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 L'explosion (Kaahl)

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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

✞ Æther de la Mort ✞
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Jun Taiji
Lun 31 Jan 2022, 22:28


Image par Mindy Lee ; Merci Astriid ! Le timing était parfait !

L'explosion



Sous ses pieds, il y avait ce Monde si particulier, celui qu’elle n’avait eu de cesse de fouler. Elle y avait dansé avec le Maître des Songes. Ensemble, ils avaient créé Somnium. D’un vœu, ils avaient façonné la Vie. Mais l’éternité de ceux qui s’aiment se brise toujours. N’est éternel que le souvenir. Et, dans son Immortalité, le Temps était devenu son ennemi mortel. Cette matière si particulière, qui accrochait son pied à la réalité - doux paradoxe, était là pour lui rappeler qu’un jour, elle avait joué de ses charmes et des règles de l’Univers, comme une championne d’échec. Et puis, elle s’était lassée et avait laissé une dépression propre aux Dieux la saisir. Maintenant qu’elle régnait sur les Étoiles et leur Æther, elle fixait le Monde de Sympan avec ce regard empli de dédain et de supériorité qui lui ressemblait jadis. Du haut de son ciel, les êtres lui paraissaient insignifiants et peut-être l’étaient-ils vraiment.

Cependant, si elle était descendue de la Voûte, ce n’était pas sous le coup d’une quelconque lubie aussi soudaine qu’éphémère. Elle venait pour rencontrer quelqu’un : un nouvel auditeur de son chant. Cet individu, elle le connaissait depuis toujours. Durant ses premières enfances, elle l’avait vu habiter le corps de son frère. Il n’avait pas fait qu’habiter son corps à lui. Ils avaient longtemps été liés par l’union de leur Âme. Caché au cœur de sa silhouette, à l’intérieur de sa poitrine, il y avait ce morceau brillant et doré. Et, à l’instar d’Ezechyel, il était à la fois son frère, son amant, son ami et son ennemi. À travers le temps, leurs histoires changeaient mais, comme elle avait atteint l’omniscience, elle pouvait regarder chaque conte, apprécier chaque récit. Maintenant, c’était à elle de le torturer. On ne devient pas un Enfant des Étoiles sans en souffrir.

Ses cheveux ondulaient comme les vagues d’un océan doré. Sa robe coulait derrière elle et sa traîne était faite d’une dentelle qui rappelait l’écume. Elle se fondait à la matière même du songe, comme si elle appartenait elle-même à l’onirisme. Au creux de ses yeux scintillaient deux joyaux aussi brillants que corrosifs. La lame de la connaissance qui les habitait était capable de trancher l’assurance de n’importe quel stratège. Son trône était la chose qu’elle avait convoité le plus au monde et, étrangement, il lui avait échappé. Les Ætheri avaient sans aucun doute ressenti de la pitié pour les pauvres erres qui périraient sous ses ordres. Et lui ? Serait-il le Roi renversé sur le plateau du jeu d’échec ? Elle sourit. Il trichait, parce que celui qui ne choisit aucun camp, ou choisit les deux, gagne forcément. Seigneur des deux armées de pions, le plateau deviendrait sien. S’élargirait alors le Monde du Jeu et, au lieu de deux lignes opposées, il y aurait quatre lignes mélangeant le blanc et le noir. Face au néant de l’opposition, il régnerait sans crainte.

