dim 31 Juil 2022, 20:44


Le journaliste relisait ce premier jet, peu convaincu par son propre travail. L’idée de vieillir le taraudait depuis des années, mais jusqu’à récemment, il était encore capable de l’ignorer afin de se concentrer sur ses tâches. Depuis quelques mois, ce contrôle lui avait échappé, et il se prenait à songer à sa propre mortalité au quotidien. Alors, il se sentait paralysé, les ongles de sa propre vulnérabilité s’enfonçant lentement dans sa peau sans qu’il ne puisse riposter. Au diable les Goleds : à moins qu’ils ne sachent produire une potion d’éternité, ils ne lui étaient d’aucune utilité et écrire à leur sujet était une perte de temps.

Tandis qu’il s’apprêtait à jeter cette ébauche d’article au feu, Siruu entendit un bruit. Quelqu’un toquait à sa porte. C’était chose rare, d’autant plus à une heure si tardive. De plus, voilà des mois qu’il n’avait fait que de rares apparences en public : son nom était sans doute connu, mais il n’était pas suffisamment populaire pour amasser une troupe d’individus prêts à retracer son adresse et à l’importuner. Alors, lorsque le mage noir ouvrit la porte, il ne fut pas bien surpris de voir une revenante : Endora.

« Bonsoir. » Elle gesticulait, balançant ses bras comme s’ils pouvaient assommer le sorcier et tout détruire sur leur passage. « Monsieur Jura, vous m’avez assassinée ! » C’était inexact : l’espionne alfare qui l’usurpait l’avait tuée, et Siruu n’y était — pour une fois — pour rien. « Vous êtes encore en vie. Et de toute façon, vous vous mépre —»« Tut tut tais-toi ! Je ne peux pas mourir ! Personne ne peut tuer la cruelle Endora ! Prépare-toi à un carnage ! » La grand-mère se jeta sur son ennemi, prête à le pourfendre à l’aide de ses terribles ongles crochus. Elle traversa le corps du blond avec aisance, avant de s’écrouler sur le sol.

Le sorcier n’était pas tombé. Son corps avait pris la texture d’un nuage, et elle lui était tout simplement passée au travers. Elle était pourtant certaine de l’avoir transpercé avec ses ongles ! « Quelle est donc cette obscure magie ? Je vais lancer un contre-sort, prépare… » – « Sois calme. » Siruu avait rarement recours à l’hypnose : à vrai dire, il oubliait souvent qu’il en avait la capacité. Ses pairs étaient bien souvent protégés contre ce genre de sortilèges. Ce n’était toutefois pas le cas d’Endora, qui interrompit brusquement son assaut. « Je ne suis pas celui qui t’a tuée. C’était un double. » – « Mais tu as quand même oublié de me payer ces trois derniers mois. » En l’occurrence, elle n’avait pas tort. « Ce sera fait. » Le salaire de la servante était médiocre, mais elle s’en contentait. C’était sans doute dû au fait qu’il s’agissait d’une magicienne, convaincue d’être sorcière.

« Maintenant, réponds à mes questions. Pourquoi est-ce que tu es en vie ? » – « Quand je meurs, je réapparais et je grandis. Comme Jorderunn. » – « Toi aussi ? Mais comment est-ce que tu as développé ce don ? » – « Bah… je l’ai, c’est normal. Comme tout le monde, quoi. C’est pas ton cas ? » Siruu n’en revenait pas. Ils étaient trois à vivre sous son toit, dont un esclave et une servante, et il était le seul à ne pas avoir l’éternité du phénix. C’est à croire que la moitié de la population d’Amestris était quasi-immortelle, tandis que lui devait se coltiner des rides si lourdes qu’il pouvait cacher des pièces d’argent dans ses sillons nasogéniens. Avec la magie, il était en mesure de compenser ces défauts, mais… c’était injuste. Pourquoi est-ce que des individus somme toute inutiles avaient droit à des privilèges auxquels lui n’avait pas accès ? Seule Raanu savait.



