Partenaire : Daé Miirafae
Intrigue/Objectif : Rencontre et négociation. Typhon cherche à résoudre le problème d’absence de magie sur l’île de Sylmoé, mais il se rend vite compte que la tâche excède ses connaissances actuelles. Il fait donc appel au souverain de l’île voisine, Manalyë, dans l’espoir de former une alliance.

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Typhon et son épouse, Échidna, s’assirent tant bien que mal dans les sièges qui faisaient office de trônes. Ces structures avaient été conçues pour de royaux postérieurs de tailles humaines. Or, le couple royal était de taille surhumaine et incontestablement corpulente. Il en résultait d’un évident problème avec les accoudoirs dont l’espacement tombait dans un désagréable entre-deux. Les fesses souveraines pouvaient, presque, prendre place sur ce symbole de royauté. Surélevé les trônes par des coussins, ou même d’une planche par-dessus les accoudoirs était impensable, dû à la forme du dossier du siège. De même, retirer les accoudoirs n’était pas possible, puisqu’ils faisaient partie intégrale de la structure.

Il n’y avait d’autre choix que de fabriquer de nouveaux trônes plus adaptés. Malheureusement, les habitants de l’île ne possédaient aucun artisan compétent et l’entourage du roi ne comptait personne avec des aptitudes à travailler le bois. Il avait fallu des mois d’essais et d’erreurs pour obtenir les trônes actuels. L’agrandissement des sièges actuels était considéré, mais l’on craignait pour l’intégrité structurelle qui en résulterait. Nul ne le reprocherait aux souverains, mais ils étaient lourds, très lourds même. Il fallait à tout prix éviter la disgrâce d’un siège qui se briserait en public sous un fessier royal. Faute de pouvoir reporter le couronnement du roi et de la reine de Sylmoé, il fut décidé de se débrouiller avec ce qui était en place.

L’assemblée se tenait en silence, alors que Typhon et Échidna trouvèrent moyen de faufiler leur postérieur respectif sur leur trône. Craquements et déchirement de tissus accompagnèrent les longues minutes avant que le couple réussisse par un quelconque miracle à s’installer. Le « palais, » comme il était référé, n’était guère plus qu’une butte, deux sièges et un pare-pluie, organisés en auditorium. L’auditoire, quant à lui, se tenait en demi-cercle faisant face aux souverains, dans un espace qui avait été aménagé pour éloigner tant bien que mal la dense végétation qui recouvrait le gros de l’île.

Le supplice du ridicule ne s’arrêta pas aux trônes, puisqu’il fallut ensuite interrompre le couronnement pour aller chercher des marches-pieds. Même assis, la tête des souverains était trop haute pour les jeunes porteurs de couronnes. Et une fois lesdites couronnes installées sur la tête des dirigeants, elles étaient trop étroites pour faire plus que tenir précairement en équilibre sur le crâne des concernés. Des rires et des gloussements furent inévitables dans l’entourage du roi, mais la population de l’île, quant à elle, se garda d’un tel affront.

Le coup de grâce arriva au moment du discourt, où Typhon resta coincé dans son trône et ne put se lever. Cette fois, l’entourage ne put s’empêcher de s’esclaffer et la Échidna prit un malin plaisir à ordonner à la foule de rire à leur tour. Elle se garda évidemment de faire la moindre tentative pour sortir de son trône. La reine était bien au fait qu’elle y était encore plus coincée que son époux qui avait le mérite d’avoir un fessier masculin. Ce dernier finit d’ailleurs par se libérer par lui-même. L’histoire se souviendra ensuite comment le premier acte du souverain de l’île fut d’ordonner le démantèlement du trône d’Échidna pour libérer la reine.

Le premier jour de l’histoire de Sylmoé immortalisa bien évidemment le discourt royal, qui se voulait garant de la prospérité de l’île et d’une ère où il ferait bon vivre, mais il y fut également mention des couronnes royales qui furent perdues, et retrouvées, au moins quatre fois avant d’être consignées à la trésorerie royale (créant du coup la trésorerie royale). Ce qui s’imprégna dans l’image populaire du roi fut toutefois le report du festin de célébration au lendemain après que la nourriture proposée fut jugée « d’inacceptable » par les souverains. Ce dernier revers à la réputation du roi faillit d’ailleurs sceller son image publique.