Elle s’approcha, fluide et rapide comme le courant d’une rivière. Ses mains se posèrent sur ses joues sans préavis, sans consentement. Elle l’avait, l’avait eu et l’aurait. Ils avaient un enfant ensemble, un enfant de paix, un enfant de la Lune Bleue. « Je suis heureuse de vous voir. » commença-t-elle, avec l’intonation d’une Reine. « Voyez-vous, très cher, je suis éminemment possessive et jalouse. Je ne saurais accepter que vous écoutiez le chant des autres Étoiles comme vous écouterez le mien. » Telle une comédienne, elle gesticulait, lâchant l’une de ses joues avec grâce, pour jouer de sa main libre. Il devait être son spectateur, n’avoir d’yeux que pour elle. Elle avait toujours régné dans le secret mais elle avait toujours tenu à rendre ses apparitions remarquables. Il y avait un temps pour manigancer dans l’ombre et un temps pour exposer ses talents à la lumière. « Mais je crois déceler chez vous un attrait pour ce qui est complexe. Je ne vous ferai donc pas l’offense de simplement vous murmurer des vérités à l’oreille. Mon chant servira à vous ravir ou à vous effrayer ; à vous obséder par-dessus tout. Pour le reste, nous nous verrons ici et je vous concocterai des énigmes. » Elle sourit. « Commençons sans attendre. » clama-t-elle, en se détachant de lui. Elle exécuta quelques pas de valse et lui fit face. Autour d’elle, le décor du rêve changea. Des poissons se mirent à nager à ses côtés, parfois empêchés par des prisons de givre et d'algues, et un sablier apparut dans ses mains. « Pensez à ce que je suis. » murmura-t-elle, avant de s’avancer de nouveau vers lui. Ses mains se replacèrent sur ses joues et leurs lèvres furent scellées dans une explosion qui se répercuta dans tout son corps. Un bruit de glace fêlée se fit entendre alors que la peau du Rehla se brisait en morceaux. « À bientôt, mon Prince des Étoiles. Et faites attention à la marche. » Son rire cristallin se perdit dans le néant des rêves déchirés.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Ven 04 Fév 2022, 21:48



L'explosion


Quête : Après son rêve, Elias décide de faire évacuer Valera Morguis.

Autour de moi dansaient des cubes mouvants. Les scènes de bataille étaient sauvegardées à l’intérieur de ces derniers et se déroulaient en boucle, comme un éternel refrain de magie et de métal. De mes doigts, je créais les possibilités, avec d’infimes différences : un Réprouvé plus sage que les autres, positionné à l’avant ou à l’arrière du cortège des combattants, un Sorcier désobéissant ou trop ambitieux. J’envisageais l’échec de chacune de mes stratégies, dans un ordre différent, à des degrés différents. Je m’illustrais le pire et le meilleur. Je façonnais un monde d’hypothèses et les revoyais toutes en boucle en me questionnant sur mes éventuels oublis. Dans le Monde de mes Rêves, une bibliothèque débordante de livres de stratégie m’accompagnait toujours. Je n’avais pas besoin de les lire. Je les connaissais par cœur. Ils avaient bercé mon enfance, mon adolescence et les décennies qui s’étaient écoulées depuis. Je plaçais Laëth au cœur du combat et étudiais chaque mouvement espéré, inespéré ou désespéré porté par les tactiques de son esprit ou les débordements de son cœur. Toujours, mon peuple était seul face à l’ennemi. Cet ennemi avait été murement pensé, murement réfléchi. J’envisageais que les Réprouvés eût pu s’allier à d’autres races. Certaines avaient été éliminées, à raison. Certains miracles ne se produisent jamais. Je pensais mon placement et illustrais mes actes. Je modelais les silhouettes des plus puissants Mages Noirs et jouais le spectacle de la confrontation. Je m’écoutais prononcer des mots, des discours, me moquer ou rester sérieux. Comment toucher juste ? Comment toucher vite ? Je devais limiter les pertes au maximum du côté d’Amestris. Une guerre ne se gagne au prix de grands sacrifices que par mauvaise gestion.

Contrairement à d’autres, je possédais l’éternité en ce lieu. Les choses de l’esprit ne me prenaient que quelques secondes de réalité. La surprise et l’imprévu étaient mes plus grandes peurs. Pourtant, avec les années, en renforçant l’emprise de mes espions, les choses de la politique me semblaient être devenues étrangement prévisibles. J’étais cependant d’un naturel prudent. Je ne souffrais pas d’orgueil mal placé. J’étais Roi mais cela ne me conférait aucune faculté particulière. J’étais faillible. J’étais mortel. Je ne pouvais qu’essayer de faire de mon mieux.

Alors que je relançais une énième fois la scène du sang, pour trouver la combinaison parfaite qui me permettrait de passer pour la victime de l’histoire et de l’Histoire, le Roi qui a essayé de sauver la situation, face aux Réprouvés trop barbares pour comprendre les avertissements, quelque chose dans le Monde de mes Rêves changea. Je n’étais plus seul et la puissance en présence dépassait la mienne.