Un ygdraë observait son reflet dans l’eau du fleuve, à Awaku No Hi. Ses traits l’intriguaient. Cette race était composée d’individus agréables à regarder. Surtout, ils vivaient longtemps, dépassant largement l’espérance de vie des sorciers. Siruu se demandait quel personnage il pourrait incarner s’il venait à poser un pied dans les Terres de Melohorë. Adopterait-il l’identité d’un ygdraë déjà existant, comme l’alfare avait tenté de le faire avec lui ? Non, cela n’apporterait que des tracas. Il vaudrait mieux trouver une raison pour expliquer son manque de connaissance sur la société elfique. Faire de lui un vagabond, un enfant d’exilés. Oui, ce personnage avait beaucoup de potentiel… peut-être que les ygdraë cachaient le secret de l’éternité quelque part.

Sa contemplation fut de courte durée. La vision du faux elfe se floutait. Peut-être que l’inconvénient, à avoir des oreilles et une ouïe aussi pointues, c’est que les ygdraë étaient myopes. Siruu essaya d’ajuster la taille de ses globes oculaires, mais sa magie ne répondait pas à ses demandes. Tout était différent, dans ce corps. Il avait l’impression de s’être déplacé à cheval toute sa vie, et d’être maintenant projeté sur un tapis volant. Quel imbécile avait eu l’absurde idée de faire voler un tapis ? Certainement le même aether que celui qui avait décidé que les elfes sentiraient l’énergie vitale environnante. Le changement était encore trop brusque. Siruu n’avait pas envie de s’évanouir à nouveau alors, à contrecœur, mit fin au charme qui avait fait de lui un ygdraë.



Lorsque l’on fait face à la problématique de la mort, il n’existe pas une infinité de solutions. Les potions, charmes et runes n’étaient pas un remède permanent. L’éternité du phénix n’était qu’une chimère : elle semblait distribuée inégalement à travers le monde, atteignant souvent des gens qui ne semblent pas la mériter. Devenir un ygdraë ne fonctionnerait pas : pour l’heure, il était seulement capable de se donner la nausée et une migraine lorsqu’il enfilait sa bague. Enfin, accepter sa vie de mortel était inenvisageable. Botter les fesses d’Ezechyel et lui dire « ne m’approche pas, p’tit con » était impossible. Alors, quelle solution lui restait-il ? Se suicider dans un cercle de champignons ? Il n’était pas assez fou pour y croire.

En théorie, ça marcherait. Les propos de Morgana concordaient avec les souvenirs qu’il avait extirpé au docteur Arsapir, seul homme à avoir obtenu l’éternité de cette manière. Il faut dire que les marasmes à pied bleu étaient issus d’une mutation récente. D’apparence, le mycète n’avait pas changé, mais ce n’était pas le front sur lequel il combattait. Il avait développé quelque chose de différent, un atout qui assurerait sa survie. Tout être vivant est régi par un ensemble de règles. Son instinct primaire le pousse à retarder à tout prix le moment où ses cellules cesseront de se diviser. Étendre sa longévité, augmenter sa résistance face aux prédateurs ou se reproduire pour étendre son héritage sont trois méthodes communément employées à cet effet. Le besoin de croissance gouverne chaque règne du vivant : c’en est l’objectif final. Les créatures dotées de conscience font des détours sur le chemin, et semblent parfois oublier leur but. Quant aux autres, ceux qui sont épargnés par la sentience, ils s’y prennent plus directement.

Imaginons une ferme. Un chien devrait mourir en mangeant un marasme à pied bleu : il s’agit d’un mycète modérément toxique même pour l’homme. Les propriétaires de la ferme jettent son corps et détruisent la plupart de la colonie. Pourtant, le chien est encore là, et les marasmes aussi, retenus en cercle au fond du puits. Alimenté par cette énergie nouvelle, le champignon se développe. Des spores contenant l’essence du cabot viennent au contact d’un coq, qui s’était échappé du poulailler. Le lendemain matin, le coq a disparu, laissant place à un chien en parfaite santé, qui aurait dû être en décomposition. Le chien ne vieillit plus et, lorsqu’il reste au sein d’un endroit, des marasmes se développent autour de lui. Il est devenu un éternel émetteur à spores. C’est une méthode symbiotique qui assure le développement du champignon, et la survie du chien nécromant.