C’est lors du deuxième jour du règne du roi Typhon que sa réputation changea du tout au tout. Le roi et son entourage permirent de chasser des proies jugées inaccessibles jusqu’alors et cueillirent des plantes qui semblaient dangereuses ou étaient qualifiés de mauvaises herbes. Puis, le roi en personne supervisa la préparation du festin. Lorsque l’heure du repas sonna, peu avant la tombée de la nuit, le roi avait trouvé le moyen de travailler, de près ou de loin, avec la majorité de la population de l’île, afin de les guider vers le premier festin de célébration de Sylmoé. La qualité du repas résultant relégua les désastres du premier jour à l’état d’anecdotes comiques et on célébra l’avènement du règne des souverains de l’abondance.

***

Quelques jours plus tard, Typhon, Échidna et leurs deux conseillers prirent place dans la « salle » de réunion pour discuter en privé des projets et des besoins de l’île. En réalité, il cette salle n’était guère plus qu’une cabane dans les arbres, assez haut placé pour que personne d’autre n’ait les capacités d’y grimper sans avoir recourt à la corde-échelle qui était remontée lors des réunions. Leur présent embonpoint ne le laissait pas paraître, mais en tant que Totem de félin, Typhon comme Échidna avait une affinité pour l’escalade. Les deux conseillers étaient les seuls natifs de l’île compétents… en quoi que ce soit, cette cabane en hauteur était tout simplement inaccessible aux autres.

Le rapport des conseillers confirma les soupçons d’Échidna. La population de l’île était d’origine magique. Malgré une population de près d’un millier d’habitants, ils n’avaient presque aucune histoire, croyances ou même les aptitudes nécessaires à prospérer. Ils survivaient par eux-mêmes, voilà tout. C’était illogique, considérant que pour atteindre une telle population naturellement, il fallait un degré de compétence et de prospérité qu’on ne retrouvait pas.

« Selon moi, c’est l’archipel tout entier qui est l’œuvre d’une puissance divine, déclara Typhon. Je me disais bien que c’était suspect être nommé roi de la sorte.
— Je vous en prie, majesté, déclara le premier conseiller, il n’y a rien de mal à être choisi par le divin pour régner sur notre humble île.
— Mais pourquoi Phœbe agirait de la sorte ? Questionna Échidna, sous-entendant une punition à son égard pour son comportement plusieurs années plus tôt, qui lui faisait toujours craindre des représailles de la déesse de la lune et de la nature.
— Nous n’avons aucune connaissance de cette Phœbe, avoua la deuxième conseillère. Les habitants de l’île colportent quelques histoires sur les esprits de la forêt et quelques bêtes plus imposantes et féroces que leurs semblables, mais sans plus.
— Effectivement, jusqu’à maintenant, les notions de divinité se limitaient à une pierre prophétique où était gravée la venue de nos souverains.
— Je n’en suis pas à ma première mésaventure avec un être supérieur en cause. Ces puissances-là, divines ou pas, se plaisent à s’amuser avec les individues et les peuples ordinaires. Je ne serais pas surpris qu’une d’entre elles soit à l’origine de l’archipel. La question, c’est de savoir si l’absence de magie est une règle du jeu ou simplement un handicap en début de partie.
— J’espère pour nous que ce n’est qu’un handicap, parce que la meute ne tiendra pas longtemps sans espoir. Les Evershas ne sont pas faits pour vivre sans magie. Nous n’avons ni technologie, ni secrets artisanaux, ni expérience commerciale.
— Malheureusement, il n’y a guère que nous pouvons vous apporter sur ces points. Nous nous sommes préparés à la réalisation de la prophétie de la pierre, mais maintenant, nous sommes vos obligés quant à notre future. »

La discussion continua pendant un temps sur les avantages et les désavantages de l’île de Sylmoé. Riche d’une végétation très dense et d’une faune abondante, cette île était parfaite pour combler les besoins primaires de ses habitants. Il y avait de la nourriture à profusion, il y avait de l’eau potable en quantité et il était facile de trouver ou de construire des abris. Au-delà de ces besoins, il faudrait défricher la terre pour cultiver ou exploiter des gisements de surface. Or, ce serait long et ardu sans outils et personne dans la meute de Gargantua n’avait la moindre expérience pertinente en ce sens.