Je croisai les bras sur mon torse et pivotai afin de constater sa présence. Je savais qui elle était et le malaise qu’elle éveillait en moi creusait une brèche dans ma poitrine. Le marron de mes yeux croisa le vert des siens. J’attendis, dans la plus grande immobilité. J’étais à la fois proie et chasseur. Notre relation n’avait débuté qu’il y a peu mais je sentais l’importance qu’elle aurait à l’avenir. Pas après pas, rencontre après rencontre, elle et moi valserions ensemble sur l’échiquier de nos rêves et de nos cauchemars devenus réalité, renversant convenances et bon sens. Je la haïssais pour tout ce qu’elle représentait pour moi et représenterait un jour. Comme sur la défensive, je m’empêchai de réagir autrement que par cette forme de stoïcisme tout de même pincé, fruit d’un mécontentement qui cachait bien d’autres choses. Je me mis à la toiser, elle si proche et pourtant si éloignée. Elle prenait ses aises, comme une poupée de chiffon frappée par la vie. Je voulais lui crier de ne pas jouer avec moi mais demeurais muet. Possessivité et jalousie avaient un dénominateur commun : la violence qu’elles pouvaient engendrer. « J’ai hâte. » finis-je par articuler, avare de mots. Elle avait raison. J’aimais la complexité, d’où ma position, celle qui raccourcissait mes nuits, celle qui amputait ma vie privée. J’aimais tellement cette complexité qu’elle en était devenue une obsession. La frénésie des questionnements et l’extase des solutions trouvées après des jours de recherche avaient un goût inestimable. J’avais pourtant un mauvais pressentiment. Cette femme s’apparentait pour moi à une malédiction et m'avait donné raison à chacune de nos rencontres.

Ce qu’elle était ? Plusieurs mots vinrent danser aux frontières de mes lèvres, des mots que je mourais d’envie de prononcer mais qui ne purent quitter l’intérieur de ma bouche. Je les savais motivés par de mauvaises raisons. Cette nuit avec elle me restait sur l’estomac. Y penser me donnait la nausée. Pourtant, des sentiments contradictoires faisaient tambouriner mon cœur. Quelque chose de particulier nous liait l’un à l’autre, quelque chose qui différait de notre fils. L’envie de la tuer me chatouillait les doigts. Elle devait le savoir mais avait l’insolence de son manque de considération pour ma personne. Elle ne faisait pas que jouer avec moi : elle semblait aussi se jouer de moi avec une franchise désarmante.

Sa bouche eut le goût du sang et l’odeur du soufre brûlé. J’en souffris jusque dans ma chair, tellement que je fus éjecté du Monde des Rêves après son au revoir volé, comme ce baiser.

843 mots

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Kaahl Paiberym
Jeu 10 Fév 2022, 22:03



L'explosion


« Elias… Excusez-moi mais… » Mes yeux se déplacèrent jusqu’à la porte de son bureau. Il n’était peut-être pas trop tard. Je pouvais toujours reculer et attendre dans l’embrasure. Pourtant, malgré mes pensées rassurantes, je sentais l’attraction me clouer sur place. Je m’étais approchée et sa magie avait amadoué la mienne, jusqu’à empêcher tout mouvement de fuite. Parler était difficile tant ma respiration était désorientée par les sentiments contraires qui assiégeaient mon esprit. Il dormait. Je ne l’avais jamais vu dormir. J’aurais pu le tuer, avec n’importe quoi. Cependant, je me trouvais actuellement empêtrée dans mon impuissance, à le fixer avec une seule envie : m’excuser d’exister. « Je… » J’avais été idiote. Je n’aurais jamais dû mettre les pieds dans son bureau, pas sans sa permission. Il m’avait fait demander et, devant l’absence de réponse et l’entrebâillement du battant, j’avais décidé de désobéir aux convenances. Après quelques pas, j’avais vu sa haute silhouette surplombée la table de son bureau. Je l’avais pensé concentré. J’avais murmuré son prénom. Il n’avait pas répondu. Comme une enfant désespérée, je m’étais approchée et avais constaté que ses paupières étaient closes. À présent, je ressentais un effroi justifié. S’il se réveillait de mauvaise humeur ou si ma présence lui déplaisait pour une raison ou une autre, ma vie serait menacée. Je n’avais pas conscience de mon manque total de logique le concernant. Il n’avait jamais levé la main sur moi, jamais tenté de me toucher d’une quelconque manière. Néanmoins, les rumeurs avaient empoisonné mes croyances et l’envie de le tuer était apparue en même temps que mes craintes.

