Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Pen'Garleon s'acclimate à sa nouvelle condition

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Brizania rentra au bercail. La Démone n'avait plus compté les jours depuis son départ de Kāma. Ce royaume ne lui allait pas, seule l'écrasante emprise de son père l'avait faite rester aussi longtemps. Pour ce qui était de gérer sa descendance, il était un incroyable gérant, tâtillons sur le moindre détail gênant. À force de voir passer et repartir les fils et filles – et autres monstruosités indescriptibles – Deiddrenth, Brizania avait fini par comprendre le manège du grand Neorim. Il était un stratège, un homme avec une haute estime de son sang et de sa semence, prêt à tout pour laisser une marque indélébile sur le monde. Puisque l'éternité lui échappait, miser sur la famille demeurait sa seule solution. Certains l'élevaient en égérie, tel le gourou d'une secte, tandis que d'autres le répugnaient, et s'en allaient. Brizania, elle, se situait entre les deux : elle faisait partie des rares lucides capables d'utiliser à bon escient ses liens avec lui. Généralement, ces élus s'évitaient, afin de respecter le pacte tacite : on ne se liguait pas contre le père sous l'Œil en personne. Il fallait être plus malin.

Et justement, son retour au manoir n'était pas anodin. Il y avait un nouveau venu dans la sphère familiale. Lorsque la Démone entendit les premiers on-dit à son sujet, elle peina à y croire de ses propres oreilles. Les petits Réprouvés abandonnés étaient communs chez Neorim, ils finissaient la plupart du temps par ne pas répondre à ses critères ; et mourraient. Mais celui-là, il se remarquait par deux faits : il était encore vivant et avait obtenu sa place au manoir. Il n'était plus un Réprouvé, rien que ce détail la fit tiquer. Elle devait le voir de ses propres yeux afin d'évaluer la bestiole. Décider de son sort au passage.

Son avancée résonna dans le grand hall. Impossible de manquer cette sorte d'anomalie à l'aura étrange, cette espèce d'énergumène à l'allure fière, décontractée. Il était indéniablement un diable. D'ici, Brizania pouvait sentir son odeur, acre et démoniaque. Et puis ce regard… Il se concentrait longuement sur un bouquin, intitulé "le Voleur de Visages". Même lorsqu'elle arriva à sa hauteur, il ne daigna pas détourner son attention des lignes. Elle était brave, elle était inratable. Pourquoi ce petit merdeux l'ignorait ? D'ailleurs… il était censé être vieux.

Sans plus attendre, elle agrippa l'ouvrage et le balança à l'autre bout de la pièce. Les Démons ne se formalisaient pas de politesse, il fallait lui inculquer la vie rude.

" Tu es Pendrake Hrafninn ? "

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le concerné leva les yeux jusqu'à son visage. Il admira une poignée de secondes ses cornes imposantes. Point l'air intimidé, le garnement lui sourit comme un gosse.

" Eh non ! Je suis Pen'Garleon Deiddrenth. Il resta dans le fauteuil et parut encore plus à l'aise. Tu peux aussi m'appeler Penpen, ce n'est pas réservé qu'à la baise. "

Il la dégoûtait. Non pas pour son comportement de lubrique qui s'accordait avec leur royaume de résidence, mais plutôt par la dissonance entre son apparence et ses mots. Brizania détestait ces tours de passe-passe, ces faux visages, ces faux traits. Elle préférait les craqueler de ses propres mains pour en retirer toute la pourriture.

" Penpen. Cela avait l'avantage d'être facile à retenir. Tu n'as pas le visage de Baran, pourquoi ces rumeurs ? " Il rit.

" Baran n'est plus tout jeune pourtant. C'est un peu compliqué à expliquer. Il se gratta le cuir chevelu, une longue tignasse reposait sur son épaule. Disons que j'ai fait le con et que j'ai bu une potion aux effets incontrôlables. Je rajeunis parfois, durant quelques temps ou non, avant de grandir très vite. Moi et la magie, ça n'a jamais été une belle histoire. Il bondit, se souvenant d'un fait remarquable. Ah oui, parce que c'est moi qui ai fabriqué la potion ! Pour ça que c'est raté. "

Personne ne lui avait confié un phénomène aussi important. Devrait-elle attendre qu'il reprît son apparence d'origine ou forcer l'effet ? À bien y réfléchir, cela valait mieux pour Pen'Garleon de ne point trop imiter le Roi des Démons, surtout parmi ses détracteurs.

" Neorim m'a parlé de toi. Même parmi les descendants, on nommait souvent le géniteur par son prénom. Brizania, je présume ? Elle grogna, il le prit à la positive. Tu sais, j'avais une sœur comme toi avant. Plus petite, plus jolie aussi, les mêmes crocs. Une sympathique Réprouvée de Scepte'. "

" Qu'est-ce que j'en ai à faire ? " Il haussa les épaules, désinvolte.

" Plus grand-chose pour être franc, puisque je l'ai tuée. "

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Geilsi n'en croyait pas ses yeux. Du fait de l'obscurité ambiante – et de ce satané brouillard – la Réprouvée se méfiait de n'importe quel passant. D'autant plus, si proche du port. Elle se souvint de l'arrivée du Léviathan, de la première ancre jetée à la Perle du continent : Sceptelinôst. Les gangs primordiaux se démenaient déjà assez contre les rivaux étrangers, luttant sans cesse contre l'invasion de ces nuisibles au sein de la pègre. Parmi les Drem, Pendrake Hrafninn fut l'un des plus fervents conservateurs. On racontait qu'il avait monté sa propre bande en ce but ; mais depuis que la Dovahkiin accostât sur leurs terres, les préoccupations locales ne se tournèrent même plus vers les rats. Ces derniers avaient disparu, tout comme le fameux Drem et son soi-disant gang d'ailleurs. Seule la survie comptait, se plier aux macabres us des pirates. C'était comme si Sceptelinôst perdait de sa lueur… ou retrouvait son véritable visage, finalement. Avec une telle pression environnante, les allochtones se volatilisaient.