La bonne nouvelle, c’était que l’île n’était pas particulièrement désirable. Il n’y avait pas de richesse à piller, alors il n’y avait pas un besoin militaire à court terme. L’entrainement à la chasse conféré aux habitants par les Evershas suffirait à gérer les prédateurs de l’île et cela pourrait suffire sur un temps pour sécuriser le royaume. De même, l’économie et la technologie étaient secondaires, puisqu’il y avait assez de nourriture pour tous. La religion, la culture et le moral allaient devoir être développés pour assurer une bonne cohésion sociale, mais pour l’heure, tous les regards étaient rivés sur les faits et gestes de la royauté.

Le festin de célébration avait laissé une bonne impression, mais l’on cherchait encore à déterminer l’impact du roi et de son entourage sur l’île et ses habitants. Le roi de l’abondance avait très certainement le physique de l’emploi, mais il fallait plus que de la nourriture pour assurer le bien-être de ses sujets. Cela dit, il y avait une division évidente entre la population de l’île et l’entourage des souverains, et elle n’était pas qu’une question de taille.

« Puisque la survie des habitants n’est pas un enjeu, ma priorité va au bien-être de ma meute, déclara Typhon au regret de ses conseillers. Il nous faut rétablir la magie sur cette île en priorité. Si les autres souverains des îles voisines viennent d’au-delà de l’archipel comme nous, nul doute que l’absence de magie leur est également un problème. Qui sont nos plus proches voisins ?
— Il s’agit de l’île de Manalyë, majesté.
— Alors qu’est-ce qu’on attend ? Envoyez-leur une invitation !
— Mes excuses, ma reine, mais nous ne possédons pas d’embarcations capables d’un tel périple. Ou d’embarcations tout court.
— Bordel, mais envoyer quelqu’un à la nage s’il le faut ! C’est un archipel, pas la haute mer. Je peux voir trois îles d’ici, alors débrouillez-vous.
— Si je peux me permettre, nous pourrions instaurer des concours de natation et offrir des rencontres privilégiées avec vos majestés en récompense. Ça prendra un peu de temps, mais ça nous permettra d’identifier les meilleurs nageurs de l’île et puis de développer leurs capacités. »

Faute d’une alternative plus rapide, il fut décidé de former des nageurs pour apporter l’invitation à Manalyë. Il faudrait beaucoup plus de temps et d’efforts pour concevoir une embarcation décente à partir de rien. Si cette collaboration était impossible, Typhon aurait plus à gagner à concentrer ses efforts sur le phénomène d’absence de magie, plutôt que de perdre son temps à réinventer la navigation.

1760 mots

L’arrivée impromptue de l’étranger volant ne passa pas inaperçue aux yeux des jumeaux du Totem du faucon. Bien que leur forme animale soit inaccessible dans l’archipel de Maggie, le frère et la sœur avaient l’œil pour repérer les anomalies aériennes. Il faut dire qu’ils n’avaient guère plus à faire, eux qui détestaient la baignade.

***

Pour motiver la population de l’île de Sylmoé à développer leurs talents de nageurs, les meilleurs nageurs recevaient le privilège de recevoir des leçons de natation privilégier avec le roi de l’île et son entourage. La majorité des membres de la meute d’Evershas étaient de bons nageurs, bien que seuls le tigre et le crocodile marin s’y sentent réellement à l’aise. La chatte sauvage, les renards et la couleuvre préféraient éviter ce passe-temps, mais n’éprouvaient aucune difficulté lorsque le besoin s’en faisait sentir. Ce n’était toutefois pas le cas de la hessha, dont le corps monstrueux coulait comme une brique, et des deux faucons, qui étaient d’exécrables nageurs.