Mon regard s’attarda sur son visage. Il semblait moins dur ainsi, plus… « Ah ! » Mon cri de surprise résonna dans la pièce en même temps que son éveil. Ses yeux bleus se fixèrent dans les miens avec la violence de l’acier qui s’abat sur une nuque. Mes lèvres s’entrouvrirent. Je sentis mon cou se contracter. Je fus bien incapable de formuler des explications ou des excuses. Il ne s’attarda cependant pas sur moi. Ses doigts attrapèrent un crayon et il se mit à dessiner une scène au beau milieu de laquelle une femme se trouvait. Il écrivit des paroles et analysa le tableau quelques secondes. « Votre Altesse… » finis-je par tenter. Comme tout le monde, j’avais eu vent de la position nouvelle de Cyrius Windsor. Comme beaucoup, je ne doutais pas un seul instant de l’identité de celui qui tirait véritablement les ficelles. Je fermai les yeux, souhaitant me donner du courage. « L’on m’a dit que vous vouliez me parler ? » J’inspirai, incertaine. Ma mère était à présent l’épouse de l’Empereur Noir et s’il ne la reprenait pas en tant que femme, je perdrais mon statut princier. Je ne le désirais pas. Jamais. Si j’avais réfléchi à un argumentaire en venant ici, les mots ne souhaitaient plus sortir de ma gorge. Qui étais-je pour vanter les mérites d’une femme que je haïssais ?

Il plaça son pouce et son index de chaque côté de l’arête de son nez. Il semblait très loin de considérations aussi anecdotiques que ma présence. Je plissai les yeux. Il semblait hésiter, l’air grave. Ses prunelles bougeaient, illustrant des réflexions qui m’échappaient totalement. Le voir ainsi était un spectacle terrifiant, lui toujours si assuré. Finalement, il se calma et daigna m’accorder un nouveau regard, plus mesuré, moins glacé. « Oui. Asseyez-vous. » Je restai debout un instant, en essayant de comprendre si ses tourments avaient réellement disparu ou s’il faisait semblant. « Asseyez-vous. » répéta-t-il, après avoir placé une chaise derrière moi par télékinésie. J’obéis et me retrouvai à côté de lui. Je ne doutais pas que, lorsqu’il recevait, normalement, les visiteurs se trouvaient plutôt en face de sa silhouette. C’était une proximité étrange, bien plus que celle qui avait eu cours lorsqu’il m’instruisait, jadis. « Vous plaisez-vous à Basphel, à présent ? » demanda-t-il. Basphel. « La présence de ressortissants de certains peuples est dérangeante mais les angles d’approche de certaines matières sont intéressants. » Je me rendis compte, en parlant, qu’il ne voulait pas me voir pour ça. Retardait-il le temps des aveux ? Non. Je devais avoir une impression biaisée. Peut-être n’était-ce là que politesse. Il me demandait mais n’avait que faire de ma réponse, puisqu’elle ne le ferait pas changer d’avis sur le bien-fondé de mon éducation au sein de l’école. « Pourquoi ? » La peur s’insinua en moi, comme un serpent. Je la sentis monter le long de mes mollets. Il y avait quelque chose. Son index frappa le bois de son bureau deux fois avant qu’il n’entamât l’explication. « Vous n’êtes pas sans savoir que ma première femme est malheureusement décédée le jour de la Crucifixion. » Je me mis à espérer. S’il parlait de ses épouses, peut-être me parlerait-il de ma mère. C’était une pensée folle, puisque jamais je n'aurais pu attendre de lui, en étant réaliste, qu’il me demande un quelconque conseil en la matière. Pourtant, l’espoir est parfois fou. « Viviane était votre demi-sœur par le biais de votre père. Je lui ai écrit afin de lui faire part de la situation et de la décision qui me semblait la plus à-même de compenser la perte. Il a accepté cette décision. » Je ne voyais plus du tout où est-ce qu’il voulait en venir. Je ne dis rien. Ses yeux bleus s’emparèrent à nouveau de mon regard. Difficilement, les liens se créaient. Il formula l’idée avant que je ne me l’appropriasse consciemment. « Vous allez remplacer Viviane à mes côtés. » Je ne dis toujours rien. Mon corps me semblait étranger et mon esprit absent. « Lorsque le temps légal sera écoulé, je redeviendrai Roi et vous serez l’Impératrice Noire. » Ses mots s’imprimaient partout en moi, me remplissaient de givre. « Autrement dit : mes exigences à votre égard sont multipliées par cent. Le temps où vous vous flattiez d’être une Princesse est révolu. Il faudra devenir digne d’être mon épouse, ce qui passe par un étouffement de votre orgueil mal placé, par du travail et par une loyauté à toute épreuve envers la Couronne et, donc, par conséquent, envers moi. » « »

Je dus m’évanouir car la suite fut emportée à jamais dans un épais brouillard. Lorsque j’ouvris les yeux de nouveau, je me trouvais dans mon lit, au creux de draps qui me parurent vouloir me retenir et m’étouffer.