Autant dire que cette méthode n’était pas ragoûtante. C’est bien la raison pour laquelle Siruu avait catégoriquement refusé. Peut-être était-il possible d’extraire l’essence du champignon et d’obtenir son pouvoir d’éternité ? Si cette technique n’avait pas fait ses preuves avec une créature légendaire telle que le phénix, elle pourrait peut-être être efficace sur le marasme à pied bleu. En vérité, Siruu avait déjà des doutes : la biologie d’un mycète est bien différente de celle d’un sorcier, quand bien même les deux espèces vivent dans des endroits moisis. Néanmoins, il était prêt à essayer. Siruu avait espoir de creuser son propre tunnel dans les montagnes de l’éternité, et de devenir à sa propre façon un individu presque invulnérable. S’il réussissait ce pari, ni le temps ni l’épée ne mettraient fin à son existence.

Il avait donné rendez-vous à Morgana devant l’ancien puits, perdu à quelques centaines de mètres d’Ernotès, un village au milieu de Nementa Corum. Il fallait que quelqu’un de compétent puisse le remonter à la surface après qu’il ait récolté les échantillons : il n’avait jamais essayé de se téléporter depuis un trou, et ne comptait pas tenter le diable aujourd’hui. La téléportation nécessitait un sens de l’orientation excellent, et les profondeurs affectaient ses repères spatiaux. « Tu penses vraiment pouvoir obtenir l’éternité en les examinant ? » – « J’y compte bien. » Les marasmes à pied bleu étaient un secret bien gardé : la plupart des scientifiques n’en avaient pas connaissance. Ils devaient être tout au plus une dizaine d’individus, à connaître les effets de ce champignon. Si l’apôtre obscur cherchait à en reproduire les effets, il n’aurait aucun travail de recherche sur lequel se baser.

Siruu vérifia une dernière fois son équipement, avant de laisser son regard tomber au fond du puits. Un trou si obscur qu’il était impossible d’en deviner la profondeur. Il fallait creuser longtemps, pour tomber sur des sources d’eau non salée. On pouvait remercier les sirènes pour leurs efforts : elles avaient réellement réussi à compliquer la vie des mages noirs en faisant d'eux les individus les plus salés au monde. Il hésitait, essayait d’attraper des bribes de confiance au sein de son esprit et, enfin, de les rassembler pour démarrer la descente. Chaque coup d’œil en direction des pierres ou de la corde le faisait frémir, mais, de tous ces éléments, c’est bien l’obscurité qu’il craignait le plus. Il y avait dans ces terres des créatures dangereuses. Beaucoup avaient été chassées, mais seul Ethelba savait ce qui se cachait au fond d’un puits abandonné. Et, bientôt, lui saurait aussi. L’obscurité se rapprochait, comme pour le moquer. Siruu se sentit décoller des rebords du puits, et chuter à grande vitesse. Il ne se vit pas atterrir : son crâne s’était cogné en plein vol contre les parois rocheuses et, alors qu’il s’apprêtait à se téléporter loin du danger, il perdit conscience.

Morgana ne l’avait pas tué : elle lui avait donné un coup de pouce et de pousse. Il ne se décidait pas à descendre, et chercher à extraire un quelconque pouvoir de ces champignons n’aurait servi à rien : ce genre de tâches poserait déjà problème à des équipes de scientifiques, alors un journaliste ne saurait certainement pas faire mieux. Non, vraiment, il valait mieux pour lui qu’il tombe. Là, peut-être qu’il aurait une chance d’être touché par le même don que le docteur Arsapir. Pour le moment, il n’était pas mort. Son âme était contenue par le champignon, protégée par la moisissure et emprisonnée au fond du puits. Morgana était curieuse de voir se dérouler la suite des événements. Un jour, dans les mois qui suivraient, un enfant irait jouer un peu trop loin. Il inhalerait les spores des marasmes bien repus et servirait d’hôte. Son corps deviendrait l’argile permettant de sculpter Siruu et, finalement, le sorcier reprendrait vie.

1891 mots.


[Q] Mourir ou moisir 3v8q
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[Q] Mourir ou moisir

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