Cette journée à la plage se limitait donc à Typhon et Lolong, son bras droit, dans l’eau avec les meilleurs nageurs de l’île, et le reste de la meute qui se prélassait au soleil. Ce laxisme n’aidait pas les Evershas à perdre le surpoids qu’ils avaient accumulé, mais tous n’avaient pas les capacités ou l’expérience de leur chef. Malgré son statut d’habité, l’île de Sylmoé était sauvage et dangereuse. Il était trop hasardeux pour un Eversha privé de sa magie de se risquer hors des sentiers battus, alors les expéditions se faisaient en groupe. Malheureusement pour le multitâche, les deux meilleurs chasseurs de la meute étaient présentement à l’eau et enseignaient leurs techniques de natation. Le reste de la meute n’avait donc rien de mieux à faire que de faire la sieste au soleil.

Une autre raison pourquoi Typhon avait insisté pour que la meute reste unie, était la méfiance envers les habitants de l’île. Aussi empotés fussent-ils, ces êtres étaient des centaines de fois plus nombreux que les Evershas. Autant étaient-ils prompts à servir leur roi et son entourage, autant ils pouvaient se retourner contre eux sans aucun préavis. La seule exception à ce regroupement concernait Gaïa, la hessha. Cette dernière continuait de vaquer à ses occupations en solo, sous la supervision du compagnon de Typhon, un Simurgh qui agissait à la fois comme un surveillant et un protecteur.

Outre l’apparence et l’odeur repoussante de cette monstrueuse hessha, il y avait encore du ressentiment de la meute envers l’ancienne Sorcière. Cela dit, l’isolement de Gaïa tenait plutôt à ses capacités. C’était elle qui détenait le plus vaste savoir et la plus grande maîtrise de la magie de la meute. Alors, pendant que Typhon et le reste de sa meute accaparait toute l’attention sur eux, la hessha était libre de mener ses expériences sur la nature de l’île en toute quiétude. Enfin, presque en toute quiétude. Les habitants de l’île vouaient un culte aux esprits de la forêt et plusieurs étaient d’avis que les créatures monstrueuses représentaient des incarnations de ceux-ci. Ils cherchaient donc à amadouer Gaïa afin de s’attirer les faveurs des esprits. Malheureusement pour l’ancienne Sorcière, son corps monstrueux était incapable de paroles. Sans magie, elle ne pouvait pas faire usage de ses dons de télépathes pour communiquer non plus. Ces individus se retrouvaient la plupart du temps dans ses pattes.

***

Une délégation rejoignit rapidement le nouveau venu sur l’île pour l’accueillir, pendant qu’on s’efforçait de rendre le roi et la reine présentable à la rencontre. Les vêtements d’origines des Evershas, endommagés, sales et en lambeaux, avaient été abandonnés deux jours auparavant et l’on travaillait toujours à la conception de tenus plus décente pour les souverains et leur entourage. Au grand désespoir de leurs conseillers, les Evershas avaient jugé bon de rester nu le temps que leurs nouveaux habits soient prêts. Si les changeurs de forme n’y voyaient aucun inconvénient, grâce au climat chaud et humide de l’île, la population, elle, n’avait pas pour habitude d’une absence complète de pudeur en public. Il en résultait de tout un casse-tête pour préserver la dignité des souverains.

Il faut dire que l’on ne pouvait pas simplement habiller les Evershas. Ils étaient trop grands et trop corpulents pour les tenus existants. Même Lolong, le plus petit du lot, se démarquait de la population de l’île d’une bonne tête, alors c’était peu dire des véritables géants à ses côtés. La dignité royale ne pouvait pas non plus se satisfaire de tenues rapiécées grossièrement. Il fallait un vêtement adapté. Par chance, la tenue traditionnelle de l’île était assez modeste, tenant compte de la chaleur et de l’humidité ambiante. L’on procéda donc aux derniers ajustements, masquant tant bien que mal les imperfections qui devraient être revues prochainement.

Une fois la question vestimentaire réglée, l’on convia l’invité royal. Le lieu de rencontre se trouvait plus à l’intérieur des terres. Cette mesure était prise afin d’être moins exposée au vent, qui aurait nui aux discussions. Cela dit, les infrastructures de Sylmoé étant limitées, le mieux qui fut trouvé en peu de temps fut une petite terrasse ouverte avec une série de planches verticales en guise de « toit, » ce qui permettait d’offrir un peu d’ombre aux occupants.