1062 mots

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Kaahl Paiberym
Dim 13 Fév 2022, 21:11



L'explosion


« Père. » Je m’avançai dans la pièce et me postai, droit comme un i, à quelques pas du bureau d’Elias. « Vous vouliez me parler ? » Mes yeux détaillèrent la pièce. Je ne tardai pas à remarquer le corps d’Eméliana, étendu sur une méridienne. Je serrai les dents. Je ne savais pas ce qu’il lui avait fait mais je doutais qu’elle se fût endormie ici d’elle-même. Dormait-elle seulement ? La touchait-il, comme bien des rumeurs le laissaient supposer ? Un vague sentiment de frustration me saisit. Je voulais être celui qui la ferait pleurer et qui lui arracherait sa vertu. Cependant, je me consolai en constatant que ses vêtements n’avaient pas l’air défaits ou froissés. Ça n’expliquait pas les raisons de sa présence près de lui.  

Elias émit un raclement de gorge qui me fit tourner de nouveau les yeux vers lui. « Mes yeux sont des lames que je te plante dans le cœur pour t’empêcher de vivre en mon absence. » dit-il, avec une voix neutre. Mon corps se raidit. Je sentis l’air s’enfermer dans mes poumons. Les secondes s’égrainèrent et il feuilleta quelques pages avant de continuer. « Je veux t’humilier mais je t’anoblis. Tu es mon Roi, celui devant lequel je m’incline. Mais ton sceptre est mien, dur dans ma main. » Il posa mon journal intime sur son bureau et croisa les doigts. « J’ignorais votre attrait pour la poésie. » Je me sentis piégé. Les mots de l’ancien Empereur Noir portaient en eux-mêmes l’accusation. Les passages qu’il avait choisis, surtout le deuxième, étaient des aveux suffisants. « C’est… » commençai-je, en ayant conscience du silence qui s’était installé. L’ongle de son index tapota le bureau et ce son si discret réussit à me faire taire. Je baissai les yeux. « C’est juste comme ça… » J’entendis le bruit de sa chaise. Je sus qu’il allait venir. J’eus envie de fuir mais mon corps refusa de bouger. Sa magie fut la première à m’atteindre. Sa voix suivit. « Juste comme ça ? Vraiment ? » Il avait emporté le cahier avec lui. Il feuilleta de nouveau. « Je t’aime, comme Ethelba aime le Chaos. » « Arrêt… » « Pourtant, au matin, je renaîtrai, parce que je ne suis qu'à toi et ne quitterai jamais ce monde sans toi. C’est pourquoi je te haïrai jusqu’à la fin, même lorsque nos cris résonneront à l’unisson, même lorsque nos cœurs frapperont d’un même rythme. De nous deux, tu es le vrai maître. De nous deux, tu es le vrai traître. » Je n’arrivais plus à articuler le moindre mot. Je me sentais idiot et la colère ne trouvait aucune place dans mon cœur tant la peur et la honte s’y déversaient en flots ininterrompus. « Qui est cet homme ? » « » Je demeurai muet, par obligation, par soumission. C’était peut-être mieux ainsi. Que dire ? Que je ne faisais que déverser les pensées qui m’obnubilaient ? Qu’il n’y avait rien entre lui et moi ? Que je le haïssais ? Le fait qu’il fût un Réprouvé effacerait tous mes mots. Et comment expliquer notre rencontre ?