Mais se convaincre que les morts revenaient à la Laas (Vie) la dépassait. Certes, il y avait eu cet étrange phénomène avec les suceurs de sang il y a quelques temps. Mais Pendrake n'était pas un suceur ; jusqu'à preuve du contraire.

" Geilsi, bon retour à la maison. "

La Réprouvée garda ses distances. Il était comme avant, peut-être un peu plus charmeur, mais ce critère, elle s'en carrait les ovaires. Ce qui l'intriguait était son attitude : ainsi posté sur la terrasse frontale, c'était comme si l'orphelin reprenait sa blouse de barbier, dans sa main gauche pendait un rasoir tout propre. En effet, le Réprouvé n'était pas le fils biologique des Hrafninn, il n'avait jamais été considéré ainsi d'ailleurs. Ses parents lui avaient raconté qu'il avait été laissé là, sur le pas de leur porte, sans instruction, sans âme. À l'époque, Geilsi était trop petite pour s'en souvenir. Il n'avait pas eu la vie aisée avec ses géniteurs, mais personne ne pouvait admettre le contraire en cette cité. Lasse de ses pouilleux de parents, la Réprouvée avait pris le premier navire en direction de Gona'Halv lorsque l'île fut à peine foulée par l'armée, afin de s'y terrer pour toujours. Avec le bordel récent de Stenfek, Geilsi avait décidé de revenir auprès de ses parents. Elle était vieille maintenant, ces croulants d'autant plus.

" C'est quoi ce sourire à la con ? Elle lâcha son paquetage, toujours sur ses gardes. Tout le monde dit que t'es mort, ta demeure est occupée par des ivrognes ! "

Le "Réprouvé" leva la tête, intrigué.

" Oh ! Popon (Papa) appelle ! "

Sans l'attendre, il s'engouffra dans la bâtisse. Pourtant, d'ici, Geilsi pouvait deviner que toutes les lumières étaient éteintes.

Le silence lui hérissa le poil. Son sang ne pouvait être glacé du fait de la renaissance de Sceptelinôst. Tout ce qui la perturbait présentement, c'était bel et bien la désinvolture du Hrafninn. Devrait-elle ramener des renforts au cas où ? Non, le Choucas était un couard : au moindre danger, il prendrait ses distances. Avec sa grande hache, elle trouvera le moyen d'au moins l'immobiliser ; au pire, il mourra de sa propre bêtise.

La guerrière franchit le pas de la porte, coulissant le battant avec l'apex de son arme. Il faisait aussi sombre que froid, ce qui ne faisait pas parti de l'habitude de la maison. En pénétrant chez les Hrafninn, le salon de barbier se dressait, pas au point d'être miteux mais loin des standards habituels. Ici, on se contentait souvent de couper à la va-vite les loups de mer, tandis que quelques clients plus huppés allongeaient les fins de mois. Cette fois, ce n'était pas son père aux commandes : il était aux mains de Pendrake. De dos, Geilsi ne parvenait à capter l'attention de son géniteur, celui-ci silencieux. Seul la coupe du rasoir se fit entendre. Strident, de plus en plus fort. Plus elle se rapprochait, plus elle commençait à penser que la lame rasait trop près.

" Aaah… Pour un barbier, tu fais peine à voir. Comment voulais-tu attirer du monde avec une telle barbiche ? "

Le Drem se releva en direction de la soldate, encore avenant, propre sur lui. Il avait grandi et lui inspirait autant de crainte que d'intérêt.

" Tu ne vas pas le reconnaître, il est métamorphosé. "

Sans la quitter des yeux, il fit tourner le siège et ce que redoutait la Réprouvée s'opéra. Le visage du paternel était défiguré, les coups de lame ayant aller chercher en profondeur l'os pour le rendre apparent. Un œil pendouillait mollement, l'autre disparu au profit d'un trou béant. Pour ce qui était de la barbe, la mâchoire fut taillée de sorte à le faire ressembler à un monstre. Les lambeaux de chair encore en place lui firent croire à un Démon.

De vives insultes en Zul'Dov tonnèrent de sa bouche, avant d'appeler sa mère.

" Momon (Maman) ? Elle est là. Il désigna une commode au fond de la pièce ; du sang s'écoulait d'une forme indéfinie reposant sur le meuble. Puis là. De la pointe du rasoir ensanglanté, il lui fit remarquer des intestins pendant au plafond. Et là aussi… Je n'ai pas fini de ranger. Il rit, jovial. Je vais la ramener chez moi, elle est plus fraîche que Popon. Elle pourra encore servir. "

Au même instant où Geilsi saisit le manche de son arme des deux mains, une lueur écarlate gagna en intensité dans l'un des yeux du véritable Démon. Son instinct l'empêcha d'avancer tête baissée, alors que son sang bouillait de rage. Le masque tombait : cet homme n'était pas – plus – Pendrake Hrafninn.

" Quant à toi… Il se redressa et renversa le siège où reposait le cadavre. Et si on jouait une dernière fois, en souvenir du bon vieux temps ? " Il avait toujours été mauvais perdant.

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