Typhon et son épouse, Échidna, se tenaient assis en tailleur à même le sol, au centre du groupe d’Evershas. Leurs compagnons, à l’exception de Gaïa, se tenaient à leurs côtés, formant un demi-cercle. Un espace avait été désigné à leur invité au centre de la formation en demi-cercle, de sorte à être à la même distance de tous les membres présents. La meute était particulièrement imposante, avec une taille moyenne dépassant les deux mètres et un poids dépassant les 100 kilos. La démarcation était telle entre les habitants natifs de l’île et des Evershas qu’un coup d’œil suffisait à les distinguer.

« Majestés, je vous présente Daé, le représentant de l’île de Manalyë. Veuillez pardonner l’absence de victuailles, nous nous attelons à la tâche.
— Ah ! S’il avait voulu un accueil formel, Daé aurait annoncé sa venue, annonça Échidna.
— Mais préparez quand même un festin en son honneur, déclara Typhon sans faire d’effort pour masquer sa gourmandise. Bienvenu sur Sylmoé Daé ! »

Les deux conseillers prirent congé de l’assemblé pour aller diriger la préparation du festin réclamer par leur souverain. La préparation impromptue de ce genre de repas allait nécessiter une organisation et un savoir-faire qui dépassaient les talents des serviteurs royaux, alors la présence et la pleine attention des conseillers étaient requises.

« L’étiquette n’est pas mon truc, alors je vais être bref. Je veux faire alliance pour établir la magie sur nos îles. Ne le prends pas mal, mais tu es trop maladroit pour être né avec ces ailes. Je devine donc que tu ne viens pas de l’archipel et que tu as toi aussi été choisi pour devenir roi.
— Si tu continus as replier tes ailes dans ton dos avec autant de force, tu vas être tout engourdi ! Détend-toi, je vais t’aider… »

Une femme de grande taille, légèrement bedonnante, se leva d’un bond et n’hésita pas à manipuler les ailes de l’invité pour l’aider à adopter une posture plus appropriée à sa physionomie. D’une main sûre et agile, elle déplia légèrement les ailes de sorte qu’elles ne soient plus coincées et restreintes dans une vaine tentative d’éloigner ces appendices dorsaux des bras.

« Voilà ! Ne pense pas à une cape qui vole au vent, mais à un manteau qui t’enveloppe… Non, non, un peu mieux… Oui. Ah ! Une plume cassée. Mais c’est la pagaille là-dedans !!!
— Mivago ! Un peu de retenue, quand même, c’est un roi ! Eh… Tu es bien roi de Manalyë, Daé ?
— Ce n’est pas une raison pour maltraiter de si jolies ailes !!! Mais rah, tu ne fais pas ton lissage ou quoi ! Rohk vient m’aider, c’est un cas d’urgence… Aille, aille, aille ! Pas par les cheveux Échidna !
— Rohk, tu restes assis. Mivago, tu viens avec moi et…
— Liberté !!! »

La femme dénommée Mivago s’en alla enlacer Daé pour empêcher la co-cheffe de la meute d’à nouveau trainer de force la fauconne. Ça n’empêcha pas la chatte de tirer la fautrice de trouble avec force et Daé se retrouva pris entre les deux géantes. Mivago, du haut de ses deux mètres et de ses 110 kilos, ne faisait pas le poids face à Échidna et ses 2 m 20 et ses 160 kilos, mais elle était bien plus agile et se servait de Daé comme d’un bouclier vivant. L’attention d’Échidna n’étant plus sur lui, le frère jumeau de Mivago eut tôt fait de rejoindre la mêlée pour aider sa sœur, mais même à deux contre un, les jumeaux furent surpassés en force et éventuellement ramener à l’ordre.

« Prendras-tu quelque chose à boire ? proposa Typhon à son invité, visiblement indifférent au comportement de ses compagnons. Nous n’avons pas d’alcool, mais j’ai quelques tisanes sauvages à notre disposition. Échidna, une infusion à la menthe ? »

La chatte répondit par un grognement affirmatif, alors qu’elle traina de force les faucons jusqu’à leur place. L’aîné du groupe se leva pour aller préparer les breuvages demandés, ramassant au passage ce qui semblait être de la monnaie de la part des deux autres hommes de la meute. Ceux-ci avaient visiblement parié sur les jumeaux, et perdu. Le vieillard partagea ensuite ses gains avec une autre femme, le dernier membre de la meute présent. Typhon profita du retour, momentané, du calme pour annoncer son hypothèse.