Après quelques secondes, j’entendis sa langue claquer contre son palais. Je crus qu’il allait abandonner l’idée de me faire parler mais je n’y étais pas. C’était le sous-estimer que de penser qu’il était naïf sur la question et que son interrogation avait été posée dans le seul objectif d’en savoir plus. Il se mit à marcher dans la pièce, ce qui allégea légèrement la pression qui reposait sur mes épaules. « Que vous invoquiez l’Elzagan pour vous venir en aide au Cœur Vert, passe encore. » Il savait. Il savait et j’ignorais ce qu’il allait pouvoir faire de cette connaissance. « Mais que vous vous rendiez au beau milieu d'un champ de bataille, en compagnie de ce Réprouvé qui plus est, et déclenchiez une guerre par votre imprudence… » Il ne termina pas sa phrase. Les mots restèrent en suspens, comme une lame de guillotine coincée momentanément. « Je ne savais pas… » « Plaît-il ? » « Je ne savais pas ! » Mes mots étaient sortis, durs et remplis de reproches. Je les regrettai immédiatement lorsque mes yeux croisèrent les siens et que ma gorge se serra à m’en empêcher de respirer. Il n’y était pour rien. C’était la différence entre lui et moi. J’avais voulu me rebeller une fraction de seconde mais ma rébellion s’était heurté au mur de la réalité. « Vous ne saviez pas ? » Il s’approcha. Son index tira sur mon menton et me fit lever la tête. Mes prunelles dans les siennes, je sentis mes jambes s’affaiblir. Je crus un instant m’effondrer. Peut-être ne tenais-je debout que grâce à l'unique pression exercée par son doigt ? « Que ne saviez-vous pas ? Que les Réprouvés sont nos ennemis ? Que l’amour entre hommes est contre-nature et criminel ? Que je ne devinerais pas vos petites escapades en compagnie de cette sous-race ? » Mes lèvres tremblèrent. Ses mots n’étaient objectivement pas les plus durs qu’il aurait pu proférer mais son ton brisait chaque parcelle de mon corps et de mon esprit. « Vous êtes un bien piètre Prince Noir, Érasme, et c’est une chose que j’ai su dès lors que vos seules victoires ont résidé dans le tourment d’esclaves et de domestiques impuissantes devant vous. » Il s’éloigna, laissant mon journal flotter devant moi. Je ne le saisis pas. J’étais incapable de faire quoi que ce fût hormis baisser la tête.

Lorsqu’il se réinstalla à son bureau, je gardai les yeux rivés au sol. Il attendit, avant de faire connaître sa sentence. « J’ai fait aménager une tour à l’est du palais. Vous ne la quitterez pas avant d’avoir passé avec succès vos examens. Vous ne participerez pas à la guerre, de près ou de loin. Vous allez épouser l'Oracle du Chaos ainsi que la Princesse Démoniaque. Je compte sur vous pour assurer votre descendance, comme un homme digne de ce nom doit le faire. Et si l’on me rapporte de nouveau que vous avez fréquenté ce Dastan Belegad, je me chargerai personnellement de son cas et du vôtre. Est-ce clair ? » Ma tête exécuta un mouvement de haut en bas mais ma voix ne résonna pas. Seuls des sanglots se répercutèrent contre les parois de son bureau. « Bien. Vous pouvez disposer. » Je dus me faire violence pour obéir. Quand je sortis, un sentiment ardent de haine me heurta. Val’Aimé. J’étais sûr que c’était lui qui avait parlé.

1038 mots

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Mer 16 Fév 2022, 12:49



L'explosion


« Veuillez ramener Eméliana dans ses appartements. » ordonnai-je d’une voix mesurée, en désignant la silhouette endormie sur la méridienne. Si je n’en laissais rien paraître, depuis le début de mes entretiens avec le Prince et la Princesse, le rêve que j’avais fait ne cessait de me préoccuper. J’aurais pu différer mes rendez-vous mais j’avais choisi de ne pas le faire. Ils avaient dû être aussi pénibles pour eux que pour moi. Je savais que les interdictions que j’avais dressées à l’encontre d’Érasme seraient bafouées à un moment ou à un autre. Quant à Eméliana, malheureusement, il n’était plus temps de se vanter de prétentions sans fondements. Il était l’heure d’être à la hauteur de ses prétentions et de laisser les autres vanter ses mérites à sa place. Si l’image de mon corps contre le sien me dégoûtait profondément, je nourrissais quelques espoirs concernant notre coopération future. Elle était encore jeune et inexpérimentée mais elle faisait preuve de certaines aptitudes qui, une fois développées, seraient précieuses. Le coït n’était, de toute façon, aucunement à l’ordre du jour. Tant qu’elle ne serait pas menstruée, la question des héritiers ne se poserait pas.