« Selon moi, l’archipel de Maggie est la création récente d’une entité supérieure. Dans tous les cas, je ne crois pas que la magie y est proscrite. Elle est… absente. J’ignore la raison d’être de cet archipel, mais je crois qu’elle a volontairement été créée sans magie et qu’il est possible de l’y introduire. »

1637 mots
2e message

La demande du nom de Typhon de la part de Daé toucha visiblement une corde sensible et fut marquée d’un évident moment d’hésitation. Moment passager, le chef de meute et roi de Sylmoé fut prompt à se ressaisir et en profiter pour s’excuser de ce manque de manière. L’étiquette royale, c’était trop demandé, mais les Evershas n’étaient pas exemptés d’un certain savoir-vivre quant aux présentations.

«  Toutes mes excuses, avoua Typhon en serrant vigoureusement, mais pas trop, la main de son interlocuteur. Je suis Typhon, voici mon épouse, Échidna et je te présente le reste de ma meute. Il y a Ladon, notre doyen, Lolong, mon bras droit, Renart et Herméline. Viennent ensuite Mivago et Rohk, que tu as pu observer de près et qui sont les cadets de la meute. Il y a finalement Gaïa qui est absente.  »

Il y eut alors un bref échange entre le roi et la reine de l’île sur la nécessiter de revoir l’affirmation qu’un roi n’avait pas à se présenter. Ce à quoi la concernée répliqua qu’elle avait dit que le roi ne se présentait pas lui-même, que c’était fait par des serviteurs. Elle se permit de préciser que la présentation devait quand même se faire. Le couple n’avait juste pas encore eu le temps de préparer quiconque pour occuper cette responsabilité. L’échange fut vite conclu par un soupir et une plainte sur la complexité des positions royales.

***

Au terme du repas, où les souverains de l’île engloutirent une quantité faramineuse de nourriture, le reste de la meute laissa Typhon et Échidna seuls avec leur invité. Ce comportement atypique pour une personnalité royale était toutefois en accordance avec la coutume eversha. Si un chef de meute ne pouvait pas défendre sa position au premier venu, alors il n’était pas digne d’être chef. Il n’était donc pas rare que les dirigeants evershas prennent des risques, parfois inconsidérés, juste pour démontrer publiquement leur confiance en leurs capacités. Typhon ne faisait pas exception, bien qu’Échidna, adoptait un peu plus de prudence dans son positionnement et ses gestes.

«  Comme tu as certainement pu le remarquer, nous ne sommes pas les individus les plus érudits que tu puisses rencontrer, précisa Échidna en remarquant le cahier de notes de Daé. Les Evershas n’ont pas une culture littéraire particulièrement développée, alors le gros de leur… notre savoir est composé de traditions orales et d’expériences personnelles.
— Ce qu’on cherche n’est vraisemblablement pas écrit dans les livres. Il y a peu de chance que ce soit un handicap, répliqua Typhon à la mise en garde de son épouse. Par contre, si tu as l’habitude des bibliothèques, Daé, ce serait un atout pour nous.  »

Ajustant ses vêtements ainsi que sa posture pour être plus confortable, Typhon se permit un moment pour observer attentivement son interlocuteur. Échidna fit signe à Daé de patienter pour éviter de troubler le silence du moment. Elle fit comprendre au représentant de l’île de Manalyë que Typhon avait besoin d’une certaine concentration pour l’exercice qu’il effectuait.

«  Argent et… bleu ? Intéressant.  »

Typhon répéta alors le même exercice d’observation vis-à-vis de son épouse, qui lui offrit une grimace en retour avant de reprendre du sérieux. Peu après le chef de meute commenta la couleur argent qu’il observa.

«  Ce sont nos auras magiques. Je crois que les érudits les appels les formes de magie. Il y a plusieurs années, j’ai appris à entrevoir les auras au repos. Ces auras sont beaucoup plus perceptibles lorsqu'on puise dans sa magie pour produire un effet magique, mais la démonstration est impossible dans l’archipel de Maggie.  

Échidna et moi-même sommes evershas. Nos auras sont uniquement colorées d’argent, alors que pour toi, je décèle un mélange d’argent et une sorte de bleu que je n’avais encore jamais rencontrée. Mais ce n’est pas ce qui importe. En temps normal, il me suffit d’un instant pour entrevoir les auras d’une personne. Mais l’absence de magie dans l’archipel fait en sorte que nos corps se… vident de leur magie.  »

Le roi de Sylmoé expliqua que, selon lui, la magie était similaire à la respiration. Elle était « inspirée » par le corps dans sa forme brute. Par la suite, la magie était assimilée au corps, où elle obtenait des caractéristiques propres à la personne. C’est-à-dire, que la magie brute absorbée devenait teintée de couleurs et pouvait être utilisée pour accomplir des prouesses magiques. L’aura y était alors clairement distinguable par la plupart des pratiquants de la magie. Les capacités d’observation de Typhon, issues de son parcourt en tant que chasseur, lui permettait d’entrevoir la magie qui s’échappait passivement du corps, possédant les mêmes caractéristiques.

«  Nos corps sont conçus pour continuellement inspirer et expirer de l’air et je crois que c’est le même principe pour la magie. Ce qui m’emmène à l’anti-magie. Je ne sais pas pour toi, mais moi j’y ai passé plusieurs mois. Donc, d’un, le désert sans magie, c’est chiant. Mais surtout, je n’y ai pas constaté une « perte » de magie comme je la constate dans ce lieu.

L’anti-magie humaine bloque la capacité du corps à produire un effet magique, mais elle ne l’empêche pas d’être « inspirée » et « expirée » par le corps. Ce faisant, bien qu’il y eût un groupe d’ambassadeurs evershas avec moi, nos auras magiques ne se sont jamais taries. Et pour prouver mon point, j’ai été personnellement témoin de l’utilisation de pouvoirs magiques d’un Ange alors qu’il était pourtant entouré d’Humains.  »

Typhon choisit de s’arrêter là en guise de clôture pour sa compréhension présente du phénomène de l’archipel de Maggie. Une chose était certaine, il y avait un phénomène qui bloquait les manifestations magiques, non sans rappeler l’anti-magie, mais le chef de meute était persuadé que le problème était de nature inverse. Si le problème se trouvait en amont, plutôt qu’en aval, alors il « suffisait » d’introduire la magie dans l’archipel, ou minimalement dans l’île, pour retrouver l’accès à ses pouvoirs magiques.

«  Voilà où nous en sommes du côté de Sylmoé. Évidemment, si tu as ta propre idée ou des connaissances qui divergent des miennes, je suis tout ouï !  »

1008 mots
3e message

La mention d’Amestris fit sursauter Échidna. Un accès à la capitale des Sorciers n’était pas donné au hasard et le savoir qu’elle renfermait était encore plus restreint. La sang-mêlée était bien au fait de ces restrictions, car elle aurait été promue à y étudier si l’ascendance de son géniteur eversha n’avait pas pris le dessus sur sa mère sorcière. C’est d’ailleurs le plus grand tort qu’Échidna causa à Gaïa quand elle la transforma en monstre Hessha, coupant les liens entre la Sorcière et son peuple et privant celle-ci de la finalité de ses recherches.

«  Qui es-tu ? demanda froidement Échidna. L’Université d’Asresh, si c’est bien ce à quoi tu fais référence, est exclusif aux Sorciers. J’y ai été refusé quand il a été découvert que j’étais plus Eversha que Sorcière. Pourtant, mon mâle a décelé en toi des formes de magie qui n’ont rien à voir aux Sorciers. Je veux bien que l’archipel nous prive de magie et tarisse nos auras, mais mon ventre-sur-pattes d’époux ne se trompe pas souvent quand il est question de magie.  »

La wynmeris se leva pour s’approcher de Daé, dominant celui-ci de sa taille et de son poids. Du haut de ses 2 m 20 et de ses 160 kilos, Échidna était doté d’un physique des plus intimidant. Elle fut toutefois brutalement tirée vers l’arrière et forcée à se rasseoir, ce qui engendra un choc suffisant pour faire trembler la cabane et même l’arbre auquel la structure était solidement attachée.