Une fois seul, je me dirigeai de nouveau vers mon bureau et fixai les croquis que j’avais réalisés. Ce rêve n’en était pas un. Je m’assis et posai mon index et mon majeur sur mon front, au-dessus de mon nez. Un début de migraine s’installait lentement mais surement. La Couronne du Savoir m’était difficilement supportable. J’avais eu beau murmurer plus d’une fois la fin de mon règne, l’artefact, jamais, n’avait désiré réapparaître au-dessus de ma tête. Le murmure des Astres m’arrivait de façon diffuse, sans que je ne réussisse à en comprendre quoi que ce fût. Les sons étaient simplement magnifiques. J’aurais pu rester des heures sur le toit de n’importe quel bâtiment d’Amestris à écouter la mélodie des cieux, à essayer de mieux l’entendre et à tenter de l’interpréter. J’ignorais toujours ce que les Rehlas attendaient de moi, hormis la traque d’Ârès. Je soupirai. Il fallait que je m’occupasse de son cas avant qu’il ne me donnât en pâture aux Magiciens. En attendant, je ne pouvais laisser ce rêve en suspens. Je ressentais une forme d’urgence le concernant.

Je m’assis, calai ma tête entre mes poings et fermai les yeux. J’inspirai et expirai calmement plusieurs fois avant de m’endormir de nouveau. Le Monde des Rêves s’ouvrit et ma maîtrise du songe revint. La blonde n’était plus là. Ne restaient que son souvenir, ses mots, ses gestes et son spectacle. « Hum. » Je devais modeler les possibilités, ce qui me passait par l’esprit, pour éliminer l’improbable et faire triompher la seule vérité. Le postulat de départ restait dangereux. Celui-ci consistait à la croire, à penser qu’elle avait désiré me transmettre un message. L’hypothèse qu’elle se jouât de moi ne pouvait pas persister car elle serait bien plus néfaste que celle qui consistait à la croire. « Voyons. » Je bougeai mes mains, afin de recréer dans l’espace ses paroles et ses attributs. Des algues, un sablier, un aspect glacé, des fonds marins, des poissons entravés. Elle avait dit : les autres Étoiles. Elle était donc une Étoile. Une Étoile qui s’était approchée de moi. Avait-ce un rapport ? Étais-je visé ou était-ce autre chose ? « La sensation… » susurrai-je, à voix haute, en suivant la ligne directrice de ma réflexion. Cette sensation qui m’avait réveillé était une sensation que je connaissais. Elle n’aurait rien laissé au hasard, pas sur une émotion si vivace, sur un déchirement aussi total. L’effet de son baiser m’avait rappelé Valera Morguis, lorsque le laboratoire avait explosé. Elle, une Étoile, était venue à ma rencontre et de son baiser mon monde avait explosé. Je plissai les yeux. Ce pli ne resta qu’un temps, remplacé par le choc de la certitude. C’était une certitude folle. Je fis apparaître une arme et me l’enfonçait dans le ventre. La douleur me réveilla.

Je me téléportai, jusqu’à la tour maudite de l’Empereur Noir. Je montai les escaliers, marche après marche, dans une course qui mettait mon endurance à rude épreuve. La Crucifixion avait laissé quelques séquelles. Je me souvins de la voix d’Edelwyn, de son dernier commentaire. Trop tard. Mon pied buta contre le sol et je faillis tomber, uniquement rattrapé par mon agilité. Je pestai et repris ma course. Cyrius devait dormir, sinon, il aurait levé le sortilège.

J’ouvris la porte de sa chambre. Dans son lit, le Roi était vêtu d’un pyjama douteux et ses bras entouraient une contrebasse. L’Enfant était là, attachée au canapé qui lui servait de lit. Elle ne dormait pas et se mit à me fixer dans la pénombre, comme un prédateur aux allures de proie. Je ne relevai pas les conditions de détention de l’Oracle du Chaos. Mes jambes me portèrent jusqu’au lit du Chef d’Orchestre. Il ouvrit les yeux, me vit et lâcha l’instrument à mon profit. « Cyrius ! » m’exclamai-je. « Cyrius ! » « Hum ? Quoi ? » Il n’était pas tout à fait éveillé. « Tu dois faire évacuer Valera Morguis, tout de suite ! » « Mais… » « Tout de suite ! » Je devais ressembler à un fou, parce que ça le fit rire. N'importe qui m’aurait refusé ce qui ressemblait à un caprice, formulé dans le noir. Pourtant, il se redressa, fit la moue et acquiesça. « Allons-y. Il me tarde de réveiller Val’Aimé au beau milieu de la nuit. » Il rit, encore.  

909 mots
Fin

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L'explosion (Kaahl)

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