«  Pour la deuxième fois, je t’offre mes excuses, annonça Typhon en serrant fermement l’épaule de son épouse. Tu as touché une corde sensible pour Échidna. Très proche de Gaïa, sa mère, mon épouse a refoulé son Totem dès son plus jeune âge, cherchant à se faire passer pour une Sorcière. Évidemment, le subterfuge a vite été percé à jour. Sous la colère, la déception et la honte, Échidna a transformé en monstres sa mère et les fidèles d’Asresh qui l’accompagnaient.
— Tu peux prendre les Evershas pour des sauvages, Daé, on s’en fout. Mais ne va pas t’imaginer qu’on est stupide ou illettré pour autant. Approche instinctive ? Et puis quoi encore ! Crois-tu vraiment qu’on va se mettre à quatre pattes et flairer la magie ? Eh bah… peut-être en fait… Mais je te garantis que tu vas avoir le nez dans la merde toi aussi si c’est ce qu’il faut !
— Ce que cherche à dire Échidna, c’est que l’alliance que je propose sous-entend que nous œuvrons ensemble. Le problème de ta suggestion, c’est que nous pouvons individuellement passer une vie dans les livres ou sur le terrain sans jamais trouver ce que l’on cherche. Quand j’ai dit que ta connaissance des bibliothèques serait un atout, j’entends par là que tu dois connaître les meilleures bibliothèques où trouver des pistes du savoir qui aiguillera nos recherches.
— C’est ta compréhension du monde qui influence comment tu perçois une information. Et c’est sans parler de l’influence des Dieux et des croyances. Mais au-delà des belles paroles, mon mâle à lu des dizaines d’ouvrages culinaires. Ça peut paraître anodin, mais quand tu sais qu’il a voyagé par le monde et chassé dans une multitude de pays, d’îles et de continents. Il lui suffit d’un met local, de quelques ingrédients et il est capable d’estimer l’emplacement du lieu en question, même si la référence est désuète. Ajoute une description sommaire du paysage et il te pointe le lieu sur une carte !
— Échidna s’inspirait des rites et légendes maléfiques pour terroriser les meutes et les esclavagistes qui cherchaient à la capturer. Elle a beaucoup lu sur comment les faits pouvaient être détournés et tordus pour en arriver au statut de légende populaire. Elle est devenue douée pour démêler les faits populaires des faits réels.
— Pour ce que ça vaut, les Evershas sont trop curieux pour leur propre bien… mais les marins, eux, eh, eh, eh ! Et n’oublions pas que maman était une habituée de l’Université d’Asresh et des bibliothèques d’Amestris. Elle était un apôtre obscur quand même !  »

Typhon se doutait que les « entrées à Amestris » de Daé devaient lui être propres ou nécessitaient un subterfuge particulier, alors il ne chercha pas à s’inviter dans la ville surnommée La Vorace. Cela dit, il proposa à son inviter d’y quérir des livres ou des informations qui pourraient être partagées au groupe. De son côté, le chef de meute avait toujours un contact à l’Antre des damnés qui n’hésiterait pas à rendre service afin que Typhon lui soit à nouveau redevable. Ce Démon avait beaucoup d’influence et serait probablement capable d’obtenir plusieurs ouvrages anciens.

«  Je crois que rassembler des informations sur les origines de la magie est une bonne première étape du projet. Ainsi nous pourrons entreprendre la suite sur un pied d’égalité. En revanche, pour la suite des choses, il va nous falloir penser à comment acquérir des outils capables de lire, de mesurer et de stocker la magie. Il est essentiel qu’on puisse comparer objectivement nos découvertes.

De mon côté, j’ai beau être roi, je ne suis pas riche. Or, il va nous falloir un équipement assez couteux. Je peux toujours demander à mon maître de nous financer, mais j’aurai un lourd fardeau à porter… Si tu as des suggestions, Daé, je suis tout ouïe.  »

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